Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 30 novembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Action extérieure de l'état

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Je remercie mon collègue Michel Billout des positions qu’il vient de prendre sur la situation au Moyen-Orient. Nous aurons au mois de janvier un débat qui nous permettra d’approfondir notre réflexion sur l’évolution de la situation.

Avant d’aborder mon propos personnel, je souhaite me faire l’écho, si vous le permettez, d’une déclaration sur la francophonie rédigée par le sénateur Jean Besson, au nom du groupe socialiste.

« La francophonie, dit-il, est un engagement constitutionnel qui malheureusement ne connaît pas de traduction dans le projet de loi de finances. Les actions ainsi que les crédits affectés à l’influence culturelle et linguistique de la France sont éparpillés, ce qui dénote une absence de stratégie cohérente, que nous ne pouvons que regretter. »

Notre collègue Jean Besson dénonce la baisse des crédits accordés au réseau culturel et aux Alliances françaises ainsi que la baisse des crédits de bourses universitaires. Il déplore la fermeture de centres culturels et la réduction des crédits destinés à la promotion du français.

Enfin, il insiste sur l’importance de l’Internet. Il déclare ainsi : « Je suis convaincu que l’avenir de la francophonie passe par Internet. Je rappelle que l’insertion de la francophonie dans la société de l’information était inscrite comme objectif prioritaire au sommet de Cotonou en 1995. Mais force est de constater que, malgré une progression récente, la place du français sur la Toile reste désespérément faible : il représente seulement 5 % des langues utilisées par les internautes, loin derrière l’anglais. Une réflexion sur les contenus doit être approfondie afin de donner du sens et une réelle valeur ajoutée aux actions menées ».

Seulement 340 000 euros seront affectés cette année au portail numérique francophone. Pouvez-vous nous informer, monsieur le ministre, sur son ambition et son contenu ?

C’est maintenant la sénatrice représentant les Français établis hors de France qui s’exprime.

Monsieur le ministre, pour la première fois depuis trente ans, le budget d’aide sociale de votre ministère remet en cause le principe que nous avions fait triompher dans les années quatre-vingt : « La solidarité nationale fait fi des frontières. » Cela doit vous rappeler quelque chose, monsieur le ministre ! « Elle s’exerce en faveur des Français à l’étranger, citoyens à part entière de la Nation. »

Le budget d’aide sociale que nous examinons aujourd’hui est l’un des pires de tous ceux que j’ai eu à connaître en dix-sept ans de mandat parlementaire.

En une seule année, de 2009 à 2010, les crédits d’aide sociale destinés aux Français de l’étranger s’effondrent de 11, 3 %, selon le chiffre indiqué dans le tableau de la note Achille.

Mais si l’on étudie ces crédits sur la moyenne période, c’est bien pire ! En 2001, 900 000 Français étaient inscrits dans nos consulats, qui disposaient de 17, 4 millions d’euros pour l’action sociale. En 2009, 1, 4 million de Français sont inscrits dans les consulats, qui ne disposeront plus, en 2010, que de 14, 8 millions d’euros pour faire face aux situations de détresse.

Résumons : plus le nombre de Français émigrés augmente moins la solidarité nationale s’exerce en leur faveur !

Plus grave, si l’on fait le calcul de l’évolution de ces crédits en tenant compte de l’érosion monétaire, on constate que les 17, 4 millions d’euros de 2001 correspondraient en 2009 à 19, 7 millions d’euros.

Ainsi, en huit ans, les Français de l’étranger ont perdu en réalité 5 millions d’euros d’aide sociale !

Les personnes les plus démunies, les handicapés, les éclopés de l’émigration – il y en a, car il n’existe pas de filet, pour l’émigration ! –, les femmes divorcées bloquées avec leurs enfants sans pension alimentaire dans le comté de New York ou en Turquie et les vieillards dépourvus de retraite, ont vu fondre de 25 % les crédits d’aide sociale mis à la disposition des consulats. En seulement huit ans, 25 % de diminution !

Autrement dit, en huit ans, 56 % d’expatriés en plus et 25 % de crédits d’aide sociale en moins !

Transposez cela pour n’importe quelle catégorie sociale de l’Hexagone et vous meublerez les étranges lucarnes de magnifiques émeutes pour plusieurs semaines, à longueur de journaux télévisés.

Avec les Français de l’étranger, vous êtes tranquille : ils sont dispersés et ne peuvent pas se plaindre de leur sort !

Depuis le retour de la droite aux affaires, les consulats ont dû renoncer – cela n’a pas été de gaieté de cœur ! – aux actions sociales de réinsertion dont j’avais établi la liste et décrit les modalités lors de l’enquête effectuée à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, en 1999.

Depuis 2002, à coup de suppressions de postes d’assistants sociaux et de raréfaction de crédits, la charité publique du XIXe siècle a repris le pas sur la solidarité nationale que nous avions mise en œuvre.

On va beaucoup plus vite pour reculer que pour avancer ! Il n’aura fallu que huit ans pour reculer d’un siècle en matière d’aide sociale pour les Français à l’étranger !

On a supprimé les allocations à durée déterminée, qui permettaient de faire face à un brutal accident de la vie. On a tenu bon en revanche sur l’âge fatidique de soixante-cinq ans, qui donne droit à l’allocation vieillesse, surtout dans des pays où l’espérance de vie atteint difficilement soixante ans... On a réduit les secours occasionnels, pourtant si utiles pour subvenir aux soins de malades sans ressources.

Au total, au moment où le nombre des Français à l’étranger augmentait de 56 %, l’administration a dû réduire le nombre de bénéficiaires d’un secours de près de 10 %, soit un passage de 5 500 à 5 000 personnes, alors que la crise économique mondiale sévit, et il n’y a pourtant pas beaucoup de raisons pour que les Français établis à l’étranger en souffrent moins que les Français de France...

On nous annonce donc cette année une suppression modulée des 242 aides actuellement accordées à des Français en détresse en Union européenne et, surtout, la baisse de 10 % des allocations dans le reste du monde.

À Brazzaville, l’une des trois villes les plus chères du monde – fait peu connu –, les personnes âgées et les handicapés devront s’arranger pour vivre avec 370, 8 euros par mois, au lieu de 412 euros l’année dernière. À Los Angeles, ce sera 589, 5 euros, au lieu de 655 euros ! Et à Vilnius, 207 euros pourront bien faire l’affaire quand on savait déjà se débrouiller l’année précédente avec 230 euros !

Quand il s’agit de se serrer la ceinture, les pauvres sont particulièrement efficaces !

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