Compte tenu de l'organisation de nos travaux, nous en revenons au sujet qui nous a occupés au début de la discussion. C'est la règle du jeu, mais c'est dommage !
Cet amendement aborde de front la cause majeure de la perte de pouvoir d'achat des salariés, c'est-à-dire la baisse des salaires. Bien évidemment, il ne s'agit pas de la baisse du salaire horaire nominal, mais de la vraie baisse, celle qui résulte de la durée du temps de travail, celle qui affecte un nombre désormais important de salariés, dans des proportions parfois considérables, sans qu'aucun accord ait jamais été signé pour cela.
Cette baisse est due au développement exponentiel de la précarité, des contrats à durée déterminée, des missions d'intérim, du temps partiel subi. Plus des deux tiers des embauches se font aujourd'hui en CDD.
La part des salariés ne travaillant pas à temps complet et de ceux qui alternent les contrats précaires est passée de 17 % à 31 % en 25 ans.
Selon le rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, en novembre 2006, la durée de travail des 10 % de salariés ayant les revenus les plus bas est plus de trois fois inférieure à celle des autres salariés. Ils n'ont été en moyenne, en situation d'emploi, que treize semaines dans l'année contre cinquante et une semaines pour les autres salariés.
Ces chiffres officiels et irréfutables nous montrent la réalité de la durée du travail et plus encore des conditions de vie des personnes qui affrontent l'incertitude constante du lendemain et les difficultés budgétaires quotidiennes.
Je puis vous affirmer que nombre d'entre elles souhaiteraient avoir un CDI à temps complet et pouvoir bénéficier des 35 heures. Cela augmenterait considérablement leurs revenus.
C'est par là qu'un projet de loi soucieux d'efficacité économique et sociale devrait commencer. Comment réduire le nombre des contrats précaires, donc inciter les employeurs à cesser de faire tourner les salariés précarisés sur les mêmes postes, par exemple ?
Comme votre précédent projet de loi sur le pouvoir d'achat, ce texte ne concerne, au mieux, que le pouvoir d'achat de salariés qui ont déjà un emploi, et de préférence à temps complet. On doit certes fustiger la stagnation des salaires, mais ce n'est pas là que se situe la plus grande urgence.
L'utilisation du terme « pouvoir d'achat » est donc selon nous abusive. Pour la énième fois depuis 2002, vous ne nous présentez qu'un texte de « détricotage » de la loi relative à la réduction du temps de travail. Votre objectif final, que les syndicats refusent d'avaliser, est la suppression de la durée légale du travail.
Comme vous ne pouvez y parvenir ni par un accord interprofessionnel ni par un projet de loi qui ferait quelque bruit, surtout avant les élections municipales, vous bricolez une série de pseudo-projets tous censés améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Après les élections municipales, viendra le temps de nous présenter un texte un peu plus musclé. Cela aura l'air d'autant plus naturel que vous aurez déjà introduit l'accord de gré à gré pour contourner les accords de branche et d'entreprise sur le temps de travail. II n'y aura plus qu'à pousser le dernier pion.
Votre démarche, monsieur le ministre, est transparente. Vous ne faites qu'appliquer les doctrines des économistes libéraux dont on constate pourtant les dégâts, y compris à l'égard des plus privilégiés.
Rien n'est fait pour endiguer l'augmentation du travail précaire sous-rémunéré, dont vous favorisez au contraire le développement.
Ce projet de loi n'est donc pas seulement un effet d'annonce, il est aussi un trompe-l'oeil d'une politique qui va délibérément dans le sens inverse.
J'ai un peu le sentiment de répéter ce que nous avons dit hier, mais c'est l'organisation de l'ordre du jour qui le veut ainsi.