Intervention de Jean-Claude Carle

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 24 novembre 2010 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission enseignement scolaire - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle, rapporteur pour avis :

Pour conclure sur la question des emplois, je déplore, à l'instar de la commission des finances, l'ampleur des corrections apportées au plafond d'emplois : une hausse de 14 759 ETPT, soit l'équivalent des personnels de l'enseignement agricole ! Si je loue le souci de transparence et d'exhaustivité du ministre, je déplore l'imparfaite fiabilité des informations disponibles. J'y vois une illustration des maux dont souffrent plus généralement l'Éducation nationale. Tout d'abord, la faible performance de l'appareil de prévision entraîne de mauvais calibrages dans les recrutements et, donc, des surnombres. Ensuite, l'inadaptation de ses instruments de gestion des ressources humaines : outre les défaillances de l'outil de décompte des emplois et la mise en place difficile du système de paie Chorus, je vise l'inefficacité des systèmes d'information qui serait partiellement responsable de plus de 42 millions de restes à régler en exécution 2009 sur le programme d'appui. Je salue donc la décision d'allouer 19,5 millions dans ce budget à la refonte intégrale du système d'information des ressources humaines de l'Éducation nationale. Enfin, l'articulation problématique entre gestion académique et gestion ministérielle. Le recrutement des vacataires par les recteurs est légitime pour éviter une centralisation inefficace. Toutefois, le ministère en est informé ex post. D'où la constatation de 2 900 ETPT de dépassement du « plafond d'emplois » destiné au remplacement.

Après ces remarques générales, j'en arrive aux remplacements dans le premier et le second degré publics. Pour un coût de 2,86 milliards, celui-ci donne moins satisfaction aux usagers que dans l'enseignement agricole et le privé, bien que ces derniers ne disposent pas de moyens aussi importants. Pour l'améliorer, ce que souhaitent unanimement les acteurs et surtout les parents, nous avons besoin d'outils de prévision robustes. Dans le premier degré, il faut mieux prendre en compte les absences prévisibles au titre des congés maternité ou de la formation continue pilotée par les académies. Dans le second degré, il convient d'élargir le vivier potentiel de remplaçants et assouplir les règles de recrutement ou de mise à disposition interacadémique. La récente note de service adressée par le ministre aux recteurs va dans le bon sens. Désormais, les chefs d'établissement pourront faire appel aux ressources académiques de remplacement dès le premier jour. Elle crée également un pilotage sur trois niveaux avec des référents désignés au niveau de l'établissement et du rectorat, la direction générale des ressources humaines du ministère intervenant en appui. Enfin, elle recommande un assouplissement du zonage du remplacement et la constitution de viviers de remplaçants en liaison avec Pôle emploi et les universités.

Le bilan de la mastérisation, avant la pleine application du dispositif l'an prochain, est mitigé. Si nous avons évité l'écueil du pédagogisme et des abstractions perdues dans les nuées, nous n'avons pas encore remporté le défi de la professionnalisation. Malgré l'intérêt des stages d'observation en master, la préparation aux métiers d'enseignant reste insuffisante. Enseigner en maternelle, en cours élémentaire, au collège, au lycée général ou dans la voie professionnelle est différent. Les maquettes des masters et des concours devraient mieux en tenir compte. Instruire n'est pas inné, cela s'apprend ! Il faudrait mieux aménager l'arrivée des enseignants stagiaires : actuellement, ceux-ci passent deux tiers de temps immédiatement devant des élèves sitôt diplômés. En outre, le recrutement de tuteurs compétents et motivés pose difficulté. Enfin, il existe une grande diversité entre les académies : un tiers d'entre elles a mis en place des allègements de services pour les stagiaires dans le second degré ; certaines organisent des formations concentrées sur quatre ou cinq semaines, ce qui occasionne des problèmes de remplacement ; les compagnonnages de tuteurs varient entre 36 et 108 heures selon les académies et les formations hors du temps de classe entre 60 et 160 heures d'après l'inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Le rapport d'étape, qui sera remis au ministre à la fin du mois, sera l'occasion d'apporter les corrections nécessaires.

Les médecins et les infirmières scolaires jouent un rôle primordial auprès des élèves. Leur capacité d'écoute permet souvent de prévenir des incidents et d'intervenir très tôt pour aider des jeunes en difficulté. Aujourd'hui, le manque de personnel médico-social est partout sensible, et ceux qui sont en poste sont débordés. Deux médecins scolaires, que j'ai auditionnés, avaient la responsabilité d'environ 10 000 élèves éparpillés sur plusieurs communes, voire presque un département ! Les postes ouverts au concours sont loin d'être pourvus en raison de la faible attractivité de ces carrières : les médecins scolaires débutants se voient proposer un traitement mensuel brut de 1 755 euros, soit moins qu'un interne en médecine ou un médecin du travail pour les personnels au sein de l'Éducation nationale. Le ministère a engagé une réflexion. Pour envoyer un signal fort, je souhaite abonder le programme de 1 million au détriment des crédits supports de l'administration.

Pour accroître les performances du système éducatif dans un contexte budgétaire difficile, rien ne sert de réfléchir en termes de grandes masses. Il faut travailler à l'affection différenciée des moyens selon les besoins des élèves et, ajouterai-je, des territoires. En quelque sorte, c'est la variante libérale de la formule de Louis Blanc reprise par Marx ! (Sénateurs des groupes RDSE, socialiste et CRC ironisent) Pour adapter le schéma directeur de l'Éducation nationale, il faut réfléchir à l'organisation territoriale et au partage de responsabilités, d'une part, et à l'offre et à la carte des formations, d'autre part, en privilégiant l'expérimentation et l'évaluation, trop négligée aujourd'hui. Puisse la mission commune d'information du Sénat sur le système éducatif apporter des réponses à ces questions !

En attendant, je propose de rendre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de deux amendements.

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