Intervention de François Trucy

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 novembre 2010 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission défense et article 69 - examen du rapport spécial

Photo de François TrucyFrançois Trucy, rapporteur spécial :

Je vous prie d'excuser Charles Guené, empêché, qui a participé à la rédaction de ce rapport. Notre première satisfaction est d'avoir reçu des états-majors et des services du ministère des réponses précises à toutes nos questions, ce qui n'est pas toujours le cas.

La nouvelle programmation budgétaire triennale prévoit que, par rapport à la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014, sur la période 2011-2013, la mission « Défense » verra ses crédits budgétaires réduits d'un montant total de 3,63 milliards d'euros, partiellement compensés par la perception décalée de 2,37 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, soit une perte de ressources nette de 1,26 milliard d'euros sur trois ans. Cependant, il ressort de la programmation actualisée que, compte tenu du fort supplément de dépenses constaté en 2009, sur la totalité de la période de programmation l'écart entre les dépenses effectives et celles prévues par la loi de programmation militaire ne serait pas significatif, si l'on retient l'hypothèse d'une stabilisation en volume en 2014 de l'ensemble des ressources de la mission « Défense ».

Il existe cependant plusieurs aléas. Tout d'abord, les ressources exceptionnelles attendues de la vente de fréquences hertziennes et de cessions d'immeubles n'ont pas été à la hauteur des attentes, en raison notamment de la conjoncture des marchés. Ensuite, le ministère de la défense doit réussir sa réforme. Le Livre blanc et la RGPP conduisent en effet à une réduction d'effectifs assez considérable, de l'ordre de 54 000 postes civils et militaires. L'évolution est semblable au Royaume-Uni : notre armée comptera 225 000 personnes en 2014 contre 274 000 en 2008, l'armée britannique en comptera 218 000 en 2015 contre 260 000 en 2010. Par ailleurs, les opérations extérieures posent un problème récurrent de financement. Jusqu'à récemment, elles étaient surtout financées par décrets d'avances et prélèvements sur les programmes d'équipement ; à partir de 2005, on a assisté fort heureusement à une rebudgétisation. Les progrès réalisés à cet égard sont considérables, le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances étant de 630 millions d'euros. Cependant, comme les années précédentes, l'excédent du surcoût des opérations extérieures (OPEX) par rapport aux montants inscrits en lois de finances a été financé en 2009 et en 2010 par un décret d'avance « gagé » sur des annulations de crédits d'équipement, rouverts en loi de finances rectificative de fin d'année. Le problème des crédits reportés et non consommés risque donc de se poser à nouveau. Or les OPEX ne sont pas un luxe : elles contribuent à l'influence et à l'image de la France à l'étranger, et les réduire aurait un coût politique considérable.

Certaines cibles d'acquisition de matériels pour 2014 ont déjà été révisées. Ainsi, les prévisions d'achats d'équipements FELIN, qui garantissent l'efficacité et la sécurité des fantassins, ont été revues à la baisse ; en revanche, treize Rafale de plus seront achetés, pour un coût de près d'1 milliard d'euros, parce qu'aucun n'a été vendu à l'étranger...

Lors de l'examen du projet de LPM 2009-2014, mes collègues et moi-même nous étions efforcés d'évaluer les principaux aléas relatifs à la programmation, que nous estimions alors à environ 7 milliards d'euros. Notre estimation révisée est désormais de plus de 12 milliards d'euros, en raison notamment des incertitudes accrues sur les ressources. La perception des recettes exceptionnelles est en effet incertaine, et le contexte budgétaire pourrait exiger de nouvelles réductions de dépenses.

La France a fondé sa puissance militaire sur sa capacité d'intervention, qui requiert des avions performants. Or notre flotte de transport tactique est désuète, et un avion coûte de plus en plus cher à entretenir à mesure qu'il vieillit : il en va ainsi du Transall. Il était donc indispensable de conclure le contrat industriel qui prévoit la livraison à la France de 50 A400M sur un total de 180, pour un montant de 6 milliards d'euros sur un total de 20 milliards. Or ce programme a pris du retard. Il a fallu que les pays participants se réunissent en une sorte de « camp du Drap-d'Or » et acceptent des surcoûts. Les premières livraisons, prévues en 2009, sont désormais attendues en 2013, mais dans l'intervalle il faudra maintenir notre flotte. La location d'avions, la prolongation de la durée de vie de certains des Transall actuels, et l'acquisition de CASA espagnols, permettront-ils de préserver les capacités opérationnelles ? Certains officiers en doutent.

Il faut saluer l'accord historique conclu entre la France et le Royaume-Uni, alors que les précédentes négociations sur les frégates et les porte-avions avaient toutes échoué. C'est la seule voie vers l'Europe de la défense, car en la matière l'Allemagne ne peut être notre seul partenaire : on y débat encore de la professionnalisation des armées... La mutualisation de nos forces pourrait permettre des économies considérables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion