Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Simon Sutour sur la mission « Conseil et contrôle de l'État » du projet de loi de finances pour 2011.
Le budget de cette mission est moins touché que d'autres puisque les autorisations de programme augmentent de 0,2 % pour atteindre 347,9 millions d'euros et que les crédits de paiement, de 337,6 millions d'euros, augmentent de 4,8%. Quant au budget triennal 2011/2013 du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », il prévoit la création de 90 emplois sur la période, ce qui portera le nombre de créations depuis 2003 à 227 emplois. Au total, les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice seront atteints et même légèrement dépassés, mais avec trois ans de retard.
La création de tribunaux administratifs à Nîmes et à Toulon a rééquilibré l'activité de ceux de Montpellier, Marseille et Nice, comme la création de celui de Montreuil-sous-Bois a rééquilibré ceux de la région parisienne.
L'amélioration des délais de jugement se poursuit mais les réformes récentes auront un impact sur le volume du contentieux administratif ; d'où l'importance des études d'impact préalables à l'examen d'un projet de loi. Ainsi les contentieux relatifs à la loi de mars 2007 sur le Droit au logement opposable (DALO) ont eu un fort impact mais surtout concentré sur l'Île-de-France, le tribunal administratif de Paris enregistrant, en 2009/2010, 2641 requêtes, soit 54,8% du total national. A partir du 1er janvier 2012, il faudra compter avec les contentieux liés au RSA, alors qu'auparavant, ceux liés au RMI et à l'Allocation parent isolé relevaient respectivement de l'aide sociale et des tribunaux de la sécurité sociale. Enfin, la transposition de la directive européenne sur les contrats de commandes publiques amènera de nouveaux contentieux.
La question prioritaire de constitutionnalité, conséquence de la révision constitutionnelle de juillet 2008, est à l'origine de nombreuses saisines des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'État.
Enfin, les modifications récentes et à venir de la législation relative à l'immigration auront de considérables conséquences sur le contentieux relatif au séjour des étrangers, contentieux qui représente 24% des recours devant les tribunaux administratifs, mais 57% de celui de Montreuil et, respectivement, 54 et 44% de ceux de Cergy-Pontoise et de Paris. Cela déstabilise l'ensemble des contentieux en raison du délai de trois mois imposé pour rendre le jugement, délai en général respecté. Cela a aussi un fort impact sur les cours administratives d'appel, la réforme de l'obligation de quitter le territoire français ayant provoqué la multiplication des appels. On craint aussi les conséquences de la future loi sur l'immigration : jusqu'à présent, l'étranger était, la plupart du temps, présenté au juge des libertés et de la détention avant que son recours soit, éventuellement, examiné par le juge administratif ; ce sera désormais l'inverse. De plus, le futur projet de loi pourrait alourdir encore la charge de travail induite par chaque recours.
J'en viens à la difficile mutation de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) dont le budget est maintenant rattaché à celui du Conseil d'État et des juridictions administratives. J'ai reçu sa présidente, Mme Martine Denis-Linton et je me rendrai sur place à Montreuil. Cette Cour a été l'objet de beaucoup de tensions internes et nos collègues Jean-Claude Frécon et Pierre Bernard-Reymond lui ont consacré un intéressant rapport. Depuis le 1er janvier 2009, la CNDA est une juridiction administrative placée sous l'autorité d'un président membre du Conseil d'État. Installée à Montreuil, elle statue sur les recours contre les décisions de l'OFPRA, le recours devant être déposé dans un délai d'un mois après notification de la décision. Le nombre de recours augmente mais celui des décisions rendues diminue du fait de l'augmentation de près de 30% du nombre de renvois prononcés avant l'audience, renvois eux-mêmes multipliés par la possibilité, pour tout demandeur d'asile, de demander, jusqu'à l'audience, l'aide juridictionnelle. Les délais de jugement sont longs et le rapport précité de nos deux collègues souligne les conséquences budgétaires de ces délais. Il est inacceptable qu'un étranger doive attendre, deux, voire trois ans, avant d'être fixé sur son sort. D'autant que, pendant ce temps, s'il est logé et indemnisé, il n'a pas le droit de travailler, ce qui ne favorise pas une éventuelle intégration. Le coût est élevé pour la mission « Immigration, asile et intégration ». L'allocation temporaire d'attente est de plus de 300 euros.
Il fallait donc renforcer les effectifs des rapporteurs et des magistrats. Le Conseil d'État a fait un effort en affectant à la Cour nationale, en 2011, 10 ETPT de magistrats et 20 ETPT d'agents de greffe et de rapporteurs.
La présidente de la CNDA tient à appeler notre attention sur le nombre très insuffisant des avocats plaidant devant sa juridiction. En 2009, l'élargissement des conditions d'obtention de l'aide juridictionnelle a abouti à tripler le nombre des demandes - 9 927 contre 3 000 en 2008 ; 6000 de ces demandes ont été admises. Mme Denis-Linton a signalé aux bâtonniers la nécessité de sensibiliser de nouveaux avocats sur l'intérêt de cette tâche. Le faible nombre des avocats plaidant à la CNDA rend son fonctionnement difficile : par exemple, un avocat traite à lui seul 1 600 dossiers, ce qui génère des difficultés pour l'établissement des rôles d'audiences.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Comment expliquer la diminution du nombre de contentieux relatifs aux étrangers, telle qu'elle apparaît sur le graphique de la répartition par matières des affaires enregistrées par les tribunaux administratifs depuis 2005. Compte tenu de l'activisme du Gouvernement en la matière, on peut s'en étonner... Quant à l'augmentation des contentieux de police, tient-elle à celle des délits routiers ?
On ne peut parler de diminution des affaires liées au séjour des étrangers. Certes, il y a eu un pic à 46 000 en 2007, mais, depuis, la situation est stabilisée. L'obligation pour les tribunaux administratifs de rendre leur jugement dans les trois mois a alourdi leur travail. Et la future loi sur l'immigration aura sur eux un impact important : alors que, jusqu'à présent, l'étranger était présenté au juge des libertés et de la détention avant que son recours ne soit, le cas échéant, examiné par le juge administratif, l'inverse devrait désormais prévaloir.
Avec l'augmentation du nombre d'octrois d'asile décidés par la CNDA, la France est en passe de devenir le premier pays au monde pour les demandes et le deuxième pour les octrois d'asile. En plus, c'est le pays qui exécute le moins les décisions de reconduite à la frontière. D'où la relative diminution du nombre de recours.
