Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la discussion de la proposition de résolution européenne portant sur la protection temporaire que présente le groupe socialiste. Ce débat nous confronte à deux types de problèmes, tant de forme que de fond, qu’a tout à fait judicieusement soulignés le rapporteur de la commission des lois, Pierre Fauchon – et je m’excuse par avance auprès de l’ensemble des collègues si mon discours comporte un certain nombre de redites par rapport à ce qu’il a exposé et qu’a repris à l’instant M. le ministre.
En premier lieu, cette proposition de résolution européenne est totalement irrecevable sur le plan juridique, car elle ne correspond pas au cadre posé à l’article 88-4 de notre Constitution. En effet, cet article permet l’adoption d’une résolution européenne dans deux cas : soit sur des « propositions d’actes », soit « sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne ». Or, la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui a un objet très différent, puisqu’elle tend à la mise en œuvre d’une procédure déjà existante, qui résulte d’une directive adoptée par le Conseil en 2001 et transposée dans notre droit en 2005.
On peut se demander pourquoi les auteurs de la proposition de résolution ne se sont pas fondés sur le nouveau droit général de résolution accordé par la réforme constitutionnelle ; là encore, je partage complètement l’analyse du rapporteur. La réforme de la Constitution, il faut le rappeler, offre de nouveaux droits aux groupes, en particulier à ceux de l’opposition. Plutôt que de soumettre à notre examen une proposition qui ne respecte pas la lettre de la Constitution, il aurait été préférable de suivre cette nouvelle procédure !
En second lieu, nous soutenons la position du rapporteur, qui a mis en exergue les nombreuses lacunes juridiques de fond de cette proposition de résolution.
Qu’il me soit permis à cet égard de citer le texte de la directive, qui définit la procédure temporaire comme « une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d’afflux massif ou d’afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d’asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son bon fonctionnement, dans l’intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection ».
Les personnes déplacées sont quant à elles définies comme « les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui ont dû quitter leur pays ou région d’origine ou ont été évacués, notamment à la suite d’un appel lancé par des organisations internationales, dont le retour dans des conditions sûres et durables est impossible en raison de la situation régnant dans ce pays ».
Trois conditions sont ainsi posées à la mise en œuvre de cette procédure. Or, comme cela a déjà été indiqué, la proposition de résolution qui nous est soumise ne correspond à aucun des critères cumulatifs de la protection temporaire.
Le premier critère consiste dans l’existence d’un « afflux massif » de personnes déplacées.
M. le rapporteur a consulté le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés afin de connaître des chiffres récents en matière de demandes d’asile des réfugiés afghans. Les données statistiques qui nous ont été communiquées sont très claires sur ce point. Elles ne permettent certainement pas de considérer que nous faisons face à un « afflux massif ». Le nombre de demandes d’asile était assez important, il est vrai, au début des années 2000 – il a notamment connu un pic en 2001, avec plus de 45 000 demandes –, mais nous observons aujourd’hui une décrue très nette, avec environ 1 000 demandes par mois.
La directive qui a mis en œuvre le système de protection temporaire a été adoptée pour répondre à la situation que connaissaient les Balkans, notamment le Kosovo. Si mes collègues du groupe UMP et moi-même sommes extrêmement sensibles aux difficultés rencontrées par les réfugiés afghans, leur situation d’aujourd’hui n’est comparable ni avec celle du début des années 2000 ni avec celle des réfugiés des Balkans dans les années 1990.
Je tiens à saluer de nouveau, au nom du groupe UMP, la démarche de Pierre Fauchon. Sa volonté de consulter le Haut Commissariat des Nations unies, dont l’implication dans la sauvegarde des droits et le bien-être des réfugiés ne saurait être contestée, nous met en mesure d’analyser une situation particulièrement sensible à partir de données objectives. L’émotion, en la matière, ne saurait garantir les meilleures actions, bien au contraire.
Le deuxième critère du déclenchement du mécanisme de protection temporaire consiste dans l’incapacité du pays d’accueil de faire face aux demandes d’asile.
Or, comme l’a notamment démontré M. le ministre, la France est tout à fait capable de gérer ces demandes. Les chiffres sont d’ailleurs éloquents : 702 demandes ont été déposées auprès de la France en 2009, et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, a déjà rendu 352 décisions, dont 127, soit plus du tiers, ont été positives. Cela prouve très clairement que, pour les réfugiés afghans, le système d’asile fonctionne parfaitement.
Enfin, le troisième critère consiste dans l’impossibilité pour les personnes déplacées de retourner dans leur pays d’origine dans des conditions sûres. Or, comme cela a été souligné dans le rapport de M. Haenel, le retour en Afghanistan ne se heurte pas à l’impossibilité absolue que mentionne la directive.
J’ajoute que, par définition, – ceux qui m’ont précédé à cette tribune l’ont également souligné – la protection temporaire n’offre aucune perspective de long terme, aucune possibilité d’amélioration véritable et durable de la situation des réfugiés. Elle permet seulement d’octroyer aux personnes qui en bénéficient un permis de séjour valable pour la durée de la protection, durée qui, en France, a été fixée à six mois. Il est donc clairement dans l’intérêt des Afghans qui en font la demande de pouvoir bénéficier, s’ils remplissent les conditions requises, d’une protection individuelle grâce aux autres procédures existantes ; ainsi, la protection subsidiaire offre une sécurité juridique bien plus importante.
Au regard de l’ensemble de ces remarques, le groupe UMP ne votera pas cette proposition de résolution.