Le titre II du texte vise à libéraliser totalement les activités postales à compter du 1er janvier 2011, comme le prévoit la troisième directive postale, en date du 27 février 2008.
L’adoption de cette directive a suscité, notamment au sein de notre groupe, de grandes inquiétudes s’agissant du financement du service universel.
En effet, supprimer le secteur réservé revient de fait à priver La Poste d’une partie des ressources lui permettant de financer le service universel.
Vous semblez penser que cette évolution constitue un progrès pour l’établissement d’un grand marché unique, et même un grand progrès pour les usagers. Pourtant, comment ne pas voir qu’elle s’accompagne d’une politique d’entreprise qui vise à la rationalisation des coûts ?
Cette rationalisation s’obtient de deux manières : d’un côté, on supprime du personnel ; de l’autre, on diminue des prestations, certes de service public, comme la distribution de la presse, mais qui, décidément, coûtent bien trop cher dans l’optique de la libéralisation totale…
Cette libéralisation ne vise qu’à mettre en difficulté les opérateurs historiques, pourtant chargés de missions spécifiques. Partout en Europe, cette politique s’est traduite par une diminution des prestations proposées aux usagers. En Suède, c’est la règle des tiers qui s’est appliquée : un tiers de bureaux et un tiers du personnel en moins. En revanche, les tarifs ont augmenté…
Pour ces raisons, depuis maintenant de nombreuses années, nous demandons que soit dressé un bilan des politiques européennes de libéralisation, notamment dans le secteur des activités postales.
Ouvrir le marché sans que les conséquences des premières directives aient été analysées nous apparaît comme une fuite en avant contestable. Ce modèle concurrentiel n’est pas performant quand il s’agit de garantir des droits fondamentaux par des services publics.
À cette mise en concurrence, nous opposons les coopérations entre les services publics nationaux. Quel est le bénéfice, pour les usagers, si La Poste s’aventure dans le grand jeu des fusions-acquisitions, comme l’a fait, en son temps, France Télécom ? Je vous rappelle qu’à l’époque, en 2000, cela s’était soldé par une dette record, atteignant 70 milliards d’euros.
Soyons donc sérieux, et décrétons qu’il est urgent d’attendre. Les conditions ne sont pas réunies, aujourd’hui, pour aller plus avant dans la voie de la libéralisation, alors que nos concitoyens subissent les conséquences dramatiques de la crise économique que nous traversons.
Cette crise, qui est liée notamment à la folie de la spéculation et à l’appât du gain, montre que l’intervention publique ne peut être fondée sur le laisser-faire. Elle met également en évidence la nécessité de faire de La Poste le symbole de l’accessibilité bancaire, par le biais de la Banque postale.
Le choix que vous avez fait de vous désinvestir de ces questions nous pose problème. Non, la concurrence libre et non faussée n’est pas la réponse, parce que la concurrence n’est jamais libre et est toujours faussée.
Substituer des oligopoles privés aux anciens monopoles publics, permettre à de nouveaux entrants de partager le gâteau, alors même que ceux-ci ne sont soumis à aucune obligation de service public, nous semble absurde.
Une réorientation de la construction européenne est nécessaire. Elle doit s’articuler autour des services publics, et non être uniquement axée sur l’achèvement du marché intérieur.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cet article, qui entérine la suppression du secteur réservé tout en incitant La Poste à orienter ses prix sur les coûts.
Certes, la commission a souhaité apporter la précision, d’ailleurs fort vague, que cette orientation des prix tiendrait compte des caractéristiques des marchés auxquels ceux-ci s’appliquent. En effet, M. Hérisson nous explique, dans son rapport, « qu’il s’agit, de cette manière, d’éviter que toute la tarification de La Poste soit construite par rapport aux coûts de chaque produit ».
Nous considérons, pour notre part, qu’il s’agit là d’un aveu du changement de direction de la politique de l’entreprise, avec les encouragements du Gouvernement. Orienter les prix sur les coûts permet, de manière très subtile, de briser toute notion de péréquation tarifaire nationale.
Par ailleurs, est-il bien utile de préciser que le prix du timbre pour les envois à l’unité restera unique si celui-ci doit augmenter de manière considérable durant les prochaines années ?
Les usagers vont être, encore une fois, les grands perdants de cette ouverture à la concurrence, pour le bonheur de quelques sociétés qui vont exploiter des filons rentables.
Monsieur le rapporteur, nous étions d’accord avec l’exigence que vous aviez posée en 2006 dans l’une de vos propositions de résolution européenne, quand vous demandiez que le service public ne soit pas sacrifié sur l’autel du marché intérieur. J’ai le regret de vous confirmer, malgré toutes les assurances formelles prises dans ce projet de loi, que le service public postal est gravement remis en cause par ce texte, qui prépare la privatisation de La Poste et entérine le fait que le marché postal fonctionnera comme les autres, au gré de l’offre et de la demande.