Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 avril 2011 : 1ère réunion
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Je crains que les améliorations que vous nous proposez ne changent pas la nature essentiellement sécuritaire de ce texte, que rejettent tous les soignants, déçus par l'absence de la grande loi sur la santé mentale tant annoncée et toujours reportée.

A l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel sort de ses compétences, comme il l'a toujours fait dès que l'occasion lui en a été donnée. Il dépasse ici les bornes, alors que le mode de désignation de ses membres ne leur confère nulle légitimité à donner des injonctions au Parlement et au Gouvernement, comme s'ils étaient des juges suprêmes. Je crois donc que ce texte démontre une fois encore combien il est nécessaire de revoir le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel.

Je suis certes favorable à l'extension des soins ambulatoires sous contrainte, mais je sais aussi que leur réalité dépend de leurs conditions matérielles. Aujourd'hui, les hôpitaux de jour manquent cruellement de moyens, comment pourrait-on obliger leurs équipes à aller chercher les patients qui ne respecteraient pas leur obligation de soins ? Il faut tenir compte des réalités !

Sur l'intervention du juge, je vous présenterai peut-être des amendements, pour que le texte ne vise pas le seul JLD, mais plutôt le président du tribunal ou son délégué. Avec ces obligations nouvelles, on risque de submerger littéralement les JLD ! En Haute-Loire, elles représenteraient trois à quatre déplacements hebdomadaires pour chacun d'eux : car vous réalisez bien que les audiences ne se passeront pas au tribunal, mais au sein de l'établissement hospitalier !

Enfin, ce texte pose la question de la persistance de deux ordres de juridictions. Le JLD appréciera, au vu des expertises médicales, s'il y a lieu de maintenir le patient en hospitalisation contrainte, ou encore en soins ambulatoires, mais ce sera au juge administratif de dire si cette intervention est légale : un avocat pourrait poursuivre la décision pour des motifs de forme visant l'expertise médicale, par exemple, sans considération de la dangerosité du patient, ce n'est pas raisonnable. Le JLD devra se prononcer dans les 15 jours, qu'est-ce à dire : qu'il se prononcera tout de suite ? Ou le quatorzième jour ? Il demandera une expertise médicale en dehors de l'établissement d'hospitalisation : quid quand les moyens d'expertise font défaut à proximité ? Les délais seront-ils suspensifs ?

Dans notre rapport d'information, avec M. Lecerf, nous avions été plus réalistes, parce que nous connaissions le terrain. Ici, je crois que l'intervention du juge judiciaire ne sera qu'une mascarade, qui compliquera tout sans améliorer en rien la protection des libertés individuelles.

Notre exercice législatif est donc, lui aussi, contraint, et nous vous proposerons en conséquence de limiter les dégâts de ce texte, qui s'annoncent très nombreux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion