Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 7 février 2007 à 15h30
Modification du titre ix de la constitution — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les Français ont une relation particulière avec leur Président de la République. Ils l'élisent directement, et ce mode d'élection donne à ce dernier une légitimité sans égale au sein de nos institutions.

La Constitution confie en outre au Président de la République le rôle éminent de garant de la continuité de l'État. Le général de Gaulle résumait la place centrale du Président de la République dans nos institutions en le définissant, en 1964, comme « l'homme de la nation, mis en place par elle-même pour répondre de son destin ».

Investi de la confiance de la nation et chargé de la représenter, le chef de l'État est supposé observer un comportement vertueux. Mais il doit aussi être protégé à l'égard des poursuites qui pourraient viser à paralyser ou à amoindrir la fonction présidentielle.

Nécessaire, et d'ailleurs établie dès la constitution du 3 septembre 1791, cette protection doit cependant être conciliée avec nos principes fondamentaux. Parmi ces principes, figure celui de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ».

C'est la conjugaison de ces deux exigences qui doit guider le pouvoir constituant lorsqu'il définit les règles applicables aux poursuites pénales dirigées contre les plus hautes autorités de l'État.

Le titre IX de la Constitution du 4 octobre 1958, qui ne traite plus que du statut pénal du chef de l'État depuis que le régime de responsabilité des membres du Gouvernement a été inscrit au titre X, reprend les dispositions en vigueur sous la IIIe et la IVe République.

Ce statut établit par conséquent un principe d'irresponsabilité du chef de l'État pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions. La possibilité de mettre en accusation le Président de la République et de le juger pour haute trahison est définie dès la IIIe République comme la seule exception au principe d'irresponsabilité présidentielle. Le privilège de juridiction du Président avait alors une portée générale.

En revanche, sous la IVe République, la mise en accusation devant la Haute Cour de justice ne concerne que le cas de haute trahison.

L'article 68 de la Constitution de 1958 reprend, dans sa seconde phrase, le principe restrictif de l'article 12 de la loi du 16 juillet 1875 et autorise, hélas ! deux lectures opposées.

Si l'on considère que les deux phrases forment un tout indissociable, le Président de la République est alors soumis au droit commun pour les actes accomplis hors l'exercice de ses fonctions.

En revanche, si l'on fait des deux phrases une lecture disjointe, la responsabilité pénale du chef de l'État ne peut être mise en cause, y compris pour les actes étrangers à l'exercice de son mandat, que devant la Haute Cour de justice.

L'ambiguïté du statut défini en 1958 réside également dans la notion de haute trahison, reprise de constitution en constitution depuis l'an III.

La haute trahison demeure indéfinie et conserve une connotation pénale excessive. On ne sait s'il s'agit d'un crime politique - c'était l'interrogation de Maurice Duverger -, de la simple trahison de la France au profit d'une puissance étrangère, ou d'une expression absorbant l'ensemble des crimes et délits prévus par le code pénal, comme l'estime Dominique Chagnollaud. En raison de son imprécision, la haute trahison ne respecte pas le principe de légalité des délits et des peines.

Notre regretté collègue Etienne Dailly, qui aimait beaucoup le droit constitutionnel, avait proposé en 1993 une énumération des faits constitutifs de haute trahison, visant notamment les cas où le Président « s'arroge un pouvoir qu'il ne tient pas de la Constitution ».

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