Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 22 décembre 2005 à 9h30
Lutte contre le terrorisme — Adoption définitive des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte présenté par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers résulte d'un large consensus entre le Sénat et l'Assemblée nationale.

Le projet de loi présenté en conseil des ministres comportait quinze articles. Après son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, il en comptait vingt-sept. Le Sénat, qui a adopté plus de quarante amendements, a porté ce nombre à trente-trois.

Sur les vingt-sept articles issus des travaux de l'Assemblée nationale, quinze ont été adoptés par la Haute Assemblée dans les mêmes termes.

La commission mixte paritaire était appelée à examiner les dix-neuf articles qui restaient en discussion. La majorité d'entre eux n'ont fait l'objet d'aucune modification, ou n'ont subi que de simples modifications de coordination.

Avec M. Alain Marsaud, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, nous avons souligné, au cours de la réunion de cette commission mixte, la vision commune des deux assemblées sur ce texte, le Sénat ayant principalement conforté et complété le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Ce texte porte donc incontestablement l'empreinte de notre assemblée, et il reflète la plupart des souhaits et préoccupations exprimés la semaine dernière dans cet hémicycle.

Parmi les apports les plus substantiels du Sénat, j'évoquerai notamment la création d'une cour d'assises spéciale près le tribunal de grande instance de Paris, chargée de juger les actes de terrorisme commis par des mineurs ; la généralisation du délit de non-justification des ressources correspondant au train de vie d'une personne en relation habituelle avec d'autres individus se livrant à des infractions punies d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement et en tirant un profit direct ou indirect ; le renforcement de la procédure d'agrément par le préfet des personnels ou dirigeants des entreprises privées de sécurité qui sont amenés à travailler sur des sites sensibles, qu'il s'agisse d'aéroports ou d'installations industrielles dangereuses ; enfin, la création d'une procédure d'agrément des personnes ayant accès aux lieux de stockage ou de conditionnement du fret lorsque ces lieux se trouvent en dehors des zones réservées des aérodromes.

Par ailleurs, je tiens à réaffirmer ici l'attachement du Sénat à la création d'une commission parlementaire de contrôle des services de renseignement. Je souhaite que le groupe de travail mis en place à cette fin parvienne rapidement à élaborer une proposition de loi, qui pourrait être adoptée au cours de l'année prochaine. Il ne faut pas laisser passer l'occasion historique que nous avons de rompre avec cette exception française !

Quelques modifications de fond ont néanmoins été apportées par la commission mixte paritaire.

À l'article 5, relatif à la procédure de réquisition administrative des données techniques des communications électroniques, la commission a rétabli, parmi les finalités justifiant ces réquisitions administratives, la répression du terrorisme, alors que le texte adopté par le Sénat limitait le champ d'exercice de cette faculté à la seule prévention du terrorisme.

À ce même article, la commission a légèrement modifié la procédure selon laquelle la personnalité qualifiée chargée d'autoriser les demandes de réquisitions administratives de ces données sera nommée. La rédaction proposée ménage une plus grande liberté de choix à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui pourra choisir sur une liste d'au moins trois noms présentée par le ministre de l'intérieur, la CNCIS pouvant toujours, éventuellement, refuser l'ensemble des noms ainsi proposés.

Enfin, toujours à l'article 5, la commission a supprimé, par souci de coordination avec l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, la précision selon laquelle les surcoûts éventuels pesant sur les fournisseurs d'hébergement font l'objet d'une compensation financière.

À l'article 6, relatif à l'obligation, pour les transporteurs, de communiquer les données concernant les passagers, la commission a déplacé, dans un souci de clarification, l'alinéa prévoyant l'information des passagers sur la mise en oeuvre de fichiers à partir des données relatives aux passagers ainsi collectées et transmises.

À l'article 7, relatif aux systèmes de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules, la commission a rétabli la possibilité d'installer de tels systèmes pour réprimer ou prévenir le terrorisme.

Au même article, elle a supprimé la possibilité de consulter les données enregistrées par ces systèmes et n'ayant pas fait l'objet d'un rapprochement positif avec le fichier des véhicules volés pour les besoins d'une procédure douanière. Cette possibilité subsisterait uniquement pour les besoins d'une procédure pénale. Toutefois, la commission ne s'est pas opposée à ce que soient conservées plus d'un mois les données ayant fait l'objet d'un rapprochement positif lorsque les besoins d'une procédure douanière le nécessitent.

À l'article 9 ter, relatif à l'exclusion de certaines informations communiquées à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, dans le cadre des formalités préalables à la création de fichiers intéressant la sûreté de l'État, la défense ou la sécurité publique, la commission a adopté une position de compromis, afin de concilier les exigences de la sécurité et les impératifs du contrôle.

Le texte adopté par le Sénat prévoyait que certaines demandes d'avis et certains actes réglementaires portant sur des fichiers intéressant la sûreté de l'État, la défense ou la sécurité publique et adressés à la CNIL puissent, aux termes d'un décret en Conseil d'État pris après avis de la CNIL, ne pas comporter l'ensemble des éléments d'information exigés par la loi du 6 janvier 1978. La commission a approuvé une rédaction restreignant la dérogation aux seules demandes d'avis et précisant que le décret en Conseil d'État fixerait également la liste des informations devant figurer a minima dans ces demandes d'avis.

À l'article 10 bis A, instituant une cour d'assises spéciale pour les mineurs terroristes, la commission a supprimé toute possibilité de dérogation à la présence obligatoire de deux juges des enfants parmi les assesseurs.

À l'article 10 ter, relatif à la garde à vue, la commission est revenue au texte adopté par l'Assemblée nationale, estimant que la modification rédactionnelle introduite par le Sénat n'apportait pas de garantie supplémentaire par rapport aux dispositions initiales, selon lesquelles la personne placée en garde à vue peut demander à s'entretenir avec un avocat.

Tout ayant été dit au cours d'une sérieuse première lecture, je voudrais enfin, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, exprimer un certain nombre de remerciements.

Je voudrais d'abord vous remercier, monsieur le ministre, de la clarté de vos explications et de la grande ouverture aux propositions du Sénat dont vous avez fait preuve au cours de nos débats.

Je remercie également les très nombreux intervenants qui, dans un esprit constructif ou critique, ont contribué à leur manière à enrichir le débat et, en définitive, à améliorer ce texte.

Mes chers collègues, je vous demande donc d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire dont je viens de vous rendre compte.

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