Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 8 février 2007 à 9h45
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

C'est avec beaucoup de plaisir et d'attention, comme il se doit, que nous venons d'entendre M. le Premier président nous présenter le rapport public annuel de la Cour des comptes.

Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce rapport, que nous ne manquerons pas, spécialement à la commission des finances, d'analyser comme toujours avec le plus grand soin.

C'est avec satisfaction que je souhaite en premier lieu souligner l'excellence des relations qui se sont établies entre la Cour des comptes et le Sénat, relations dont je considère qu'elles ont atteint désormais leur rythme de croisière.

Ainsi, cinq enquêtes que nous lui avons demandées en 2006, en application du deuxième alinéa de l'article 58 de la LOLF, nous ont été présentées ou vont l'être dans les prochaines semaines. Elles donneront lieu, comme l'usage s'en est établi, à des auditions pour suite à donner réunissant, autour des commissaires de la commission des finances, les magistrats de la Cour des comptes ayant conduit les enquêtes ainsi que les représentants des organismes contrôlés et, le cas échéant, le ou les ministères de tutelle.

Ces auditions, nous les avons souhaitées ouvertes à la presse et à tous nos collègues des commissions intéressées, afin de donner le plus de résonance possible aux travaux de la Cour des comptes qui sont effectués sur notre demande.

Ainsi, hier, nous avons entendu, avec la commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques, les représentants des services du ministère de l'économie et des finances, du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, du ministère de l'industrie, et, enfin, du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche à propos de l'enquête de la Cour sur l'Agence nationale de valorisation de la recherche et sa transformation en OSEO-ANVAR. Je crois me faire l'interprète de l'ensemble de mes collègues pour dire que ce fut un grand moment, compte tenu des observations de la Cour et des enseignements qu'il convient d'en tirer.

C'est pourquoi nous continuerons, cette année encore, à valoriser ces travaux par une attention particulière portée au suivi des enquêtes, notamment à travers l'organisation de débats en séance publique lors des séances mensuelles réservées à l'initiative parlementaire, afin d'interroger le ministre compétent sur les suites qui sont données à ces enquêtes.

Il m'arrive de penser, mes chers collègues, que ces travaux d'interpellation et de suivi sont peut-être aussi importants que le temps que nous consacrons parfois à examiner des textes de loi quelque peu inspirés par la « tyrannie » du moment et du court terme.

Pour l'année 2007, monsieur le Premier président, la commission des finances vous a ainsi saisi de cinq enquêtes issues des demandes des rapporteurs spéciaux compétents, portant sur les sujets suivants : l'évolution des retraites militaires depuis la professionnalisation ; la gestion des crédits d'intervention de la politique de la ville ; l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels ; le service des pensions de l'État ; la gestion des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État et d'impôts locaux.

Nous souhaitons aussi recourir de nouveau à la faculté, ouverte par le 1° de l'article 58 de la LOLF, de demander l'assistance d'un magistrat de la Cour sur le sujet délicat des ressources financières des chambres de métiers.

Merci encore, monsieur le Premier président, de contribuer ainsi à nous assister, grâce à ces procédures, mais aussi grâce à la qualité des contacts informels que nous établissons tout au long de l'année, dans le développement de la mission de contrôle, qui est, chaque jour davantage, la « seconde nature » du Parlement, ainsi que M. le président Christian Poncelet l'a rappelé.

Au cours de l'année 2007, et nonobstant le contexte politique très particulier, le Parlement et la Cour des comptes devront également faire vivre la LOLF et poursuivre sur la voie ouverte l'an dernier lors de l'examen de la loi de règlement.

Compte tenu du calendrier prévisible des travaux du Parlement, nous devrons sans doute modifier notre manière de procéder par rapport à l'année passée. Toutefois, grâce à la collaboration de la Cour des comptes et à l'esprit d'initiative des rapporteurs spéciaux, je ne doute pas que l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2006, le premier texte de ce genre totalement « lolfien », démontrera que la logique de performance et de résultat, induite par la LOLF, est le principe qui nous guide dans l'appréciation portée sur la conduite des politiques publiques.

À l'image des entreprises du secteur privé, nous devons attacher une importance toute particulière à la reddition des comptes - bilan et compte de résultats -, et ce plus qu'à la présentation des comptes prévisionnels. À ce titre, je le répète, le Parlement doit faire évoluer le temps fort de la discussion budgétaire de la loi de finances initiale vers la loi de règlement, laquelle est la loi de « vérité budgétaire ».