On voit se multiplier les cas d'étrangers auxquels on refuse l'asile, mais qui seraient en danger s'ils retournaient dans leur pays. Ils restent donc en France où ils payent des impôts, où leurs enfants sont scolarisés et où, éventuellement, ils se marient devant le maire. Mais ils ne peuvent avoir de contrat de travail. Ce sont pourtant en général des gens motivés, qui veulent travailler. Ne faudrait-il pas faire évoluer notre droit sur ce plan ?
S'ils sont déboutés du droit d'asile, c'est qu'ils ne sont pas en danger dans leur pays ! Seulement 30% des demandes sont acceptées parce que 70% des demandeurs sont considérés comme n'étant pas en danger. Et comme 80% des reconduites à la frontière ne sont pas effectives, il n'est pas étonnant que ces situations dont vous parlez se multiplient.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits.
La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».
Les crédits de ce programme augmentent de 4,5%, ce qui, dans le difficile contexte budgétaire, témoigne d'un indiscutable effort. Michèle Alliot-Marie faisait d'ailleurs remarquer à l'Assemblée nationale, le 2 novembre, que le budget de la justice était passé de 4,3 à 7,1 milliards d'euros entre 2001 et 2011. Le programme « Administration pénitentiaire » représente 39% des crédits de la mission « Justice » et s'élève à 2,8 milliards d'euros en crédits de paiement et à 3,2 milliards d'euros -soit une augmentation de 6,7 % - en autorisations d'engagement. Le plafond des autorisations d'emploi est porté à 34 857 ETPT, soit 997 de plus qu'en 2010. Au total, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
J'ai cependant à formuler certaines inquiétudes et à adresser certaines interrogations au gouvernement.
D'abord, l'exercice 2011 est complètement déconnecté des exigences de la loi pénitentiaire de novembre 2009. Il n'y a aucun rééquilibrage des recrutements en faveur de l'insertion et de la probation, l'augmentation du plafond des emplois profitant essentiellement aux personnels de surveillance pour les nouveaux établissements créés dans le cadre du « programme 13 200 ». Et, s'agissant de ce dernier, si j'approuve le remplacement des 9 000 places vétustes, je juge nécessaire d'en rester à l'objectif de 63 000 places au total, ce qui correspond à la moyenne européenne de 100 places pour 100 000 habitants. Le développement des aménagements de peine nécessiterait 1 000 postes supplémentaires et les successives créations d'ETPT au titre des greffes, de l'insertion et des programmes éducatifs sont restées beaucoup trop modestes. Je n'ai évidemment rien contre l'augmentation des emplois de surveillance, mais il serait plus judicieux de les renforcer dans les prisons existantes, plutôt que d'augmenter le parc pénitentiaire.
Ensuite, le programme annuel de performances n'est pas toujours pertinent. Par exemple l'objectif de porter le taux de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée à 37,4 % n'est absolument pas satisfaisant en regard du résultat de 2010. Une cible si modeste est-elle susceptible de mobiliser l'administration pénitentiaire ? De même, est-il pertinent de calculer l'indicateur relatif à l'accès aux soins sur des mesures purement administratives et non sur le nombre de consultations ? Quant à la sécurité des établissements, elle doit aussi s'apprécier en fonction des violences sur les détenus et non, seulement, de celles subies par les surveillants.
Les moyens de fonctionnement des établissements en gestion publique diminuent de 3%. Cela freine l'entretien des structures dont la réhabilitation, à terme, est très coûteuse : à Fleury-Mérogis, celle d'une cellule revient à 100 000 euros... Cette diminution des moyens accordés à la gestion publique s'explique par l'augmentation de ceux réservés à la gestion déléguée...
J'en viens enfin à l'encellulement individuel. Ses progrès s'expliquent par l'augmentation du nombre de places et par la diminution de celui des détenus - 2 500 en moins depuis 2004, sur un total de 65 000. Entre janvier 2009 et janvier 2010, le nombre d'établissements occupés à plus de 150% a diminué de moitié. Le progrès est donc incontestable. Mais je m'étonne à présent que l'administration pénitentiaire comme le Gouvernement - auquel nous avions eu du mal à faire accepter ce droit à l'encellulement individuel - soient maintenant devenus des « ayatollahs » de cet encellulement individuel et visent à en faire bénéficier 95 à 100 % des détenus à l'horizon 2017. Le Parlement avait pourtant prévu des exceptions, réservant cette forme de détention aux seuls détenus qui la désirent ou qui sont psychologiquement capables de la supporter. Le programme Perben prévoyait 30 % de cellules collectives. Le nouvel engouement du Gouvernement et de l'administration pour cet encellulement individuel a de graves conséquences à travers la décision de fermer des établissements qui fonctionnent plutôt correctement, sans suicides ni taux de récidive excessifs.
Ce budget vise plutôt à réduire la surpopulation dans les cellules mais, s'agissant de la mise en oeuvre de la loi pénitentiaire, on ne voit rien venir. A-t-on une idée des coûts des établissements en gestion privée ? Enfin, ce budget prévoit-il quoi que ce soit pour la prison de Draguignan, construite en zone inondable ?
Lors du vote de la loi pénitentiaire, nous avions dit que, faute de programmation financière, nous doutions beaucoup de l'application de cette loi. Mais avec ce budget, nous avons en outre l'impression que, dans la construction de nouveaux établissements, tout est fait pour avantager le privé. Celui-ci, par souci de rentabilité, favorise la création de grands établissements ce qui va contre l'intérêt des détenus comme des surveillants.
Les inquiétudes et les interrogations du rapporteur pour avis ne peuvent que me convaincre de ne pas voter ces crédits. L'absence de rééquilibrage dans les recrutements est contraire aux objectifs proclamés. L'ancien Garde des sceaux m'a dit que, puisque j'avais voté en faveur de l'encellulement individuel, je ne devais pas m'étonner qu'on ferme la prison de ma ville... Il faudrait réaffirmer que l'encellulement individuel ne signifie pas une cellule pour chaque détenu sur tout le territoire !
Il faudrait aussi pousser le ministère à installer des procédés modernes de fouilles. Ils coûtent jusqu'à 150 000 euros mais éviteraient beaucoup de tensions et de conflits avec les surveillants.
