Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, j’interviens à la place de mon collègue Guy Fischer, qui a dû s’absenter.
Ce débat se situe à la fois sous l’angle de la nouveauté et sous celui de l’absence de nouveauté.
L’absence de nouveauté, c’est le fait que ce débat sur les prélèvements obligatoires ait lieu, puisqu’il s’agit d’une sorte de rituel, confirmé par la loi organique. On pourrait d’ailleurs constater que nos différences d’approche idéologique et politique sont quasiment irréductibles, ainsi que l’ont montré les débats antérieurs.
La nouveauté, c’est le contexte de crise dans lequel cette discussion se déroule. Il s’agit d’une crise financière aiguë, sans précédent, la plus importante depuis un siècle, dont les turbulences économiques et sociales sont dévastatrices.
Nous vivons dans un monde où plus de 200 millions de personnes sont privées d’emploi et où le tiers de la population active disponible subit la précarité et est en proie à des incertitudes quant à ses conditions d’emploi !
La crise économique conserve un impact essentiel sur la situation des comptes publics. Notre système de prélèvements obligatoires, de même que l’utilisation des recettes fiscales et sociales qui en découle, est bien corrélé au contexte économique.
Pour autant, les décisions politiques qui peuvent être prises par les gouvernements, et notamment par le nôtre, tant en loi de finances, en loi de financement de la sécurité sociale que dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, ne sont pas sans influence.
Un autre événement est à prendre en compte dans notre discussion. Depuis mardi, les électeurs de l’une des plus grandes démocraties du monde ont voté en faveur d’un candidat qui entend faire de l’action publique dans les domaines de la santé, de l’énergie, de l’éducation l’une des conditions de la relance de l’activité économique et qui y voit l’une des solutions aux problèmes de son pays.
Que l’on ne vienne pas, à cette occasion, nous parler encore une fois du poids excessif de nos prélèvements obligatoires !
Pour notre part, nous sommes convaincus que les choix que nous avons faits en France sur ces questions de santé, d’éducation ou de protection sociale sont moins coûteux et plus efficaces que ceux des pays où la logique de la couverture individuelle l’a toujours emporté !
L’une des leçons de la crise est bien que le financement des retraites par la voie de la capitalisation peut se révéler hasardeux quand l’argent part en fumée sur les places boursières ! Et l’efficience d’un financement individualisé des dépenses de santé est loin d’être prouvée dans un pays comme les États-Unis, où 50 millions de personnes n’ont aucune couverture sociale et où 40 % de la population doit aux dispositifs Medicaid et Medicare de pouvoir être prise en charge dans les hôpitaux publics !
Vous voyez, mes chers collègues, nous entrons dans le vif du sujet...
La question de nos prélèvements obligatoires et celle de la situation des finances publiques sont étroitement liées. La situation des finances publiques dépend profondément des choix fiscaux et sociaux que nous opérons dans les lois de finances comme dans les lois de financement de la sécurité sociale.
Je poserai donc d’emblée l’une des questions clés que soulève ce débat.
Depuis plus de trente ans maintenant, les comptes de l’État présentent, en loi de règlement, un déficit d’exécution particulièrement significatif, atteignant des niveaux très élevés. J’observe d’ailleurs que ce sont bien souvent les gardiens du temple de la réduction des déficits qui sont les premiers à laisser croître ces derniers quand l’occasion leur en est donnée.
Toujours est-il que nos prélèvements sont devenus, au fil du temps, injustes et illisibles.
Ils sont injustes, parce que, sur le fond, il n’est un secret pour personne que, pour complaire aux marchés financiers et au capital, on n’a eu de cesse, depuis plus de trente ans, d’alléger toujours plus la contribution des revenus du capital, de l’exploitation du travail et du patrimoine au financement des missions publiques.
Ils sont également injustes, parce que l’effort pèse aujourd’hui bien plus qu’auparavant sur la consommation et sur la rémunération du travail, comme l’attestent le niveau des prélèvements sociaux ou la masse de recettes découlant de la TVA et de l’ensemble des droits de consommation.
Les prélèvements sont illisibles, quand s’empilent, année après année, mesures dérogatoires, allégements sociaux ou niches fiscales diverses, qui font que, dans telle ou telle situation, les prélèvements ne sont pas réalisés.
Je ne citerai que quelques chiffres pour étayer mon propos.
Le budget de l’État présenterait en 2009 un déficit de 52 milliards d’euros, auquel il convient d’ajouter 8, 6 milliards d’euros de déficit du régime général de la protection sociale. Or, dans le même temps, le montant des remboursements, dégrèvements divers, allégements d’impôts directs locaux pour les entreprises s’élèvera à 85 milliards d’euros. En outre, les allégements de cotisations sociales normalement dues par les entreprises atteindront l’année prochaine 42 milliards d’euros, soit 10 milliards d'euros de plus que cette année ! Mes chers collègues, connaissez-vous beaucoup de dépenses publiques dont on autorise qu’elles progressent de 30 % en un an ?
En d’autres termes, nous dépensons aujourd’hui des sommes considérables à tronquer nos prélèvements obligatoires, au motif déclaré de favoriser la croissance, l’emploi, voire le pouvoir d’achat, sommes qui se révèlent bien supérieures aux montants des déficits attendus !
Quant à l’impact de ces dispositifs sur la croissance, il demeure pour le moins réduit : il n’est qu’à regarder l’évolution du PIB ces derniers temps...
Avouez que c’est étonnant ! Plus on fiscalise la protection sociale, plus elle est en déficit, ce qui impose de pénibles gymnastiques de gestion d’une dette qui s’accumule malgré la purge imposée aux assurés sociaux sur le niveau des prestations servies !
Plus on corrige nos impôts de dispositions dérogatoires, plus l’État est en déficit, déficit de caractère structurel que toutes les politiques malthusiennes de réduction de la dépense publique, par suppression d’emplois publics ou annulation de crédits, ne parviennent pas à combattre !
Notre débat d’aujourd’hui n’échappe pas à cette règle.
C’est à de nouveaux sacrifices en matière de protection sociale, en matière d’action de l’État et maintenant en matière d’action des collectivités locales que la loi de programmation des finances publiques prépare les Françaises et les Français.
Plutôt que de réhabiliter l’action publique, dans un contexte de crise où elle seule peut répondre aux attentes de la population, on persévère encore dans des choix d’austérité budgétaire et d’injustice sociale que nous ne pouvons que rejeter. Tout cela pour nous conformer à un mode de construction européenne dont tout montre, depuis quelques jours, qu’il ne correspond plus, ou pas, aux nécessités du temps !
Justice sociale et fiscale, efficacité économique, réponse aux besoins collectifs, voilà ce qui devrait guider les politiques budgétaires ! Voilà ce que, aujourd’hui et à l’avenir, nous défendrons !