La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd'hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Semaines réservées par priorité au Gouvernement
Jeudi 5 novembre 2009
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 51, 2009-2010) ;
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au gouvernement ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Vendredi 6 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Samedi 7 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Éventuellement, dimanche 8 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Lundi 9 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 11 heures, à 15 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 82, 2009-2010) ;
Mardi 10 novembre 2009
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 604 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
- n° 618 de Mme Anne-Marie Escoffier transmise à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;
Accidents de la vie courante
- n° 637 de Mme Catherine Dumas à Mme la ministre de la santé et des sports ;
Politique de dépistage du cancer du sein
- n° 651 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 653 de M. Michel Billout à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
Disparité des effectifs de forces de police en Seine-et-Marne
- n° 658 de M. Jean-Léonce Dupont à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
- n° 660 de M. Michel Teston à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
- n° 662 de Mme Anne-Marie Payet transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
- n° 665 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 667 de M. Jean Besson à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;
- n° 669 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;
- n° 671 de Mme Maryvonne Blondin à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
Prise en charge des personnes âgées à domicile et tarification des heures d’aide ménagère
- n° 675 de M. Thierry Repentin à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
Contrat énergétique et politique industrielle en Maurienne
- n° 676 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 679 de M. Didier Guillaume transmise à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
- n° 681 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;
- n° 683 de M. Alain Fouché, transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
Incidences de la réforme de la taxe professionnelle sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle
- n° 685 de M. Jacques Berthou à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;
Attribution de logements sociaux
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;
Jeudi 12 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Vendredi 13 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Éventuellement, samedi 14 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Semaine sénatoriale
Lundi 16 novembre 2009
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Débat d’initiative sénatoriale sur l’Afghanistan (demandes du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche) ;
2°) Question orale avec débat de M. Jack Ralite sur la numérisation des bibliothèques (demande du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche) ;
3°) Proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, présentée par MM. Louis-Constant Fleming, Jean-Paul Virapoullé et Mme Lucette Michaux-Chevry (texte de la commission, n° 57, 2009-2010) ;
4°) Proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, présentée par M. Michel Magras (texte de la commission, n° 56, 2009-2010) ;
5°) Suite de la discussion des articles de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux recherches sur la personne (texte de la commission, n° 35, 2009 2010).
Mardi 17 novembre 2009
De 14 heures 30 à 15 heures 15 :
1°) Questions cribles thématiques sur les collectivités territoriales ;
À 15 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
2°) Proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement, présentée par MM. François Rebsamen, Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 631, 2008 2009) ;
3°) Proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 590, 2008-2009) ;
Mercredi 18 novembre 2009
À 14 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe du Rassemblement démocratique et social européen :
1°) Proposition de loi tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d’une entreprise du secteur public et d’une entreprise du secteur privé, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (texte de la commission, n° 88, 2009 2010) ;
À 18 heures 30 et le soir :
Ordre du jour réservé au groupe Union pour un mouvement populaire :
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public (texte de la commission, n° 86, 2009-2010) ;
Du jeudi 19 novembre au mardi 8 décembre 2009
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2010 (A.N., n° 1946) ;
En outre,
Mardi 24 novembre 2009
À 14 heures 30 :
- Éloge funèbre d’André Lejeune.
Jeudi 26 novembre 2009
À 10 heures :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au gouvernement ;
Mardi 8 décembre 2009
À 21 heures 30 :
- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009 ;
Si la discussion budgétaire ne se terminait pas avant le soir, ce débat pourrait avoir lieu dans la salle Clemenceau.
Semaine d’initiative sénatoriale
Mercredi 9 décembre 2009
Ordre du jour réservé au groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche :
À 14 heures 30 :
- Proposition de loi tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et ses collègues du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche (n° 461, 2008-2009) ;
Jeudi 10 décembre 2009
À 9 heures :
Ordre du jour réservé au groupe Union pour un mouvement populaire :
1°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique (A.N., n° 1857) ;
À 15 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
(Cet ordre du jour sera fixé ultérieurement).
Prochaine conférence des présidents : jeudi 12 novembre 2009, à 10 heures.
Mes chers collègues, y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?
La parole est à M. Michel Teston.
Nous avons bien entendu les conclusions de la conférence des présidents sur l’organisation de nos travaux en cette fin de semaine et, au nom de notre groupe, je tiens à élever une vive protestation contre ces propositions.
En effet, on nous demande de travailler non pas seulement le samedi, mais aussi le dimanche !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.
Les sénateurs ont-ils peur de travailler plus ?
Je le rappelle, nous siégeons en session non pas extraordinaire, mais ordinaire, et dans ce cadre nous travaillons en principe du mardi au jeudi !
Cette semaine, nous avons commencé nos travaux dès le lundi après-midi, et cela uniquement parce que le chef de l’État en avait décidé ainsi : il fallait que le Parlement, et d'abord le Sénat, examine en urgence ce projet de loi et qu’il le fasse en une semaine, quand deux au moins seraient nécessaires !
Monsieur le président, je tiens donc à protester énergiquement contre ces propositions et je souhaite que le Sénat puisse se prononcer à leur sujet. J’espère que, à cette occasion, il s’en trouvera certains parmi vous, chers collègues de la majorité, pour les rejeter.
Rires sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, nous vous demandons, nous aussi, de soumettre au vote de notre assemblée les conclusions de la conférence des présidents.
En effet, nous ne pouvons admettre que cette instance se soit ainsi soumise aux directives du Gouvernement et du chef de l’État.
De toute évidence, on précipite le travail parlementaire : je le rappelle, aux termes des conclusions qui sont soumises à notre approbation, toutes les séances commenceront à quatorze heures trente, ce qui signifie que l’on cherche à « optimiser » la semaine parlementaire. On abolit en outre les week-ends : deux sont déjà « préemptés », l’un pour terminer l’examen du texte relatif à La Poste, l’autre pour, théoriquement, poursuivre et achever la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et ensuite viendra le budget !
Plus largement, on bafoue tous les règlements, la session extraordinaire devenant le droit commun. Si nous acceptons cette évolution, nous travaillerons du lundi au vendredi en temps normal et, dans les périodes où il y aura avalanche de textes gouvernementaux, ce sera du lundi au dimanche soir !
Non seulement on prévoit de débattre du texte relatif à La Poste jusqu’à dimanche soir, mais nos travaux reprendront dès lundi matin pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui est tout à fait anormal !
Mes chers collègues, il faut que le vent de la révolte et de la résistance souffle dans cet hémicycle !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Rires sur les travées de l ’ UMP.
Nous devons dire non !
Monsieur le président, nous vous demandons donc formellement de soumettre les conclusions de la conférence des présidents à l’approbation de notre assemblée.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, vous pouvez comprendre la réaction de nos collègues face à l’énoncé des conclusions de la conférence des présidents. C’est à se demander si cette instance, dans sa composition, représente des sénateurs élus du terrain ! Je me pose des questions…
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, nous avons même eu des séances de nuit en commission, ce qui ne s’était jamais vu, j’en prends à témoin M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Paul Emorine, président de ladite commission, acquiesce.
Mes chers collègues, si vous dressez le bilan des textes examinés depuis le mois de mai dernier, avec notamment le Grenelle I et le Grenelle II, et si vous pensez à tous ceux qui sont annoncés et dont les thématiques concernent cette même commission, vous constaterez que notre régime de travail est franchement insupportable pour des élus qui, comme nous, ont vocation à représenter des territoires !
Je reviens sur la décision de nous faire siéger samedi et dimanche, qu’a déjà évoquée notre collègue Guy Fischer.
Rires sur les travées de l ’ UMP.
Je n’oublie pas que l’extension du travail dominical a été rendue possible sous la pression ultralibérale de M. Hervé Maurey, ici présent, et de M. Yves Pozzo di Borgo, entre autres. Et je n’oublie pas non plus que Mme Isabelle Debré, alors rapporteur de la loi de modernisation de l’économie, a pris l’initiative de proposer l’ouverture des magasins d’ameublement le dimanche.
M. Daniel Raoul. Mais comment voulez-vous que nous nous rendions dans les magasins le dimanche si nous sommes ici ?
Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Daniel Raoul. La messe, c’est autre chose ! Vous pouvez encore y aller en raison de la souplesse de l’ordo– pour ceux qui connaissent ce genre de manuels –, qui dispense de la messe le dimanche si l’on assiste à celle du samedi soir. Mais les vêpres ? Et le salut du Saint Sacrement ? Vous reniez toutes vos valeurs !
Sourires
Plus sérieusement, le régime auquel vous nous soumettez est inacceptable.
Comment travailler quand on ne nous laisse pas un instant de répit et qu’on nous empêche d’étudier nos dossiers de manière à débattre de manière réellement pertinente ?
J’ajoute que, si nous sommes réduits à subir ce régime-là, c’est aussi parce que la majorité est incapable d’assurer sa majorité numérique dans l’hémicycle ! Nous l’avons constaté hier : une mise aux voix par scrutin public a été nécessaire pour chaque amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er. Combien de temps ont pris ces votes sur le temps global consacré à l’examen de ces amendements ?
Tout cela n’est pas seulement dû à un manque de disponibilité de la majorité ; c’est sans doute aussi le signe d’un manque d’implication. En fait, vous soutenez ce projet de loi comme la corde soutient le pendu !
Tirons-en les conséquences, monsieur le président. Il faut revoir les conclusions de la conférence des présidents. Je ne peux pas croire qu’elles émanent de gens qui ont été élus sur le terrain !
Comme beaucoup de mes collègues, je trouve les propositions de la conférence des présidents complètement absurdes.
L’été dernier, M. Karoutchi, qui était alors secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement – il est aujourd'hui ambassadeur –, s’exprimant au nom du Président de la République, déclarait que les Français, qui ne disposent que de cinq semaines de congés par an, ne comprendraient pas que les parlementaires aient trois mois de vacances et que, pour cette raison, nous allions être appelés à siéger aux mois de juillet et de septembre. Ces propos, d’un populisme affligeant, témoignaient du plus profond mépris à l’égard du Parlement.
Mes chers collègues, considérons objectivement ce que sont notre engagement et notre rôle. Certes, en tant que parlementaires, nous sommes appelés à siéger à l'Assemblée nationale ou au Sénat, mais notre mandat ne se limite pas à cela. Il faut également tenir compte du travail de réflexion mené avec nos équipes et, évidemment, du travail sur le terrain. Quelle valeur accorder à une démocratie dans laquelle les parlementaires seraient « hors sol », siégeant sans cesse sous les ors de la République, ...
... sans jamais se confronter à la population, sans rendre des comptes sur leur mandat, sans entendre ce qu’ont à leur dire leurs concitoyens ?
Je le dis sans ambages, les propositions de la conférence des présidents ne tiennent pas debout ! Si j’ai bien compris, dans les semaines qui viennent, le Sénat siégera sans discontinuer, y compris les samedis et dimanches. Ce n’est pas acceptable !
C'est la raison pour laquelle, comme l’a réclamé Guy Fischer, nous devons nous prononcer par un vote sur les propositions de la conférence des présidents.
Il faut que nous puissions dire haut et fort que cela n’est pas tolérable.
M. Didier Guillaume. Pour autant, mes chers collègues, si nous devons siéger samedi et dimanche, soyez rassurés, nous serons présents et nous nourrirons le débat !
Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.
Quel bonheur ! Vive le travail le dimanche !
Je veux revenir un instant sur l’engagement de la majorité. J’ai entendu hier la fabuleuse démonstration du président du groupe UMP, Gérard Longuet. Mais, si un scrutin public est systématiquement nécessaire parce que vous n’êtes pas mobilisés sur un texte que vous jugez peut-être accessoire, vous allez « pourrir la semaine » du Gouvernement et vous serez responsables de ce temps perdu !
Revenons sur terre ! Michel Teston l’a souligné avec force hier et avant-hier, la discussion du texte sur La ¨Poste ne revêt aucun caractère d’urgence : nous avons encore un an pour débattre !
En tout cas, l’organisation des séances qui nous est proposée n’est pas propice à la sérénité dans laquelle nous sommes censés travailler.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Martial Bourquin. S’il faut siéger, nous siégerons le temps qu’il faudra.
Exclamations et applaudissements railleurs sur les travées de l ’ UMP.
M. Martial Bourquin. J’attire toutefois l’attention de la majorité sur un point : le ministre fait un chantage au Parlement.
Protestations sur les mêmes travées.
Il nous dit : « Voilà votre temps de travail. Vos circonscriptions ou vos départements, je n’en ai rien à faire. Le Gouvernement veut faire passer ses projets de loi dans les délais qu’il a fixés. Si vous ne l’acceptez pas, vous travaillerez à temps complet, dimanche compris ! »
Or tout parlementaire a aussi pour mission de représenter le peuple.
À l'Assemblée nationale, il représente les citoyens de sa circonscription. À la Haute Assemblée, il représente les élus locaux. Comment avoir un contact avec eux si nous sommes ici tous les jours de la semaine ?
Il s’agit là d’un chantage inouï, unique, et inique ! Cette stratégie trahit en fait une façon de gouverner : celle de gens pressés, qui ne travaillent pas leurs dossiers.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Le Gouvernement arrive sans cesse au Parlement avec de nouveaux projets de loi, le soumet à un rythme d’enfer et, pendant ce temps-là, que se passe-t-il ? Le chômage ne cesse d’augmenter, la pauvreté de croître, la situation économique et sociale de se dégrader ! Notre pays se trouve dans une situation insupportable et, sur des questions comme l’avenir de La Poste, qui touchent à l’équilibre des territoires, on refuse le débat.
Sur un tel sujet, on se livre à un chantage sur les parlementaires en leur demandant de se dépêcher de voter ce qui leur est proposé : « Faites de La Poste une société anonyme et vous serez tranquilles : vous pourrez retourner dans vos départements ! »
Voilà le chantage dont nous sommes l’objet !
Je le dis tout net : nous siégerons le temps qu’il faudra, …
M. Martial Bourquin. … mais de tels procédés sont inadmissibles. Si vous les acceptez, chers collègues de la majorité – mais je veux croire que certains d’entre vous les désapprouvent –, vous serez des godillots !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Vous êtes en train de faire du Parlement une chambre d’enregistrement, qui n’a plus rien à dire sur des questions fondamentales qui concernent l’ensemble des Français !
Le cynisme, le mépris pour le Parlement dont vous faites ainsi preuve est totalement stupéfiant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Gérard César. J’ai eu l’honneur de représenter ce soir M. le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à la conférence des présidents, où vous étiez vous-même présent, monsieur le président. Nous avons décidé de faire siéger le Sénat samedi et dimanche, si besoin était.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Gérard César. Nous avons voté et, dans un vote, c’est la majorité qui l’emporte, ma chère collègue ! Sinon, c’est la démocratie qui est bafouée !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole pour ce genre d’intervention, mais je dois exprimer ma surprise devant la décision qui a été prise de nous faire siéger samedi et dimanche pour achever l’examen du projet de loi relatif à La Poste.
J’imaginais la majorité sereine ; je la découvre énervée, agacée.
Or ce débat mérite du temps – et l’examen de ce texte ne revêt aucun caractère d’urgence, nous l’avons démontré – ainsi que de la sérénité !
La procédure accélérée qui a été engagée sur ce texte s’est transformée dans les faits en procédure accélérée « plus plus » ! Alors que, à vous entendre, il faudrait expédier l’examen de ce projet de loi, c'est-à-dire ne pas y consacrer le temps nécessaire, nous constatons que la majorité – mes propos ne s’adressent pas à ceux de ses membres qui sont présents ce soir et que je salue – ne fait pas montre d’une mobilisation exemplaire, qui témoignerait d’un vif intérêt pour ce débat sur l’avenir de La Poste.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Jusqu’à présent, vous avez retardé nos travaux en demandant systématiquement des mises aux voix par scrutin public. Et, ce soir, nous nous retrouvons confrontés à une décision qui est une forme de chantage exercé sur la Haute Assemblée.
Pourtant, j’avais cru comprendre que le propre du Sénat était de prendre le temps d’examiner les textes, surtout quand ceux-ci affectent particulièrement les collectivités locales.
Nous avons eu l’occasion de faire un certain nombre de démonstrations depuis le début de cette discussion et nous allons encore le faire. Je tiens à vous rassurer, nous le ferons même samedi et dimanche, car, nous, nous ne craignons pas de travailler, et de travailler longtemps – nous le faisons régulièrement –, quand on nous le demande et qu’il s’agit de l’intérêt général !
Mais là, ce que vous proposez, c’est tout simplement de bâcler le débat, faute d’arguments sur les amendements que nous défendons.
En réalité, permettez-moi de vous le dire, vous ne nous avez toujours pas expliqué pourquoi, fondamentalement, vous vouliez changer le statut de La Poste.
Vives exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Vos arguments, nous les connaissons et nous pourrions les entendre ! Ils mériteraient un débat serein, ils mériteraient le temps de la réflexion.
L’histoire de La Poste n’est pas une petite annexe dans l’histoire la République française ! Cet établissement fait partie de notre patrimoine, il est lié à notre identité ! Puisque vous avez lancé un débat sur l’identité, nous pourrions en parler à propos des services publics !
Permettez-moi de m’exprimer, cher collègue Gérard Longuet. N’en avons-nous pas le droit ?
Plusieurs sénateurs du groupe UMP abondent dans ce sens.
Nous le faisons dans le respect des dispositions prévues par le règlement du Sénat !
Quoi qu'il en soit, les conclusions de la conférence des présidents dont il nous a été donné lecture ce soir bafouent ni plus ni moins les droits du Parlement à examiner sereinement un texte déterminant quant à l’avenir du service public postal. Car les tentatives qui seront faites, demain, pour ouvrir le capital social de La Poste modifieront profondément ce service public auquel tous les Français sont attachés.
Je le répète, la méthode de travail qui nous est imposée me surprend. Mes chers collègues, vous êtes tous des représentants des élus de vos territoires. Vous avez été élus par eux, vous les rencontrez, vous entendez ce qu’ils vous disent, vous connaissez les pétitions qui circulent. Prenez le temps de les écouter. Ne bâclez pas ce débat, qui mérite mieux que la procédure accélérée et que le chantage auquel on se livre ce soir sur le Sénat !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur Rebsamen, vous venez de dire que nous sommes énervés et que nous manquons de sérénité. Permettez-moi de vous démontrer que nous sommes, au contraire, très sereins.
On nous a parlé de circonscriptions. Dans le département du Loiret, nous sommes actuellement trois sénateurs, deux UMP et un socialiste. Les deux sénateurs UMP, présents dans cet hémicycle, …
M. Éric Doligé. … sont sereins. Le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur, l’est certainement moins que nous, car, si j’ai bien compris, il est en train de labourer notre circonscription commune pour nous représenter, et je tiens à l’en remercier.
Sourires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Vous n’avez pas le droit de tenir de tels propos ! Ce que vous dites est scandaleux ! Cela ne vole pas haut !
La conférence des présidents propose au Sénat de disposer d’environ quatre-vingt-dix heures de séance publique dans l’hémicycle pour examiner les vingt-six articles de ce texte.
Mes chers collègues, nous connaissons tous les problèmes de La Poste. Nous gérons ensemble cette institution, depuis des décennies pour ceux qui ont un peu d’ancienneté sur ces travées. La Poste mérite de l’attention, vous avez eu raison de le dire, cher collègue François Rebsamen, mais elle n’en mérite pas seulement à cette occasion. Depuis plusieurs années, Gérard Larcher, Pierre Hérisson ainsi que d’autres parlementaires se sont impliqués dans ce débat. La commission de l’économie a suivi de façon constante l’évolution de La Poste.
Nous ne sommes donc pas en train de réinventer le service public. Depuis des décennies, nous le gérons et nous le faisons évoluer dans l’intérêt collectif, en tenant compte, à la fois, de la demande des usagers et des clients de La Poste, de l’intérêt du personnel et des règles européennes, construction à laquelle l’immense majorité d’entre nous, à gauche comme à droite, sommes attachés.
Ne dites pas que ces quatre-vingt-dix heures d’hémicycle sont insuffisantes. Elles devraient permettre aux signataires des six cent vingt-neuf amendements, dont vous êtes l’immense majorité, de les exposer. Nous sommes prêts à vous écouter et, s’ils apportent une contribution nouvelle, à leur apporter une réponse, …
… et nous avons donc la possibilité de conduire un travail accompli de parlementaire.
En ce qui concerne notre présence sur le territoire, vous nous apportez la réponse : presque la moitié des membres du groupe socialiste sont présents et, je le reconnais, un pourcentage peut-être légèrement plus faible de l’UMP.
Cela veut dire que nos sénateurs se partagent entre ceux qui travaillent au contact des élus et ceux qui assurent la présence dans l’hémicycle.
Mais, très honnêtement, avez-vous vu des textes aussi techniques bénéficier d’une telle assiduité ? Je m’en félicite pour La Poste, que j’ai dirigée, monsieur le ministre, lorsque j’exerçais des responsabilités précédentes.
Je terminerai par une observation. Si nous devons agir vite et prendre des mesures à cet instant, c’est parce que les 320 000 postiers ont le droit de savoir si la communauté nationale donne, ou non, à La Poste les moyens d’être une entreprise d’avenir, …
… de disposer des capitaux nécessaires aux investissements, de moderniser l’outil de travail et de ne pas se faire, en quelque sorte, manger la laine sur le dos par des postes étrangères.
M. Gérard Longuet. … car toute part de marché perdue aujourd’hui, ce sont des emplois de postiers menacés. Vous ne pouvez pas être complices de ce retard !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.
Je n’avais pas l’intention d’intervenir en cet instant, mais les propos tenus par M. Doligé m’y obligent.
En effet, j’estime que la manière dont il s’est exprimé, la mise en cause directe et personnelle qu’il a manifestée à l’endroit de Jean-Pierre Sueur…
… est totalement inadmissible dans le cadre des relations et des discussions qu’entretiennent les membres de la Haute Assemblée.
Chacun sait à quel point Jean-Pierre Sueur est impliqué dans son travail de parlementaire, en particulier au Sénat.
Il vous arrive même parfois de vous en plaindre.
L’astuce que vous avez cru pouvoir utiliser à l’encontre de notre collègue, monsieur Doligé, n’honore pas notre assemblée ni même votre personne.
En conséquence, je vous demanderai de manifester un regret ou de présenter des excuses concernant les propos que vous avez tenus voilà quelques instants.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Vous êtes en train de mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Vous prenez les élus pour des boucs émissaires, soit en les traitant comme vous venez de le faire, soit en diffusant l’idée qu’ils ne veulent jamais travailler et que ce n’est pas plus mal de les faire travailler le samedi et le dimanche !
Je sais très bien – nous parlons souvent ensemble – que la plupart d’entre vous désapprouve la proposition qui nous est soumise aujourd’hui. Si elle est adoptée, nous allons entrer ce soir dans un tunnel qui nous obligera peut-être à siéger jour et nuit, y compris le samedi et le dimanche, jusqu’au 8 ou 9 décembre, voire 10 décembre. Au fond, vous n’acceptez pas ces conditions de travail.
Laisser entendre que les élus de la nation qui ne sont pas présents dans l’hémicycle trahissent leurs propres électeurs, voire leurs engagements, …
M. Jean-Pierre Bel. … n’est pas digne d’un parlementaire de la République !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également. – Nouveaux sourires sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur Doligé, je veux vous dire, à mon tour, que les propos que vous venez de tenir sont très très petits.
S’il y a un soutier de la nuit parmi nous, c’est bien notre ami Jean-Pierre Sueur. Et si l’on faisait les comptes des présences, je ne suis pas sûr que vous gagneriez !
M. le président. Mes chers collègues, je vous ai demandé s’il y avait des observations, j’ai cru comprendre que vous aviez répondu positivement et qu’il y avait eu quelques observations.
Sourires.
Nous allons nous reporter au règlement. Je vous donne lecture de l’article 32, alinéa 2 : « Le Sénat se réunit en séance publique en principe les mardi, mercredi et jeudi de chaque semaine. En outre, le Sénat peut décider de tenir d’autres jours de séance dans la limite prévue par le deuxième alinéa de l’article 28 de la Constitution, à la demande soit de la Conférence des présidents, soit du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. »
Ce soir, nous sommes saisis d’une proposition de siéger les samedi 7 et dimanche 8 novembre – puisque les observations formulées portent sur ces deux jours-là – par la conférence des présidents, qui l’a adoptée à la majorité. Il me revient donc de consulter le Sénat sur cette proposition.
La conférence des présidents s’est prononcée, c’est elle qui est chargé du règlement, nous n’avons pas à voter !
Monsieur Beaumont, vous avez oublié de me demander la parole, ce qui m’étonne de la part de quelqu’un d’aussi discipliné que vous. Par conséquent, je ne vous la donne pas puisque vous vous êtes exprimé.
J’essaie d’être clair. Le règlement précisant « le Sénat se réunit… », nous sommes donc saisis de propositions.
Habituellement, il n’y a pas d’observations et les propositions sont adoptées par consentement tacite.
Aujourd’hui, vous en conviendrez tous, il y a eu des observations et une demande de vote. En vertu de l’article 32, alinéa 2, le Sénat est maître de son ordre du jour les samedis et dimanches. Il peut décider de ne pas siéger ces jours-là.
Je vais donc consulter le Sénat…
… pour savoir s’il accepte ou refuse sur ce point la proposition de la conférence des présidents. Je ne fais rien d’autre qu’une lecture éminemment étroite du règlement, je n’envisage pas un instant de faire autre chose.
Je vais mettre aux voix cette proposition, sur laquelle je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Monsieur Raoul, honnêtement, je pensais que les observations valaient explication de vote, et donc que nous pouvions nous en dispenser. Mais si vous souhaitez une explication de vote, je vous l’accorde, puisque ce sera la seule du groupe socialiste.
Vous avez donc la parole.
Nouveaux sourires.
Qui peut raisonnablement exprimer ce soir un vote en son âme et conscience sur la proposition qui nous est faite, sinon les membres de cette assemblée physiquement présents, et non pas ce simulacre de démocratie que constitue la manière dont nous exerçons le scrutin public, à savoir par blocs de bulletins ? Nous dénonçons, depuis quelque temps déjà, le recours abusif au scrutin public. Quels sont ceux, parmi les absents dont on glisse le bulletin dans les urnes, qui ont connaissance de la proposition ainsi mise aux voix ? Je serais curieux de le savoir !
C’est bien parce que vous êtes minoritaires dans l’hémicycle en cet instant
Protestations sur les travées de l ’ UMP
Monsieur le président, il faudra à un moment donné que l’on clarifie les procédures de vote dans cette assemblée pour permettre tant à la majorité qu’à la minorité de s’exprimer.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Comme vient de me le souffler le président Longuet, ce sera la seule explication de vote du groupe UMP.
Tout d’abord, j’ai compté, nous sommes majoritaires.
Cessez donc de dire que nous somme minoritaires !
Ensuite, si nous avons demandé un scrutin public, c’est parce que la décision de siéger samedi et dimanche est celle de l’ensemble du groupe UMP, y compris de ceux de ses membres qui ne sont pas présents ce soir.
Si nous avons pris cette décision, c’est uniquement parce que vous êtes arrivés lundi en déclarant que vous alliez nous pourrir la semaine.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Aussi, nous, nous vous disons que nous allons aussi travailler le week-end !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En effet, je me demande bien comment vous avez pu consulter les membres du groupe UMP pour savoir s’ils sont d’accord pour travailler samedi et dimanche prochains.
Si vous avez réuni tout le groupe, pourquoi n’avez-vous pas demandé à vos collègues d’être présents dans l’hémicycle cet après-midi
M. François Rebsamen applaudit
, plutôt que de nous imposer une série de scrutins publics ? C’est inadmissible !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 28 :
Nombre de votants340Nombre de suffrages exprimés340Majorité absolue des suffrages exprimés171Pour l’adoption188Contre 152Le Sénat a adopté la proposition de la conférence des présidents de siéger le samedi 7 novembre et, éventuellement, le dimanche 8 novembre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes. Le président du groupe UMP a eu le temps de consulter tout son groupe pour voter à sa place concernant la proposition de la conférence des présidents de travailler samedi et dimanche prochains. Je vais quant à moi être obligée d’envoyer un courrier électronique aux membres de mon groupe puisque j’ai voté pour eux sans leur demander leur avis.
Madame Borvo Cohen-Seat, il y a encore quatre inscrits sur l’article 1er. Je vous propose donc que nous les écoutions, après quoi je vous accorderai une suspension de séance de cinq minutes.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.
Nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir rendre à cet hémicycle la sérénité qui doit être la sienne.
Monsieur le ministre, je veux apporter dans ce débat la voix, une de plus, d’un département rural, l’Aisne, où les habitants de toutes sensibilités et les élus dans leur diversité ont exprimé, affirmé, confirmé d’abord leur soutien au service public de La Poste, ensuite l’exigence de son maintien.
L’Aisne, un département où près de 10 % de la population se trouvent à plus de vingt minutes ou plus de cinq kilomètres d’un point de contact. Qu’en serait-il demain avec un service privatisé ?
Un département où 52 agences postales communales sont déjà en place et où dix-huit relais poste commerçants ont été créés. C’est dire si les communes se sont engagées, même si un différentiel entre le coût réel du service et la compensation a souvent été mis en évidence. Je veux citer l’exemple d’une petite commune, Wassigny, dans l’Aisne, qui a évalué ce coût à 2 200 euros par mois pour une compensation de 833 euros.
Un département où l’absurdité de la modernisation quelquefois poussée à l’extrême fait qu’une lettre, pour parcourir quelques kilomètres, d’un village à un autre, doit effectuer un voyage de 300 kilomètres aller et retour jusqu’à Amiens.
Un département où les situations de dégradation de la distribution du courrier sont de plus en plus graves et nombreuses, et nous savons que ce ne sont ni les compétences ni la conscience professionnelle des postiers qui sont en cause.
Un département où des 150 bureaux de plein exercice voilà dix ans, il ne reste aujourd’hui que trente-sept, peut-être bientôt une vingtaine, soit un pour trois cantons en zones rurales. Là aussi, qu’en serait-il demain avec une Poste privatisée ?
Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas nous convaincre que ce projet de loi, entier contenu dans son article 1er, s’il est voté, ne remettra pas en cause la qualité du service public rendu aux usagers. Ce serait l’inévitable conséquence d’une seule logique comptable et de la privation perçue comme la suite incontournable du projet examiné ces jours-ci.
Le précédent d’EDF-GDF nous interdit d’accorder du crédit aux garanties que vous dites apporter.
Monsieur le ministre, les pétitions d’élus locaux se multiplient, relayant l’inquiétude des habitants face aux réductions d’horaires, aux moindres services rendus par les agences, à la confusion commerciale des relais poste commerçants, à la colère devant des bureaux maintenus mais aux portes fermées aux heures où ils pourraient être fréquentés. Attention à la diagonale du vide qui risque de traverser les campagnes de France !
Concernant précisément l’article 1er, vous avez déclaré, monsieur le ministre : « il est inscrit en toutes lettres dans le texte qu’à aucun moment des capitaux de fonds privés n’entreront au capital de La Poste, y compris via la caisse des dépôts et consignations ». Nous n’en avons pas la même lecture, et cela été largement démontré.
Je voterai donc contre l’article 1er de ce projet de loi parce qu’il n’est pas un élément de progrès, parce qu’il n’est pas porteur d’aménagement du territoire, parce qu’il n’est pas facteur de qualité de vie pour les Françaises et les Français.
Des millions d’entre eux, même si vous refusez cette vérité, se sont déjà exprimés contre ce texte, parce que La Poste, plus qu’un distributeur, est vecteur de lien social, de vie économique et de solidarité territoriale.
C’est avec force que nous devons exprimer notre opposition au changement de statut de La Poste en une société anonyme.
Si je me suis inscrit dans le débat et si je suis présent dans l’hémicycle, c’est non par malice, par calcul ou par volonté d’obstruction, mais parce que ce débat est essentiel dans la défense de valeurs que je veux réaffirmer au sein de notre Haute Assemblée, des valeurs qui fondent, par les services publics, les solidarités humaines et territoriales dans notre pays !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.
M. Daniel Raoul. Comme nous parlons de La Poste, les lettres au Père Noël risquent de nous poser quelques problèmes quant à la délivrance du courrier à la date indiquée…
Sourires.
J’ai écouté attentivement les enjeux du débat qui a eu lieu ces deux derniers jours. Cela me rappelle – excusez-moi de faire un peu « ancien combattant » – le problème qui s’est posé avec EDF et Gaz de France, et le statut que nous avions proposé dans le cadre d’un service public de l’énergie sous la forme d’un établissement public à caractère industriel ou commercial, EPIC, reliant Gaz de France et EDF.
Vous en avez fait deux sociétés…
Oui, une pour le moment, Gaz de France-Suez, et une deuxième qui est en gestation – je ne sais combien de temps cela va durer – entre EDF et Veolia.
Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt !
Vous avez nommé un président à la tête d’EDF, du moins c’est presque fait. Nous avions auditionné ce candidat sans que la loi nous y oblige. Cette audition, correcte et intellectuellement honnête, a eu lieu dans le cadre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mais le problème de la nomination de ce futur président n’aurait-il pas dû se poser devant une commission d’éthique ?
J’en reviens aux arguments que l’on nous a donnés. Je regrette que le rapporteur se soit momentanément absenté mais M. le ministre est là, il pourra donc sans doute me répondre pertinemment concernant les critères inventés, pardon, évoqués – excusez ce lapsus ! – pour justifier un changement de statut de La Poste.
On nous dit d’abord que c’est le président de La Poste qui en a fait la demande. Connaissez-vous la composition de son conseil d’administration et l’actionnaire de cet EPIC ?
Comment imaginer que le président de cet EPIC ne soit pas aux ordres du Gouvernement, et donc de l’État qui est son actionnaire ? Il est impensable qu’il ne soit pas le porte-parole du Gouvernement !
D’ailleurs, on a bien vu ce qui est arrivé à un ancien président-directeur général quand il a voulu user de sa liberté de parole pour réclamer une hausse des tarifs ! Je veux bien sûr parler d’EDF.
Ensuite, monsieur le ministre, lorsque vous vous dites prêt à accorder à La Poste le statut de service public national pour la rendre prétendument « imprivatisable », nous le savons tous, vous péchez par omission. Autrement dit, vous omettez de prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel de 2006. Au regard de cette décision, vous le savez bien, l’amendement Retailleau, que vous évoqué, n’a aucune valeur juridique.
En outre, qu’adviendra-t-il de l’autonomie de la Caisse des dépôts et consignations si elle est appelée à souscrire à l'augmentation de capital à hauteur de 1, 5 milliard d'euros ?
En définitive, vous êtes en train de mettre en place un jeu de dominos géant en vue, disons-le franchement, de privatiser La Poste, mais sans avoir le courage de le reconnaître, contrairement à notre collègue Yves Pozzo di Borgo. Celui-ci avait en effet déposé un amendement en ce sens, que vous vous êtes empressé de considérer comme le chiffon rouge à ne surtout pas agiter en cette période, …
En ponctionnant ainsi les ressources de la Caisse des dépôts et consignations, vous fragilisez sa capacité d’intervention pour d’éventuels investissements dans notre industrie, qui est pourtant dans un piteux état. Faites attention à ce que la part de ce secteur dans le PIB ne descende pas au-dessous de 20 % ! Si cela arrive un jour, c’est que la France ne sera plus qu’un grand musée ou une énorme attraction touristique : il n’y aura alors plus guère d’autre solution que de s’acheter la panoplie complète du guide touristique, avec la casquette en prime !
Monsieur le ministre, quel crédit pouvons-nous apporter à toutes ces déclarations faites la main sur le cœur, y compris de votre part, assurant que jamais, ô grand jamais, La Poste ne sera privatisée ?
Je me souviens qu’un certain Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie – qui occupait, pardonnez-moi de le préciser, un échelon supérieur au vôtre dans la hiérarchie ministérielle –, avait affirmé la même chose à propos de Gaz de France. Nous savons tous ce qu’il en est advenu !
Monsieur le ministre, quelles garanties réelles pouvez-vous donc nous donner aujourd'hui ?
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, sur ce sujet, comme sur d’autres, j’ai l’impression que nous ne savons pas tirer les enseignements de nos erreurs passées. Les uns et les autres, nous revendiquons pourtant le droit à l’erreur, et nous en avons tous commis quelques-unes.
Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.
Le premier concerne France Télécom. Aujourd'hui, dans nos campagnes, un certain nombre de lignes ne sont pas entretenues. Il arrive même que les fils soutiennent les poteaux !
Sourires.
Monsieur le ministre, je suis très inquiet pour l’avenir de La Poste. Vous nous avez affirmé que cette entreprise publique serait « imprivatisable », grâce au verrou prévu par notre collègue Retailleau dans son amendement. Mais on sait ce qu’il en est des verrous…
Le second exemple porte sur les autoroutes.
Je me souviens du débat que nous avons eu, ici même, au Sénat, lorsqu’un gouvernement de gauche a proposé de privatiser une partie des autoroutes, 49 % pour être précis. Le ministre des transports de l’époque, Jean-Claude Gayssot, nous avait alors expliqué que le dispositif mis en place, dans lequel l’État conservait donc les 51 % restants, était censé perdurer. Alors que Jean-Pierre Raffarin, nommé Premier ministre, a su résister, Dominique de Villepin, qui lui a succédé, a entièrement privatisé les autoroutes, privant ainsi l’État d’une recette annuelle de 1 milliard d’euros, qui nous arrangerait bien en ce moment !
À l’évidence, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, l'augmentation de capital de 2, 7 milliards d'euros ne sera pas suffisante pour assurer l’avenir de La Poste. Dans quelques années, il faudra trouver 3 ou 4 milliards d'euros supplémentaires pour faire face aux investissements nécessaires, notamment dans nos zones rurales : l’ouverture du capital sera alors inéluctable.
En outre, puisque la rentabilité ne sera plus assurée, les collectivités les plus faibles se verront demander une participation financière pour être assurées de conserver une distribution du courrier quotidienne en tout point de leurs territoires.
C’est en menant une telle politique libérale que l’on casse un service public. Ce sont systématiquement les plus faibles, les habitants des zones rurales et des banlieues en difficulté, qui en font les frais. Nous refusons qu’ils deviennent les victimes expiatoires.
Nous voterons donc contre l'article 1er, pour préserver le dernier rempart du service public !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade applaudit également.
Monsieur Miquel, je peux comprendre votre inquiétude, car, c’est vrai, les choses changent avec le temps.
À cet égard, vous vous souvenez sans doute que, en 1997, Lionel Jospin avait mené campagne en défendant les renationalisations, puis qu’une fois arrivé au pouvoir il avait ouvert le capital de France Télécom, d’Air France, et privatisé Thomson, le GAN, la Société marseillaise de crédit, RMC, le Crédit lyonnais, l’Aérospatiale et les Autoroutes du sud de la France !
Chers collègues de l’opposition, vous avez tout à fait le droit d’exprimer vos inquiétudes, et force est de constater que vous ne vous en privez pas depuis lundi soir. Mais ne soyez pas aussi manichéens. À vous entendre, il y aurait, d’un côté, vous, les gentils, défenseurs acharnés de La Poste et de ses personnels, hérauts de la lutte contre sa privatisation…
Monsieur Raoul, ayez au moins la courtoisie de me laisser parler. Je suis une nouvelle élue et je ne prends tout de même pas la parole très souvent !
Il est temps que ce discours s’arrête ! Le débat qui nous anime, alors que nous ne sommes même pas encore entrés dans le vif du sujet, n’est pas digne du Sénat. Efforçons-nous plutôt de progresser tous ensemble.
Au demeurant, monsieur Raoul, s’il vous venait ce soir à l’idée de prendre des nouvelles de votre famille ou d’amis habitant à l’autre bout de la France, je ne suis pas sûre que vous leur enverriez une lettre par la poste. Les moyens de communication ont évolué, et les postiers sont les premiers à nous dire qu’ils ont de moins en moins de courrier à distribuer.
Mme Colette Giudicelli. Madame Borvo Cohen-Seat, cessez, je vous prie, d’interrompre à tout bout de champ les orateurs. Vous prenez tout le temps la parole, même quand on ne vous la donne pas !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur Raoul, si vous voulez vraiment avoir des nouvelles rapidement de vos proches, vous allez plutôt leur envoyer un texto ou un mail.
M. Daniel Raoul. Ne croyez pas ça ; je vais d’ailleurs vous écrire sur-le-champ !
M. Daniel Raoul joint le geste à la parole. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.
Mes chers collègues, je souhaite que nous puissions tous travailler sérieusement à l’avenir de La Poste et de ses personnels, auxquels nous sommes aussi attachés que vous. Faisons en sorte qu’elle reste cette grande entreprise française qui fait notre fierté et dont nous avons besoin. Mieux, aidons-la à devenir, grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, la grande entreprise européenne de demain.
« Pour que la loi du progrès existât, il faudrait que chacun voulût la créer ; c’est-à-dire que, quand tous les individus s’appliqueront à progresser, alors, l’humanité sera en progrès. » : ce n’est pas de moi, c’est de Baudelaire !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
… a confirmé de façon magnifique combien les Françaises et les Français sont attachés au service public postal dans notre pays.
L'engagement du Gouvernement de maintenir 100 % de fonds publics dans le capital de La Poste est « l’arbre qui cache la forêt ».
Vous ne cessez de dire que la transformation en société anonyme ne changera en rien le statut de La Poste. J’affirme que ce sera le contraire.
J’en veux pour preuve la situation des salariés de l’escale aérienne postale de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry, service rattaché actuellement à la plate-forme industrielle courrier Ain-Rhône, située à Saint-Priest, commune du Rhône limitrophe de Vénissieux.
Absolument, monsieur le rapporteur !
Le 19 octobre dernier, j’ai passé une grande partie de la nuit avec les 31 postiers de l’escale, qui avaient en effet souhaité me rencontrer, en présence du directeur.
Fort de cette expérience personnelle, je peux vous dire que les salariés sont très inquiets. En effet, au début du mois de septembre, la direction leur a annoncé le transfert de l’activité à sa filiale logistique Neolog, détenue à 100 % par la holding Sofipost, propriété du groupe La Poste. Le 6 avril 2010, les 31 postiers, tous fonctionnaires, devront quitter les lieux pour laisser la place aux personnels de Neolog, salariés de droit privé. Vous avez compris : si ce n’est pas de la privatisation, cela y ressemble tout de même beaucoup !
Les fonctionnaires seront, quant à eux, mutés dans un autre établissement dépendant de la plate-forme industrielle courrier Ain-Rhône. Leurs inquiétudes ne datent pas d’hier. Le site était déjà menacé de fermeture pour des raisons – simple prétexte ? – liées aux problématiques du développement durable qui s’imposent aussi à La Poste.
L’entreprise a fait état de sa volonté de réduire de 15 % ses émissions de gaz à effet de serre, en engageant un redéploiement des moyens de transport favorisant la locomotion électrique pour le courrier.
Mais, aujourd’hui, les fonctionnaires ne comprennent pas pourquoi la direction les prie de partir, alors que la même activité va se poursuivre avec des salariés de Neolog, sous statut de droit privé !
Quant à la politique sociale de la société Neolog – je terminerai sur ce point –, les salariés du site d’Halluin, dans le département du Nord, n’en gardent pas un bon souvenir. Pas moins d’une vingtaine de salariés, sur un effectif de quarante-cinq personnes, ont fait les frais d’une restructuration. Cette entreprise n’y va pas par quatre chemins : soit l’employé accepte la mutation, soit il est licencié !
Il existe donc bien une volonté de la part du Gouvernement et de l’entreprise de « saborder le navire » en amont, au travers des filiales de La Poste.
Voilà ce que votre gouvernement fait du service public, monsieur le ministre : il le livre aux appétits du secteur privé et organise une privatisation rampante de ses activités, pour le plus grand profit des actionnaires !
C’est pourquoi notre groupe votera résolument contre cet article 1er.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Mes chers collègues, comme je m’y étais engagé auprès de Mme la présidente Nicole Borvo Cohen-Seat, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.
La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission.
Mes chers collègues, je voudrais vous donner mon sentiment par rapport à ce débat.
Si, en tant que président de commission, j’étais en mesure d’intervenir régulièrement au cours des discussions, j’ai surtout été très attentif à tous les propos qui ont été tenus. Certains ont pu avoir des réserves sur le temps de parole ou se plaindre de ne pouvoir s’exprimer. Il me semble néanmoins que tout le monde a eu le temps d’intervenir.
Il se trouve que j’ai siégé cinquante-cinq heures sur ce banc, pendant l’examen du Grenelle de l’environnement. Je suis donc capable de prendre la température de l’hémicycle et, à cet instant, j’appelle à une certaine sérénité.
Le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et le rapporteur Pierre Hérisson s’intéressent, depuis très longtemps, à l’avenir de La Poste.
Je ne vais relancer les débats qui ont eu lieu sur le changement de statut de La Poste, sur les 17 000 points de contact, sur le financement des investissements : les garanties apportées par le Gouvernement et le chef de l’État doivent, me semble-t-il, rassurer nos concitoyens.
Je ne reviens pas non plus sur la votation. J’ai personnellement reçu, en lieu et place du président Gérard Larcher, l’ensemble de la représentation syndicale. Par conséquent, je dispose d’une certaine approche de cette représentation.
Enfin, mes chers collègues, nous avons beaucoup débattu en commission, dans un premier temps sur le texte du Gouvernement. Une centaine d’amendements ont alors été déposés, dont certains ont été intégrés au texte de la commission. Et nous avons 629 ou 630 amendements supplémentaires à examiner, en séance publique.
Je crois donc que le débat est assez large. Or nous revenons toujours sur les mêmes sujets, alors même que M. le ministre et M. le rapporteur ont apporté des réponses. Par ailleurs, si j’examine globalement les 581 amendements qui restent en discussion – nous les lisons, avec M. le rapporteur, et en comprenons bien la technique –, certains amendements peuvent encore vraisemblablement améliorer le projet de loi. Mais, sans prétendre que les autres ne peuvent pas prêter à débat, j’appelle à une certaine sagesse.
Je l’ai bien compris, mes chers collègues, vous ne souhaitez pas siéger samedi et dimanche. Si, à compter de ce soir, nous parvenons à travailler dans une plus grande sérénité, il me semble que nous pourrons avancer et réaliser un très bon travail au cours des journées et des soirées de jeudi et vendredi.
Je n’essaie pas de convaincre les autres sensibilités politiques : c’est bien le rôle du Parlement de faire progresser les choses ! Mais, pour ma part, ce projet de loi me convient, surtout dans sa version modifiée par la commission et en tenant compte de certains amendements ultérieurs, qui devraient de toute évidence rassurer nos concitoyens, les employés de La Poste – bien sûr ! – et les élus. Il me semble donc que nous disposerons d’un texte nous permettant de faire progresser cette grande société, à laquelle nous sommes très attachés.
Je comprends bien les convictions de chacune et de chacun, et il me semble que je respecte, au sein de la commission, toutes les opinions.
Cela ne nous empêche pas de réaliser un très bon travail.
Je voudrais donc, à cet instant, ramener une certaine sérénité dans le débat. Nous pouvons nous faire tous les procès politiques possibles, tous les procès d’intention. Je crois que nous sommes là pour travailler, dans l’intérêt d’une société et de nos concitoyens ! §
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 23 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 264 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 430 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 581 est présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mme Laborde, MM. Mézard et Milhau et Mme Escoffier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l’amendement n° 23.
En proposant la suppression de l’article 1er, nous exprimons tout simplement notre opposition au changement de statut de La Poste. Cette opposition, monsieur le ministre, vise aussi à défendre un autre principe, celui du service public que vous voulez abattre. Ce n’est donc pas seulement de La Poste dont il est question.
La méthode employée pour arriver à la privatisation est bien rodée : elle a été expérimentée avec France Télécom, puis avec Gaz de France.
Ce changement de statut, nous dit-on, serait imposé par la mise en concurrence décidée par l’Europe. Le Gouvernement se retranche ainsi derrière la Commission de Bruxelles pour ne pas reconnaître que lui, et lui seul, est à l’origine d’une telle modification.
Cette majorité est effectivement à l’origine de la directive européenne du 20 février 2008 relative à l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et fixant au 31 décembre 2010 la libéralisation totale des marchés postaux. Je vous rappelle d’ailleurs que nos députés européens du groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne n’ont pas voté cette directive. Elle représente une porte ouverte à la mise en concurrence et, comme les précédentes directives, aura des effets notoires en termes de désorganisation des services postaux.
Mais vous omettez de préciser, chers collègues de la majorité, que cette directive ne vous impose pas de modifier le statut de La Poste, cette compétence étant du pouvoir de chaque nation.
Je disais voilà un instant que le processus est bien rodé. Prenons l’exemple de France Télécom, transformé en exploitant de droit public, doté de l’autonomie financière et d’une personnalité morale distincte de l’État. Cette première étape – une disposition sur laquelle les députés et sénateurs communistes ont voté contre en 1990 – a permis de parachever ultérieurement le travail.
Ainsi, après la loi Fillon de 1996, à laquelle nous nous sommes opposés, la première ouverture de capital a lieu en 1997. Elle est suivie d’une autre en 1998, avant une nouvelle loi, en 2003, qui permet que l’État puisse devenir minoritaire, ce qui se réalise en 2004. En 2007, le Gouvernement porte l’estocade finale et ramène la part de l’État à 27 % du capital.
Les politiques de libéralisation ont toutes les mêmes effets : elles conduisent à la casse de nos services publics !
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que les promesses d’aujourd’hui ne sont pas de nature à nous tranquilliser. Bien au contraire, elles nous incitent à penser que vous écrivez actuellement un scénario identique pour La Poste.
Vous voulez en faire une société anonyme, soit une société de capitaux ainsi dénommée parce que son nom, sa dénomination sociale, ne révèle pas le nom des actionnaires. Elle peut même en ignorer l’identité lorsque les titres sont au porteur.
Le principe de base est clair : les actionnaires peuvent céder librement leurs titres, …
… ce qui suscite la crainte des postiers, des usagers et des élus. Ils vous le disent sur tous les tons, mais vous continuez à faire la sourde oreille.
Mme Marie-France Beaufils. Cet entêtement dogmatique entraîne notre pays vers des reculs de civilisation dont vous êtes les seuls responsables.
Marques d’impatience sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Mme Marie-France Beaufils. La Poste n’a pas besoin d’anonymat, il lui faut, au contraire, plus de transparence, plus de modernité et plus d’attention.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Martial Bourquin applaudit également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole pour présenter un amendement est de trois minutes.
La parole est à M. Jacques Muller, pour défendre l'amendement n° 264.
Le changement de statut d’une entreprise publique et son ouverture à la concurrence n’arrivent pas par hasard. Cet article 1er est au cœur du projet de loi, dont l’exposé des motifs justifie le changement de forme juridique par l’adaptation « aux défis auxquels l’entreprise est confrontée ».
C’était la même chose pour France Télécom, il y a une dizaine d’années. On a évoqué l’importance de « moderniser », de « réformer », de « s’adapter ». Mais, monsieur le ministre, pour moderniser un service public, faut-il le privatiser ?
Les partisans de cette évolution avancent comme argument la nécessité de recapitaliser, au motif que les caisses seraient vides. Mais s’est-on demandé pour quelle raison les caisses sont vides ? Pour s’attaquer au service public, les gouvernements ont toujours appliqué les mêmes recettes : on pousse à bout une entreprise en réduisant les contributions publiques, puis on déclare le service public en danger.
Et puisque, pour les libéraux, le marché reste la meilleure solution, le Gouvernement dégaine un projet de loi – celui-ci doit être adopté en urgence – qui prévoit que le service public devra s’aligner sur des critères de rentabilité et de performance financière.
Tout cela, sans que le bilan des expériences passées soit effectué. On se garde bien de tirer les leçons des précédentes privatisations. Il est pourtant éloquent.
Prenons l’exemple de France Télécom, qui a été transformée en société anonyme en 1996, et dont le capital a été ouvert la même année : aujourd’hui, la participation de l’État au capital de cette entreprise historique se situe autour de 30 %. Quel est le bilan ? Pour les usagers, la privatisation n’a pas permis de baisser les prix, car le monopole public a laissé sa place à un oligopole privé. Orange, Bouygues et SFR ont pratiqué une entente illicite sur les prix, aujourd’hui condamnée, qui s’est faite au détriment des clients de la téléphonie. Quant aux agents de France Télécom, l’actualité en dit long sur leur triste sort.
Mes chers collègues, laissez-moi citer quelqu’un que nous connaissons bien ici : « Accepter le vent vivifiant de la compétition est une chose, se résigner aux tempêtes que produirait une déréglementation hâtive en est une autre ». C’est ce qu’écrivait dans Le Quotidien de Paris, le 26 mars 1993, à propos de France Télécom et de La Poste, Gérard Larcher, sénateur des Yvelines. M. le président du Sénat a raison : nous ne devons pas nous résigner aux tempêtes.
