Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Dominique Maillard, président de réseau de transport d'électricité, sur le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME).
Certaines mesures de ce projet de loi, d'apparence technique et donc peu médiatisées, sont déterminantes pour la sécurité de l'alimentation électrique. RTE est concerné par la majorité de ces nouvelles dispositions.
La loi impose au transporteur, comme au distributeur, d'acheter de l'énergie pour compenser les pertes. Cette forme de péréquation représente 20 % des charges de RTE, soit environ 800 millions d'euros. Nous achetons sur le marché, à terme comme en spot, en répartissant nos achats. Nous avons ainsi aujourd'hui d'ores et déjà couvert 75 % des pertes estimées pour 2011.
Le projet de loi instaure un accès régulé à l'énergie nucléaire historique, ce qui offrira plus de prévisibilité, ainsi qu'un niveau de prix inférieur à celui du marché. Le législateur nous imposant une totale transparence, c'est le client final qui en bénéficiera. L'entreprise n'y gagnera pas en valeur économique, mais en lisibilité.
Nous n'achèterons sans doute pas ainsi la totalité de l'énergie, pour permettre des ajustements au dernier moment, entre achat de base « en ruban », pour les deux tiers, et modulation. En France, les pertes dues au transport d'électricité représentent 11 térawatts-heure, soit 2,5 % de la consommation. Elles devraient croître qualitativement, avec l'augmentation des distances entre lieux de production et de consommation, notamment pour les énergies renouvelables, mais rester autour de ce seuil : la densité de la population est assez homogène en France, contrairement à la Chine où il faut transporter l'énergie sur des milliers de kilomètres. Pour le consommateur domestique, le transport représente 10 % de sa facture, soit 8 euros par kilowatt-heure ; la distribution, 35 %, le reste représentant les coûts de production et de commercialisation.
Deuxième avancée : la création d'un mécanisme d'obligation de capacités de production et d'effacement. La demande d'électricité varie en fonction de l'activité humaine ; les pointes de consommation interviennent vers midi l'été, vers 19 heures l'hiver. Ce sont des périodes de tension pour tout le système ; nos lignes de transport fonctionnent à pleine capacité. Pour y faire face, il faut d'une part solliciter tous les moyens de production disponibles, d'autre part, écrêter les pointes : c'est l'effacement. Celui-ci peut être le fait de grands clients industriels, qui acceptent de réduire leur consommation à certaines heures, ou un effacement diffus, agrégeant l'effacement de consommateurs individuels qui acceptent, sitôt prévenus, d'interrompre leurs appareils domestiques. Nous sommes prêts à rémunérer de la même façon production supplémentaire ou effacement.
L'article 2 du projet de loi fait obligation à tout fournisseur sur le marché de justifier qu'il dispose de capacités de production ou d'effacement. Cela a l'avantage de répartir la responsabilité sur l'ensemble des acteurs et pas seulement sur l'opérateur historique, de traiter sur un pied d'égalité production supplémentaire et effacement, et de créer un marché des capacités excédentaires. Mais le diable est dans les détails. Il faudra s'assurer du caractère effectif des annonces de capacité. Le projet de loi prévoit de confier à RTE des responsabilités en la matière, même si la sanction doit rester du domaine de la puissance régalienne. Nous avons l'expérience, avec le mécanisme d'ajustement, de régler de manière fine les écarts entre prévision et réalisation.
En créant ce marché, on va au devant des difficultés potentielles. Les acteurs peuvent préférer investir dans des moyens de base, rémunérés régulièrement, plutôt que dans des moyens de production temporaires, fortement rémunérés mais coûteux et qui serviront peu. La gestion des périodes de pointe a souvent été résolue via des mécanismes de ce genre, notamment aux États-Unis.
