Intervention de Jean-Claude Carle

Réunion du 26 juin 2008 à 9h30
Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

« Qu’allons-nous faire de nos enfants ? » Telle est la question que tous les parents d’enfants scolarisés en maternelle ou en primaire se posent les jours de grève.

Dans les conditions actuelles, ils sont systématiquement obligés de trouver des solutions de dernière minute, c’est-à-dire poser une journée de congé, faire appel à la famille ou à des amis. Pour les familles monoparentales, la situation est encore plus pénalisante.

Depuis de trop nombreuses années, les familles subissent une double peine qui n’est pas acceptable. Non seulement les enfants n’ont pas cours, mais, en outre, les parents sont obligés de renoncer à une journée de travail, ou même de salaire, lorsqu’ils ne peuvent plus poser de congé. Or le droit au travail n’est-il pas aussi important que le droit de grève ?

C’est pour mettre un terme à cette injustice que nous examinons aujourd’hui, monsieur le ministre, votre projet de loi visant à instaurer un droit à l’accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles et primaires publiques.

Ce texte, voulu par le Président de la République, a pour objectif de concilier deux libertés d’égale importance, la liberté de faire grève, inscrite dans la Constitution, qui est évidemment maintenue, et la liberté de travailler. Il s’agit ainsi de rétablir l’égalité entre tous les parents, ceux qui ont les moyens de faire garder leurs enfants en cas de grève, et ceux dont les revenus ou les conditions de vie les en empêchent. Assurer un égal accès de tous au service public, n’est-ce pas l’un des premiers devoirs de notre République ?

Le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, a déjà été expérimenté lors du mouvement social de mai dernier. Près de 3 000 communes ont assuré un service minimum d’accueil à l’école. Le déroulement de cette journée s’est avéré satisfaisant, avec une nuance de taille : instauré sur la base du volontariat, le service minimum d’accueil n’a été organisé pratiquement que par des municipalités de la majorité.

Le groupe UMP comprend qu’il faille passer par la loi pour permettre son application équitable. Il ne serait pas supportable que l’accès des familles au service public dépende des positionnements idéologiques de certains élus ou réponde à des consignes politiciennes.

L’école est un service public qui ne doit pas être interrompu de façon systématique et arbitraire. C’est aussi cela le droit à l’école, celle de Jules Ferry !

Le projet que vous nous soumettez, monsieur le ministre, est un instrument de justice sociale parce qu’il s’adresse d’abord à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas d’autre choix que d’avoir une activité professionnelle pour assurer l’éducation de leurs enfants. Ce n’est pas un hasard si plus de 60 % des Français souhaitent la mise en place d’un service minimum à l’école. Ce projet de loi apporte une réponse concrète à leurs attentes en permettant un accueil généralisé des élèves sur l’ensemble du territoire.

Que prévoit le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ?

Premièrement, le principe du « droit d’accueil » est défini.

Le texte inscrit dans la loi le principe du droit d’accueil dans les écoles publiques maternelles et primaires, et instaure un véritable « service d’accueil » lorsque « les enseignements ne peuvent être dispensés », comme c’est le cas lors des jours de grève.

Il s’agit déjà en soi d’une petite révolution, ne serait-ce que pour les enfants. À défaut d’assister aux cours, ils n’assimileront plus les jours de grève à une vaste pagaille ou à des jours de vacances. La collectivité assurera la contrepartie de l’obligation de présence qu’elle exige des élèves.

Deuxièmement, une « négociation préalable » obligatoire entre l’État et les syndicats est instaurée.

Le projet de loi oblige l’État et les syndicats à mener une « négociation préalable » de huit jours maximum avant tout dépôt d’un préavis de grève. Il s’agit d’une procédure « d’alerte sociale » destinée à favoriser le dialogue entre les parties concernées et à limiter les conflits. Elle s’inspire des dispositions qui ont été mises en place pour le service minimum dans les transports et qui ont, encore récemment, prouvé leur efficacité.

Troisièmement, une déclaration préalable des enseignants grévistes est requise.

