Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Claude Carle et Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » dans le projet de loi de finances pour 2011.
L'Éducation nationale est à la fois la plus grosse dépense, la plus haute responsabilité et le meilleur investissement de l'État. Cette année, ses crédits augmentent de près de 1 milliard par rapport à 2010, soit l'équivalent du budget de la Haute-Savoie, pour s'établir à 60,5 milliards. Les dépenses de personnel représentent 93 % du total, d'où une certaine rigidité de ce budget. Pour en accroître l'efficience, seules des évolutions à la marge ou des redéploiements internes sont possible. A mon sens, celui-ci devrait davantage favoriser le primaire et le collège, auxquels la loi de 2005 a donné un objectif clair : l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. Cela dit, il est légitime d'avoir sanctuarisé les moyens du lycée à l'heure de sa réforme.
J'en viens aux évolutions de chaque programme. Le premier degré public et le second progressent respectivement de 2,5 % et de 1,3 %. Le programme « Vie de l'élève », qui regroupe la santé scolaire et l'action sociale, enregistre une hausse de 2,9 % sans compter l'abondement de 20 millions décidé à l'Assemblée nationale pour régler la question des emplois de vie scolaire. L'enseignement privé est nettement moins bien traité avec une hausse de 0,6 %, soit trois fois moins forte que celle consentie pour le public. Le programme d'administration centrale et de fonctions supports reste stable à un peu moins de 2,1 milliards. Pour autant, à considérer les seules autorisations d'engagement, il progresse de 5 %. Cette augmentation, bien plus importante que celle des autres programmes, s'explique essentiellement par le renouvellement de 285 baux centraux et déconcentrés, soit un quart du parc locatif du ministère.
En respect de la règle du non-remplacement d'un départ sur deux en retraite, le schéma d'emploi prévoit la suppression de 16 000 emplois à la rentrée 2011, dont près de 9 000 emplois d'enseignants du primaire, 4 800 emplois d'enseignants dans le secondaire, 1 633 enseignants dans le privé et 600 emplois administratifs, dont 200 en établissements et 400 dans l'administration centrale et les services académiques. Les réductions de poste dans l'enseignement privé, partie intégrante du service public de l'Éducation nationale, n'affecteront pas uniquement les familles aisées. N'oublions pas qu'environ 12 % des élèves du privé sont des boursiers. En 2010, le privé a dû supprimer 1 400 postes pour 16 000 dans l'Éducation nationale. En 2011, il doit contribuer pour 1 633 postes, soit une accélération de l'effort de 16 % en un an ! Or sa capacité à absorber les réductions est beaucoup plus faible que celle du public puisqu'il ne connaît ni titulaires sur zone de remplacement, ni surnombres. Rappelons que pour 13 767 suppressions de postes l'an prochain, le public comptera sur 5 600 régularisations de surnombres. En outre 22 % des écoles privées possédant moins de trois classes, les suppressions de postes se solderont rapidement par des fermetures de classes, puis d'établissement. Certaines régions risquent d'être durement touchées, comme l'Île-de-France, Lyon ou Montpellier. Pour corriger cette situation, je propose de transférer 4 millions du programme d'administration centrale et de fonctions supports vers le privé, ce qui correspond à 100 ETPT (emplois temps plein travaillé).
Pour conclure sur la question des emplois, je déplore, à l'instar de la commission des finances, l'ampleur des corrections apportées au plafond d'emplois : une hausse de 14 759 ETPT, soit l'équivalent des personnels de l'enseignement agricole ! Si je loue le souci de transparence et d'exhaustivité du ministre, je déplore l'imparfaite fiabilité des informations disponibles. J'y vois une illustration des maux dont souffrent plus généralement l'Éducation nationale. Tout d'abord, la faible performance de l'appareil de prévision entraîne de mauvais calibrages dans les recrutements et, donc, des surnombres. Ensuite, l'inadaptation de ses instruments de gestion des ressources humaines : outre les défaillances de l'outil de décompte des emplois et la mise en place difficile du système de paie Chorus, je vise l'inefficacité des systèmes d'information qui serait partiellement responsable de plus de 42 millions de restes à régler en exécution 2009 sur le programme d'appui. Je salue donc la décision d'allouer 19,5 millions dans ce budget à la refonte intégrale du système d'information des ressources humaines de l'Éducation nationale. Enfin, l'articulation problématique entre gestion académique et gestion ministérielle. Le recrutement des vacataires par les recteurs est légitime pour éviter une centralisation inefficace. Toutefois, le ministère en est informé ex post. D'où la constatation de 2 900 ETPT de dépassement du « plafond d'emplois » destiné au remplacement.
Après ces remarques générales, j'en arrive aux remplacements dans le premier et le second degré publics. Pour un coût de 2,86 milliards, celui-ci donne moins satisfaction aux usagers que dans l'enseignement agricole et le privé, bien que ces derniers ne disposent pas de moyens aussi importants. Pour l'améliorer, ce que souhaitent unanimement les acteurs et surtout les parents, nous avons besoin d'outils de prévision robustes. Dans le premier degré, il faut mieux prendre en compte les absences prévisibles au titre des congés maternité ou de la formation continue pilotée par les académies. Dans le second degré, il convient d'élargir le vivier potentiel de remplaçants et assouplir les règles de recrutement ou de mise à disposition interacadémique. La récente note de service adressée par le ministre aux recteurs va dans le bon sens. Désormais, les chefs d'établissement pourront faire appel aux ressources académiques de remplacement dès le premier jour. Elle crée également un pilotage sur trois niveaux avec des référents désignés au niveau de l'établissement et du rectorat, la direction générale des ressources humaines du ministère intervenant en appui. Enfin, elle recommande un assouplissement du zonage du remplacement et la constitution de viviers de remplaçants en liaison avec Pôle emploi et les universités.
Le bilan de la mastérisation, avant la pleine application du dispositif l'an prochain, est mitigé. Si nous avons évité l'écueil du pédagogisme et des abstractions perdues dans les nuées, nous n'avons pas encore remporté le défi de la professionnalisation. Malgré l'intérêt des stages d'observation en master, la préparation aux métiers d'enseignant reste insuffisante. Enseigner en maternelle, en cours élémentaire, au collège, au lycée général ou dans la voie professionnelle est différent. Les maquettes des masters et des concours devraient mieux en tenir compte. Instruire n'est pas inné, cela s'apprend ! Il faudrait mieux aménager l'arrivée des enseignants stagiaires : actuellement, ceux-ci passent deux tiers de temps immédiatement devant des élèves sitôt diplômés. En outre, le recrutement de tuteurs compétents et motivés pose difficulté. Enfin, il existe une grande diversité entre les académies : un tiers d'entre elles a mis en place des allègements de services pour les stagiaires dans le second degré ; certaines organisent des formations concentrées sur quatre ou cinq semaines, ce qui occasionne des problèmes de remplacement ; les compagnonnages de tuteurs varient entre 36 et 108 heures selon les académies et les formations hors du temps de classe entre 60 et 160 heures d'après l'inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Le rapport d'étape, qui sera remis au ministre à la fin du mois, sera l'occasion d'apporter les corrections nécessaires.
Les médecins et les infirmières scolaires jouent un rôle primordial auprès des élèves. Leur capacité d'écoute permet souvent de prévenir des incidents et d'intervenir très tôt pour aider des jeunes en difficulté. Aujourd'hui, le manque de personnel médico-social est partout sensible, et ceux qui sont en poste sont débordés. Deux médecins scolaires, que j'ai auditionnés, avaient la responsabilité d'environ 10 000 élèves éparpillés sur plusieurs communes, voire presque un département ! Les postes ouverts au concours sont loin d'être pourvus en raison de la faible attractivité de ces carrières : les médecins scolaires débutants se voient proposer un traitement mensuel brut de 1 755 euros, soit moins qu'un interne en médecine ou un médecin du travail pour les personnels au sein de l'Éducation nationale. Le ministère a engagé une réflexion. Pour envoyer un signal fort, je souhaite abonder le programme de 1 million au détriment des crédits supports de l'administration.
Pour accroître les performances du système éducatif dans un contexte budgétaire difficile, rien ne sert de réfléchir en termes de grandes masses. Il faut travailler à l'affection différenciée des moyens selon les besoins des élèves et, ajouterai-je, des territoires. En quelque sorte, c'est la variante libérale de la formule de Louis Blanc reprise par Marx ! (Sénateurs des groupes RDSE, socialiste et CRC ironisent) Pour adapter le schéma directeur de l'Éducation nationale, il faut réfléchir à l'organisation territoriale et au partage de responsabilités, d'une part, et à l'offre et à la carte des formations, d'autre part, en privilégiant l'expérimentation et l'évaluation, trop négligée aujourd'hui. Puisse la mission commune d'information du Sénat sur le système éducatif apporter des réponses à ces questions !
En attendant, je propose de rendre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de deux amendements.
Pour la dixième fois, j'ai l'honneur de présenter le rapport sur le budget de l'enseignement agricole. Sans revenir sur les débats de l'an dernier, au cours desquels nous avons obtenu le rétablissement de 150 postes d'enseignants et l'apurement des reports de charges sur le rythme approprié en lois de finances rectificatives, je rappelle que nos amendements, du fait de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ponctionnaient l'Éducation nationale en faveur de l'enseignement agricole, quoique de façon modeste au regard des sommes en jeu. J'ai toujours regretté de devoir ainsi arbitrer entre des voies de formation d'égale valeur et dignité.
Les corrections apportées, année après année en séance publique, avaient nourri notre crainte que l'enseignement agricole ne soit exclu de la mission « Enseignement scolaire », ce qui aurait réduit à néant les espoirs de coopération entre les ministères de l'agriculture et de l'Éducation nationale et ramené l'enseignement agricole à son triste statut de variable d'ajustement. Je me réjouis que le Premier ministre ait décidé de maintenir la maquette traditionnelle de cette mission comme de l'augmentation de 2,5 % de ses crédits en 2011, après plusieurs années de baisse. Néanmoins, je regrette le recul des crédits destinés à la formation continue des enseignants du public à l'heure où le système éducatif se concentre sur la personnalisation des parcours et l'adaptation aux besoins des élèves, ce que l'enseignement agricole a d'ailleurs largement anticipé.
Les dotations aux établissements privés ont été relevées, ce qui explique la hausse signification des crédits, par respect des obligations juridiques découlant de l'application du code rural et des protocoles signés en 2009 avec les fédérations. Ceux-ci ont été respectés par le ministère, contrairement à la pratique passée où les reports de charges, qui pesaient lourdement sur les établissements, minaient la crédibilité de la parole de l'État et ouvraient la voie à des contentieux. Disposer d'un cadrage fiable à moyen terme de l'évolution des subventions est une évolution positive. Le dégel des crédits de la réserve de précaution devrait empêcher l'accumulation des reports de charge fin 2010 de même que le bon calibrage des subventions dans ce budget, estime le ministère de l'agriculture. Néanmoins, la situation budgétaire pourrait être tendue avec un risque de l'ordre de 6 millions. Les représentants des maisons familiales et rurales sont inquiets. Je serai vigilante sur l'exécution du budget, sachant d'expérience que celle-ci peut modifier les équilibres trouvés en loi de finances. Les reports de charge dans l'enseignement privé, rappelons-le, affectent directement l'offre de formation et la scolarisation des élèves.
Comme les années précédentes, le plafond d'emploi du programme diminue. Dans un contexte économique difficile, je reconnais toutefois les efforts réalisés par le ministère de l'agriculture pour protéger l'enseignement agricole. En effet, le reste des services du ministère absorbe l'essentiel des réductions d'emploi : l'enseignement agricole représentera 46,1 % des emplois du ministère en 2011, contre 44,8 % en 2008. A la rentrée 2011, il est prévu 410 départs en retraite et 145 suppressions de postes, dont 54 suppressions dans le privé temps plein et 91 dans le public, m'a communiqué le ministère.
Quelques mots du remplacement dans l'enseignement agricole. Le public, à la différence du second degré dans l'Éducation nationale, ne dispose pas de TZR (titulaire sur zone de remplacement). Cependant, à l'expiration d'un délai de carence de quatorze jours, le remplacement est confié à des contractuels proposés par les établissements et recrutés par les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) sur des contrats de droit public. Pour l'année scolaire 2009-2010, le remplacement des absences d'une durée prévisionnelle inférieure à un an a occupé 280 ETPT. Bref, le sujet ne fait pas autant débat que dans l'Éducation nationale. En revanche, dans les établissements privés du temps plein, le coût du remplacement est assumé par les établissements jusqu'au 90e jour d'absence, à partir duquel intervient le remboursement de l'État. Le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) estime que 3 % de la masse salariale de ses enseignants est absorbée par le financement des absences remplacées, soit un besoin de financement de l'ordre de 6 millions. Le ministère de l'agriculture doit résoudre ce problème, sans quoi les élèves en pâtiront.
Après une perte de 5 500 élèves environ entre les rentrées 2005 et 2008, je me réjouis de la stabilisation des effectifs autour de 171 000 élèves à la rentrée 2009. Néanmoins, je déplore que l'on ne puisse pas satisfaire la forte demande et que les fermetures de classes se poursuivent. Je suis fermement opposée à tout logique de rationnement et à tout pilotage des effectifs par l'offre de formation, c'est-à-dire par une enveloppe budgétaire définie a priori. Ce sont les crédits qui devraient être adaptés à la demande des familles et des élèves ! Aujourd'hui, 2 000 élèves sont accueillis dans les Maisons Familiales Rurales (MFR) sans être financés par l'État, parce qu'ils viennent en surplus du plafond d'effectif. Tout doit être fait pour que chaque jeune, qui le souhaite, trouve sa place dans l'enseignement agricole.
Je réitère mon souhait de renforcer les coopérations entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole, dans le respect des spécificités de chacun et au service des besoins de tous les élèves. Cette année, j'ai bon espoir pour avoir récemment participé à une rencontre de haut niveau entre les deux ministères avec le député Censi. L'Éducation nationale peut voir l'enseignement agricole comme un foyer vivant d'expérimentation et d'innovations, qu'elle pourra généraliser ensuite dans ses propres établissements. Le remplacement des enseignants, l'apprentissage des langues, l'information et l'orientation des élèves, l'organisation de concours de recrutement et d'examens nationaux sont autant de domaines dans lesquels il est possible de progresser mutuellement. Puissent les ministères entrer effectivement dans une nouvelle ère de dialogue et de coresponsabilité !
Étant donné le traitement convenable fait à l'enseignement agricole, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
Madame Férat, chacun sait que cette évolution des mentalités en faveur d'un rapprochement est le fruit de vos efforts. Soyez-en remerciée !
Je me concentrerai sur la réforme de la voie professionnelle. Si je n'étais pas opposée à un bac professionnel en trois ans, je me suis inquiétée l'an dernier de la généralisation précipitée de l'expérimentation menée à partir de 2008 et de ses conséquences sur les élèves les plus fragiles. Je salue la mobilisation sans faille de l'ensemble des personnels : ils ont été mis à rude épreuve, mais leur action a permis d'atténuer les répercussions de la réforme sur la scolarité des élèves.
Tout d'abord, un aspect positif : le discours de revalorisation de la voie professionnelle, qui motivait la réforme, a porté auprès des jeunes et des familles. Le bac professionnel en trois ans est désormais un bac comme les autres, chargé de la même valeur rituelle et porteur de la même espérance sociale. Pour ne pas décevoir ces espoirs, les promesses d'insertion professionnelle et de poursuite dans le supérieur doivent être tenues. Or l'attentisme prévaut logiquement chez les employeurs. Certaines branches professionnelles, habituées à l'ancienne organisation, paraissent déjà regretter la dissolution des brevets d'études professionnelles (BEP). A partir de l'année prochaine, je recommande d'auditionner systématiquement toutes les organisations patronales et syndicales représentatives afin de sonder leurs intentions et de mesurer les perspectives d'emploi des jeunes diplômés.
Cette appréciation positive ne masque pas les défauts d'organisation administrative et pédagogique. L'élaboration de la carte des formations et de la répartition des flux d'élèves entre le certificat d'aptitudes professionnelles (CAP) et le bac professionnel est un enjeu capital. Après une forte hausse en 2009, l'offre de CAP a continué d'augmenter légèrement. En fait, les rectorats, prenant insuffisamment en compte l'offre de formation en apprentissage, n'ont pas une vision globale de la formation professionnelle initiale. D'où, une offre de CAP globale qui englobe 40 % des effectifs, voire 50 % à Grenoble ou Poitiers. Il y a manifestement une « orientation de précaution », a dit l'un de mes interlocuteurs, vers le CAP à l'issue du collège. Le danger est de transformer le CAP en voie de relégation.
S'agissant de la conduite de la formation en lycée professionnel, les problèmes de l'an dernier sur le positionnement de la certification intermédiaire, sur l'effectivité des passerelles et sur la conduite de l'accompagnement personnalisé n'ont pas été réglés - même les inspections générales invitent à la vigilance. A quoi il faut ajouter de nouvelles difficultés cette année. Les classes sont de plus en plus hétérogènes avec une proportion croissante d'élèves de moins de 15 ans, au profil plus scolaire, que la perspective de poursuite en brevet de technicien supérieur (BTS) motive. Enfin, l'organisation des périodes de formation en milieu professionnel laisse à désirer. Les entreprises hésitent à accueillir les nouveaux élèves, qui sont d'ailleurs laissés à eux-mêmes pour trouver un stage.
Les possibilités de poursuite d'études en BTS constituent un élément fort de la revalorisation de la voie professionnelle, mais potentiellement trompeur. Les demandes d'admission en section de technicien supérieur (STS) vont probablement croître brutalement à partir de 2013 alors que les bacheliers professionnels réussissent beaucoup moins bien en BTS que les autres. Une politique volontariste d'accompagnement sera nécessaire pour mettre à niveau leurs acquis plus fragiles dans les matières scolaires traditionnelles, notamment en langues vivantes. En revanche, je suis extrêmement sceptique quant à l'utilité de proposer une année supplémentaire de formation en préparation à l'entrée au BTS pour les seuls bacheliers professionnels. Cet allongement d'études imposerait un coût financier difficilement supportable pour certaines familles défavorisées et équivaudrait à une régression pédagogique pour les élèves, ramenés brutalement à leurs années de collège.
L'an passé, je disais que la réforme du bac professionnel avait constitué une onde de choc pour caractériser la réforme du bac professionnel. A la réflexion, je pense qu'elle a ébranlé en profondeur les fondations de l'enseignement professionnel. L'envers de la revalorisation symbolique de la voie professionnelle est la déprofessionnalisation et la « technologisation » de la voie professionnelle. Et ce, en raison de la conjugaison de plusieurs facteurs : l'arrivée massive d'élèves traditionnellement orientés vers le technologique, un affaiblissement de la rupture pédagogique avec le collège et de la formation en milieu professionnel, le déclassement du BEP comme diplôme qualifiant et professionnalisant et l'insistance sur l'accès au BTS. Il faut impérativement éviter la fusion des filières technologiques et professionnelles pour préserver la capacité de la voie professionnelle à donner aux élèves les moins à l'aise à l'école une chance. De plus, la mastérisation du recrutement des enseignants se télescope avec la rénovation du baccalauréat professionnel. Elle risque de tarir drastiquement le vivier habituel de recrutement des professeurs de lycée professionnel. Les masters, dont la mise en place a été hâtive, restent largement invisibles pour les candidats potentiels si bien que, un peu partout sur le territoire, on constate que personne ne s'est présenté pour suivre une formation en préparation au concours. A cela, s'ajoutent des problèmes de financement qui freinent la reconversion de salariés, alors que la moitié du corps environ en est actuellement issue. Enfin, au terme des auditions, j'ai été frappée par l'extrême disparité de mise en oeuvre de la réforme. Le pilotage ministériel me paraît insuffisant pour définir un schéma directeur national garantissant l'égalité de traitement entre les élèves. Le cadrage national cède la place à des politiques académiques, minées par l'autonomie accrue laissée aux établissements. Si je partage le souci de tenir compte de la réalité du terrain, les divergences entre les académies et les établissements ont atteint un point inacceptable.
A titre personnel, j'émettrai donc un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
Monsieur le rapporteur Carle, pourriez-vous nous donner des précisions sur le recul des crédits de l'enseignement artistique et culturel en dépit des ambitions affichées ? Lors de l'examen de la proposition de loi visant à garantir un droit à l'oubli sur Internet, nous avions longuement évoqué la nécessité de sensibiliser les enseignants aux nouvelles technologies. Des crédits ont-ils été dégagés pour ce faire ? Enfin, le financement du plan « Écoles numériques rurales » est-il reconduit l'an prochain ?
Monsieur Carle, je me réjouis de la hausse des crédits de la mission, mais nous reparlerons de votre proposition de transférer des crédits à l'enseignement privé. Madame Férat, pour votre dixième anniversaire en tant que rapporteur, je vous félicite de votre persévérance. En revanche, comme Mme Gonthier-Maurin, je suis moins optimiste concernant l'avenir de l'enseignement professionnel.
Je continue de m'interroger sur la mastérisation des enseignants du premier degré : qu'apporte-t-elle aux enfants ? Là est la question essentielle.
Un point peu abordé par les rapporteurs : les emplois de vie scolaire (EVS). Leur présence est indispensable à l'accompagnement des enfants en difficulté. Or, leur intervention étant désormais gérée par Pôle emploi ou les associations de service, l'enfant voit se succéder deux ou trois EVS au cours de la même année scolaire. L'Éducation nationale doit intervenir pour régler ce problème.
Juste ! Le lien que l'AVS (auxiliaire de vie scolaire) tisse avec l'enfant est primordial pour la réussite scolaire ; passons à un autre mode de recrutement.
La mastérisation des enseignants donne lieu à un grand cafouillage. Une fois l'évaluation terminée, il y aura urgence à repenser le mode de formation des enseignants : je crains que les disparités constatées sur le terrain ne conduisent à des régressions.
L'enseignement scolaire, nous dit-on, doit être solidaire de la politique de réduction de la dépense publique. Jusqu'alors, l'enseignement privé a été moins sollicité. Les coupes ont surtout touché le public, notamment les RASED (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté). Pour autant, mieux vaudrait défendre les crédits de l'enseignement en général pour obtenir leur sanctuarisation, comme ceux de l'enseignement supérieur. Repensons la philosophie générale, il y va de l'avenir de nos enfants ! Enfin, étendons l'excellente innovation des postes d'animateurs culturels dans l'enseignement agricole à l'Éducation nationale !
L'enseignement agricole n'est pas exemplaire. Sa situation, loin d'être convenable, est désastreuse : restructurations d'établissements, suppressions de postes et refus d'élèves à cause du manque de places. Éparpillé sur le territoire, il est menacé comme le sont les maisons familiales et rurales. Pourtant, celles-ci jouent une fonction sociale en donnant à des élèves parfois en difficulté une vraie chance de s'en sortir grâce à un enseignement innovant. M. Juppé, dans son discours, a émis le souhait de doubler les crédits de la formation en alternance. Pourquoi les supprimer dans cette mission ? Ce budget suscite beaucoup d'inquiétudes et le désespoir des maires ruraux. Bientôt, il ne subsistera un enseignement agricole qu'en ville !
Dans sa récente intervention télévisée, le Président de la République n'a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». M. Fillon, dans son discours de politique générale, ne l'a fait que pour féliciter M. Chatel. C'est dire qu'elle n'est pas la priorité ! A lire ce budget, la feuille de route confiée au ministre tient en peu de mots : faites des économies ! D'ailleurs, M. Chatel l'a reconnu. Mais pourquoi justifier cette réduction des moyens par des théories ? La scolarisation des enfants de moins de trois ans ne serait pas bénéfique, nous explique-t-on, à coups d'arguments psychologiques. Je connais pourtant de nombreuses familles où elle représenterait un avantage pour l'enfant !
Autre exemple : on supprime les langues étrangères en primaire ou bien les RASED et ensuite on théorise pour justifier ces suppressions. Mieux vaudrait dire franchement : « on supprime parce qu'on n'a pas de sous ! » Dans son plan d'austérité, le Premier ministre britannique Cameron, pourtant conservateur bon teint, a épargné un seul chapitre qu'il considère comme sacré : l'éducation. Il y a des jours où l'on regrette de ne pas être anglais...
Je m'étonne du salaire des médecins scolaires : 1 755 euros mensuels ! Quel est leur statut exact, est-il différent de ceux de la médecine du travail ?
Ce sont deux corps différents. Celui de la médecine du travail est beaucoup plus attractif puisque, au sein même de l'Éducation nationale, le salaire des médecins du travail pour les personnels est quasiment le double de celui des médecins scolaires.
Quant à moi, je m'inquiète de la poursuite de la mise en place des écoles numériques en milieu rural. J'en ai visité beaucoup, j'ai constaté l'intérêt qu'elles suscitent chez les élèves comme chez les élus locaux. Il serait bon de poursuivre l'effort qui, en 2009, s'est élevé à 67 millions. Mais aucun crédit n'est prévu pour cela. Je proposerai donc un amendement qui prélève 25 millions sur les crédits du programme « Enseignement scolaire public du 2nd degré » pour les affecter à ces écoles numériques.
Pour la première fois, on diminue de 4 500 postes les contrats aidés que sont les EVS. Un amendement adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale leur a affecté 20 millions pour permettre à l'Éducation nationale d'appliquer la loi sur le revenu de solidarité active (RSA). La charge de l'Éducation nationale passerait de 10 à 20 %, voire 30 % du financement. Or M. Chatel nous a dit que cette part ne dépasserait pas 10 %. Donc, qui va payer ?
Je ne partage pas l'optimisme de Mme Férat. D'après ce que nous avions voté l'an dernier, nous devrions retrouver 150 ETP dans le budget de cette année. Or, nous ne les voyons pas. Enfin, avez-vous des informations sur le sort des emplois administratifs de l'enseignement agricole ?
Maintenant, en tant que rapporteur pour avis, je réponds à Mme Laborde que l'objectif est de rehausser la voie professionnelle au niveau des autres filières, aux yeux des élèves et des familles. Or, il y aura en 2013 un afflux de candidats à l'entrée en BTS ; il faudrait prévoir des dispositifs particuliers pour les élèves de l'enseignement professionnel pour qu'ils parviennent au niveau des autres bacheliers. Je crains donc une onde de choc, un risque de déprofessionnalisation, de perte de substance et d'utilité de cette filière quant aux objectifs d'insertion professionnelle et de poursuite dans l'enseignement supérieur.