Le volet du projet de loi transposant le troisième « paquet énergie » a été abandonné. RTE, pourtant filiale à 100 % d'EDF, est aujourd'hui soumise à des règles exorbitantes du droit commun : ainsi, ses investissements sont approuvés non par l'actionnaire mais par le régulateur. Nous souhaitons que la transposition intervienne néanmoins avant l'échéance de mars 2011.
L'Assemblée nationale a supprimé le plafond de 20 térawatts-heure pour les pertes de réseaux. Avec ce levier, vous pourrez demain couvrir ainsi vos pertes à 100 %. Quel serait le gain pour RTE ?
Comment assurez-vous le contrôle des capacités de production et d'effacement ?
Quelles sont les conditions du bon fonctionnement du futur marché d'échange des garanties de capacités ?
Y a-t-il des limites techniques au développement de l'effacement ?
Le rapporteur de l'Assemblée nationale a cité RTE pour justifier l'article 2 ter. Quel est l'intérêt pour vous de ce dispositif d'interruption instantanée de certains consommateurs agréés ? La motivation me semble purement économique...
Il est aujourd'hui interdit de s'effacer à partir de sa base. Pourquoi ? Certes, il y aurait un manque à gagner pour EDF, mais cette faculté existe dans d'autres pays.
Les deux tiers de nos pertes sont régulières, et peuvent être couvertes par l'offre de production « en ruban ». Je ne suis pas sûr que nous trouvions une offre permettant d'assurer la modulation, même si nous en avions la faculté ! La suppression de la contrainte des 20 térawatts-heure se heurte à la limite de nos capacités d'achat « en ruban ». Le chiffrage dépendra de l'écart entre le prix fixé et le prix du marché. Peut-être pourrons-nous acheter un à deux térawatts-heure de plus...
En effet. Il n'y a pas de gain pour l'entreprise, l'économie sur nos coûts étant répercutée sur les tarifs.
Il faut contrôler la réalité des capacités de production et d'effacement. Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 prévoit sanctions et obligations. Pour l'heure, nous n'avons pas de pouvoir d'investigation hors de France, or le marché est européen. Pourquoi ne pas imaginer un mécanisme de double reconnaissance, où les certificats délivrés par l'opérateur de chaque pays seraient reconnus dans tous les États membres ?
Je vois trois conditions au bon fonctionnement du futur marché d'échange des garanties de capacités. Tout d'abord, l'obligation de déclarer les capacités inutilisées, à l'instar de ce qui existe pour le mécanisme d'ajustement, le producteur restant libre d'en fixer le prix, et donc de rendre ses capacités accessibles ou non. Le marché doit également être suffisamment liquide. À ce titre, jumeler capacité de production et capacité d'effacement accroît le potentiel. Enfin, le marché doit s'inscrire dans un cadre européen, pour profiter de la complémentarité des moyens de production. La France est très sensible aux conditions de température, car le chauffage électrique y est largement développé : un degré de plus en Europe continentale, c'est un appel à 4500 mégawatts de plus, dont 2100 pour la seule France ! Il est économiquement intéressant d'utiliser les interconnexions, car des capacités peuvent être disponibles chez nos voisins quand elles manquent chez nous !
Je ne sais s'il y a une limite au gisement de l'effacement - peut-être 10% - : c'est une question de comportement. Les industriels ont un raisonnement économique, il faut les payer plus cher que s'ils n'avaient pas interrompu leur activité, mais les consommateurs domestiques ont d'autres motivations que la rémunération, certains veulent faire « un geste pour la planète ». Je pense que leur capacité de mobilisation est plus importante qu'on ne le croit. En Bretagne ou en région PACA, notre système de sensibilisation EcoWatt, qui permet d'alerter les consommateurs par SMS ou e-mail, a rencontré un taux de réaction satisfaisant : dix-huit mille consommateurs bretons ont réduit leur consommation, contre dix mille l'an dernier. On économise au plus un kilowatt par individu, mais le potentiel est là !