Dans ce budget une ligne est prévue pour la surveillance électronique mais rien n'apparaît pour les autres formes d'aménagement de peines. Et je n'y vois pas non plus de provisions pour les nombreuses condamnations de l'État français pour mauvaises conditions de détention.
Je partage les inquiétudes du rapporteur pour avis. Qu'en est-il des décrets d'application de la loi pénitentiaire qui devaient être publiés ? Le ministère a mis au point des « kits » anti-suicides : je doute de leur efficacité ; en revanche, la notion de codétenu me semble plus intéressante. Sur les maladies et la santé mentale en prison ce budget ne prévoit absolument rien. Enfin, a-t-on pris en compte la charge représentée par les transfèrements ?
Ce budget ne prévoit pas grand-chose, en effet, pour mettre en oeuvre la loi pénitentiaire et nous faisons pression sur la Chancellerie pour qu'elle sorte les décrets d'application. Alors que l'administration pénitentiaire se préparait à appliquer des mesures d'aménagement de peines, voilà que des amendements étaient proposés dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure qui allaient en sens contraire. Même s'ils ont été repoussés, il faut reconnaître qu'elle est dans une situation inconfortable.
Par rapport à la gestion privée, la gestion publique est un peu lourde. Mais je reste prudent : on annonce aussi bien 370 euros par jour pour un établissement pénitentiaire pour mineurs contre 1 000 à 1 500 euros par ailleurs ; évidemment cela dépend de la prise en compte, ou non, des salaires des médecins, des enseignants, des psychiatres etc.
Je ne peux répondre à votre question, Monsieur Collombat, sur la prison de Draguignan : vous aurez l'opportunité de la poser au ministre en séance publique.
Comme vous, madame Borvo, je m'inquiète de la disproportion entre les moyens accordés aux gestions publique et privée. La dimension des établissements a beaucoup diminué : les nouveaux sont maintenant prévus pour 800 détenus ; mais c'est encore trop et Mme Alliot-Marie avait annoncé que les prochains seraient construits pour 500 détenus.
Pour les fouilles il serait certes utile de disposer de dispositifs techniques analogues à ceux qu'on utilise dans les aéroports, mais ils coûtent cher. Quoi qu'il en soit, il y a beaucoup moins de plaintes qu'avant à ce sujet. La fouille corporelle interne doit être autorisée par un magistrat et exécutée par un médecin extérieur à l'établissement. Et toute fouille doit être proportionnée à la présomption d'infraction.
Monsieur Yung, le risque de la surveillance électronique, c'est qu'elle apparaisse comme la panacée, au détriment du personnel d'accompagnement et des régimes de semi-liberté. Seul, le bracelet ne suffit pas.
Le budget ne prévoit pas de provisions pour condamnations de l'État. Ces condamnations sont importantes dans leur principe mais leur montant en 2010 n'est encore que de 150 000 euros.
Monsieur Anziani, les décrets dont vous parlez sont actuellement au Conseil d'État.
Moi non plus, je ne suis pas convaincu de l'efficacité des « kits » anti-suicides, ni par l'obligation d'observer ou de réveiller le détenu toutes les heures. En revanche l'accompagnement par un codétenu est une bonne idée et cet accompagnement devrait faire l'objet d'une formation et d'une rémunération.
Quant au problème de la maladie et de la santé mentale, il est directement lié à celui du suicide.
Pour un dixième des détenus, la peine n'a aucun sens : ils sont particulièrement exposés au risque suicidaire. Avec la commission des affaires sociales, nous avons réfléchi sur les moyens de mettre en détention moins de personnes souffrant de graves troubles psychiatriques. J'ai déposé une proposition de loi sur ce sujet.
En matière de garde statique et de transfèrements, les arbitrages avantagent nettement le ministère de l'Intérieur, mais le nouveau Garde des Sceaux a promis de reprendre le sujet.
S'agissant de la prise en charge financière du contentieux de la responsabilité de l'Etat en raison des conditions de détention, ces dépenses ne sont pas, Monsieur Yung, imputées sur la mission justice en particulier. En effet, l'État peut être condamné dans des domaines très divers.
Loi de finances pour 2011 - Mission Protection judiciaire de la jeunesse - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis de M. Nicolas Alfonsi sur le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice ».
Le programme n° 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » représente environ 10 % des crédits de la mission « Justice ».
Pour la troisième année consécutive, les crédits diminuent : ce programme sera doté de 758 millions d'euros en crédits de paiement en 2011. Le nombre d'équivalents temps pleins travaillés diminuera de 117, soit une suppression totale de 347 postes entre 2008 et 2011. Mais l'approche globale doit être complétée par les évolutions de structures, car la PJJ achève en 2011 son recentrage sur les mineurs délinquants : conformément à son projet stratégique national pour 2008-2011, elle ne financera plus la prise en charge des mineurs en danger, ni celle des jeunes majeurs, à l'exception des mesures d'investigation.
J'aborderai successivement le recentrage pénal de la PJJ, les inquiétudes qu'il soulève pour la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs, puis les réformes internes de la PJJ.
Les lois de décentralisation avaient transféré aux départements la protection de l'enfance, mais la PJJ a continué pendant plusieurs années à exécuter les mesures d'assistance éducative que lui confiaient les juges des enfants. En ce domaine, l'État et les départements exerçaient donc des compétences concurrentes. C'est pourquoi la commission d'enquête sénatoriale a préconisé en 2002 une clarification des rôles respectifs. D'où l'expérimentation instituée par la loi du 13 août 2004, complétée par la loi du 5 mars 2007, qui a réaffirmé la compétence départementale pour la protection de l'enfance. Sans attendre les résultats de l'expérimentation, la PJJ a généralisé en 2008 son recentrage sur l'action pénale.
Ce recentrage s'est accompagné par une augmentation de 27 % des crédits consacrés à cette action entre 2008 et 2011. J'observe qu'entre 2002 et 2009, le nombre de mineurs confiés à la PJJ au pénal s'est accru de 40 %, pour un taux de réponse pénale atteignant 92,9 %. Dans la moitié des cas, les affaires sont classées par le parquet après la réussite d'une mesure alternative aux poursuites. Actuellement, 70 % des mineurs délinquants de moins de 17 ans ne font pas l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui suit ; quelque 5 % des mineurs délinquants commettent la moitié des infractions et forment une sorte de « noyau dur ».
