Intervention de Roland du Luart

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 novembre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission justice et articles 75 et 75 bis - examen du rapport spécial

Photo de Roland du LuartRoland du Luart, rapporteur spécial :

La mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2011, de 7,127 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4,1 %. Sur la période 2011-2013, ses moyens continueront de progresser de 3,3 %, ce qui traduit bien la priorité accordée à la justice depuis la loi d'orientation et de programmation de 2002.

Le programme « Justice judiciaire » compte 2,959 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 4,4 %.

Les créations nettes d'emploi se montent à 127 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour un plafond d'emploi fixé à 31 018 ETPT.

Les efforts afin d'accroître les effectifs de magistrats n'ont cependant de sens que s'ils s'accompagnent d'un effort encore plus important en faveur des greffiers. Or, le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n'est encore actuellement que de 0,86. L'objectif doit être de l'amener progressivement à un niveau proche de un pour un.

Pour 2011, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 459,4 millions d'euros. Les charges restant à payer devraient toutefois représenter près de 100 millions d'euros à la fin de l'exercice budgétaire 2010, ce montant correspondant à environ deux mois d'activité des juridictions. Il apparaît donc que la sous-budgétisation, constatée en 2009 et 2010, se poursuit en 2011, remettant en cause le principe de sincérité budgétaire au sein de la mission « Justice ».

C'est la raison pour laquelle je proposerai à la commission, à l'issue de cette présentation, d'adopter un amendement visant à abonder les crédits du programme « Justice judiciaire » de 30 millions d'euros, afin de rétablir l'enveloppe dédiée aux frais de justice à un niveau plus conforme à la réalité des besoins pour 2011.

Un autre enjeu pour l'institution judiciaire réside dans la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire. A cet égard, il convient de se féliciter que cette réforme avance, sans que son coût dérape. Celui ci est toujours estimé à 427 millions d'euros sur cinq ans.

Il faut toutefois rappeler que ce coût n'intègre pas l'opération de réaménagement du TGI de Paris sur le site des Batignolles, dans le 17ème arrondissement de Paris. A elle seule, cette opération, montée en partenariat public-privé, représentera un coût de 623,5 millions d'euros. En 2011, les efforts en faveur du programme « Administration pénitentiaire » se poursuivront.

Ce programme verra ainsi ses autorisations d'engagement progresser de 6,8 % et ses crédits de paiement de 4,5 %. Il enregistrera, par ailleurs, un gain net de 413 emplois supplémentaires, pour un plafond d'emplois établi à 34 857 ETPT. Cette augmentation des effectifs permettra notamment de répondre aux besoins en personnel liés à l'ouverture de nouvelles places en détention au cours de l'exercice.

Le nombre de créations nettes de places en détention en 2011 se montera en effet à 1 139, les efforts d'investissement réalisés au cours des derniers exercices commençant à porter leurs fruits depuis 2008.

Le grave écueil de la surpopulation carcérale n'est cependant pas encore totalement surmonté et, en la matière, la préoccupation majeure consiste dans les six établissements dont la densité reste supérieure à 200 % et qui accueillent actuellement 1 009 détenus.

S'agissant de la question récurrente des transfèrements de détenus, une décision importante est intervenue. En effet, à compter du 1er janvier 2011, la responsabilité de ces transfèrements entre les cellules et les palais de justice, ainsi que des missions d'escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), sera transférée au ministère de la justice. Seuls les détenus particulièrement signalés continueront de relever de la police et de la gendarmerie. Cette mesure va dans le sens d'une rationalisation souhaitable des moyens et elle s'accompagnera d'un transfert de 800 ETPT en faveur de l'administration pénitentiaire.

Comme vous le savez, la prise en charge des cas de psychiatrie en milieu carcéral constitue pour moi un sujet de préoccupation constant depuis plusieurs années. Et, encore une fois, je dois déplorer l'insuffisance globale des moyens dédiés à cette mission, notamment concernant le nombre des psychiatres intervenant en milieu carcéral. Cette pénurie de psychiatres est d'autant plus préjudiciable qu'environ 20 % à 25 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques. Cette situation doit trouver des solutions dans les années à venir.

Depuis 2009, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » privilégie la prise en charge des mineurs délinquants. L'année 2011 représente une année charnière pour la PJJ. En effet, conçu sur quatre ans, son « projet stratégique national » va toucher à son terme.

Le programme comporte 757,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 2,1 %. Il enregistrera la perte de 140 ETPT, son plafond d'emploi baissant à 8 501 ETPT. Ces réductions d'emplois touchent uniquement les fonctions support, et non les éducateurs.

La performance du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est difficile à appréhender, dans la mesure où elle dépend aussi de plusieurs variables qui lui sont, au moins en partie, extérieures. Certaines observations se révèlent toutefois éclairantes.

Ainsi, le coût d'une journée en centre éducatif fermé (CEF) est de 625 euros en 2010. Ce coût relativement élevé doit, toutefois, être remis en perspective au regard de la montée en charge progressive de ce dispositif et des charges fixes relativement importantes engendrées initialement par ces structures d'accueil. Ces charges ont vocation à être étalées à mesure de l'approche du régime de croisière de ce programme de création de CEF. Il faut 2,5 encadrants par mineur dans ce type de structure.

Les taux d'occupation des établissements sont en progrès. Ainsi, ce taux est-il passé de 86 % pour les centres éducatifs renforcés (CER), en 2009, à 88 % en prévision actualisée pour 2010, avec une cible de 90 % en 2011.

Au total, l'action de la PJJ débouche sur un résultat encourageant : 70 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure.

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » augmentent de 12,4 % en crédits de paiement, en atteignant 331,3 millions d'euros.

En particulier, l'aide juridictionnelle voit sa dotation passer de 274,8 millions d'euros en 2010 à 312,3 millions d'euros.

Cette hausse significative est toutefois trompeuse. Elle s'explique essentiellement par le fait que, l'année prochaine, ces crédits devront également couvrir l'assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 %, contre 5,5 % antérieurement.

Reprenant l'une des propositions de votre rapporteur spécial, l'article 41 du présent projet de loi de finances instaure un ticket modérateur de 8,84 euros à la charge du bénéficiaire de l'aide. L'objectif visé par cette mesure est de responsabiliser les bénéficiaires potentiels de l'aide juridictionnelle, afin d'éviter les abus de procédure. Il en est attendu une économie d'environ 3,9 millions d'euros en 2011 et de 5,2 millions d'euros à partir de 2012.

Il s'agit là d'une amorce de réforme du système de l'aide juridictionnelle, celle-ci ne pouvant plus attendre.

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » comporte 267,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 7,3 % par rapport à 2010.

Cette hausse significative des crédits consacrés à l'administration centrale et aux projets informatiques pourrait surprendre. Elle doit cependant être relativisée dans la mesure où elle résulte, pour une grande part, de changements de périmètres.

Dans le domaine de la politique immobilière et logistique, il faut d'ailleurs souligner l'ambition de la Chancellerie de regrouper, sur un site unique, l'ensemble des directions et services des sites parisiens de l'administration centrale, hors le « 13, Place Vendôme ». Votre rapporteur spécial sera attentif à cette évolution, qui doit être l'occasion d'une rationalisation des moyens de l'administration centrale en permettant notamment de dégager des économies substantielles de loyers.

Enfin, s'agissant de la performance dans la conduite des grands projets informatiques, le taux de déploiement du projet Cassiopée, instaurant une nouvelle chaîne pénale dématérialisée dans les juridictions, n'a pas atteint son objectif de 96 % en 2010, puisqu'il ne s'élève qu'à 84,6 %. L'objectif de 100 % en 2011 paraît, par ailleurs, difficile à réaliser.

En conclusion, je vous propose l'adoption des crédits proposés pour la mission « Justice » et pour chacun de ses programmes, avec une modification de crédits.

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