Pour la dixième fois, j'ai l'honneur de présenter le rapport sur le budget de l'enseignement agricole. Sans revenir sur les débats de l'an dernier, au cours desquels nous avons obtenu le rétablissement de 150 postes d'enseignants et l'apurement des reports de charges sur le rythme approprié en lois de finances rectificatives, je rappelle que nos amendements, du fait de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ponctionnaient l'Éducation nationale en faveur de l'enseignement agricole, quoique de façon modeste au regard des sommes en jeu. J'ai toujours regretté de devoir ainsi arbitrer entre des voies de formation d'égale valeur et dignité.
Les corrections apportées, année après année en séance publique, avaient nourri notre crainte que l'enseignement agricole ne soit exclu de la mission « Enseignement scolaire », ce qui aurait réduit à néant les espoirs de coopération entre les ministères de l'agriculture et de l'Éducation nationale et ramené l'enseignement agricole à son triste statut de variable d'ajustement. Je me réjouis que le Premier ministre ait décidé de maintenir la maquette traditionnelle de cette mission comme de l'augmentation de 2,5 % de ses crédits en 2011, après plusieurs années de baisse. Néanmoins, je regrette le recul des crédits destinés à la formation continue des enseignants du public à l'heure où le système éducatif se concentre sur la personnalisation des parcours et l'adaptation aux besoins des élèves, ce que l'enseignement agricole a d'ailleurs largement anticipé.
Les dotations aux établissements privés ont été relevées, ce qui explique la hausse signification des crédits, par respect des obligations juridiques découlant de l'application du code rural et des protocoles signés en 2009 avec les fédérations. Ceux-ci ont été respectés par le ministère, contrairement à la pratique passée où les reports de charges, qui pesaient lourdement sur les établissements, minaient la crédibilité de la parole de l'État et ouvraient la voie à des contentieux. Disposer d'un cadrage fiable à moyen terme de l'évolution des subventions est une évolution positive. Le dégel des crédits de la réserve de précaution devrait empêcher l'accumulation des reports de charge fin 2010 de même que le bon calibrage des subventions dans ce budget, estime le ministère de l'agriculture. Néanmoins, la situation budgétaire pourrait être tendue avec un risque de l'ordre de 6 millions. Les représentants des maisons familiales et rurales sont inquiets. Je serai vigilante sur l'exécution du budget, sachant d'expérience que celle-ci peut modifier les équilibres trouvés en loi de finances. Les reports de charge dans l'enseignement privé, rappelons-le, affectent directement l'offre de formation et la scolarisation des élèves.
Comme les années précédentes, le plafond d'emploi du programme diminue. Dans un contexte économique difficile, je reconnais toutefois les efforts réalisés par le ministère de l'agriculture pour protéger l'enseignement agricole. En effet, le reste des services du ministère absorbe l'essentiel des réductions d'emploi : l'enseignement agricole représentera 46,1 % des emplois du ministère en 2011, contre 44,8 % en 2008. A la rentrée 2011, il est prévu 410 départs en retraite et 145 suppressions de postes, dont 54 suppressions dans le privé temps plein et 91 dans le public, m'a communiqué le ministère.
Quelques mots du remplacement dans l'enseignement agricole. Le public, à la différence du second degré dans l'Éducation nationale, ne dispose pas de TZR (titulaire sur zone de remplacement). Cependant, à l'expiration d'un délai de carence de quatorze jours, le remplacement est confié à des contractuels proposés par les établissements et recrutés par les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) sur des contrats de droit public. Pour l'année scolaire 2009-2010, le remplacement des absences d'une durée prévisionnelle inférieure à un an a occupé 280 ETPT. Bref, le sujet ne fait pas autant débat que dans l'Éducation nationale. En revanche, dans les établissements privés du temps plein, le coût du remplacement est assumé par les établissements jusqu'au 90e jour d'absence, à partir duquel intervient le remboursement de l'État. Le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP) estime que 3 % de la masse salariale de ses enseignants est absorbée par le financement des absences remplacées, soit un besoin de financement de l'ordre de 6 millions. Le ministère de l'agriculture doit résoudre ce problème, sans quoi les élèves en pâtiront.
Après une perte de 5 500 élèves environ entre les rentrées 2005 et 2008, je me réjouis de la stabilisation des effectifs autour de 171 000 élèves à la rentrée 2009. Néanmoins, je déplore que l'on ne puisse pas satisfaire la forte demande et que les fermetures de classes se poursuivent. Je suis fermement opposée à tout logique de rationnement et à tout pilotage des effectifs par l'offre de formation, c'est-à-dire par une enveloppe budgétaire définie a priori. Ce sont les crédits qui devraient être adaptés à la demande des familles et des élèves ! Aujourd'hui, 2 000 élèves sont accueillis dans les Maisons Familiales Rurales (MFR) sans être financés par l'État, parce qu'ils viennent en surplus du plafond d'effectif. Tout doit être fait pour que chaque jeune, qui le souhaite, trouve sa place dans l'enseignement agricole.
Je réitère mon souhait de renforcer les coopérations entre l'Éducation nationale et l'enseignement agricole, dans le respect des spécificités de chacun et au service des besoins de tous les élèves. Cette année, j'ai bon espoir pour avoir récemment participé à une rencontre de haut niveau entre les deux ministères avec le député Censi. L'Éducation nationale peut voir l'enseignement agricole comme un foyer vivant d'expérimentation et d'innovations, qu'elle pourra généraliser ensuite dans ses propres établissements. Le remplacement des enseignants, l'apprentissage des langues, l'information et l'orientation des élèves, l'organisation de concours de recrutement et d'examens nationaux sont autant de domaines dans lesquels il est possible de progresser mutuellement. Puissent les ministères entrer effectivement dans une nouvelle ère de dialogue et de coresponsabilité !
Étant donné le traitement convenable fait à l'enseignement agricole, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.