Madame Morin-Desailly, les crédits des enseignements artistiques et culturels s'élèvent à 2 138 millions contre 2 105 en 2010. Ils ont été intégrés dans les programmes du primaire où se pose encore le problème de la formation des enseignants, puis dans les programmes du collège en 2009 et du lycée en 2010. Aucun crédit n'étant prévu pour l'école numérique, je soutiens tout à fait l'amendement du président.
La dévalorisation de la médecine scolaire est inacceptable. Pour rendre cette profession plus attractive, il suffirait d'un million. Mon amendement propose de le prélever du programme « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » pour le transférer sur le programme « Vie de l'élève ». Ce prélèvement se ferait sur une ligne de l'administration centrale dotée de plusieurs milliards.
Monsieur Martin, les AVS sont des contractuels dont 12 000 sont pris en charge par l'Éducation nationale, 40 par des associations et 325 par des collectivités territoriales.
Madame Cartron, j'ai parlé de disparité entre les académies. J'ai dit au ministre que la situation était inacceptable ; il a promis de faire un rapport d'étape à la fin de ce mois.
Avec mon second amendement, je ne vise pas du tout à opposer les enseignements public et privé. Mais l'enseignement privé remplit une mission de service public ; je le dis d'autant plus facilement que je suis un pur produit de l'enseignement public ainsi que mes enfants. Et je proposerais le même amendement si la situation était inverse. Si 14 000 postes sont supprimés dans le public, 5 600 de ces suppressions ne sont que des régularisations de surnombres dans le primaire. Le public ne subissant donc que 8 167 suppressions, l'effort demandé au privé paraît disproportionné. En outre, cet enseignement privé ne disposant pas de titulaires sur zones de remplacement (TZR) ni de surnombres, sa capacité à supporter les réductions de postes est plus faible que celle du public et ces suppressions vont entraîner la fermeture d'établissements. C'est pourquoi je propose un rééquilibrage en transférant 4 millions du programme « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » au programme « Enseignement privé du premier et du second degré ».
Le Président de la République n'a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». Pour moi, c'est le meilleur investissement de la Nation à condition que ses résultats soient soumis à évaluation. Tout dépend moins des moyens qui y sont affectés que de la bonne répartition de ces moyens. Sur l'école numérique, je suis favorable à l'amendement du président.
Oui, madame Gonthier-Maurin, les 150 ETP sont bien budgétés en année pleine, même si, je vous l'accorde c'est peu lisible dans ce budget.
Certes, il y a des suppressions d'emploi, mais l'important c'est l'augmentation de 2,5 %, obtenue malgré les contraintes budgétaires. Je crois beaucoup à la mutualisation des moyens et je vous donne rendez-vous l'an prochain pour en faire le bilan : si la situation ne s'est pas améliorée, nous en tirerons alors les conséquences.
La commission émet un avis favorable sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Examen des amendements sur l'article 48 État B
Mon premier amendement, que j'ai déjà défendu, abonde d'un million le programme « Vie de l'élève » afin de revaloriser les carrières de la médecine scolaire.
L'amendement est adopté.
Mon second amendement transfère aux crédits de l'enseignement privé 4 millions afin de créer 100 EPTP, soit 250 postes. Cette somme est prélevée sur une ligne de l'administration centrale dotée de 2,1 milliards de crédits fongibles. Elle n'est pas prélevée sur les crédits de l'enseignement public mais sur une ligne surabondamment dotée.
L'amendement est adopté.
Mon amendement, déjà défendu, transfère 25 millions au programme « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » pour financer les écoles numériques et je serais heureux si toute la commission le soutenait en séance publique.
L'amendement est adopté à l'unanimité.