Depuis 2008, les redéploiements d'effectifs ont permis de porter à 14 le nombre d'éducateurs par foyer, contre 12 auparavant. Parallèlement, les délais de prise en charge ont été améliorés, avec des placements exécutés en deux jours et demi contre cinq en 2002. De même, les mesures en milieu ouvert sont désormais exécutées en 40 jours contre 55 en 2002. On peut souligner le rôle positif des bureaux d'exécution des mesures et des peines pour les mineurs (BEX) créés dans certaines juridictions, sans oublier toutefois de nuancer les résultats obtenus, puisque la réduction des délais est partiellement due à la précaution prise par les juges pour enfants, qui vérifient la disponibilité de la destination, avant de décider un placement : la procédure en est nécessairement accélérée, du moins en apparence. D'autre part, de très fortes disparités persistent entre les territoires, avec des délais bien trop élevés en Île-de-France et dans la région lyonnaise par exemple : il n'est pas rare qu'un mineur y commette une nouvelle infraction avant l'exécution de la première mesure...
Les centres éducatifs fermés (CEF) et les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) ont été créés par la loi « Perben I » du 9 septembre 2002 afin de prendre en charge des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants. Les CEF sont dotés de 24 à 27 éducateurs, qui encadrent huit à douze jeunes pendant six mois. La durée de détention en EPM dure en moyenne deux mois et demi ; quelque 150 personnes accueillent une soixantaine de mineurs. Avec Mme Boumediene-Thiery et M. Lecerf, j'ai constaté la qualité et la diversité des projets de réinsertion mis en oeuvre à l'EPM d'Orvault et dans le CEF de Doudeville. Les critiques exprimées en 2002 se sont atténuées ; les juges pour enfants semblent particulièrement apprécier les CEF, dont le taux d'occupation est très élevé.
Un constat s'impose toutefois : bien qu'il soit impossible de connaître le prix de journée, nous savons qu'un placement en CEF ou en EPM coûte très cher. Or, l'incidence de ces structures sur la récidive et la réinsertion n'a pas encore été mesurée. Notre commission a donc chargé MM. Pillet et Peyronnet d'évaluer cette contribution. D'autre part, plusieurs personnes que j'ai entendues estiment que les moyens alloués aux CEF et EPM ont été prélevés sur les foyers traditionnels et sur les mesures de milieu ouvert. Les associations constatent aussi, pour s'en inquiéter, les baisses de crédits affectant les investigations et les réparations pénales.
J'en viens aux jeunes majeurs et aux mineurs en danger. En 2011, la PJJ cessera toute intervention en ce domaine, mais l'incidence budgétaire de cette évolution n'a pas été évaluée, ce que la Cour des comptes a regretté dans un rapport de septembre 2009. Après un long contentieux, l'État a été mis en demeure par le Conseil d'État de créer le Fonds national de financement de la protection de l'enfance, prévu par la loi du 5 mars 2007. Créée par un décret du 17 mai 2010, ce fonds doit être doté de 30 millions d'euros par an. De très grandes disparités existent dans l'action des départements, malgré le principe d'égalité devant la loi. Il m'a en outre été impossible de savoir si le désengagement de la PJJ avait été compensé par l'accroissement des dispositifs départementaux.
Le principe du recentrage de la PJJ au pénal ne semble plus contesté, mais plusieurs personnes entendues jugent cette évolution « brutale » et « sans nuances ». En effet, la frontière entre mineurs délinquants et mineurs en danger est souvent ténue. Ainsi, 15 % des mineurs pris en charge au pénal ont été précédemment suivis en assistance éducative. L'intervention pénale permet parfois à l'institution judiciaire de découvrir les graves difficultés sociales d'un mineur. Pour les intéressés, la relation de confiance nouée avec des éducateurs est essentielle : ils ne peuvent pas « passer d'une case à l'autre », nous a dit la présidente de l'Association des magistrats de la jeunesse. Il serait souhaitable que la PJJ continue à titre exceptionnel de suivre ces mineurs en assistance éducative ou en « protection jeune majeur » après la fin de la mesure pénale.
Je terminerai avec les restructurations internes à la PJJ. Entre 2008 et 2011, les crédits de la fonction « support » auront été réduits de 18 %, grâce à la création de neuf directions interrégionales au lieu des 15 directions régionales, parallèlement à la substitution de 50 directions territoriales aux 100 directions départementales d'autrefois. Cela permet de mutualiser les moyens et d'adopter une organisation territoriale plus pertinente. En outre, la restructuration des établissements de placement fait que tous peuvent accueillir au moins 12 mineurs.
En conclusion, l'accent mis sur les mineurs délinquants a été permis par les économies réalisées sur la fonction « support », par la fin des prises en charge au civil, enfin par la rationalisation de l'offre sur le territoire. Désormais, toute nouvelle baisse des crédits affecterait la prise en charge des mineurs délinquants, puisque l'unique levier de maîtrise du coût tient à l'amélioration du taux d'occupation. Compte tenu de l'augmentation tendancielle de la population pénale, marquée par une hausse de 40 % des prises en charge depuis 2002, il est indispensable de stabiliser les crédits de la PJJ.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.
La commission des finances a préparé un amendement pour abonder de 30 millions d'euros les frais de justice qui étaient sous-évalués. Cette dotation complémentaire serait gagée par la suppression de 7,5 millions d'euros infligée à quatre programmes : l'administration pénitentiaire, la PJJ, l'accès au droit et à la justice, la conduite et le pilotage de la politique de la justice.
La PJJ ne peut subir une nouvelle baisse de ses crédits ! Je combats totalement une réduction supplémentaire!
Parmi les quatre programmes visés par la commission des finances, il y a peut-être une marge de manoeuvre pour la conduite et le pilotage de la politique de la justice, aucune pour le reste.
La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Yves Détraigne sur les missions « Justice » et « Pouvoirs publics ».
Avec une hausse de 4,4 %, la Chancellerie affiche une belle progression, mais on constate sur le terrain la persistance d'un sentiment de pénurie de moyens, par rapport aux obligations des magistrats et des greffiers. Il reste que cette hausse des crédits de paiement s'inscrit dans une tendance constatée depuis plusieurs années, appréciable vu le contexte des finances publiques.
Les autorisations d'engagement méritent une mention particulière, puisqu'elles passeront de 2,9 milliards d'euros à 4,1 milliards : l'évolution s'explique par la mise en place pour 30 ans d'un partenariat public privé (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame.) concernant le nouveau palais de justice de Paris qui sera construit dans le quartier des Batignolles.
