Ce projet de loi apporte des réponses aux défis qui se posent à l'agriculture, crises alimentaires, difficultés économiques ou avenir de la PAC. Une question mérite d'être approfondie : celle du foncier agricole. Étymologiquement, l'agriculture, c'est la mise en valeur des champs. On sait l'enjeu que représente l'accès à la terre : en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, en Ukraine, des investisseurs internationaux achètent des terres, constituent des domaines de plus en plus vastes. La population mondiale augmente ; il faudra augmenter notre production de 70 %. Depuis 2006, 20 millions d'hectares de terres arables auraient ainsi changé de propriétaire dans le monde.
Notre pays aussi perd des terres agricoles : jusqu'à 200 hectares par jour ! Nouveaux usages pour la production d'énergie, accélération de l'urbanisation et mitage des campagnes sont les causes immédiates. Derrière, on trouve des règles d'urbanisme inadaptées, et surtout la rentabilité insuffisante des terres agricoles. Pourquoi louer à un jeune qui veut s'installer quand un investisseur fait une offre bien plus alléchante ?
Il faut une réflexion plus large sur le sujet. C'est pourquoi je remercie le président Emorine d'avoir accepté la constitution d'un groupe de travail sur la propriété rurale. Les agriculteurs modernes sont des entrepreneurs, le Président de la République l'a souligné. À ce titre, ils ont besoin de capitaux. Or le premier investisseur, c'est le propriétaire, qui fournit la terre : en France, 70 % des terres sont exploitées en fermage.
Loin de la caricature du riche urbain ou de la multinationale abstraite, le propriétaire est souvent un ancien exploitant qui augmente ainsi sa retraite, un agriculteur qui exploite d'autres terres, ou quelqu'un qui attend qu'un descendant prenne la succession. Or le statut du fermage est particulièrement rigide : l'évolution du loyer est fixée administrativement, et il est souvent impossible au propriétaire de récupérer la jouissance de sa terre. On décourage ainsi certains propriétaire de louer leurs terres.
Une idée simple et pragmatique : au lieu d'une énième réforme du statut du fermage, pourquoi ne pas réunir bailleurs et preneurs et leur demander de réfléchir à un nouveau contrat, fondé sur le principe de liberté contractuelle ?
Il ne s'agit pas de remettre en cause un statut qui a fait ses preuves, mais d'expérimenter des modalités mieux adaptées. Voilà, Monsieur le ministre, qui serait conforme à l'esprit de large concertation de cet après-midi comme aux ambitions de votre projet.