Intervention de François Trucy

Réunion du 30 novembre 2009 à 21h45
Loi de finances pour 2010 — Défense

Photo de François TrucyFrançois Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conditions de travail étant ce qu’elles sont dans notre assemblée, M. Charles Guené est actuellement retenu par une réunion de la commission des finances. Je reprendrai donc sans doute la parole à cette tribune après M. Masseret pour vous faire part des observations de notre collègue.

Vous connaissez tous les principaux chiffres relatifs aux crédits de la mission « Défense » pour 2010. Plutôt que de répéter ce qui figure dans les documents budgétaires, je me concentrerai sur les principales observations de la commission des finances.

Je souhaite tout d’abord m’attarder sur les objectifs que le présent projet de loi de finances fixe à la mission « Défense ». En effet, la logique de la LOLF, et la logique tout court, conduit à s’intéresser aux objectifs avant de s’intéresser aux moyens mis en œuvre pour les atteindre. Le présent projet de loi de finances innove à cet égard, puisqu’il distingue, parmi les nombreux indicateurs de la mission « Défense », quatre « indicateurs principaux » devant servir à juger de l’efficacité globale de ladite mission. L’indicateur le plus important, intitulé « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France », résume à lui seul la raison d’être essentielle de l’armée française. Les objectifs fixés sont, bien entendu, les mêmes que ceux de la loi de programmation militaire. Il s’agit ainsi, en particulier, de pouvoir projeter, dans un délai de six mois, 30 000 combattants, à 8 000 kilomètres, pendant un an sans relève. Je me félicite évidemment, ainsi que mes collègues, de cette hiérarchisation des indicateurs. Dans le rapport de la commission des finances relatif au projet de loi de règlement de 2008, nous précisions que cet indicateur était, selon nous, le plus important.

En ce qui concerne le niveau de l’objectif fixé, j’ai bien conscience du fait que l’objectif retenu par la loi de programmation précédente – 50 000 combattants, un an sans relève, aucune indication de distance ou de délai – n’était pas atteignable. Il paraît de loin préférable de se fixer un objectif réaliste, plutôt que d’afficher des objectifs apparemment très ambitieux, mais qui ne peuvent pas être atteints. La commission des finances se demande cependant, monsieur le ministre, comme elle l’indiquait lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire 2009-2014, si un objectif plus ambitieux ne pourrait pas être fixé à l’horizon 2020-2025, lors de la révision de cette loi et du Livre blanc, prévue pour 2012.

En effet, comme la commission des finances l’explique dans son avis sur le projet de loi de programmation militaire, les informations qui lui ont été fournies à cette occasion suggèrent une capacité de projection théorique qui serait plutôt de l’ordre de 40 000 combattants.

Bien entendu, l’expertise en la matière se situe non pas du côté de la commission des finances, qui se contente d’essayer de mettre en cohérence les informations qu’elle reçoit, mais du côté du ministère de la défense. Aussi serait-il intéressant, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez votre point de vue sur ce sujet.

J’en viens maintenant à la question incontournable de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire. Les crédits du présent projet de loi de finances sont-ils conformes à cette loi de programmation ? Cette question simple en apparence n’admet en réalité pas de réponse univoque. Cependant, je vais rapidement mettre fin au suspense : les interrogations que l’on peut avoir ne concernent en réalité que « l’épaisseur du trait ».

D’un côté, si l’on s’en tient à la lettre de la loi de programmation militaire, les crédits de paiement que le présent projet de loi de finances prévoit pour 2010 sont très légèrement supérieurs – de 90 millions d’euros quand même – à la programmation.

Tout d’abord, la loi de programmation militaire prévoit que les crédits de paiement seront chaque année indexés sur l’indice des prix associés à la loi de finances. Le taux d’inflation associé au projet de loi de finances pour 2010 est de 1, 2 %, mais les crédits de la mission « Défense » ont été calculés en retenant une hypothèse de 1, 4 %. Selon nos calculs, cet écart de 0, 2 point conduit à majorer les crédits de paiement de la mission « Défense » de quelque 60 millions d’euros.

Ensuite, les crédits de la mission « Défense » sont majorés en 2010 de 30 millions d’euros supplémentaires destinés à contribuer au financement des opérations extérieures, les OPEX. Ces crédits ne sont pas prévus par la loi de programmation militaire. Il convient en effet d’être relativement prudent en la matière, la variation de ces crédits d’une année sur l’autre ne manquant pas de susciter des difficultés pour leur appréciation.

En réalité, ces apparences sont trompeuses, à cause de la faible inflation.

Je n’entrerai pas ici dans les détails, mais il faut retenir deux faits essentiels.

Tout d’abord, le Gouvernement a décidé de faire prévaloir la loi de programmation militaire sur la loi de programmation des finances publiques, votée en janvier dernier, et qui était plus favorable à la mission « Défense ». En effet, contrairement à la loi de programmation militaire, elle définit les montants en euros courants, sur la base d’hypothèses d’inflation qui se sont révélées trop élevées. Il en découle qu’en euros courants, les crédits de paiement de la mission « Défense » seront inférieurs en 2010 d’environ 600 millions d’euros à ce qui résulterait de la loi de programmation des finances publiques.

Bien entendu, comme cette différence provient d’une inflation plus faible que prévu, cela ne réduit pas le pouvoir d’achat de la mission de 600 millions d’euros. Cependant, comme il faut bien payer les militaires au niveau initialement prévu, il restera moins d’argent pour l’équipement, phénomène que nous avons connu pendant de longues années. Ainsi, à périmètre constant, et en euros de 2008, les crédits de paiement actuellement prévus pour 2010 pour les dépenses d’équipement sont actuellement inférieurs d’environ 200 millions d’euros aux montants inscrits dans la loi de programmation militaire.

Voyez-vous également les choses de cette manière, monsieur le ministre ?

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’évoquerai ici que brièvement le sujet des aléas liés aux ressources exceptionnelles qui, à tort selon moi, focalise l’essentiel des critiques. Notre collègue Charles Guené, s’il nous rejoint à temps, abordera en effet cette question de façon plus détaillée, en même temps que les autres aléas.

Il me semble cependant nécessaire de souligner qu’il paraît de plus en plus vraisemblable que les ressources immobilières seront inférieures aux prévisions. Mon collègue Didier Boulaud, vice-président de la commission des affaires étrangères, et moi-même, menons actuellement un contrôle sur la politique immobilière du ministère de la défense. À ce stade de nos travaux, il me semble plus réaliste de penser que les recettes totales seront inférieures de quelque 400 millions d’euros aux prévisions, qui, je le rappelle, étaient de 1, 9 milliard d’euros.

En même temps, il faut préciser que ce montant ne représente que 0, 2 % de l’ensemble des ressources attendues d’ici à 2014 : l’enjeu est donc en réalité assez modeste.

Monsieur le ministre, la mise en place de la filiale de la Caisse des dépôts et consignations et de la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, qui doit jouer le rôle de société de portage pour l’immobilier parisien, initialement prévue pour le printemps 2009, n’est toujours pas réalisée. Elle devrait cependant, selon nos informations, intervenir d’ici la fin de l’année. Pouvez-vous nous confirmer que tel sera bien le cas ? Et quand estimez-vous que le produit des cessions parisiennes pourrait être perçu ?

J’en viens, pour terminer, à deux sujets qui me tiennent plus particulièrement à cœur : le service militaire adapté, à propos duquel j’ai rédigé deux rapports, et l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDe, également connu sous le nom de dispositif « Défense deuxième chance » – titre que l’on doit à Mme Michèle Alliot-Marie, à l’origine de ce projet –, auquel j’ai consacré un rapport d’information en 2008.

Ces deux dispositifs ne sont pas financés par la mission « Défense » : le SMA l’est par la mission « Outre-mer », dont les rapporteurs spéciaux sont nos collègues Marc Massion et Eric Doligé ; quant à l’EPIDe, il est essentiellement financé par la mission « Travail et emploi », dont le rapporteur spécial est notre collègue Serge Dassault.

Monsieur le ministre, je serai bref, mais j’ai quelques questions à vous poser.

Le Président de la République a annoncé en février 2009 le doublement de la capacité de formation du SMA, qui passerait d’un peu moins de 3 000 jeunes en 2009 à 6 000 en 2013. Ce doublement serait permis par une multiplication par seulement 1, 5 des moyens financiers, grâce à un raccourcissement de la formation.

À cet égard, monsieur le ministre, nous aimerions recueillir votre point de vue : cette opération est-elle possible ? N’est-ce pas un marché de dupe que de raccourcir une formation en échange d’une augmentation des effectifs ?

En revanche, dans le cas de l’EPIDe, qui est un organisme plus récent, puisqu’il a été créé en 2005, les moyens financiers resteraient inchangés.

Le premier contrat d’objectifs et de moyens, qui a été conclu seulement en février de cette année, donc avec un important retard, prévoit qu’avec un financement de 85 millions d'euros par an en 2009-2011 – ce montant s’entend en valeur 2008 –, l’EPIDe doit à la fois accueillir un peu plus de jeunes et améliorer le taux d’insertion de ces derniers, car tel est bien l’objectif final. Le coût par volontaire passerait de 40 000 euros à 35 000 euros.

Mes chers collègues, pour ceux que ces chiffres impressionneraient défavorablement, je rappelle que les coûts par stagiaire de l’EPIDe ou du SMA sont très inférieurs à ceux des formations civiles qui visent à aider les jeunes.

La commission des finances approuve bien entendu cette recherche d’une plus grande efficience. Elle considère néanmoins que l’EPIDe, comme le SMA, a peut-être vocation à voir son format augmenter, d’ici à quelques années.

Monsieur le ministre, je voudrais connaître votre point de vue sur cette question. Nous attendons beaucoup de vos réponses.

La commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2010.

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