M. Jacques Muller. En écho à ces propos, je souhaiterais rappeler ceux qu’a prononcés Jean Glavany en 1997 : « L’ouverture du capital de France Télécom a été une erreur. […] Il faudra à l’avenir dire : on privatise ou on reste un service public. Mais l’ouverture du capital me paraît un cache-sexe un peu honteux pour une privatisation qui ne veut pas dire son nom ».
Marques de désapprobation et d’impatience sur les travées de l’UMP.
Donner notre aval à ce texte, c’est mettre en péril les agents qui bénéficient aujourd’hui d’un statut soumis à des règles déontologiques fortes, mais c’est aussi compromettre l’accès au service public postal pour tous, sur l’ensemble du territoire.
En conséquence, je vous invite, mes chers collègues, à supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l'amendement n° 430 rectifié.
Ah ! sur les travées de l ’ UMP
… a démontré que les Français n’étaient pas prêts à sacrifier leur poste et leur service public postal au profit d’une stratégie industrielle se résumant en la conquête de parts de marchés et d’opérateurs à l’étranger.
Cette stratégie, en admettant qu’elle soit pertinente, ne doit en tout cas pas être réalisée au détriment du développement sur le territoire d’une offre de services publics postaux et financiers de qualité, qui doit, au contraire, être consolidée.
À défaut, à qui bénéficierait finalement cette stratégie, si ce n’est aux futurs actionnaires exigeant d’être rémunérés pour leur apport de fonds axé sur le déploiement d’une telle stratégie ?
Avec le statut d’EPIC, La Poste dispose de l’autonomie financière. Elle a des fonds propres et n’a pas, à proprement parler, de capital. Elle n’a donc pas d’actionnaires et elle peut réinvestir l’ensemble de ses bénéfices.
En 2007, La Poste a réalisé un résultat net de 1 milliard d’euros. En 2008, au moment fort de la crise financière et économique, les bénéfices ont encore atteint près de 530 millions d’euros, alors que les entreprises, fortement touchées par cette crise, cherchaient à réduire leurs coûts, notamment leur poste courrier. Cela a contribué à accentuer la tendance à la chute du courrier, dont la baisse serait, pour les années 2008 et 2009, de l’ordre de 5 à 6 %.
Certes, au-delà des à-coups conjoncturels, la baisse de l’activité du courrier est structurelle. Mais force est de reconnaître que, comme le souligne le rapport Ailleret, le volume total du courrier n’a connu qu’une faible diminution, de l’ordre de 1, 5 % sur la période 2003-2006. Pour l’entreprise publique, le chiffre d’affaires annuel sur la période 2004-2008 est en moyenne de l’ordre de 11 milliards d’euros.
La situation n’est donc pas si tragique.
En revanche, les citoyens souhaitent que le financement du service public postal soit garanti. Ils souhaitent avant tout que La Poste ait les moyens d’assurer un service public de qualité, y compris en matière d’offre de produits financiers, sur l’ensemble du territoire, et qui puisse répondre aux besoins des populations.
Avec l’article 1er, le Gouvernement veut faire sauter le dernier verrou avant la disparition progressive du service universel. Mes chers collègues, il faut maintenir le statut actuel de La Poste !
Pour conclure, je vous renvoie au rapport d’information n° 42 rédigé en 1997 par Gérard Larcher, dans lequel il estime que la « sociétisation » de cette entreprise n’apparaît pas indispensable. Il a entièrement raison !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 581.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE a souhaité, dans ce débat, adopter une attitude constructive, en déposant des amendements en commission comme en séance publique, mais la majorité de ses membres défend l’idée que les citoyens doivent avoir le choix pour cette réforme touchant leurs services publics.
Dans la logique de la motion référendaire, et dans l’attente que la majorité fige – hélas ! – le sort de La Poste, les auteurs de l’amendement s’opposent au changement de statut de l’établissement public La Poste en société anonyme et souhaitent la suppression de l’article 1er.
MM. Martial Bourquin et Jean-Claude Frécon applaudissent.
Mes chers collègues, le changement de statut est la meilleure solution pour que La Poste puisse bénéficier d’un apport de fonds propres sans contestation de la part de la Commission européenne. Chacun doit en convenir.
Concernant ceux qui craignent une entrée de capitaux privés dans La Poste, je souhaiterais répondre à certains des propos tenus par M. Teston au cours de la discussion générale, car une mise au point est nécessaire.
L’expression « personnes morales de droit public » utilisée à l’article 1er ne vise pas, comme vous l’avez dit, cher collègue Teston, les entreprises publiques. Elle vise les établissements publics, ce qui est tout à fait différent.
Les entreprises publiques peuvent avoir des capitaux privés. Les établissements publics, eux, sont 100 % publics. Chacun doit bien faire la différence entre ces deux notions.
Les entreprises publiques dont vous parlez, monsieur Teston font en fait partie du « secteur public », et c’est précisément ce qu’a voulu éviter la commission lorsqu’elle a remplacé l’expression « personnes morales appartenant au secteur public » par l’expression « personnes morales de droit public ».
Il s’agit d’une modification fondamentale, pour essayer, en toute honnêteté et en toute confiance, de répondre aux craintes qui se sont exprimées depuis le début de la discussion de ce texte. Je souhaiterais que chacun comprenne bien que la rédaction proposée par la commission de l’économie du Sénat apporte les garanties dont vous avez tous besoin pour parler de cette question dans vos circonscriptions ou départements respectifs.
Aussi, compte tenu des observations que je viens de formuler, je demande aux auteurs de ces quatre amendements de les retirer, s’ils acceptent la rédaction de la commission, qui, je le répète, est radicalement différente de celle que prévoyait le projet de loi initial ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, enfin, nous abordons sérieusement le fond du débat !
Je comprends vos craintes, et je veux croire qu’elles sont émises avec conviction. Je tenterai de me convaincre moi-même qu’il s’agit de craintes de conviction.
Les amendements pourraient être justifiés si notre débat avait eu lieu avant la discussion en commission, avant les profondes modifications – sans précédent par rapport à d’autres modifications statutaires antérieures – qu’elle a apportées au texte initial et qui ont été rappelées par M. le rapporteur.
Nous sommes tous attachés à La Poste, cette entreprise formidable que nous voulons « sauver ». J’utilise à dessein ce terme. En effet, certains se disent au fond d’eux-mêmes que, en évitant le débat et la réforme, on peut réussir à ne rien changer et à passer entre les gouttes et que l’état actuel de La Poste lui permettra de s’en sortir malgré l’ouverture à la concurrence. À ceux-là, je réponds qu’il ne fait aucun doute que son unique chance de s’en sortir est de procéder à ce changement de statut.
La Poste a-elle aujourd'hui une dette de 6 milliards d’euros ?
La réponse est « oui ». La Poste elle-t-elle confrontée à une baisse de l’activité courrier, qui ne va cesser de s’amplifier ?
On peut le regretter, mais, dans le même temps, on l’a souhaité. Je me souviens en effet du temps où j’étais ministre délégué à l’aménagement du territoire et où des parlementaires de tous bords, des maires ou des conseillers généraux venaient me voir en me disant : « Monsieur le ministre, je fais partie des 3 000 zones blanches pour la téléphonie mobile » ou « monsieur le ministre, nous n’avons pas d’accès à internet », ou encore « monsieur le ministre, nous ne recevons pas l’ADSL ». Leur argument était simple : pour des raisons d’équité, il est important que les territoires les plus isolés soient couverts et que personne ne soit laissé pour compte.
Aujourd’hui, les mêmes élus ruraux, dont je fais moi-même partie en tant qu’élu d’une circonscription de montagne, après avoir réclamé que nous modernisions les communications, que nous apportions les nouvelles technologies de l’information et de la communication, que nous accompagnions le changement de comportement de leurs administrés et après avoir obtenu gain de cause, regrettent une baisse de l’activité traditionnelle du courrier. Cela n’a pas de sens !
Tout le monde sait que notre société est en train de passer d’un monde à un autre. Or, dans le même temps, nous voulons que l’entreprise La Poste, à laquelle nous sommes si attachés, et qui doit franchir ce passage, reste compétitive tout en conservant son statut public.
Après avoir étudié toutes les possibilités, il s’avère que l’évolution statutaire est notre seul moyen d’éviter une condamnation par Bruxelles. Rappelez-vous le problème auquel a été confrontée l’agriculture au cours des mois écoulés. Si nous conservions le statut de La Poste en l’état, en versant les 2, 7 milliards d’euros pour l’aider à se moderniser et lui permettre de faire face à l’ouverture à la concurrence, nous prendrions le risque de voir la France condamnée dans quelques années pour non respect des règles européennes. Cette somme devrait alors être remboursée.
Tout en assurant cette évolution statutaire, nous voulons garantir l’avenir de La Poste, quelle que soit la majorité au pouvoir demain. Il nous faut donc travailler ensemble et graver dans le texte le fait que les missions de service public et de service au public sont immuables. Certes, je le sais, rien n’est éternel. Même si je souhaite à chacun d’entre vous de connaître l’éternité
Rires
La discussion que nous entamons doit être la plus constructive possible. En tout cas, je le souhaite. J’ai d’ailleurs pris des engagements en ce sens au nom du Gouvernement par rapport à un certain nombre de propositions. Si tel n’avait pas été le cas, s’il n’y avait pas eu ce débat en commission, nous n’aurions pas fait état du caractère à 100 % public de l’établissement et nous n’aurions pas énuméré la liste des missions de service public, qui sont désormais immuables. Nous n’aurions pas non plus annoncé, avant même que l’amendement de Bruno Retailleau ne soit examiné, qu’il sera inscrit noir sur blanc que nous tenons compte du préambule de la Constitution de 1946.
Lorsqu’un débat s’ouvre et que l’on dispose d’autant de garanties fortes sur la préservation du caractère à 100 % public de La Poste, ces quatre amendements ne se justifient pas. À l’instar de M. le rapporteur, je demande donc moi aussi leur retrait. De plus, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous sais tellement volontaires au fond de vous-mêmes que vous voulez permettre à La Poste de se moderniser, de faire face à l’ouverture à la concurrence et de devenir une grande entreprise.
On ne peut pas dénoncer pendant des heures, comme l’ont fait certains, sur toutes les travées d’ailleurs, les dysfonctionnements de La Poste et demander que rien ne change. J’ai entendu dire, à juste titre, que certaines choses n’allaient pas comme, par exemple, le fait que des bureaux ferment dans les territoires ou que l’organisation d’autres ne convient pas.
J’entends aussi qu’on se plaint des files d’attente, qui ne sont pas acceptables, pour retirer des recommandés ou que des colis n’arrivent pas toujours à l’heure, notamment en période de pointe.
La Poste, grâce à l’engagement de ses postiers, de ses salariés, de ses fonctionnaires, a la capacité de se moderniser. Elle l’a déjà démontré ces dernières années après un grand nombre d’investissements. Nous savons qu’elle en est capable pour autant que nous lui en donnions les moyens.
Dans le même temps, il faut veiller, comme je l’ai déjà dit au cours de la discussion générale, à ce que trois critères soient rigoureusement respectés.
Le premier concerne les personnels de La Poste. Alors que nous allons investir des moyens pour moderniser cet établissement, la dimension humaine du personnel, qui est au cœur de l’entreprise, doit absolument être prise en compte. Le personnel ne doit en aucun cas servir de variable d’ajustement.
Le deuxième critère a trait aux élus.
Tous les élus doivent être respectés. Ils ne doivent pas simplement être consultés au passage, puis constater que l’organisation postale a fondamentalement été modifiée dans leur département sans qu’on ait tenu compte de leur avis. Nous devons même aller plus loin en décidant que les élus pourront se prononcer sur les changements d’organisation, y compris des grands centres de tri départementaux.
Le troisième critère concerne bien sûr les Françaises et les Français.
Les 10 millions d’usagers qui franchissent toutes les semaines la porte d’un bureau de poste doivent être respectés. Tous les efforts de modernisation de l’organisation de La Poste doivent réellement tenir compte de leurs attentes. Le travail que nous menons doit d’abord se tourner vers eux. Ils attendent de nous, non pas que l’on fige la situation, mais que l’on modernise La Poste en apportant de meilleures réponses. Ils espèrent non pas moins de service ou le même service, mais mieux de service public.
M. Bruno Sido opine.
Telles sont les raisons qui me conduisent, au moment où nous ouvrons réellement le débat de fond, à demander aux auteurs de ces quatre amendements de suppression de l’article 1er de bien vouloir les retirer. Ainsi, nous pourrons ensemble, en essayant de prendre en compte les propositions les plus constructives, faire demain de La Poste une grande entreprise publique française qui résistera à toutes les offensives qui seront conduites à partir du 1er janvier 2011 par d’autres postes européennes ou par des groupements d’opérateurs qui s’organisent déjà sur tout le territoire européen, y compris dans nos régions et nos départements.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole pour explication de vote à ceux d’entre vous qui me l’ont demandé, je vous précise que, à la demande du président Larcher, je lèverai la séance à vingt-trois heures cinquante-cinq.
M. Bruno Sido applaudit.
J’ai écouté attentivement le plaidoyer de M. le ministre concernant le changement de statut de La Poste. Je dois dire que je ne suis toujours pas convaincu.
Je le suis d’autant moins que l’argument du chantage aux amendes infligées par Bruxelles ne tient absolument pas la route. Les traités actuels, avant même le traité de Lisbonne, permettent déjà aux États membres de définir les services publics. Le Gouvernement aurait donc dû commencer par définir le service public de La Poste et ses missions, autrement dit le cahier des charges de ce service public.
Brouhaha sur les travées de l ’ UMP.
En outre, les traités permettent de définir les missions de service public et de les financer. Chaque État membre est totalement autonome en la matière.
Le brouhaha continue.
L’orateur marque une pause.
M. Daniel Raoul. Je m’aperçois que je ne suis pas le seul à avoir la parole, monsieur le président. Nos collègues de la majorité sont plus nombreux qu’hier soir et, apparemment, ils sont encore réveillés.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Quand on nous dit qu’il s’agit d’une conséquence des directives européennes, c’est un mensonge !
Dans le domaine agricole, les condamnations qui pèsent sur nous, elles, sont véritables. En revanche, en matière de services publics, je le répète puisqu’un certain nombre de nos collègues parlaient de tout autre chose pendant que je l’expliquais, chaque État membre est totalement libre de définir ses services publics et de les financer.
Je serais curieux, sans doute par déformation professionnelle, de soumettre nos collègues à une interrogation écrite afin de savoir ceux qui seraient capables de nous indiquer la différence entre un EPIC et une SA.
Monsieur Longuet, ce n’est pas à vous, le bon élève de la classe, que je posais la question.
Pour avoir été ministre en charge de la poste, je l’imagine très bien, vous savez ce qu’est un EPIC, et pour avoir différentes relations, vous savez aussi ce qu’est une SA.
En revanche, je ne suis pas sûr que tous nos collègues saisissent l’enjeu d’une telle transformation.
En fait, il s’agit de transférer le patrimoine d’un EPIC, dont le capital a été construit par la nation, ...
… en haut de bilan d’une société anonyme.
Vous aurez beau faire toutes les promesses que vous voudrez, tel sera le résultat : ce patrimoine sera disponible pour les futurs actionnaires, quels qu’ils soient.
Je ne vous fais même pas de procès d’intention pour le moment. Pourtant, je me rappelle une époque où nous avions un superministre de l’économie qui nous avait juré ses grands dieux que jamais Gaz de France ne serait privatisé.
Sourires.
Je n’aurais pas la cruauté de rappeler son nom…
On a vu ce qu’il est advenu : le patrimoine de Gaz de France, autrement dit tout le capital de cet établissement, a été réparti entre les mains des actionnaires.
Voilà ce que vous voulez faire en transformant un EPIC en SA ! Je vous demande d’y réfléchir sérieusement et d’informer nos concitoyens que vous êtes en train de les spolier, de les léser.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Depuis lundi, monsieur le ministre, vous multipliez déclarations et promesses pour nous convaincre que, selon vos propres mots, La Poste sera « imprivatisable ». Ce soir, vous allez même jusqu’à vouloir la « sauver » !
Vous invoquez même le préambule de la Constitution de 1946 et la notion de « service public national » que vous êtes prêt, dites-vous, à inscrire dans la loi.
Cela constitue, nous le rappelons, une contre-vérité. Il suffit d’ailleurs de lire intégralement les décisions du Conseil constitutionnel de 1986 ou de 2006, et non pas quelques morceaux choisis, pour comprendre que le caractère de service public national ne fait absolument pas obstacle au transfert au secteur privé de cette entreprise publique.
Une citation de M. Guaino pourrait vous en convaincre : « Il n’y a jamais rien d’éternel. C’est une réalité, ce qu’une loi fait, une loi peut le défaire ».
Ces propos, l’adhésion complète du Gouvernement aux politiques ultralibérales communautaires et les différentes lois que vous avez fait adopter pour privatiser plusieurs entreprises publiques forment un faisceau d’indices important qui nous laisse peu d’espoir quant à l’avenir de La Poste.
En effet, vous ne leurrez personne et surtout pas les citoyens, que vous n’avez de cesse de mépriser en dénigrant la consultation populaire du 3 octobre dernier.
L’article 1er du projet de loi constitue une privatisation de l’exploitant public La Poste. Privatisation partielle, si vous voulez, mais privatisation quand même, qu’il s’agisse de son statut, de sa gestion et, progressivement, de ses personnels ; ilsne seront plus des fonctionnaires.
D’abord, avec le changement de statut, le verrou aura sauté, la voie sera alors grande ouverte à une entrée majoritaire des capitaux privés dans l’entreprise.
Une société anonyme à caractère 100 % public, cela n’existe pas !
On connaît la chanson : le temps n’est pas si loin – c’était en 2004 – où Nicolas Sarkozy déclarait : « EDF-GDF ne sera pas privatisé. En revanche, nous devrons changer pour adapter le statut de ces grandes entreprises, pour leur donner les moyens du développement dont elles ont besoin ».
Ensuite, ce changement de forme juridique aura de graves conséquences sur les missions de service public que l’État confie à La Poste. Cette transformation accentuera bien sûr la précarité des personnels de droit privé. La convention régissant les statuts des personnels salariés pourrait céder la place à un éventail de conventions collectives moins avantageuses.
Enfin, il n’est pas souhaitable que l’État soit minoritaire par rapport aux autres personnes publiques, car lui seul peut défendre l’intérêt général contre les intérêts particuliers. Seul l’État a la capacité de promouvoir un service public de qualité pour l’ensemble de nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire.
« La Poste a un bel avenir », a dit M. Ailleret. Cela serait vrai si cet avenir n’était pas entre vos mains !
Afin que le service public postal ne soit pas définitivement détruit, les sénateurs du groupe CRC-SPG continueront la lutte au sein de cet hémicycle et à l’extérieur de celui-ci.
Mme Mireille Schurch. Pour toutes les raisons exposées, nous voterons en faveur des amendements de suppression.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Contrairement aux affirmations de M. le rapporteur et de M. le ministre, ces amendements de suppression sont pleinement justifiés. C’est pourquoi les sénateurs de notre groupe les voteront.
En effet, nous ne pouvons croire aux arguments que vous avancez pour justifier la transformation en société anonyme de cet exploitant public qui remplit une mission ô combien importante aux yeux des Français.
Ainsi, selon le Gouvernement, l’État ne peut apporter une aide à La Poste sans que celle-ci soit considérée comme une aide d’État par les institutions communautaires.
Premièrement, et cela a déjà été dit, cet argument est faux. Deuxièmement, quand bien même le maintien du statut d’EPIC et l’aide que l’État souhaite apporter à La Poste seraient contraires aux prescriptions communautaires, le Gouvernement français, légitimé par le Parlement, pourrait pleinement assumer politiquement un tel choix.
Je l’ai dit à l’instant, l’argument concernant Bruxelles est erroné. L’État peut, en effet, apporter son concours au financement des missions de service public de La Poste sans que cela soit considéré comme une aide d’État.
Ainsi, à ma connaissance, l’État apporte des aides à La Poste pour l’aménagement du territoire, la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire, et ce depuis de nombreuses années, sans être inquiété ni par la Commission européenne, ni par la Cour de justice des Communautés européennes.
Rien n’empêche donc l’État de rembourser à La Poste le milliard d’euros dû au titre des missions de service public. Rien n’empêche non plus l’État, le Gouvernement et le législateur de renforcer les missions de service public de La Poste et donc leur financement.
Je rappelle également que l’Union européenne ne préjuge en rien du régime de propriété de la puissance publique.
Enfin, ce gouvernement agit en apparence de manière assez incompréhensible. Alors que les banques ont su trouver le soutien financier de l’État, sans prise de participation dans le capital, La Poste ne serait pas logée à la même enseigne.
À quel moment le spectre de l’aide d’État a-t-il été brandi pour les banques ? À aucun moment, et ce pour une raison simple : il s’agissait d’une décision politique.
De plus, les sommes en question n’ont rien de comparables : 360 milliards d’euros pour les banques, contre 1, 5 milliard d’euros pour La Poste. Aussi, nous demandons qu’une décision politique soit prise pour La Poste.
Abonder le capital à hauteur de 1, 5 milliard d’euros n’impose donc pas le changement de statut. C’est votre volonté inébranlable de privatiser l’ensemble des services publics qui impose le changement de statut !
Nicolas Sarkozy jurait la main sur le cœur que GDF ne serait pas privatisé. Aussi, comment croire à vos promesses, monsieur le ministre, sur le caractère « imprivatisable » de La Poste.
