J'ai deux questions dont je ne doute pas qu'elles vous intéresseront, Monsieur le ministre, parce qu'elles sont très politiques et au coeur du développement durable.
L'effacement fait l'unanimité dans les discours, parce qu'il y a en France un gisement quand on compare notre situation à celles des États-Unis, par exemple. Mais le président d'EDF considère que ce n'est pas son job et le président de RTE ne m'a guère paru mobilisé. On ne pourra avancer sur l'effacement sans intégrateurs, lesquels nécessitent des opérateurs et un cadre juridique : RTE pourrait agir comme opérateur, mais le cadre réglementaire dépend de vos services, en particulier de la direction générale de l'énergie et du climat : qu'envisagez-vous en la matière ?
Ensuite, il me semble qu'on ne doit pas dissocier la loi NOME du renouvellement des concessions hydrauliques et de la situation des électro-intensifs. Nous allons redéfinir l'architecture pour 30 ans, prenons garde à ce que nos concurrents allemands, espagnols ou italiens, qui échappent chez eux à la concurrence, ne viennent vendre sur notre marché. N'oublions pas les industriels, en particulier les électro-intensifs qui rencontrent des difficultés économiques importantes du fait, notamment, du prix de l'électricité.
Je citerai l'exemple de Rio Tinto, qui a pris la suite de Péchiney dans la production française d'aluminium. Le groupe français employait 30 000 salariés, là où son successeur n'en compte plus que quatre à cinq mille et je suis convaincu que dans trois ans la production d'aluminium aura disparu de Savoie, tout comme Rio Tinto ne tardera pas à quitter notre territoire. Rio Tinto bénéficie des prix du consortium Exceltium : si demain il s'arrête de produire de l'aluminium en France, il pourrait très bien vendre alors cette électricité qu'il achète dans des conditions favorables, et changer ainsi de métier. Si nous ne nous protégeons pas contre les industriels prédateurs, si nous ne lions pas le renouvellement des concessions hydrauliques et l'adossement des électro-intensifs, alors nous seront impuissants face à la désindustrialisation et nous accepterons que seuls les pays qui disposent de pétrole ou de gaz chez eux conservent une industrie.
Il y a deux ans par une question orale, j'avais alerté le Gouvernement contre le risque de voir Rio Tinto acquérir l'emballage et la transformation. Or, c'est arrivé depuis, et comme je le craignais, l'entreprise a transféré ces activités au Brésil. Nous avons encore 2 300 emplois en Maurienne, mais je suis convaincu que Rio Tinto fermera bientôt son usine. Dunkerque connaîtra le même sort, 15 000 à 20 000 emplois de la filière aval sont directement menacés.
Monsieur le ministre d'État, comptez-vous saisir cette dernière occasion de préserver notre capacité énergétique pour sauvegarder notre industrie ?