J'en viens au Conseil supérieur de la magistrature, dont les crédits sont maintenus au sein du programme « justice judiciaire ».
Autorisations d'engagement et crédits de paiement augmenteront de 31,8 %, principalement à cause du nouveau formatage du CSM, qui comptera 22 membres à partir du 1er janvier, contre 16 actuellement.
La loi organique du 22 juillet 2010, adoptée en application de l'article 65 de la Constitution, a modifié l'article 12 de la loi organique du 5 février 1994 pour instituer « l'autonomie budgétaire du Conseil supérieur ». Il n'est pas logique de conserver ses crédits au sein du programme « justice judiciaire », dont le responsable est le directeur des services judiciaires, par ailleurs chargé d'établir les propositions de nomination transmises au CSM. Je vous proposerai donc un amendement tendant à créer un programme spécifique au sein de la mission « Justice ». Nous avions déjà formulé cette demande à plusieurs reprises.
En fait, nous voulions rattacher le CSM à la mission « Pouvoirs publics » où il aurait, par exemple, retrouvé le Conseil constitutionnel.
Oui, mais nous proposerons ici de laisser les crédits au sein de la mission « Justice ».
J'en viens au projet annuel de performance et aux indicateurs associés, dont l'approche purement quantitative ne reflète pas la réalité de l'activité judiciaire. Ainsi, l'un des indicateurs additionne toutes les procédures pénales engagées, sans distinguer les cas où un juge d'instruction a été nommé et une information ouverte ! La réalité du travail judiciaire n'est donc pas reflétée. J'ajoute que, si les nouvelles applications informatiques doivent un jour améliorer le fonctionnement concret de la justice, leur mise en place alourdit aujourd'hui la tâche des magistrats et des greffiers.
J'en viens à l'achèvement de la nouvelle carte judiciaire, qui devrait être opérationnelle au 1er janvier, avec 865 juridictions contre 1 193 auparavant.
Les mesures d'accompagnement individuel donnent globalement satisfaction. Il en va de même pour l'accompagnement des restructurations immobilières, dont le coût est chiffré par le ministère à 375 millions d'euros, dont 40,5 millions figurent dans le budget pour 2011. Il est difficile de se prononcer sur le réalisme de l'enveloppe, censée financer 400 opérations immobilières.
Jusqu'à présent, on évoquait plutôt 800 millions d'euros.
Toujours à propos de la carte judiciaire, je dirai quelques mots des maisons de la justice et du droit (MJD), annoncées comme...
une solution pour conserver l'accès aux droits et à la justice dans les secteurs où les tribunaux d'instance allaient disparaître. C'est particulièrement vrai des MJD « nouvelle génération ». On dénombre au total 127 Maisons de la justice et du droit et sur le territoire. Le ministère de la justice n'ayant pas toujours les moyens de les doter en personnel, certaines fonctionnent grâce aux collectivités territoriales, qui mettent à disposition du personnel préalablement formé au tribunal de grande instance. À côté de ces structures officielles, il existe 48 antennes de justice, réparties au sein de neuf cours d'appel.
J'en viens aux frais de justice. L'entrée en application de la LOLF en 2006 avait été marquée par une heureuse surprise, avec une baisse des dépenses de 22 %, sans que les investigations n'en aient pâti. Pourtant, la hausse a repris dès 2007. Cette évolution s'explique en premier lieu par les frais médicaux, dont le montant a atteint 75 millions d'euros en 2009. Les analyses génétiques ont enregistré l'an dernier une progression de 19 %. Les dépenses de traduction et d'interprétariat ont explosé, avec une hausse de 62 % entre 2008 et 2009, principalement imputable aux réévaluations tarifaires.
Certaines mesures ont donc été mises en place pour maîtriser ce type de dépenses : la centralisation des mémoires devait contribuer à mieux calibrer les factures ; la réactivation des référents « frais de justice » devait contribuer à la diffusion des bonnes pratiques ; les chefs de juridiction ont été sensibilisés à la maîtrise de ces dépenses. Tout cela n'a pas empêché la hausse de se poursuivre.
De fait, l'insuffisance des crédits conduit certaines juridictions à réduire leurs moyens de fonctionnement par ailleurs : certains crédits destinés aux vacataires, voire à des juges de proximité, servant à payer les frais de justice.
Un tribunal de grande instance ne règle plus les factures depuis le mois de novembre. Les arriérés seront apurés quand la nouvelle dotation annuelle arrivera.
Le phénomène est aggravé par les contraintes budgétaires actuelles, qui ont fait disparaître le traditionnel dialogue de gestion sur les besoins des juridictions. Hélas, l'insuffisance des moyens est désormais prévisible.
Après avoir évoqué la modernisation réalisée dans un contexte budgétaire contraint, j'aborde la deuxième partie de mon avis : la gestion des effectifs.
Les prévisions pour 2011 s'établissent comme suit : 78 greffiers en chef seront recrutés pour 78 départs ; 749 greffiers de catégorie B seront recrutés, pour 350 départs ; 254 agents de catégorie C entreront en fonction alors que 450 s'en iront. Ainsi, le ratio de greffiers par magistrat passera, à terme, de 0,86 à 0,92, sans faciliter pour autant le fonctionnement quotidien des juridictions, où certains magistrats inscrivent eux-mêmes l'adresse sur les enveloppes du courrier.
Il est temps de mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs, car il faut trois ans pour former de nouveaux magistrats. Dans un TGI de l'Est, seuls deux des quatre postes de magistrats du tribunal pour enfants sont effectivement pourvus, ce qui impose de ne traiter que les affaires les plus urgentes.
Un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale tend à créer une réserve judiciaire composée de magistrats ou de fonctionnaires retraités, tous volontaires pour servir l'institution judiciaire et âgés au plus de 75 ans.
Sachant que seulement 71 magistrats sont actuellement maintenus en surnombre à leur demande au-delà de 65 ans, comment atteindre les 500 magistrats et les 650 fonctionnaires réservistes - dont 110 greffiers en chef et 450 greffiers de catégorie B - escomptés par le Gouvernement ?
Et pour quel temps d'emploi ? Certains ne voudront travailler qu'un après-midi par semaine ou par mois...