RTE n'a pas suggéré l'article 2 ter, qui traite d'une variante d'effacement : l'intemptibilité immédiate. Ce mécanisme existe en Italie : dans un pays habitué des black-out, la valeur de l'interruptibilité - et donc sa rémunération - est élevée. En France, la situation est différente. Notre modèle économique n'aboutira donc pas aux prix italiens...
Pour garantir l'effectivité de l'interruptibilité immédiate, je propose de prévoir que le gestionnaire de réseau peut, une fois par an, faire appel à ces capacités, pour vérification. Dans d'autres fonctions, j'ai constaté que des industriels ayant des contrats interruptibles gaz-fioul s'étaient en réalité défaits de leur brûleur à fioul, pariant qu'ils ne seraient jamais appelés à s'en servir ! Je veux garantir que les capacités seront effectivement mobilisables.
L'ajustement de l'offre et de la demande est plus difficile en période de pointe. En période de base, la rémunération d'un mégawatt supplémentaire est faible : je crains que le prix ne compense pas les contraintes de l'effacement.
Les consommateurs électro-intensifs demandent à bénéficier d'une réduction, voire d'une exonération des coûts de transport quand le point de consommation est à proximité ou sur le lieu même de production, comme le prévoit la législation allemande.
Je me réjouis des discours volontaristes des producteurs, mais la mise en oeuvre de l'effacement suppose un véritable marché capacitaire, avec un cadre réglementaire et un opérateur. RTE propose d'être ce « gendarme ». Qu'attendez-vous des pouvoirs publics, de la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) ?
Je connais un industriel capable d'effacer 300 mégawatts-heure, ce qui représenterait pour lui un gain de 15 à 20 millions euros et lui permettrait de rester en France. Il est prêt à faire cet effort et à prendre ce risque, mais il lui faut être sûr de pouvoir vendre ! Ce mécanisme sera-t-il opérationnel dans les prochains mois ? Les industriels ont besoin de prévoir leurs investissements à long terme.
En tant qu'élu des Alpes-Maritimes, je suis particulièrement sensible à ces questions. La loi NOME suppose une coordination parfaite entre les différents intervenants - ministres de l'énergie et des finances, CRE, RTE, etc. - car les interactions sont nombreuses. Quelles garanties de cohérence la loi apporte-t-elle en matière de régulation ?
Je n'évoquerai pas le problème du statut de RTE, entreprise 100 % publique dont l'unique actionnaire est partiellement privatisé...
Qui paye le raccordement des énergies renouvelables ? Quelle est son impact sur le prix du transport d'électricité ? Par ailleurs, quel est l'effet collatéral sur RTE du mécanisme d'ARENH ?
Au sujet du coût du transport, je pourrais me réfugier derrière l'argument selon lequel nous appliquons la loi. Mais les experts ne s'accordent pas sur le mode de tarification. Depuis une dizaine d'années, le coût du transport est assumé à 95 % par les « soutireurs », c'est-à-dire les consommateurs finaux ou les redistributeurs ; les « injecteurs », c'est-à-dire les producteurs, ne paient que 5 %. Cette répartition avait été choisie pour ne pas nuire aux exportations françaises. Mais elle pénalise les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP).
Certains gros clients se plaignent de payer au prix fort alors qu'il existe un barrage à quelques kilomètres de leur usine. Mais le réseau est maillé, ce qui signifie qu'en cas de panne ou pendant les périodes de maintenance, ces clients reçoivent de l'électricité produite ailleurs. Ce système tarifaire constitue d'ailleurs une forme de péréquation. Il en va différemment des liaisons point à point. Naguère, des communes proches de centrales hydrauliques ou de centrales nucléaires bénéficiaient de tarifs spécifiques ; de telles mesures peuvent être légitimes, car les centrales occasionnent des nuisances. Il revient aux décideurs politiques de choisir. Nous sommes prêts à nous adapter, du moment que nos coûts sont couverts.
Pour favoriser l'effacement, nous sommes disposés à apporter notre expertise technique et notre connaissance de l'offre et de la demande car nous sommes actionnaires de référence à la bourse de l'électricité. Nos missions doivent être clairement fixées par l'Etat ou le régulateur, pour ne pas être juge et partie car nous sommes un monopole naturel.
Nous nous engageons à rémunérer de la même manière un effacement et une production supplémentaire. Je me réjouis que les industriels se disent prêts à réduire leur consommation ; j'espère seulement qu'ils rempliront leurs promesses. Il y a deux ans, nous avons lancé un appel d'offre auprès de nos gros clients industriels, en leur demandant combien d'énergie ils se proposaient d'effacer, étant entendu qu'ils en fixeraient eux-mêmes le prix. Or les propositions d'effacement n'atteignirent qu'un montant dérisoire, inférieur à 100 mégawatts-heure !
Faute d'intégrateur, aucun industriel ne peut répondre à un tel appel d'offre !
Les grands industriels sont bien capables de décider seuls de leurs achats d'énergie. Mais nous n'avons aucune réticence à les aider si nécessaire, s'il manque un maillon -même si cela irrite parfois notre actionnaire...
M. Daunis, les lois successives ont bien délimité le domaine régalien et réglementaire, le domaine du régulateur qui élabore une jurisprudence et celui des acteurs, dont nous sommes, chargés de faire des propositions techniques et non de définir les règles. Ce n'est pas véritablement compliqué mais si la loi permet encore de clarifier, tant mieux.
a évoqué les frais de raccordement des producteurs d'énergies renouvelables. Il faut distinguer entre les dépenses occasionnées par l'établissement d'une ligne entre l'installation et le poste, qui sont à la charge de l'investisseur, et les frais de renforcement des capacités d'accueil du réseau. Pour atteindre l'objectif de 18 gigawatts d'électricité issue d'éoliennes terrestres d'ici 2020, il faudra dépenser 1 milliard d'euros en frais de raccordement, et 3 à 5 milliards d'euros pour produire 6 gigawatts d'électricité issue de l'éolien off shore - car il faut alors créer le réseau de toutes pièces.
L'ARENH n'aura pas de conséquence directe pour nous, si l'on fait abstraction de la répercussion du coût de couverture des pertes.
Les frais de raccordement vous incombent-ils principalement, plutôt qu'au gestionnaire du réseau de distribution ?
Si les énergies nouvelles se développent beaucoup, oui, l'essentiel des coûts de renforcement se retrouveront à la charge du réseau de transport.
Puis, la commission entend M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME).
ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. - Ce projet de loi est l'occasion de simplifier et de clarifier les règles du marché de l'électricité, alors que deux contentieux sont en cours contre la France, visant à la fois les aides d'État et le défaut de concurrence. Ces litiges font peser un risque considérable sur l'industrie française. Si nous ne faisons rien, nous n'aurons le choix que de la dérégulation ou du démantèlement. J'ai donc demandé à Paul Champsaur de présider une mission pluraliste, qui a fait des propositions destinées à apporter plus de stabilité et de visibilité aux industriels et aux consommateurs.
L'électricité n'est pas un produit comme les autres : elle présente des enjeux stratégiques, qu'il s'agisse de l'aménagement du territoire, de l'indépendance nationale ou des investissements à long terme. Dans ce domaine, la loi du marché ne suffit pas. Ce projet de loi reprend les conclusions de la mission Champsaur. Il s'agit de substituer à la régulation en aval, qui nous expose aux foudres de Bruxelles, une régulation en amont. Nous ne pouvons plus nous contenter de lois de rattrapage comme depuis dix ans. L'industrie française d'électricité s'est trop longtemps reposée sur ses lauriers...
Ce projet de loi a donc plusieurs objets : mettre en place une régulation en amont ; parvenir à ce que la nation, par le biais de ses représentants, s'accorde pour définir les éléments constitutifs du prix de l'électricité ; donner à tous les acteurs le droit d'acheter de l'électricité de base produite par les centrales nucléaires ; limiter ce droit de tirage aux fournisseurs implantés en France et imposer en contrepartie des obligations d'investissement. La concurrence s'en trouvera renforcée sur des réseaux intelligents. Nous préservons aussi le consortium Exceltium, qui réunit des entreprises électro-intensives.
Les députés ont voulu apporter des améliorations techniques, mais pour l'essentiel cette réforme fait consensus.
M. le ministre pourrait-il nous expliquer pourquoi il n'a pas décidé d'autoriser les fournisseurs alternatifs à acheter de l'électricité produite par le parc hydraulique, depuis longtemps amorti ?
Ces fournisseurs n'investiront que si pèse sur eux une épée de Damoclès, et s'ils savent que, à défaut d'investir, le volume de 100 térawatts auquel ils ont droit diminuera progressivement. Seriez-vous hostile à ce que le Sénat inscrive dans la loi ce principe de dégressivité ?
Les nouveaux fournisseurs devront fournir à EDF des informations sur leurs clients ; il est à craindre qu'EDF ne cherche alors à les débaucher. L'entité juridique indépendante que vous proposez suffira-t-elle à éviter ce problème ?
Ne faudrait-il pas réduire de cinq à trois ans la période transitoire au terme de laquelle la CRE fixera elle-même les prix ?
Les députés ont réduit de cinq à trois le nombre des membres de la CRE, mais les exemples étrangers montrent que les entités régulatrices comportant trois membres ne fonctionnent pas. Je proposerai donc de revenir à cinq. Accepteriez-vous que le Président de la République n'en nomme qu'un, et les présidents des assemblées chacun deux ?
Le projet de loi oblige la CRE à consulter le Conseil supérieur de l'énergie « préalablement à toute proposition de principe ou décision importante ». Vous avez ainsi voulu rassurer les associations de consommateurs, qui ne seront plus membres de droit de la CRE, celle-ci ne devant pas être un groupement de lobbies. Mais une telle obligation risque de bloquer toute décision ! La CRE consulte déjà les consommateurs.
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 10 qui autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur certains points. Aucun parlementaire n'aime les ordonnances. Mais je ne serais pas hostile à ce que des mesures techniques, ne suscitant aucun débat politique, soient prises de cette manière. De toute manière la voie est étroite, puisque nous devons transposer la directive avant mars 2011.
M. le ministre a évoqué les deux contentieux qui visent la France. S'agissant des aides d'Etat, les Länder allemands en accordent bien plus que nous à leurs industries, mais nous voulons toujours être plus irréprochables que les autres... Cela me rappelle la concurrence de Boeing et d'Airbus et les négociations à l'OMC !
Quant à la concurrence, elle n'a jamais fait baisser les prix de l'énergie, au contraire : l'expérience étrangère le prouve. Le contentieux actuel est la conséquence du piège de la libéralisation imposée par Nicole Fontaine en novembre 2002, malgré les engagements du président Chirac en mars de la même année.
Pourquoi avoir exclu l'électricité hydraulique de l'ARENH ?
Il faut contraindre les producteurs alternatifs à investir, sinon nous ne parviendrons pas à l'autosuffisance énergétique. La dégressivité proposée par le rapporteur pourrait y contribuer.
Quelle absurdité de confier dans trois ans à la CRE le soin de fixer le tarif de l'électricité ! Vous connaissez mon opinion sur les autorités indépendantes... La détermination du prix de l'énergie est une mesure éminemment politique, qui influe sur le niveau de vie de nos concitoyens et sur l'aménagement du territoire.
Je ne crois pas souhaitable que des parlementaires siègent au sein de la CRE. Au Haut conseil des biotechnologies, je ne vois pas bien ce que les parlementaires apportent.
Je suis tout à fait disposé à ce que le Gouvernement et le Parlement se partagent le travail pour transcrire la directive : il faut aller vite.
L'électricité hydraulique diffère de l'électricité nucléaire par son statut - elle est soumise à une redevance -, son mode de production, son financement. Les centrales hydrauliques ne produisent pas seulement de l'électricité de base, ce qui rend impossible l'extension du dispositif à ce type d'énergie. Nous reparlerons bientôt de ce sujet, puisque le renouvellement des concessions a été accéléré. L'Assemblée nationale a d'ailleurs souhaité limiter le nouveau droit de tirage à l'énergie nucléaire historique.
Faut-il prévoir d'ores et déjà une dégressivité de l'offre ? L'accès régulé prendra fin en 2025, et des clauses de revoyure sont prévues. La Commission européenne verrait d'un mauvais oeil que nous allions plus loin, et il faut éviter de relancer les contentieux alors que les négociations ont miraculeusement abouti.
Pour éviter qu'EDF ne profite de la transmission des données des autres fournisseurs, nous avons choisi de mettre en place une entité intermédiaire destinée à effacer les données individuelles, qui ne sont d'ailleurs transmises qu'en fin d'année. Il n'y aura pas de « chasse au chaland ». Ce problème se rencontre fréquemment : nos entreprises historiques partagent leurs réseaux commerciaux.
Le système doit être le plus simple possible.
La période transitoire correspond aux dispositions relatives aux tarifs réglementés industriels.
Quant à la CRE, le Gouvernement a délibérément choisi d'en faire une instance indépendante, qui ne soit pas le reflet des différents intérêts en présence, car elle n'aboutirait alors qu'à des compromis. Ses membres travailleront à temps plein. Mais pour la première fois, le Parlement inscrira dans la loi les composantes du prix de l'électricité : le contrôle démocratique sera ainsi assuré. En outre, en cas de désaccord sur l'interprétation de la loi, un vaste débat citoyen pourra s'ouvrir, dans un esprit « grenellien ». Nul ne conteste les règles générales de détermination des prix que nous avons fixées ; on s'inquiète en revanche de leur interprétation. Je ne suis pas hostile à ce que la CRE comporte cinq membres au lieu de trois, mais cette commission doit rester un organe d'exécution technique, non de décision politique.
Monsieur le ministre, il faut avoir assisté à une réunion du Conseil supérieur de l'énergie pour savoir que l'on y perd des heures en palabres ubuesques ! La CRE consulte régulièrement les associations de consommateurs, qui me l'ont confirmé au cours des nombreuses auditions que j'ai menées. Imposer à la CRE de consulter le Conseil avant toute proposition de principe conduirait à des discussions sans fin !
Il est bon que nous nous fassions bénéficier mutuellement de nos lumières. Peut-être faudrait-il modifier le mode de fonctionnement du Conseil.
Toujours est-il que le Gouvernement veut rendre la CRE plus opérationnelle, en la chargeant d'appliquer les règles définies par la loi.
J'insiste enfin sur la nécessité d'investir dans le domaine de l'électricité de pointe.
Faut-il permettre aux fournisseurs qui disposent déjà de capacités de production d'électricité de base compétitive grâce à leurs centrales hydrauliques d'acquérir de l'énergie nucléaire à un tarif régulé ? Je pense au groupe GDF-Suez, auquel EDF a dû céder la Compagnie nationale du Rhône, et qui revend 90 % de sa production au sein d'une bourse de l'électricité au lieu d'en faire bénéficier ses clients.
Les commissaires socialistes considèrent que ce projet de loi n'apporte aucune réponse satisfaisante aux effets néfastes de la libéralisation du marché de l'énergie. Je parie que l'on nous soumettra bientôt une loi NOME 2, voire une loi NOME 3... Nous en sommes réduits au rapiéçage. Il faut s'attendre à une hausse du prix de l'électricité, car plus le tarif consenti par EDF aux fournisseurs alternatifs sera bas, plus le tarif imposé aux clients sera élevé. Le nouveau dispositif amputera les ressources dont EDF dispose pour investir, renouveler le parc et l'entretenir. Dans ces conditions, on peut craindre pour l'approvisionnement énergétique de notre pays.
