Trois sujets d'importance doivent nous occuper cette année. Les conséquences budgétaires de l'augmentation des demandes d'asile ; les modifications des procédures et des modes de gestion ; la poursuite de la lutte contre l'immigration irrégulière.
Il faudra s'interroger sur les conséquences de la disparition d'un ministère aux compétences pleines et entières. Si la création d'un tel ministère avait été en son temps critiquée, l'utilité d'une administration intégrée pour traiter des problématiques liées à l'immigration et à l'intégration reste aujourd'hui pertinente. Nous interrogerons le ministre sur ses intentions en cette matière.
Les crédits de la mission, après avoir connu une forte hausse, de 10 %, en 2009 et 2010, se stabilisent. La participation à l'effort commun de maîtrise des dépenses publiques se traduira cependant, sur trois ans, par une diminution de 3 %, les crédits passant de 562 millions en 2011 à 545 millions en 2013.
La stabilisation des crédits en 2011 recouvre pourtant une évolution contrastée des deux programmes de la mission, les crédits du programme « immigration, asile » progressant de 2 % tandis que ceux du programme « intégration, accès à la nationalité française » diminuent de 8 %. Le fait est que les marges de manoeuvre, au sein du programme « immigration, asile » se rétrécissent à mesure que progressent les demandes d'asile, qui, après un recul entre 2004 et 2007, ont crû de 20 % en 2008, de 12 % en 2009 et de 8,3 % au cours des huit premiers mois de 2010. Depuis 2007, la demande globale a augmenté de plus d'un tiers. En 2009, la France a enregistré 47 700 demandes, ce qui la classe au premier rang des pays européens, devant l'Allemagne - 33 000 demandes - et le Royaume Uni - 29 800 demandes. Toujours la même année, le statut de réfugié ou la protection subsidiaire ont été accordés à 10 373 demandeurs. Parmi les pays d'origine des demandeurs, viennent toujours la Turquie, la Serbie, le Kosovo, la Russie, la République démocratique du Congo, le Sri Lanka, tandis que progressent les demandes de personnes originaires de la Chine, de Haïti et du Bengladesh.
Pour continuer de recevoir les demandeurs dans les meilleures conditions possibles, il faut augmenter les crédits alloués aux centres d'accueil des demandeurs d'asile, les Cada, ainsi qu'à l'allocation temporaire d'attente.
La subvention à l'Ofpra augmente de 8 % pour faire face au recrutement de trente officiers de protection sur dix-huit mois, tandis que les effets de la réforme de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ne se font que progressivement sentir sur les délais de traitement, dont le raccourcissement devrait aider à réduire les coûts de prise en charge des demandeurs.
La situation que connaît le premier programme a des effets sur le second, « intégration et accès à la nationalité française ». Si la diminution de la dotation de l'Ofii, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, est compensée par la réévaluation de la taxe affectée, les crédits d'intervention en faveur de l'intégration, en revanche, reculent - aide aux associations et aux meilleurs élèves étrangers.
L'augmentation des demandes d'asile a donc indirectement des effets négatifs sur les actions consacrées à l'intégration.
Un certain nombre de réformes sont intervenues ces deux dernières années. Réforme de la procédure de naturalisation, tout d'abord. L'expérimentation, au cours du premier semestre 2010, de la décentralisation de la procédure a donné des résultats encourageants : les délais de réponse pour les décisions défavorables sont passés de dix mois en 2009 à quatre mois, dans les préfectures, en 2010, ceux pour les décisions défavorables de douze mois à cinq. Reste que les variations sont importantes d'une préfecture à l'autre et qu'il reviendra au ministère de l'Intérieur de garantir l'uniformité du traitement des demandes sur l'ensemble du territoire, sachant que le processus a été généralisé à compter du 1er juillet 2010.
Il s'agit ensuite de la réforme des visas de long séjour, valant titre de séjour. Il est ainsi mis fin à la double instruction menée, dans les consulats et dans les préfectures, pour les séjours de plus de trois mois. Les conjoints de Français, visiteurs, étudiants concernés s'acquittent désormais auprès de l'Ofii d'un timbre sur passeport. Depuis le 1er juin 2009, 80 % des visas de long séjour valent ainsi titre de séjour. Reste toutefois pendante la question des droits sociaux. La circulaire du 29 mars 2010 prévoyait que les titulaires de tels visas bénéficieraient des mêmes droits sociaux que les titulaires de carte de séjour temporaire, mais les textes réglementaires ne sont pas encore tous parus. Il conviendra de demander des assurances au ministre sur ce point.
J'en viens à la lutte contre l'immigration irrégulière. La lutte contre les filières se poursuit. L'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre a démantelé, en 2009, 150 filières clandestines, contre 100 au cours de chacune des deux précédentes années. Cette même année, 29 000 mesures d'éloignement ont été prononcées, et 14 000 au cours du premier semestre 2010. En dépit de cet accroissement, l'objectif pour 2011-2013 reste stable, à 28 000.
Le taux d'exécution des mesures s'améliore légèrement : 24 000 éloignements pour 112 000 prononcés en 2008 ; 29 000 pour 95 000 en 2009. Le taux de retour au pays d'origine, de 20 %, reste cependant faible. 27 % des échecs s'expliquent par le refus du juge des libertés de prolonger la détention et 33 % par la faiblesse du taux de délivrance de laissez-passer consulaires. Cependant, les accords bilatéraux conclus, en particulier avec les pays d'Afrique subsaharienne, devraient à terme porter leurs fruits, de même que les protocoles d'application des accords communautaires, déjà engagés avec la Macédoine et la Bosnie.
Le projet de loi qui viendra bientôt devant nous vise à améliorer les procédures d'éloignement, tant administratives que juridictionnelles. Il nous appartiendra d'examiner si les mesures retenues sont propres à atteindre cet objectif.
La transposition de la directive d'avril 2004 sur la libre circulation des personnes, qui avait donné lieu à polémique, est globalement satisfaisante, les principes généraux de notre droit offrant les garanties nécessaires au respect du caractère individuel du prononcé et de la qualification d'atteinte à l'ordre public. La Commission européenne a ainsi officiellement renoncé, le 19 octobre dernier, à ouvrir une procédure d'infraction à l'encontre de la France, qui s'est toutefois engagée le même jour à procéder à une transposition plus explicite sur certains points : le gouvernement déposera donc des amendements au projet de loi sur l'immigration.
Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, sachant que quelques amendements ont été déposés, l'un émanant de la commission des finances, les deux autres des sénateurs Verts apparentés au groupe socialiste.