Je voudrais ajouter un mot sur Cassiopée, l'application informatique couvrant l'ensemble de la chaîne pénale et destinée à éviter les saisies successives dont les dossiers font actuellement l'objet.
Sa mise en place a gravement perturbé certaines juridictions, au point que le prestataire a été changé depuis l'an dernier. En outre, une équipe nationale de référents, intégrant des professionnels de la justice, a été créée. La situation s'est aujourd'hui améliorée, mais les délais d'enregistrement sont encore trois à cinq fois plus longs que ceux des anciennes applications, ce qui relativise l'avantage procuré par une saisie unique. Dans quelques années, on constatera sans doute que le déploiement de l'informatique aura perfectionné le fonctionnement de la justice ; ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Entre les réformes incessantes influençant l'activité juridictionnelle et d'autres novations comme la réforme de la carte judiciaire, de nombreux magistrats et fonctionnaires semblent arrivés à un point de rupture en capacité de travail, malgré un sens élevé du service public à tous les niveaux.
Le troisième grand point de mon intervention porte sur l'aide juridictionnelle.
Ses crédits ont baissé en 2010, au point d'avoir été épuisés dès le mois d'octobre. Pour l'essentiel, l'augmentation constatée en 2011 tient à l'augmentation de la TVA payée sur les rétributions d'avocats : son taux passera de 5,5 % à 19,6 %.
La nécessaire réforme de la garde à vue augmentera sans doute les vacations d'avocats. Il faudra donc une loi de finances rectificative au moins au titre de l'aide juridictionnelle.
Un décret du 16 février 2010 a étendu l'aide juridictionnelle à la procédure des questions prioritaires de constitutionnalité, devant le Conseil d'État, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel. En outre, les personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté ont été ajoutées aux bénéficiaires de cette aide par la loi du 10 mars 2010. Enfin, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes autorise l'admission provisoire de la partie demanderesse, tout en dispensant les personnes étrangères de résider habituellement et régulièrement en France.
Le recouvrement des sommes exposées à ce titre, sur la partie condamnée aux dépens, plafonne depuis 2001. Il s'est limité à 8,9 millions d'euros en 2009, pour un montant à recouvrer de 17,8 millions. Attendons pour voir l'incidence de l'article 41 du projet de loi de finances, qui modifie les modalités de recouvrement.
Parmi les pistes de réforme, le Gouvernement veut mettre à charge de la partie demanderesse le droit de 8,84 euros par plaidoirie, versé à la caisse de retraite des avocats. Ceux-ci font observer qu'ils devront souvent assumer eux-mêmes son paiement, car les frais de recouvrement seraient supérieurs au rendement attendu. En 2007, nous avions modifié l'assurance protection juridique, pour diminuer le recours à l'aide juridictionnelle, mais les effets espérés n'ont pas été constatés, notamment parce que les assureurs ne se pressent pas d'informer leurs clients.
Je voudrais enfin dire deux mots des dotations du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République, au sein de la mission « Pouvoirs publics ».
Le Conseil constitutionnel a connu quelques dépassements en consommation budgétaire en 2010, directement liés à la mise en oeuvre de la question prioritaire de constitutionnalité. Au demeurant, cette institution a plutôt bien réagi à la création de cette nouvelle procédure, qui fonctionne bien. Son budget n'appelle pas d'observations particulières.
La dotation de la Cour de justice de la République passera de 940 000 euros à 817 000 euros, car aucun procès n'est prévu en 2011. La commission des finances du Sénat propose de prélever encore 200 000 euros.
Je vous propose de rendre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Je trouve scandaleuse l'absence d'un calendrier de recrutement des magistrats ; je trouve scandaleuse la baisse des places mises au concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature, qui dissuade les meilleurs étudiants de s'engager dans la magistrature. Ils vont donc encombrer encore un peu plus la profession d'avocat ! J'ajoute que les règles relatives à la profession d'avocat favorisent les intégrations, notamment les parlementaires, devenus avocats sans jamais avoir étudié le droit.
Je regrette que nous n'allions pas plus loin en faveur de la justice de proximité, une formule d'avenir largement sabotée par les magistrats. Il en va de même pour la médiation ou la conciliation.
On n'arrive plus à financer les juges de proximité qui existent.
Ne pas faire prendre en charge le ticket modérateur de 8,84 euros par l'aide juridictionnelle n'évitera pas les initiatives des plaideurs professionnels. Il me semble opportun qu'un amendement manifeste notre doute.
Pourriez-vous faire le point sur le télétravail et les audiences foraines mises en place par certains départements après la suppression de petits tribunaux ?
J'approuve les observations faites à propos des juges de proximité, tout en soulignant que leur création a été contredite quatre ans plus tard par la suppression de 258 tribunaux d'instance.
La maison du droit que j'ai visitée n'avait ni matériel, ni personnel.
Nous examinerons bientôt une loi sur les avoués. Des postes de greffiers ont-ils été réservés à leurs collaborateurs, comme le Garde des Sceaux l'avait promis ?
Je partage les observations de M. Gélard sur les magistrats.
Enfin, une part importante de l'activité des greffes sera transférée vers les offices notariés. A-t-on mesuré l'incidence en équivalents temps plein travaillés ?
Je voudrais faire une observation sur les frais de justice, car les réquisitions des opérateurs - en clair, les écoutes judiciaires - sont mal gérées. Il est envisagé de créer une plate-forme l'an prochain pour diminuer cette dépense, à l'instar de ce qui a été fait pour les écoutes administratives et les empreintes génétiques.
Une telle plateforme est en cours de mise en place.
Le problème du calendrier des recrutements est récurrent, du fait de l'absence de gestion prévisionnelle des effectifs. La courbe des départs en retraite et celle des nouveaux magistrats vont en effet se croiser et il est à craindre que l'écart ne soit pas compensé par les gains de productivité informatique...
Le manque de crédits, pour les juges de proximité, a eu cette conséquence que leurs vacations n'étant plus payées, ils ont pris leurs distances... Cela est regrettable, car ils sont fort appréciés, notamment en correctionnelle, où ils jouent le rôle d'assesseur : leur absence va complexifier la mise en place des audiences.
Les magistrats ne se plaignent pas des audiences foraines, qu'ils estiment utiles dans certaines villes, où elles tendent à se développer. Le télétravail, en revanche, ne rencontre pas grand succès...
Il est vrai que les postes qui avaient été réservés aux avoués n'ont été, en raison des aléas qu'a connus la réforme, que peu pourvus. Ils restent toutefois ouverts. Peut-être rencontreront-ils plus de succès en 2011.
Je ne suis pas aujourd'hui en mesure de vous fournir des chiffres sur le transfert d'activité des greffes vers les notaires : je vous ferai tenir bientôt des éléments de réponse.
Avez-vous rencontré au cours de vos déplacements, monsieur le rapporteur pour avis, des magistrats qui se plaignaient de n'être pas surchargés ?...
Reste que je ne comprends pas que l'on prévoie si peu de recrutements à l'ENM, alors que l'on sait fort bien ce que seront les besoins. On ne peut pas voter un tel budget !
Je rejoins le doyen Gélard sur les juges de proximité, question bien distincte de celle des jurés populaires : leur action est durable, ils acquièrent une expérience précieuse. Il est clair que là est la bonne formule.
Si l'on regarde de près le tableau général des recrutements, on constate qu'il n'y a plus de concours complémentaires, que les recrutements d'auditeurs de justice sur titres sont très peu nombreux, de même que les détachements, tandis que la grande idée de magistrats à titre temporaire n'a pas rencontré le succès escompté.
Le service extraordinaire reste rare, lui aussi. L'expérience des conseillers référendaires a pourtant été positive, pour les juridictions comme pour les intéressés. Quant aux assistants de justice, ils ne sont plus guère nombreux.
Ce qui n'est pas sans effet sur le fonctionnement des conseils départementaux d'accès au droit.
J'en viens à l'amendement n°1 que je vous propose à l'article 48 : il tend à créer un programme propre « Conseil supérieur de la magistrature ».
La commission adopte l'amendement n° 1.
Elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits des missions.
Puis, la commission examine le rapport pour avis de N. Jean-Noël Buffet sur les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration » du projet de loi de finances pour 2011.
Trois sujets d'importance doivent nous occuper cette année. Les conséquences budgétaires de l'augmentation des demandes d'asile ; les modifications des procédures et des modes de gestion ; la poursuite de la lutte contre l'immigration irrégulière.
Il faudra s'interroger sur les conséquences de la disparition d'un ministère aux compétences pleines et entières. Si la création d'un tel ministère avait été en son temps critiquée, l'utilité d'une administration intégrée pour traiter des problématiques liées à l'immigration et à l'intégration reste aujourd'hui pertinente. Nous interrogerons le ministre sur ses intentions en cette matière.
Les crédits de la mission, après avoir connu une forte hausse, de 10 %, en 2009 et 2010, se stabilisent. La participation à l'effort commun de maîtrise des dépenses publiques se traduira cependant, sur trois ans, par une diminution de 3 %, les crédits passant de 562 millions en 2011 à 545 millions en 2013.
La stabilisation des crédits en 2011 recouvre pourtant une évolution contrastée des deux programmes de la mission, les crédits du programme « immigration, asile » progressant de 2 % tandis que ceux du programme « intégration, accès à la nationalité française » diminuent de 8 %. Le fait est que les marges de manoeuvre, au sein du programme « immigration, asile » se rétrécissent à mesure que progressent les demandes d'asile, qui, après un recul entre 2004 et 2007, ont crû de 20 % en 2008, de 12 % en 2009 et de 8,3 % au cours des huit premiers mois de 2010. Depuis 2007, la demande globale a augmenté de plus d'un tiers. En 2009, la France a enregistré 47 700 demandes, ce qui la classe au premier rang des pays européens, devant l'Allemagne - 33 000 demandes - et le Royaume Uni - 29 800 demandes. Toujours la même année, le statut de réfugié ou la protection subsidiaire ont été accordés à 10 373 demandeurs. Parmi les pays d'origine des demandeurs, viennent toujours la Turquie, la Serbie, le Kosovo, la Russie, la République démocratique du Congo, le Sri Lanka, tandis que progressent les demandes de personnes originaires de la Chine, de Haïti et du Bengladesh.
Pour continuer de recevoir les demandeurs dans les meilleures conditions possibles, il faut augmenter les crédits alloués aux centres d'accueil des demandeurs d'asile, les Cada, ainsi qu'à l'allocation temporaire d'attente.
La subvention à l'Ofpra augmente de 8 % pour faire face au recrutement de trente officiers de protection sur dix-huit mois, tandis que les effets de la réforme de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ne se font que progressivement sentir sur les délais de traitement, dont le raccourcissement devrait aider à réduire les coûts de prise en charge des demandeurs.
La situation que connaît le premier programme a des effets sur le second, « intégration et accès à la nationalité française ». Si la diminution de la dotation de l'Ofii, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, est compensée par la réévaluation de la taxe affectée, les crédits d'intervention en faveur de l'intégration, en revanche, reculent - aide aux associations et aux meilleurs élèves étrangers.
L'augmentation des demandes d'asile a donc indirectement des effets négatifs sur les actions consacrées à l'intégration.
Un certain nombre de réformes sont intervenues ces deux dernières années. Réforme de la procédure de naturalisation, tout d'abord. L'expérimentation, au cours du premier semestre 2010, de la décentralisation de la procédure a donné des résultats encourageants : les délais de réponse pour les décisions défavorables sont passés de dix mois en 2009 à quatre mois, dans les préfectures, en 2010, ceux pour les décisions défavorables de douze mois à cinq. Reste que les variations sont importantes d'une préfecture à l'autre et qu'il reviendra au ministère de l'Intérieur de garantir l'uniformité du traitement des demandes sur l'ensemble du territoire, sachant que le processus a été généralisé à compter du 1er juillet 2010.
Il s'agit ensuite de la réforme des visas de long séjour, valant titre de séjour. Il est ainsi mis fin à la double instruction menée, dans les consulats et dans les préfectures, pour les séjours de plus de trois mois. Les conjoints de Français, visiteurs, étudiants concernés s'acquittent désormais auprès de l'Ofii d'un timbre sur passeport. Depuis le 1er juin 2009, 80 % des visas de long séjour valent ainsi titre de séjour. Reste toutefois pendante la question des droits sociaux. La circulaire du 29 mars 2010 prévoyait que les titulaires de tels visas bénéficieraient des mêmes droits sociaux que les titulaires de carte de séjour temporaire, mais les textes réglementaires ne sont pas encore tous parus. Il conviendra de demander des assurances au ministre sur ce point.
J'en viens à la lutte contre l'immigration irrégulière. La lutte contre les filières se poursuit. L'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre a démantelé, en 2009, 150 filières clandestines, contre 100 au cours de chacune des deux précédentes années. Cette même année, 29 000 mesures d'éloignement ont été prononcées, et 14 000 au cours du premier semestre 2010. En dépit de cet accroissement, l'objectif pour 2011-2013 reste stable, à 28 000.
Le taux d'exécution des mesures s'améliore légèrement : 24 000 éloignements pour 112 000 prononcés en 2008 ; 29 000 pour 95 000 en 2009. Le taux de retour au pays d'origine, de 20 %, reste cependant faible. 27 % des échecs s'expliquent par le refus du juge des libertés de prolonger la détention et 33 % par la faiblesse du taux de délivrance de laissez-passer consulaires. Cependant, les accords bilatéraux conclus, en particulier avec les pays d'Afrique subsaharienne, devraient à terme porter leurs fruits, de même que les protocoles d'application des accords communautaires, déjà engagés avec la Macédoine et la Bosnie.
Le projet de loi qui viendra bientôt devant nous vise à améliorer les procédures d'éloignement, tant administratives que juridictionnelles. Il nous appartiendra d'examiner si les mesures retenues sont propres à atteindre cet objectif.
La transposition de la directive d'avril 2004 sur la libre circulation des personnes, qui avait donné lieu à polémique, est globalement satisfaisante, les principes généraux de notre droit offrant les garanties nécessaires au respect du caractère individuel du prononcé et de la qualification d'atteinte à l'ordre public. La Commission européenne a ainsi officiellement renoncé, le 19 octobre dernier, à ouvrir une procédure d'infraction à l'encontre de la France, qui s'est toutefois engagée le même jour à procéder à une transposition plus explicite sur certains points : le gouvernement déposera donc des amendements au projet de loi sur l'immigration.
Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, sachant que quelques amendements ont été déposés, l'un émanant de la commission des finances, les deux autres des sénateurs Verts apparentés au groupe socialiste.
Nous ne voterons évidemment pas des crédits destinés à mettre en oeuvre une politique vouée à l'échec et que nous réprouvons. L'augmentation constante des demandes d'asile met en péril, à financement constant, les actions en faveur de l'intégration et de l'accès à la nationalité, auxquelles on ne cesse de surcroît d'ajouter des épreuves, qui entraînent des dépenses supplémentaires... Bref, on tourne en rond.
Je m'inquiète du choix de l'externalisation pour les visas biométriques, sous-traités à l'une des trois sociétés existant sur le marché - au détriment d'ailleurs d'une autre retenue par d'autres pays parties aux accords de Schengen, donc de toute possibilité de mutualisation. Surtout, dans la mesure où certains pays, comme l'Inde et la Chine, refusent le cryptage des données, nos consulats sont amenés à effectuer, après la société extérieure, une nouvelle saisie : situation parfaitement absurde !
Je comprends mal que ce budget prévoie une augmentation du nombre de places en rétention, sachant que les centres de rétention administrative ne sont aujourd'hui occupés qu'à 58 %, et qu'il reste donc beaucoup de places libres.
Cela est lié à un problème de répartition géographique (M. le rapporteur pour avis le confirme).
A la suite de la division en six ou sept lots du marché de l'assistance juridique, une indemnité a dû être versée à la Cimade. Pour quel montant ? Quid du nouvel appel d'offre pour l'outre-mer à lancer à la suite de l'annulation du premier par le tribunal de Paris ?
Il est d'autant plus patent que cette politique est un échec que les choix opérés par le gouvernement entrent en totale contradiction avec l'objectif de réduction des déficits publics. On y reviendra avec l'examen prochain du projet de loi sur l'immigration. A croire qu'il n'y a là que pur effet d'annonce...
Pouvez-vous nous indiquer le coût, monsieur le rapporteur pour avis, d'une expulsion du territoire ?
Des certificats d'hébergement sont demandés pour de nombreux types de séjours. Dispose-t-on d'un bilan ? Sait-on, en particulier, s'il est des cas de sanction à l'encontre des hébergeurs ?
Dispose-t-on, de même, d'un bilan des contrats d'intégration, au regard de l'ensemble des critères retenus - formation, domicile, école ?
La politique de l'emploi fait partie intégrante des politiques d'intégration. Pour se voir délivrer un titre de séjour, il faut une promesse d'emploi stable. Dispose-t-on d'un bilan conduit avec la direction de l'emploi sur les possibilités d'intégration offertes aux étrangers ?
On sait que les demandes d'asile sont sujettes à fluctuations. Pour y faire face, l'Ofpra et la Cour nationale du droit d'asile doivent pouvoir bénéficier néanmoins de moyens constants, indispensables si l'on veut préserver des durées raisonnables d'examen et la qualité de cet examen. On sait aussi que l'orientation des demandes fluctue en fonction des circonstances internationales.
Le visa biométrique, monsieur Yung, est toujours en expérimentation. Il est clair que sa généralisation supposera des ajustements.
L'occupation des centres de rétention est inégale selon les territoires : d'où les créations prévues en 2011.
Le nouvel appel d'offres pour l'outre-mer est en cours d'attribution. Pour le reste, alors que l'attribution des lots avait tout d'abord soulevé la polémique, il semble que le système fonctionne bien.
On ne peut pas fixer un coût uniforme, madame Assassi, aux expulsions, mais seulement établir une fourchette. Selon les données prises en compte - distance, accompagnement par les escortes - le coût varie de 5 000 à 20 000 euros.
Vous m'avez interrogé, madame Escoffier, sur les contrats d'accueil et d'intégration. L'objectif est de parvenir à une généralisation des bilans de compétences, dont plus de 100 000 ont déjà été conduits par l'OFII. Le travail est engagé avec Pôle Emploi pour améliorer l'offre à destination des demandeurs. Nous ne disposons pas encore de chiffres précis.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Il sera temps de poser vos questions au ministre lors de l'examen du texte à venir. J'informe à ce sujet les membres de la commission que l'examen du projet de loi pour la performance de la sécurité intérieure par l'Assemblée nationale ayant été repoussé, il viendra plus tard que prévu devant le Sénat -ce qui décalera également le projet de loi sur l'immigration. En conséquence, notre audition de M. Hortefeux est donc reportée et la table ronde avec les associations se tiendra le 15 décembre au matin.