Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 — Examen du rapport

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy, rapporteur pour la branche AT-MP :

A en croire les prévisions, la branche AT-MP renouerait avec les excédents cette année : 100 millions cette année, 600 millions en 2015. La conjoncture économique incite pourtant à la prudence. D'autant que cette branche a vocation à rester à l'équilibre, les cotisations des entreprises devant s'ajuster aux dépenses. Je regrette que ces excédents ne soient pas affectés au remboursement de la dette cumulée de 1,3 milliard que la branche présentait l'an dernier avant qu'il soit transféré à la Cades. Le système, initialement mis en place en 1898, avait pour fondement de faire supporter aux entreprises les conséquences du risque qu'elles font peser sur la santé des salariés. Le transfert à la Cades revient en réalité à les exonérer de leurs obligations. En outre, cette dette résultait essentiellement de l'augmentation de la compensation que la branche verse à l'assurance maladie pour la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Bref, on fait payer aux citoyens, et non aux entreprises, des dépenses imputées à tort à l'assurance maladie. Avouez que c'est un peu fort ! Nous pouvons nous retrouver sur ce constat que nous dressions l'an dernier.

Avant d'examiner les comptes, signalons trois événements importants. D'abord, en juin dernier, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche, en raison des défauts de la base utilisée pour asseoir les cotisations des entreprises. Je ne doute pas de la volonté du nouveau directeur du risque AT-MP de remédier à ce problème, mais nous devrons être vigilants sur cette question qui porte atteinte à la crédibilité de la branche. Ensuite, le Conseil constitutionnel a fait une réserve d'interprétation - c'est une première ! - sur un article du code de la sécurité sociale : établir une liste des préjudices indemnisables en cas de faute inexcusable de l'employeur est contraire à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen aux termes duquel tout préjudice doit pouvoir être indemnisé. Le Conseil ayant confirmé sa position à propos des gens de mer, je vous proposerai un amendement.

Parallèlement, le Conseil a validé l'existence de la branche AT-MP. Pour autant, l'évolution du droit civil en matière d'indemnisation nous impose de chercher les moyens d'une meilleure compensation des victimes. A mon sens, cette évolution doit intervenir au sein de la branche pour ne pas laisser les victimes désarmées face à la complexité du droit civil. Enfin, la commission Diricq, qui évalue tous les trois ans la sous-déclaration des AT-MP, a rendu son rapport en juin dernier. Je crains que le montant de la compensation qui a été finalement retenu (790 millions en 2012) ne reste insuffisant. La sous-déclaration, qui ne cesse de progresser, est un phénomène ancien : en pleine campagne contre les effets du bruit au travail, seuls sept dossiers de reconnaissance de surdité avaient été déposés en 1968...et un seul accepté.

J'en viens à la situation actuelle de la branche. D'après l'étude de l'Institut de veille sanitaire (InVS) publiée fin octobre 2011, le nombre total d'accidents du travail pour l'ensemble des régimes de base s'établit à 1,284 million, soit 289 000 de plus que ceux reconnus par le régime général. L'étude, qui fait ressortir la dangerosité des industries agro-alimentaires, principalement dans le secteur de la découpe de la viande, démontre tout l'intérêt de l'outil statistique que nous avions envisagé au cours des débats portant sur la loi de santé publique de 2004 ; hélas, sept ans plus tard, il n'en est qu'au stade des études de faisabilité.

Je m'inquiète de la progression continue du nombre d'accidents de trajet : elle ne peut découler des seuls aléas climatiques, explication avancée par la direction de la sécurité sociale. Il faudrait creuser.

Conséquence d'un plus grand nombre de maladies professionnelles reconnues, le nombre de malades a progressé de 1,8 % entre 2009 et 2010. Les affections péri-articulaires, causées par certains gestes ou postures de travail, représentent 78,7 % des maladies professionnelles ; leur part croît d'année en année. Les affections dues à l'inhalation de poussières d'amiante constituent 9,4 % des cas. Quant aux affections chroniques du rachis lombaire, elles régressent mais concernent encore 5 % des cas.

Concernant l'amiante, je rappelle solennellement que l'indemnisation des victimes est une obligation qui découle du caractère exceptionnel du préjudice causé par les entreprises concernées. Conformément aux recommandations du Sénat, je souhaite que le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) soit rapidement ouvert sur une base professionnelle, et non uniquement selon l'appartenance à telle ou telle entreprise. Je comprends qu'on puisse se méfier des solutions trop simples qui peuvent se retourner contre les victimes, comme en Italie, mais j'insisterai auprès du ministre pour qu'il prenne des décisions rapides.

Certaines mesures proposées cette année sont bonnes, nous en suggérerons d'autres. En revanche, je suis opposé à l'article qui fixe la compensation de la branche AT-MP à la branche vieillesse au titre des départs anticipés liés à la pénibilité. Je veux par là manifester mon hostilité au mécanisme trop rigoureux voté dans la réforme des retraites de 2010 et aux conditions drastiques récemment ajoutées par décret, qui sont source d'injustices.

Je propose donc que nous nous prononcions, au cas par cas, sur chaque article, sans nous engager pour l'ensemble de la branche : certains nous sont favorables comme ceux que le Gouvernement a fait adopter à l'Assemblée nationale sur le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et l'Acaata, mais d'autres ne sont pas acceptables.

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