Cette disparition ne supprime pas l’utile débat parlementaire relatif aux crédits de la présente mission.
Par ailleurs, nous avons la chance d’avoir un ministre qui connaît très bien les sujets dont nous débattrons cet après-midi.
Il me semble souhaitable, malgré tout, que la mission « Immigration, asile et intégration » figure toujours dans les prochains projets de loi de finances et qu’elle puisse faire l’objet d’un débat individualisé.
Effectivement, la politique d’immigration est une politique spécifique ; elle se situe au confluent de préoccupations sociales d’intégration des populations étrangères, d’enjeux sécuritaires de lutte contre l’immigration clandestine et des relations internationales que nous entretenons non seulement avec nos partenaires européens, mais aussi avec d’autres pays, auxquels nous lient des accords ou simplement dont un certain nombre de ressortissants souhaitent émigrer en France.
C’est ce qui explique que, au total, seize programmes répartis dans treize missions entre dix périmètres ministériels contribuent à la politique transversale consacrée à l’immigration et à l’intégration des étrangers en France. Celle-ci représentera, en 2011, 4, 25 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 562 millions d’euros, soit 13, 7 % des crédits, sont affectés à la mission « Immigration, asile et intégration ».
Les principales missions contributrices sont les missions à caractère culturel ou social du budget de l’État. Ainsi, en particulier, les dépenses liées à l’enseignement dispensé aux élèves étrangers s’élèveront à plus de 2 milliards d’euros en 2011, soit plus de 48 % des crédits de la politique transversale, tandis que les crédits consacrés à la santé s’établiront à environ 600 millions d'euros, soit un montant égal à celui qui est attribué à la mission que nous examinons.
Le caractère interministériel de la politique d’immigration a un impact budgétaire sur cette mission. Ainsi, par exemple, nous avons pu constater, lors du contrôle que j’ai mené cette année avec Jean-Claude Frécon sur la Cour nationale du droit d’asile – la CNDA –, que les délais de jugement des demandes d’asile avaient de très fortes conséquences sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » puisqu’il faut financer l’hébergement et les aides aux demandeurs d’asile en attente d’une décision. Or la CNDA fait partie non pas de cette mission, mais de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Cet exemple illustre bien le caractère interministériel de la politique d’immigration et d’intégration.
J’en viens au budget pour 2011. Les crédits demandés sont relativement stables par rapport à 2010 : 564 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une diminution de 0, 2 %, et 562 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0, 7 %.
Cette stabilisation sera suivie d’une légère contraction sur la période 2011-2013, selon la programmation triennale de la loi de programmation des finances publiques. Les autorisations d’engagement devraient baisser de 3, 6 % et les crédits de paiement de 1, 8 %.
Il n’est pas aisé, pour le moment, d’identifier les actions de la mission qui devront subir ces baisses de crédits. Deux pistes sont envisageables.
D’une part, les crédits consacrés à la construction et à l’entretien des centres de rétention administrative – les CRA –, après avoir connu une montée en puissance ces dernières années pour financer de nombreuses nouvelles constructions, devraient progressivement pouvoir être réduits.
D’autre part, aux termes de l’audit lancé par le ministère sur la gestion des centres d’accueil des demandeurs d’asile – les CADA –, les coûts de ces structures, aujourd’hui très variées, peu contrôlées, peuvent probablement être réduits à moyen terme.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la mission est composée de deux programmes.
Le programme Immigration et asile est budgétairement le plus important puisqu’il représente plus de 86 % des crédits de la mission. Il regroupe principalement les crédits destinés à l’accueil des demandeurs d’asile et à l’instruction de leurs demandes. Ces crédits sont, comme chaque année, sous-évalués. En effet, ils sont en diminution par rapport à ceux qui étaient disponibles en 2010, alors même que le rythme d’augmentation de la demande d’asile est élevé – de 8, 5 % sur les neuf premiers mois de cette année – et que, comme nous l’avons constaté lors de notre contrôle de la CNDA, les délais de traitement des dossiers des demandeurs d’asile ne peuvent être réduits à court terme.
Ainsi, il est probable qu’un nouveau décret d’avance sera nécessaire l’an prochain pour faire face aux dépenses, tout comme en 2010, en 2009 et en 2008, années au cours desquelles des décrets de cette nature ont prévu respectivement 60 millions d’euros, 70 millions d’euros et 36 millions d’euros supplémentaires.
Je relève, par ailleurs, que le projet de loi de finances rectificative, qui va dans les tout prochains jours être discuté par le Parlement, prévoit de nouveau des ouvertures de crédits pour financer les dépenses liées à la demande d’asile : 47 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions d’euros en crédits de paiement.
Au total, les crédits ouverts en 2010 en cours de gestion représenteront donc le quart des crédits ouverts en loi de finances initiale pour l’ensemble de la mission.
Dans ces conditions, se prononcer sur les dotations de la mission prévues par le projet de loi de finances pour 2011 soulève des interrogations. On peut penser que ces crédits ne reflètent pas l’effort financier exact qui sera réellement déployé en 2011 au titre de la mission, notamment en faveur de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile.
C’est pourquoi je vous proposerai d’adopter un amendement qui fait un pas vers davantage de sincérité pour le budget de la mission. Il tend à majorer de 12, 85 millions d’euros les crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, et à l’hébergement d’urgence, ce qui, malheureusement, ne devrait même pas suffire à couvrir les dépenses de la mission en 2011.
Deux autres éléments intéressants concernent ce programme.
D’une part, 9 millions d’euros sont prévus pour financer le centre de rétention administrative de Mayotte, dont les travaux doivent enfin démarrer en 2011, d’après les informations que j’ai recueillies ; je pense que M. le ministre pourra nous le confirmer.
D’autre part, les effectifs de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, qui traite en première instance les demandes d’asile, seront renforcés pour faire face à l’augmentation de la demande d’asile, ce qui est très satisfaisant. Nous avons en effet constaté, lors de notre contrôle de la CNDA, qu’il était préférable pour les finances publiques de renforcer ces effectifs plutôt que de voir croître le nombre de demandeurs d’asile en attente d’une décision.
Je constate également qu’en 2011, et par dérogation à la règle générale de gel des emplois publics et de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, le Gouvernement a décidé de poursuivre le mouvement de création de postes concernant la CNDA, qui figure dans la mission.
Au total, la programmation triennale prévoit dix emplois supplémentaires de magistrats et dix nouveaux emplois d’agents en 2011, vingt emplois nouveaux d’agents en 2012 et dix emplois nouveaux d’agents en 2013. Cela devrait permettre de limiter les délais d’attente des demandeurs d’asile et les coûts induits sur la mission « Immigration, asile et intégration ».
Le second programme de la mission, Intégration et accès à la nationalité française, est, budgétairement, de moindre importance puisqu’il représente seulement 73 millions d’euros. Ses crédits diminuent de 8 % par rapport à 2010, ce qui correspond essentiellement à une baisse des subventions accordées par le ministère pour mener des actions d’intégration des populations étrangères.
Ce programme comporte également la subvention de 14, 4 millions d’euros versée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Cet office est le principal opérateur de la mission et prend en charge l’accueil et l’intégration des étrangers primo-arrivants.
Le maintien de cette subvention à son niveau actuel est nécessaire du fait des besoins croissants de l’opérateur, résultant de la montée en puissance des actions d’insertion qu’il mène.
Outre cette subvention, l’OFII est majoritairement financé par des taxes affectées, qui représentent 71 % de ses ressources, soit près de 100 millions d’euros.
Cela m’amène au dernier point de mon intervention : l’article 74 du projet de loi de finances. Cet article modifie le tarif d’une grande partie de ces taxes, qui portent sur la délivrance des documents administratifs aux étrangers.
D’une part, les modifications proposées doivent permettre d’accroître les ressources de l’OFII de 10, 5 millions d’euros en 2011. Ces ressources nouvelles se justifient pleinement par la montée en puissance des actions menées par l’Office : contrats d’accueil et d’intégration, bilans de compétences professionnelles, obligatoires depuis 2008, et préparation à l’intégration des migrants dès le pays d’origine. La principale ressource nouvelle proviendra de la création d’un droit de 220 euros pour la délivrance de visas de régularisation aux étrangers en situation irrégulière.
D’autre part, l’article 74 opère des ajustements à la hausse et à la baisse de certaines taxes, qui sont, me semble-t-il, bienvenus : diminution des taxes acquittées par les employeurs de travailleurs étrangers, modulation des taxes sur les renouvellements de titres de séjour en fonction de la durée du séjour, diminution de la taxe sur les attestations d’accueil.
De manière générale, le dispositif proposé par l’article 74 me paraît tout à fait satisfaisant.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous proposera d’adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », modifiés par l’amendement que j’ai évoqué et que je vous présenterai, ainsi que par l’article 74 rattaché.