Intervention de Patrice Gélard

Réunion du 27 avril 2010 à 14h30
Article 65 de la constitution mandat des membres du conseil supérieur de la magistrature — Discussion d'un projet de loi organique en deuxième lecture et d'un projet de loi organique en procédure accélérée

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard :

Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution concernant le Conseil supérieur de la magistrature.

Après l’excellent rapport de Jean-René Lecerf et l’intervention de François Zocchetto, je ne m’attarderai pas, à l’issue de la première lecture de ce texte au Sénat et à l’Assemblée nationale, sur les points communs, les légères divergences ou les désaccords plus marqués entre les deux assemblées.

Plusieurs orateurs ont évoqué le statut de l’avocat ou l’autonomie financière du Conseil supérieur de la magistrature. Madame le ministre d’État, je tiens à attirer votre attention sur la question de l’autonomie financière, qui se posera dans les mêmes termes pour le Défenseur des droits, qui ne saurait être en situation de dépendance. Il se pourrait que nous soyons de nouveau en désaccord sur ce point précis.

Souscrivant pleinement aux propos qu’ont tenus notre rapporteur et François Zocchetto, je me contenterai de développer quelques points.

Je voudrais d’abord rappeler qu’une loi organique vise à appliquer une disposition constitutionnelle et non à remettre en cause la Constitution, contrairement à ce que certains développements entendus précédemment pourraient laisser entendre.

La composition du Conseil supérieur de la magistrature est fixée par la Constitution, et la loi organique n’a pas vocation à remettre en cause ou à modifier ce que la Constitution a décidé. Par conséquent, les observations formulées par certains sur le futur code de procédure pénal sont hors sujet. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur le statut du procureur ; nous avons sur ce point de profondes divergences de vues, monsieur Michel.

Notre collègue Hugues Portelli, qui est malheureusement absent aujourd'hui car il siège en tant que juge à la Cour de justice de la République, a déposé trois amendements dont je voudrais souligner l’intérêt, même s’ils peuvent paraître humoristiques, voire hors sujet.

Ils rappellent tout d’abord qu’il n’existe que deux législateurs possibles : le peuple français, par la voie du référendum, et le Parlement. Ni le Conseil d’État ni la Cour de cassation ne sont des législateurs. Nous ne sommes pas revenus à une période antérieure à la Révolution française, quand les parlements faisaient la loi, obligeant le roi à convoquer des lits de justice pour casser des décisions non conformes à l’intérêt du royaume.

S’il n’y a que deux législateurs, il n’y a également que deux constituants : le peuple français, par la voie du référendum, et le Parlement réuni en Congrès.

Le Conseil constitutionnel est la seule juridiction qui détienne un pouvoir d’interprétation constitutionnelle et qui puisse se prononcer sur la conformité d’un texte à la Constitution. Il n’existe pas en France de cour suprême, comme aux États-Unis. Le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État ne sont pas des cours suprêmes. Je rends grâce à notre ami Hugues Portelli, qui semble avoir voulu libérer le premier président de la Cour de cassation de certaines responsabilités trop lourdes ou trop importantes !

Nous verrons plus tard dans le débat ce qu’il adviendra de ces propositions. Il importait cependant de rappeler ici qu’il n’existe qu’un seul constituant, qu’un seul législateur, à savoir le peuple et le Parlement, et qu’il n’y a pas de juridiction constitutionnelle autre que le Conseil constitutionnel.

Cette remarque étant faite, j’aimerais revenir sur quelques points annexes qui ont été évoqués au cours de la discussion générale.

Contrairement aux engagements pris par le Gouvernement au moment de l’adoption de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, nous mettrons au moins trente mois – et non pas de six à dix mois maximum – pour adopter la totalité des lois organiques, et j’en suis désolé. Celles-ci n’entreront donc pas en vigueur avant la fin de l’année 2010. Il s’agit d’un inconvénient majeur.

Si le Gouvernement ne dépose pas les projets de loi organique, le Parlement prendra ses responsabilités. Le garde des sceaux s’est notamment engagé à déposer un projet de loi organique relatif au statut pénal du chef de l’État dans un proche avenir. Si tel n’est pas le cas, le président de la commission des lois a annoncé qu’il déposerait un texte avant le mois de juin prochain sur cette question.

Le retard pris dans l’adoption des textes organiques va provoquer de nombreux problèmes. Comme je le rappelais précédemment, de nombreuses dispositions de la Constitution sont inopérantes faute de lois organiques. Nous en avons fait le reproche au Gouvernement, mais le Parlement me semble également coupable. Qui, en effet, fixe l’ordre du jour ? Le Gouvernement certes, mais également le Parlement pour la moitié du temps ! Nous aurions très bien pu, au cours des semaines d’initiative parlementaire, inscrire les projets de loi organique à l’ordre du jour. Nous ne l’avons pas fait. Nous aurions pu également les rédiger nous-mêmes ! Pourquoi pas ? Nous aurions pu accélérer le processus. Personnellement, je regrette de ne pas avoir consacré deux semaines à l’adoption de toutes les lois organiques ; la question aurait été ainsi définitivement réglée.

À défaut, nous sommes obligés de proroger une série de mandats. Nous l’avons déjà fait pour le Médiateur de la République ; nous le ferons pour le Conseil supérieur de la magistrature. Ce n’est pas sain. Nous avons également été conduits à auditionner, conformément à l’article 13 de la Constitution, toute une série de personnalités présentées par le chef de l’État, mais ces nominations n’ont pas fait l’objet d’un vote, la loi organique n’ayant toujours pas été adoptée. Nous ne pouvons rester dans cette impasse. À l’avenir, il faudra être plus sérieux au sujet des lois organiques.

Je tiens à rappeler à ce propos la jurisprudence du Conseil d’État s'agissant des décrets d’application : ceux-ci doivent être pris dans un délai raisonnable. Nous sommes aujourd’hui dans le cas d’un délai excessif, qui nous oblige à instaurer des mesures transitoires. Je ne suis même pas sûr que nous arrivions à tout traduire avant le 31 décembre de cette année. Voilà les remarques générales que je souhaitais formuler sur ces deux textes.

Quoi qu’il en soit, je tiens à préciser que le groupe UMP votera à l’unanimité le projet de loi organique relatif à l’article 65 de la Constitution, ainsi que le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion