Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 28 juin 2006 à 15h00
Règlement définitif du budget de 2005 — Débat sur l'exécution des crédits de l'écologie et du développement durable

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 2005 présente une particularité dans la mesure où cet exercice a précédé la mise en oeuvre complète de la LOLF. Les crédits relevant alors du ministère de l'écologie et du développement durable excèdent ainsi ceux qui sont aujourd'hui rattachés à la mission « Écologie et développement durable », puisqu'ils comprenaient également ceux qui figurent désormais dans le programme « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

L'analyse de l'exécution 2005 apporte toutefois de nombreuses informations intéressantes, qui prennent tout leur sens avec la mise en oeuvre de la LOLF.

Je voudrais faire cinq observations et en profiter pour vous poser des questions, madame la ministre.

Tout d'abord, l'analyse de l'exécution amène à s'interroger sur la sincérité de la loi de finances initiale pour 2005. Notre collègue Fabienne Keller l'avait relevé dans son rapport spécial, les données d'exécution le confirment : les reports de la gestion 2004 vers la gestion 2005 ont été considérables. On avait dit à l'époque que la loi de finances rectificative pour 2004 était aussi la loi de finances rectificative pour 2005. Ces reports se sont élevés à 188, 1 millions d'euros, soit l'équivalent de 22, 8 % des crédits initiaux.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, votre prédécesseur, M. Serge Lepeltier, avait en effet annoncé que des crédits seraient inscrits en loi de finances rectificative pour 2004 afin de compléter les moyens prévus en loi de finances initiale pour 2005, dont 130 millions d'euros pour abonder les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.

Si le financement des établissements publics sous tutelle du ministère, et tout particulièrement de l'ADEME, a donné lieu à des « acrobaties budgétaires » en 2004 et 2005, on doit toutefois relever qu'une solution a été trouvée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, par le biais de l'affectation du produit de certaines taxes.

Ainsi, en 2006, les nouvelles recettes fiscales affectées aux établissements publics sous tutelle devraient atteindre 216 millions d'euros, soit l'équivalent de 35 % des crédits de la mission « Écologie et développement durable ».

Cette solution, qui apparaît comme une opération de débudgétisation, est toutefois plus conforme à la sincérité budgétaire que les arrangements retenus en 2004 et 2005.

Ma deuxième remarque porte sur les conditions d'exécution du budget et sur leurs conséquences. En effet, la gestion a été perturbée par les mesures de régulation budgétaire prises au cours de l'exercice.

Outre les difficultés générales de gestion induites par les mesures de gel et d'annulation de crédits, vos services nous ont indiqué qu'il était « difficile d'estimer les insuffisances liées aux mesures de régulation des dotations du ministère au regard de ses besoins », mais que ces mesures de régulation budgétaire s'étaient, pour partie, traduites par des reports de charges sur les exercices à venir.

Notre collègue Fabienne Keller avait noté dans son rapport spécial sur les crédits de 2006 que la mission « Écologie et développement durable » était confrontée à un équilibre difficile entre le paiement des dettes et le lancement d'opérations nouvelles.

D'après les éléments transmis par vos services, la « dette » du ministère était évaluée à près de 480 millions d'euros au 31 décembre 2004. En revanche, nous n'avons qu'une vision très imprécise de l'état des dettes du ministère au 31 décembre 2005.

Je souhaite donc - et ce sera ma première question, madame la ministre -, que vous fassiez un point précis sur l'état réel des dettes de votre ministère à cette date, afin de mieux mesurer les marges de manoeuvre dont vous disposez. Je souhaite bien évidemment que vous nous indiquiez quelles conséquences vous tirez de cette situation.

Vous savez de surcroît que le Gouvernement doit, en application de la LOLF, arrêter un bilan d'ouverture au 1er janvier 2006. Il est très important que ces dettes ne soient en aucune façon sous-estimées.

Ma troisième remarque porte sur les expérimentations de réorganisation des services déconcentrés menées en 2005.

En effet, plusieurs expériences de rapprochement entre les directions régionales de l'environnement, les DIREN, et les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, ont été lancées.