Conformément à la volonté du Président de la République et du Gouvernement, le projet de loi prévoit que les enseignants grévistes doivent déposer leur préavis quarante-huit heures à l’avance auprès de l’inspecteur d’académie ou l’inspecteur de circonscription. Ainsi, les communes seront informées du nombre d’enseignants en grève et pourront préparer l’accueil des élèves dans les meilleures conditions. Ces informations resteront évidemment protégées par le secret professionnel et elles le seront encore davantage si les propositions de notre rapporteur sont retenues.

Tout aussi évidemment, et contrairement à ce que prétendent certains syndicats d’enseignants, le droit de grève n’est pas atteint par ce projet de loi. Il est simplement organisé de façon à ne pas pénaliser la vie des parents, qui ont eux aussi un travail et qui ne peuvent pas adapter leur emploi du temps sur celui des grévistes.

Ce projet de loi concilie le droit de grève avec la liberté dont disposent les foyers d’organiser leurs activités professionnelles et familiales. Ainsi, loin de remettre en cause le droit de grève, ce texte peut, en outre, rendre leur popularité aux mouvements de grève en évitant les conséquences désastreuses de ceux-ci sur le quotidien des familles.

Quatrièmement, votre texte organise les modalités de financement.

En contrepartie de la mise en place du dispositif d’accueil, chaque commune concernée recevra de l’État une contribution financière dont le montant et les modalités seront fixés par décret, à la suite de discussions menées avec les collectivités locales.

Certains détracteurs de ce texte affirment que les communes n’ont pas à régler les conflits opposant l’État et ses fonctionnaires et que c’est à l’éducation nationale d’organiser le service minimum dans ses établissements. Or il n’est pas question de substituer les collectivités locales à l’éducation nationale puisqu’il s’agit en l’occurrence, non pas de trouver des remplaçants pour dispenser les cours, mais d’assurer l’accueil physique des enfants, ce qui n’a rien à voir.

J’observe en outre que les collectivités territoriales, notamment les communes, prennent d’ores et déjà en charge les services périscolaires, comme les cantines ou l’accueil des enfants à la garderie avant et après les heures d’enseignement. Cette prise en charge de l’accueil des enfants, distincte des missions d’enseignement, relève bien plus de ces missions que de celles de l’éducation nationale, à laquelle il n’est pas question de substituer les communes.

En ce qui concerne les petites communes situées en zone rurale ou de montagne, je vous remercie, monsieur le ministre, au nom de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, et de son président Martial Saddier, que vous avez rencontré, d’avoir repris l’amendement que j’avais déposé avec bon nombre de mes collègues et qui a subi le couperet de l’article 40, comme vient de le rappeler Gérard Longuet. Sans doute avions-nous eu tort d’avoir raison trop tôt !

Cet amendement, très attendu par les maires des petites communes, est destiné à améliorer les conditions de rémunération de ces communes en prévoyant pour elles un forfait minimal. J’y reviendrai lors de la discussion de cet amendement et d’autres visant également à améliorer les conditions d’organisation de l’accueil.

Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, Philippe Richert, dont les propositions améliorent l’équilibre du dispositif. Il était important d’apporter des précisions, notamment en matière de responsabilité, afin de dissiper les craintes des élus locaux, mais aussi en matière de confidentialité pour les personnels enseignants et de qualification des personnes.

Avant de conclure, je tiens à saluer, monsieur le ministre, l’ensemble de votre action au service de l’école, dont l’instauration du service d’accueil n’est qu’une composante.

Les actions que vous avez mises en place, notamment pour lutter contre le fléau de l’échec scolaire, méritent l’estime de tous. Je rappelle que vous avez hérité d’une situation dans laquelle plus de 15 % des enfants accédant chaque année au collège présentent de graves lacunes en lecture, en écriture ou en calcul. Ce sont souvent des enfants issus de milieux modestes ou défavorisés.

Dois-je rappeler, mes chers collègues, qu’un enfant d’ouvrier a dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu’un enfant d’enseignant ou de cadre supérieur, mais quatre fois plus de risques de connaître l’échec scolaire ?

Contrairement à ce que veulent faire croire certains, cet état de fait n’est pas dû à un manque de moyens. Le budget de l’éducation a doublé en quinze ans et le nombre d’enseignants a augmenté de 40 %, alors que le nombre d’élèves diminuait dans le même temps.

Pour combattre cette situation préoccupante, il était nécessaire d’entreprendre des réformes de fond, que je vous remercie, au nom du groupe UMP, d’avoir engagées.

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