En outre, l’examen du texte en commission a révélé que ce projet tel qu’il est rédigé permettait d’ores et déjà à des personnes morales de droit privé de participer au capital de La Poste. C’est dire les précautions qui ont été prises et l’attention particulière que le Gouvernement porte au « 100 % public » !
Personne n’est dupe, ni de vos manœuvres, ni de vos desseins pour l’entreprise publique ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les citoyens se sont déplacés massivement lors de la votation citoyenne.
Laminer les services publics dans le cadre de la libéralisation de l’ensemble des activités humaines est un choix contraire à l’intérêt général. La crise économique, financière et, surtout, sociale que nous traversons le démontre tous les jours.
La modernité, mes chers collègues, ce n’est pas de privatiser La Poste ; la modernité, c’est de penser la sortie du libéralisme, et non de s’enfoncer encore un peu plus dans cette spirale du déclin.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de ces amendements de bon sens, au nom des 2 300 000 personnes qui ont manifesté leur volonté d’un autre avenir pour La Poste.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je souhaite d’abord répondre à M. Pierre Hérisson. Je lui confirme que les entreprises publiques sont bien considérées comme des personnes morales de droit public. Or, je le redis, aux termes de la loi du 2 juillet 1986, une entreprise publique est une entreprise dont au moins 51 % du capital est détenu par l’État, les administrations nationales, régionales ou locales.
La formulation proposée par la commission apporte donc un peu plus de garantie que la rédaction initiale, mais elle n’assure absolument pas que les autres actionnaires que l’État seront des personnes morales dont le capital est 100 % public !
J’en viens à deux critiques qui ont été opposées à notre volonté de maintenir le statut d’établissement à caractère industriel ou commercial pour le groupe La Poste.
J’ai entendu les ministres, le rapporteur et un certain nombre de collègues, dont M. Patrice Gélard. Le premier argument qu’ils avancent est le suivant : l’EPIC ne pourrait pas recevoir de subsides d’État. Or La Poste reçoit une aide de l’État pour une de ses missions de service public depuis de nombreuses années déjà, même si elle est insuffisante – 242 millions d’euros en loi de finances initiale pour le transport et la distribution de la presse. L’État n’en apporte pas pour la présence postale, alors qu’il pourrait le faire.
La SNCF, par exemple, qui est devenue un EPIC aux termes de la loi de décembre 1982, reçoit des dotations de l’État. Le président Pepy écrivait d’ailleurs dans son rapport d’activité 2008 : « la SNCF s’organise au plan comptable et financier de manière que la persistance de ce statut original soit en tous points compatible avec l’exercice d’activités concurrentielles ».
Second argument avancé pour s’opposer à notre demande : ce statut ne permettrait pas à La Poste de se développer pour faire face à l’ouverture totale à la concurrence à partir du 1er janvier 2011.
Là encore, les exemples de la SNCF, de la RATP et de La Poste elle-même viennent contredire ces affirmations. La SNCF s’est développée en France et à l’étranger. Je citerai ses dernières acquisitions : achat d’une entreprise de fret dont le siège est implanté à Dresde et acquisition de la partie internationale de Veolia Cargo. Elle a également pris des participations dans une société exploitant des trains à grande vitesse en Italie, concurremment d’ailleurs à Trenitalia.
Le même constat peut être fait pour la RATP, qui s’est développée en rachetant notamment des entreprises qui exploitent des tramways dans des pays étrangers.
Quant à La Poste, elle a fait de nombreuses acquisitions, je pense notamment, en Allemagne, au distributeur DPD, dont l’activité est particulièrement importante.
Le statut d’EPIC ne constitue absolument pas un obstacle au développement d’une entreprise. Par ailleurs, les aides publiques, dans un certain nombre de cas, sont tout à fait possibles.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement et vous demandons de renoncer au changement de statut de La Poste.
Très bien et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils et M. Bernard Vera applaudissent également.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu vos arguments, mais vous ne m’avez pas convaincue.
En refusant le changement le statut, nous ne cherchons pas le statu quo, bien au contraire, monsieur le ministre.
Hier, lors de nos interventions, M. Jean-Claude Danglot, Mme Évelyne Didier et moi-même avons formulé des propositions, mais vous ne les avez pas entendues, en tout cas vous ne les avez pas retenues, ce que je comprends puisqu’elles ne vont pas dans votre sens.
Vous vous appuyez sur des constats que nous pouvons partager. Effectivement, La Poste a de dettes, mais vous ne spécifiez pas l’identité de ses créanciers. Certes, La Poste doit se moderniser, mais, jusqu’à présent, vous ne lui en avez pas donné les moyens.
La Poste se retrouve ainsi aujourd’hui dans une situation qui vous fait dire qu’un changement de statut est nécessaire. Et vous affirmez sans cesse que ce changement de statut ne débouchera pas sur une privatisation de l’entreprise postale. Vous nous l’assurez la main sur le cœur, l’ajout introduit à l’article 1er par la commission de l’économie permettant, selon vous, d’empêcher cette privatisation. En vérité, vous cherchez à faire taire les protestataires.
Pour notre part, nous ne sommes pas dupes. Je vous rappelle qu’en 2004 déjà, lorsqu’il s’agissait de l’augmentation du capital d’EDF-GDF, d’aucuns criaient : « Pas de privatisation ! » Depuis, l’État actionnaire ne possède plus que 35, 7 % du groupe GDF-Suez. France Télécom a connu le même sort que GDF, l’État y est désormais un actionnaire minoritaire.
Oui, nos craintes sont justifiées, et vous n’avez pas su les apaiser !
En outre, le processus de privatisation n’est pas le fait de ce seul texte. Le système privé n’est pas étranger à La Poste, qu’il s’agisse de ses modes de gestion ou de ses filiales privées dont la plupart ont le statut de société anonyme. La structuration de La Poste en quatre branches – courrier, colis et express, Banque postale et réseau de bureaux de poste – est d’ailleurs comparable à celle d’une entreprise privée.
La Banque Postale, par exemple, est une société anonyme dont le capital est détenu par La Poste. Elle a dévoilé début septembre un produit net bancaire semestriel en hausse de 3, 2 %. Certes, sa collecte a baissé au premier semestre, mais, en dépit de l’ouverture du livret A à la concurrence, les encours d’épargne et de dépôts à vue sont en hausse, au rythme annuel de 8, 1 %.
La Poste s’intéresse également à la société Tocqueville Finance ; elle veut « poursuivre l’équipement de ses clients » et faire progresser sa clientèle « dans la ligne de son objectif de 10 millions de clients actifs à la fin de l’année 2010 » : c’est bien la preuve qu’elle se situe pleinement dans le marché et adopte les critères d’une société privée.
Cette recherche de rentabilité n’a pas empêché la fermeture de nombreux bureaux de poste. C’est dans l’inversement de cette tendance qu’il faut chercher une solution constructive, et non dans le renforcement du processus de privatisation !
Au lieu de renforcer les missions de service public, vous ne faites que les affaiblir. Comment comprendre autrement que les fonds de compensation prévus depuis le vote de la loi en 2005 pour les missions de service public n’aient jamais été versés à La Poste ? Ils représentaient plus de 800 millions d’euros par an, soit 4 milliards d’euros à la fin de cette année. Et l’on ose dire que La Poste a besoin de liquidités alors que l’État n’a pas versé son dû !
Je profite de l’occasion pour saluer l’arrivée de notre collègue Jean-Pierre Sueur.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, j’avoue que j’ai eu un choc quand j’ai appris que le maire de Nice était un élu rural, mais cela m’a fait très plaisir.
Je veux bien vous accorder que vous croyez sincèrement aux garanties de votre dispositif anti-privatisation, mais admettez tout de même que celles-ci sont précaires et révocables !
Même si l’on déclare que l’activité postale est un service public national, qui ne peut à ce titre être privatisé, on peut changer la dénomination. Le jour où il cessera d’être « national » parce que l’Assemblée du même nom et le Sénat en auront décidé, il deviendra privatisable. Voilà ce que nous craignons !
Vous faites valoir un certain nombre d’arguments techniques pour justifier votre position, mais la question n’est pas si claire, comme en témoigne notre discussion. M. Michel Teston a montré qu’il était tout à fait possible de soutenir La Poste et de lui offrir des possibilités de développement sans en passer par la solution risquée que nous propose le Gouvernement. C’est tout l’enjeu du débat.
Reconnaissez que nos positions ne sont ni archaïques, ni déplacées. Notre crainte est fondée, et nous aurions préféré d’autres solutions pour permettre à La Poste de se développer.
Comme l’ont démontré les orateurs précédents, l’article 1er du projet de loi ouvre la voie à une privatisation à terme de l’entreprise publique. Pour faire passer son projet en douceur, le Gouvernement tente d’inventer un nouveau concept : la société anonyme 100 % publique !
Or le statut de société anonyme implique le transfert du patrimoine, un capital, des actionnaires et leurs confortables rémunérations. Cela n’est évidemment pas compatible avec l’exercice de missions de service public pour lesquelles la rentabilité est avant tout sociale et non pas économique.
Monsieur le ministre, vous avez parfaitement illustré ces contradictions dans l’interview que vous avez accordée, le 7 juillet dernier, au quotidien suisse Le Matin. Vous avez en effet affirmé : « à aucun moment nous ne laisserons de place, à l’intérieur du capital, à quelque acteur privé que ce soit ». Vous l’avez rappelé devant le Sénat à maintes reprises. Toutefois, un peu plus loin, vous ajoutiez : « Mais ce qui est une réalité aujourd’hui peut évoluer demain en fonction des circonstances ».
Nous soutenons donc la suppression de l’article 1er du projet de loi, car nous ne voulons pas que notre service public postal, l’équilibre de nos territoires, l’accessibilité et la continuité du service dépendent des circonstances !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Dans cet hémicycle, nous sommes tous conscients de la gravité de la situation que traverse La Poste aujourd’hui, un service public auquel nos concitoyens sont viscéralement attachés.
Pour autant, nous devons nous garder de faire de l’idéologie. Or refuser le nécessaire pragmatisme, adopter des dispositions déconnectées de la réalité du terrain en faisant abstraction des leçons de l’histoire, qu’est-ce sinon de l’idéologie ?
Après France Télécom, GDF et EDF, les Verts disent « stop ! » : nous ne voulons pas participer à la poursuite de ce qu’il faut bien appeler un démantèlement rampant du service public théorisé par les idéologues du libéralisme ! Nous refusons d’ouvrir la boîte de Pandore, fût-elle emballée dans du papier cadeau !
Aussi, nous voterons ces amendements de suppression.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 23, 264, 430 rectifié et 581.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29 :
Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés336Majorité absolue des suffrages exprimés169Pour l’adoption150Contre 186Le Sénat n'a pas adopté.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 5 novembre 2009 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).
À quinze heures et le soir :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 5 novembre 2009, à onze heures
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.