Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 31 mai 2010 à 15h00
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, rapporteur :

Comme vient de le préciser M. le ministre, nous sommes cependant parvenus à un accord sur le projet de loi ordinaire, qui a été enrichi par les deux amendements proposés par notre commission des lois.

Mais revenons-en au principal, c’est-à-dire au projet de loi organique, sur lequel persiste un désaccord entre les deux assemblées.

Ce désaccord persistant porte essentiellement sur deux articles : l’article 3, qui interdit, dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, la délégation de deux mandats, et l’article 4, que nous avons introduit et qui nous semble essentiel, car il permet de saisir les commissions permanentes des nominations effectuées par le seul président du Sénat ou le seul président de l’Assemblée nationale.

Voyons maintenant plus avant les causes de ce désaccord.

Tout d’abord, l’article 3 impose de nouvelles règles de fonctionnement au Sénat, nous contraignant ainsi à modifier notre règlement intérieur. Le texte n’est donc plus un projet de loi organique ordinaire, si je puis dire, mais un projet de loi organique qui concerne directement le Sénat, et, de ce fait, ne peut être adopté qu’en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Ce point peut, il est vrai, être source de divergences.

Si l’on se réfère à la définition formulée par le doyen Vedel, le texte qui nous est soumis aujourd’hui fait clairement partie de cette catégorie des lois organiques qui concernent le Sénat.

En revanche, si l’on se réfère à la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, la solution est moins nette, moins sûre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous serons particulièrement heureux que le Conseil constitutionnel nous donne à cette occasion une définition claire de ce qu’est une « loi organique relative au Sénat ».

Plus grave, si l’on considère cette fois l’interprétation de l’Assemblée nationale, on voit que celle-ci, en fin de compte, se permet de modifier l’article 27 de la Constitution, dont je rappelle les termes du quatrième alinéa : « La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. » On voit donc, d’une part, que la loi organique a précisément vocation d’énumérer les cas pour lesquels la délégation de vote est autorisée ; d’autre part, qu’elle ne peut l’interdire, puisque l’article 27 de la Constitution ne le permet pas.

La seule interdiction de délégation de vote figure à l’article 68 de la Constitution et concerne la destitution du chef de l’État : toute délégation de vote est alors interdite aux membres de la Haute Cour.

C’est au Conseil constitutionnel qu’il reviendra d’examiner la question en profondeur, mais le désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale n’est de toute manière pas d’ordre constitutionnel.

La véritable explication, c’est le président Jean-Luc Warsmann qui l’a donnée lui-même ; je le cite : « De plus, la disposition introduite par les sénateurs aurait pour inconvénient de modifier le poids relatif des deux assemblées, puisque, si l’Assemblée nationale continuait d’interdire le vote par délégation alors que le Sénat l’autorisait, le nombre des suffrages exprimés serait bien supérieur au Sénat qu’à l’Assemblée. Or, le constituant n’a pas souhaité modifié le poids réel des deux assemblées. »

En réalité, le vrai problème est bien là : l’Assemblée nationale a tout simplement peur que le nombre des votants au Sénat soit supérieur au nombre des votants à l’Assemblée nationale !

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission maintient les deux amendements que le Sénat a adoptés en deuxième lecture.

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