Le changement de statut d’une entreprise publique et son ouverture à la concurrence n’arrivent pas par hasard. Cet article 1er est au cœur du projet de loi, dont l’exposé des motifs justifie le changement de forme juridique par l’adaptation « aux défis auxquels l’entreprise est confrontée ».
C’était la même chose pour France Télécom, il y a une dizaine d’années. On a évoqué l’importance de « moderniser », de « réformer », de « s’adapter ». Mais, monsieur le ministre, pour moderniser un service public, faut-il le privatiser ?
Les partisans de cette évolution avancent comme argument la nécessité de recapitaliser, au motif que les caisses seraient vides. Mais s’est-on demandé pour quelle raison les caisses sont vides ? Pour s’attaquer au service public, les gouvernements ont toujours appliqué les mêmes recettes : on pousse à bout une entreprise en réduisant les contributions publiques, puis on déclare le service public en danger.
Et puisque, pour les libéraux, le marché reste la meilleure solution, le Gouvernement dégaine un projet de loi – celui-ci doit être adopté en urgence – qui prévoit que le service public devra s’aligner sur des critères de rentabilité et de performance financière.
Tout cela, sans que le bilan des expériences passées soit effectué. On se garde bien de tirer les leçons des précédentes privatisations. Il est pourtant éloquent.
Prenons l’exemple de France Télécom, qui a été transformée en société anonyme en 1996, et dont le capital a été ouvert la même année : aujourd’hui, la participation de l’État au capital de cette entreprise historique se situe autour de 30 %. Quel est le bilan ? Pour les usagers, la privatisation n’a pas permis de baisser les prix, car le monopole public a laissé sa place à un oligopole privé. Orange, Bouygues et SFR ont pratiqué une entente illicite sur les prix, aujourd’hui condamnée, qui s’est faite au détriment des clients de la téléphonie. Quant aux agents de France Télécom, l’actualité en dit long sur leur triste sort.
Mes chers collègues, laissez-moi citer quelqu’un que nous connaissons bien ici : « Accepter le vent vivifiant de la compétition est une chose, se résigner aux tempêtes que produirait une déréglementation hâtive en est une autre ». C’est ce qu’écrivait dans Le Quotidien de Paris, le 26 mars 1993, à propos de France Télécom et de La Poste, Gérard Larcher, sénateur des Yvelines. M. le président du Sénat a raison : nous ne devons pas nous résigner aux tempêtes.