Comme Alain Fouché, je juge équitable que les fournisseurs alternatifs qui disposent déjà de capacités de production à des coûts inférieurs à ceux d'EDF ne soient pas autorisés à acheter l'énergie nucléaire de l'opérateur historique, ou du moins n'aient pas droit au même quota.
J'ai deux questions dont je ne doute pas qu'elles vous intéresseront, Monsieur le ministre, parce qu'elles sont très politiques et au coeur du développement durable.
L'effacement fait l'unanimité dans les discours, parce qu'il y a en France un gisement quand on compare notre situation à celles des États-Unis, par exemple. Mais le président d'EDF considère que ce n'est pas son job et le président de RTE ne m'a guère paru mobilisé. On ne pourra avancer sur l'effacement sans intégrateurs, lesquels nécessitent des opérateurs et un cadre juridique : RTE pourrait agir comme opérateur, mais le cadre réglementaire dépend de vos services, en particulier de la direction générale de l'énergie et du climat : qu'envisagez-vous en la matière ?
Ensuite, il me semble qu'on ne doit pas dissocier la loi NOME du renouvellement des concessions hydrauliques et de la situation des électro-intensifs. Nous allons redéfinir l'architecture pour 30 ans, prenons garde à ce que nos concurrents allemands, espagnols ou italiens, qui échappent chez eux à la concurrence, ne viennent vendre sur notre marché. N'oublions pas les industriels, en particulier les électro-intensifs qui rencontrent des difficultés économiques importantes du fait, notamment, du prix de l'électricité.
Je citerai l'exemple de Rio Tinto, qui a pris la suite de Péchiney dans la production française d'aluminium. Le groupe français employait 30 000 salariés, là où son successeur n'en compte plus que quatre à cinq mille et je suis convaincu que dans trois ans la production d'aluminium aura disparu de Savoie, tout comme Rio Tinto ne tardera pas à quitter notre territoire. Rio Tinto bénéficie des prix du consortium Exceltium : si demain il s'arrête de produire de l'aluminium en France, il pourrait très bien vendre alors cette électricité qu'il achète dans des conditions favorables, et changer ainsi de métier. Si nous ne nous protégeons pas contre les industriels prédateurs, si nous ne lions pas le renouvellement des concessions hydrauliques et l'adossement des électro-intensifs, alors nous seront impuissants face à la désindustrialisation et nous accepterons que seuls les pays qui disposent de pétrole ou de gaz chez eux conservent une industrie.
Il y a deux ans par une question orale, j'avais alerté le Gouvernement contre le risque de voir Rio Tinto acquérir l'emballage et la transformation. Or, c'est arrivé depuis, et comme je le craignais, l'entreprise a transféré ces activités au Brésil. Nous avons encore 2 300 emplois en Maurienne, mais je suis convaincu que Rio Tinto fermera bientôt son usine. Dunkerque connaîtra le même sort, 15 000 à 20 000 emplois de la filière aval sont directement menacés.
Monsieur le ministre d'État, comptez-vous saisir cette dernière occasion de préserver notre capacité énergétique pour sauvegarder notre industrie ?
La désindustrialisation est rampante, on réalise que des secteurs entiers peuvent disparaître quand c'est déjà presque trop tard : c'est très préoccupant.
EDF va devoir rétrocéder le quart de sa production à prix coûtant, ce cadeau à la concurrence est évalué à 2 milliards : Monsieur le ministre, introduisez-vous là, dans notre droit, la notion d'enrichissement sans cause ? J'ai interrogé le président d'EDF, il n'a pas pu me répondre...
