Intervention de Jean-Guy Branger

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 juin 2007 : 1ère réunion
Traités et conventions — Lutte contre la traite des êtres humains - examen du rapport

Photo de Jean-Guy BrangerJean-Guy Branger, rapporteur :

Après une suspension de ses travaux, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Guy Branger sur le projet de loi n° 303 (2006-2007) autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

a déploré que la traite des êtres humains fasse aujourd'hui un nombre croissant de victimes à travers le monde.

Il a rappelé que, face à ce constat, l'Organisation des Nations Unies avait élaboré, dès novembre 2000, un protocole additionnel à sa Convention contre la criminalité transnationale organisée, qui visait à « prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants », et que la France avait ratifié ce texte, dit « protocole de Palerme », en 2002.

Le Conseil de l'Europe a également jugé nécessaire, face à la montée de cette forme de crime organisé, d'élaborer un texte dont les exigences sont supérieures aux normes édictées dans le protocole de Palerme, particulièrement en matière de protection des victimes.

Ainsi a été établie, en 2005, la convention sur la lutte contre le traite des êtres humains, aujourd'hui signée par 29 Etats membres, dont la France, mais ratifiée jusqu'à présent par seulement 7 d'entre eux, alors que son entrée en vigueur en requiert 8. Il a donc souligné combien il serait opportun que ce soit la ratification française qui permette sa mise en application.

Il a décrit cette convention comme un traité global, axé sur la protection des victimes de la traite et la sauvegarde de leurs droits, mais qui comporte également des actions de prévention de la traite, ainsi que de poursuite des trafiquants.

Ce texte s'applique à toutes les formes de traite, nationale ou transnationale, liée ou non au crime organisé, quelles qu'en soient les victimes et les formes d'exploitation.

La convention prévoit aussi la mise en place d'un mécanisme de suivi indépendant garantissant le respect de ses stipulations par les Parties.

Il a rappelé qu'elle comportait une définition large de la traite, consistant dans : « le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation ». L'exploitation ainsi visée comprend celle « de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. »

Le consentement d'une victime à l'exploitation envisagée est indifférent lorsque l'un quelconque des moyens énoncés a été utilisé.

Le rapporteur a souligné l'importance de cette stipulation, car le consentement de la victime est souvent obtenu sous la menace.

Par ailleurs, le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil d'un enfant aux fins d'exploitation sont réputés être des formes de traite. Est considérée comme un enfant, dans le présent texte, toute personne âgée de moins de 18 ans.

a alors rappelé l'ampleur et la gravité d'un phénomène qui ne cesse de croître, y compris sur le continent européen.

Ainsi, les chiffres avancés, s'agissant des victimes, varient de 100.000 à 500.000 personnes, hommes, femmes et enfants. Plusieurs facteurs contribuent à ce développement : les restructurations économiques et politiques consécutives à la chute de l'Union soviétique et aux crises balkaniques, la mondialisation des échanges, qui touche aussi le crime organisé, comme les nouvelles méthodes utilisées par les réseaux criminels. Ceux-ci ont compris le parti à tirer de l'ouverture des frontières et des nouvelles technologies de la communication. Aux trafics d'armes et de drogues, s'est ainsi ajouté le trafic d'êtres humains, qui est au moins aussi rémunérateur et, jusqu'à présent, moins risqué pour ses auteurs.

Les femmes et les enfants en sont les premières victimes, mais sont loin d'en être les seules. Les hommes sont également touchés, notamment par le travail forcé.

a ensuite décrit les principaux éléments du texte, incitant à des actions d'information, qui doivent prévoir des mesures spécifiques au profit des migrants réguliers et des enfants, ainsi qu'une amélioration des contrôles pour prévenir et détecter la traite.

Il a plaidé pour que les documents de voyage ou d'identité soient sécurisés, pour réduire les possibilités de les falsifier, de les modifier ou de les reproduire.

Le texte stipule que les enfants ou présumés tels, jusqu'au contrôle de leur âge effectif, bénéficient de mesures spécifiques lorsqu'ils ne sont pas accompagnés, notamment de leur représentation par une autorité chargée de défendre leurs intérêts.

Les victimes de la traite doivent bénéficier d'une assistance leur assurant des conditions de vie décentes par la fourniture de logement, soins médicaux et l'accès à l'éducation pour les enfants. Ainsi, les victimes bénéficient d'un « délai de rétablissement » d'au moins 30 jours, durant lequel aucune mesure d'éloignement n'est exécutée à leur égard. Un permis de séjour peut leur être accordé, notamment aux fins d'enquête ou de procédure pénale contre les individus ayant commis des abus à leur encontre.

L'établissement éventuel d'un fonds d'indemnisation doit viser à faire bénéficier ces victimes des compensations financières prévues dans le droit interne des Etats.

Ceux-ci doivent accepter le retour de leurs ressortissants victimes de traite, sous une série de conditions précisément énumérées.

La complicité à des actes de traite est réprimée, tout comme la responsabilité des personnes morales. Les victimes, témoins et personnes collaborant avec les autorités judiciaires bénéficient de protections spécifiques. Enfin, la convention instaure un groupe de suivi de son application, par la mise en place d'« un groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains ».

Chaque Etat peut assortir sa ratification d'une déclaration précisant qu'il se réserve le droit d'appliquer dans des conditions spécifiques certains éléments de cette convention. Sur ce point, le rapporteur a relevé que le gouvernement français a assorti la Convention d'une étude d'impact juridique détaillée, précisant les éléments de la convention qui impliquent une modification ultérieure de la législation française.

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