Les premiers retours sur ces expériences se révélant positifs, ils doivent conduire à envisager des regroupements. L'expérimentation devant s'achever le 30 juin 2006, je souhaite connaître - ce sera ma deuxième question - vos intentions, madame la ministre : comptez-vous avancer vers une fusion des DRIRE et des DIREN ? À quelle échéance ? Quelle économie pourrait-on attendre d'une telle réforme ?

Ma quatrième remarque porte sur la mise en oeuvre de la LOLF et sur les interrogations qui en découlent s'agissant de la structure de votre ministère.

La mise en oeuvre de la LOLF s'est traduite par la mise en place d'une mission « Écologie et développement durable » composée de trois programmes : « Prévention des risques et lutte contre les pollutions », « Gestion des milieux et biodiversité », « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable ».

La politique de l'eau est répartie entre les deux programmes de politiques : « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » et « Gestion des milieux et biodiversité ».

Les auditions auxquelles avait procédé notre collègue Fabienne Keller dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 ont fait apparaître que les responsables de programme de cette mission avaient tendance à raisonner comme des directeurs d'une administration centrale, et ainsi à séparer les actions relevant de la direction de l'eau de celles qui dépendent de leur propre direction.

Cela conduit à s'interroger - c'est ma troisième question - sur la manière de conduire l'exécution des programmes : envisage-t-on de ne pas faire jouer la fongibilité au sein des programmes entre les actions relevant de la direction de l'eau et celles qui dépendent des autres directions ?

La commission des finances juge que l'absence d'un programme « Eau » au sein de la mission « Écologie et développement durable » ne doit pas conduire à un jeu de renvoi des responsabilités administratives et estime qu'une réorganisation de la direction de l'eau en fonction des programmes définis actuellement devrait être étudiée.

Cette réflexion apparaît d'autant plus nécessaire que la création de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, prévue par le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques actuellement en cours de navette parlementaire, entraînera le transfert de la majorité des crédits gérés par la direction de l'eau vers ce nouvel établissement.

Je souhaite donc connaître, madame la ministre, l'état de vos réflexions en la matière.

Ma dernière remarque concerne les enjeux liés à l'application du droit communautaire, particulièrement présent dans le domaine de l'environnement, puisque 85 % de notre droit national en découle.

Notre collègue Fabienne Keller a récemment rendu public un rapport sur ce sujet, dans lequel elle demandait un changement de méthode.

Elle relevait que, faute d'appliquer correctement le droit communautaire de l'environnement, la France s'expose à de fortes pénalités financières. En effet, la pression qui s'exerce sur les États membres s'est récemment accrue, du fait de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la nouvelle doctrine de la Commission européenne en matière de suivi des manquements des États membres à leurs obligations. Le risque financier est ainsi compris entre 109 millions d'euros et 1, 2 milliard d'euros pour les seules condamnations forfaitaires, au titre de dix affaires environnementales litigieuses.

Cette situation, qui entame la crédibilité de la France sur la scène européenne et votre propre parole, madame la ministre, découle de trois problèmes principaux : une mauvaise appréhension des enjeux lors de l'élaboration de la législation communautaire ; d'insatisfaisantes modalités de transposition des directives, même si des efforts ont récemment été réalisés dans ce domaine, notamment grâce à la mise en place d'une « task force juridique » au sein de votre ministère ; enfin, un pilotage insuffisant lors de l'application des mesures.

Notre collègue Fabienne Keller a ainsi formulé onze propositions, afin de relever le défi de l'application du droit communautaire. Elle insistait notamment sur la nécessité de sensibiliser davantage les agents publics à l'importance du droit communautaire, de développer l'évaluation - en particulier les études d'impact - et de faire coïncider le temps national avec les exigences communautaires, en se saisissant plus en amont des projets de textes communautaires et en adaptant les modalités de transposition des directives. Elle recommandait également de conforter la place du Parlement national au sein du processus de décision, de renforcer les relations entre le Parlement national, le Gouvernement et le Parlement européen et de mieux associer les collectivités territoriales. Enfin, elle soulignait le besoin d'une coordination interministérielle accrue et demandait une simplification de l'organisation des polices de l'environnement.

Pouvez-vous nous dire, et ce sera là ma dernière question, madame la ministre, quelles suites vous comptez donner au rapport de notre collègue Fabienne Keller ?

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