Monsieur le Premier président, l'année à venir sera également marquée, vous l'avez souligné, par l'échéance du 31 mai 2007, date fixée par la LOLF pour une première certification des comptes de l'État, établie sur la base du bilan d'ouverture au 1er janvier 2006, premier « vrai bilan » selon les nouvelles normes comptables.

Je me félicite, à cet égard, que la Cour des comptes ait usé d'une démarche à la fois audacieuse et pragmatique. Audacieuse par nécessité, compte tenu de l'ampleur de la tâche et des délais qui lui étaient impartis. Pragmatique aussi, si je m'en réfère notamment au processus d'ajustements et d'échanges que la Cour des comptes a su établir avec la direction générale de la comptabilité publique en vue de préciser les concepts et les enjeux de cette opération majeure et sans précédent.

Ce travail constructif nous renvoie à la question fondamentale des normes comptables, sujet auquel, vous le savez, la commission des finances est très attentive.

Je suis bien conscient que le Parlement, comme la Cour des comptes, doit lui aussi se préparer à l'épreuve du bilan d'ouverture et qu'il nous revient sur ce sujet d'engager, dès à présent, une campagne d'information et de sensibilisation de nos concitoyens. Une telle « préparation des esprits » n'est en effet aucunement à négliger.

De ce point de vue, je me permets d'insister de nouveau pour que cette première « photographie » du patrimoine de l'État, qui doit être aussi fidèle que possible, ne sous-estime en aucune façon les dettes et les provisions pour charges constituant le « passif » de l'État au 1er janvier 2006.

Il s'agit bien sûr d'assurer le respect de l'exigence de « sincérité » des comptes publics. C'est, au surplus, le meilleur moyen d'offrir aux Français l'image tant attendue de l'équilibre des comptes publics, dès que les conditions s'y prêteront. Si telle dette ou telle provision n'est pas constatée au 1er janvier 2006, les premiers résultats d'équilibre et, peut-être, d'excédent budgétaire seront instantanément « mangés » par ces oublis.

Je suis également convaincu que la révolution lolfienne engagée par l'État doit entrer dans une seconde étape et que les principes et les normes de la LOLF devront rapidement être appliqués aux comptes de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Il importe que toutes les institutions soient soumises aux mêmes principes, aux mêmes nomenclatures, au même vocabulaire comptable, bref, oserais-je dire, à la même grammaire !

Je voudrais, enfin, évoquer le débat, qui n'est pas clos, concernant le cadre général de l'évolution des pratiques budgétaires et comptables ainsi que ses conséquences sur le statut de la Cour des comptes, notamment la distinction opérée entre ses fonctions de certification, d'une part, et juridictionnelles, d'autre part.

À mon sens, si des évolutions doivent avoir lieu pour tenir compte de ces différentes fonctions, il est indispensable en cette matière de prendre son temps et de préserver avant tout l'indépendance de la Cour des comptes, dont nous connaissons, par ailleurs, la capacité à évoluer et à s'adapter à ses nouvelles responsabilités.

Je conclurai, monsieur le Premier président, en évoquant les pistes d'approfondissement des relations entre la Cour des comptes et le Parlement. Tracées lors de la séance solennelle de rentrée de la Cour, elles m'ont semblé très prometteuses.

Il s'agit non seulement de l'exploitation plus systématique des nombreux référés transmis par la Cour au Sénat, mais aussi de l'amélioration des procédures de coordination entre, d'une part, les initiatives de contrôle engagées par la commission des finances et, d'autre part, le programme de travail de la Cour des comptes. Sur ces deux points, je suis persuadé que nous saurons encore nous montrer plus performants. J'ai bien noté les propositions que vous venez de faire à cette même tribune et je ne doute pas de la réactivité de la Cour des comptes en ce domaine.

L'année 2007 sera non seulement celle de la célébration du deux centième anniversaire de l'institution dont vous avez la charge, mais aussi celle de la pleine application de la LOLF.

À cette occasion, je voudrais exprimer un souhait : le programme de manifestations que vous avez prévu pour célébrer comme il se doit cet anniversaire doit permettre de populariser les travaux de contrôle. Ce faisant, nos concitoyens pourront exercer pleinement leurs prérogatives. Je ne doute pas que les parlementaires que nous sommes considéreront qu'il est plus gratifiant de se livrer à des travaux de contrôle.

Au fond, ce sera une bonne manière de consacrer, dans la République, l'obligation fondamentale qui nous est faite de rendre compte de notre gestion et de l'utilisation des comptes publics.

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