Puisqu'on parle de la CNR, la concession sera remise à la concurrence au plus tard en 2023 ; avec une redevance qui atteint 24 % du chiffre d'affaires, on ne peut pas parler de cadeau. On a élaboré une législation importante et je vous propose de ne pas revenir sans cesse sur des textes pris sous l'égide d'un président de la République et d'un premier Ministre qui s'appelaient Jacques Chirac et Lionel Jospin...
L'hydraulique a été exclu, comme l'éolien, l'énergie marine, la géothermie et la biomasse pour ne conserver que le nucléaire.
La rétrocession est-elle un cadeau à la concurrence ? Quand vous vendez à la concurrence votre production en intégrant dans le prix vos charges et vos salaires, en bref ce qui vous permet de vivre, on ne peut pas véritablement parler de cadeau. Il n'y a donc pas d'enrichissement sans cause et si la concurrence fait du bénéfice, ce sera parce qu'elle aura mieux géré les réseaux.
Le texte créé un marché de l'effacement et prévoit l'obligation de le financer, tous les fournisseurs doivent disposer de cette capacité et le marché sera bien réel pour les effaceurs. Vous avez été associé à la définition du dispositif au travers de la mission de MM. Bruno Sido et Serge Poignant, il n'y a donc nulle surprise.
Sur l'hydraulique, le renouvellement des concessions est accéléré et il tient compte des critères énergétiques et environnementaux. Vous craignez que des entreprises européennes, qui seraient protégées chez elles, ne viennent fausser la concurrence, au détriment d'EDF. Mais nous sommes le pays en Europe qui protège encore le plus sa production d'électricité, d'où la violence des attaques.
La question de la désindustrialisation est effectivement vitale. Mais nous sommes le pays où les industriels bénéficient de l'électricité la moins chère et nous continuons dans ce sens, même si notre opérateur historique risque de perdre des avantages comparatifs. Rio Tinto peut être tenté de changer de métier et de vendre l'électricité qu'il n'aurait pas produite mais juste achetée dans des conditions avantageuses : vos remarques ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd et nous veillerons à ce que cela ne se produise pas sans conséquence sur l'accès au consortium Exceltium.
Le prix ne résulte pas des mécanismes administratifs, mais de la performance à long terme, donc des investissements. Or, nous sortons d'une période d'au moins dix ans de sous-investissement : entre 1994 et 2004, les investissements ont été trois fois moindres que dans la décennie précédente, cela créé des problèmes très importants de maintenance et de réseau. La loi ne changera pas cette réalité, qui est déterminante pour le prix. Or, notre électricité est la moins chère d'Europe, exception encore faite de la Bulgarie : nous sommes 30% en dessous de nos partenaires, et tout le monde convient que ce faible prix tient à ce qu'il n'intègre pas les investissements nécessaires au maintien de nos réseaux et de nos équipements.
Ma question était double : à quel prix EDF va-t-il devoir vendre l'électricité à la concurrence, et les tarifs pour les particuliers ne vont-il pas augmenter à proportion des rabais consentis à cette concurrence ?
Nous avons vu que le prix intégrait le coût d'exploitation et de renouvellement des équipements. Le président d'EDF a souligné la nécessité d'investir, ou bien il sera distancé par la concurrence. Notre collègue s'inquiète donc, Monsieur le Ministre, de ce que le prix de vente prenne bien en compte ces investissements nécessaires, ou bien ce serait affaiblir EDF.
Nous sommes parvenus à un compromis sur la définition du prix, avec les opérateurs. Il y aura une clause de revoyure. Aujourd'hui, l'accent est mis sur la prolongation des équipements mais nous investissons déjà dans les réseaux, notamment pour intégrer les énergies renouvelables intermittentes. Nous prenons en compte les investissements nécessaires à la maintenance, aux dépenses de renouvellement et de démantèlement, puis nous nous reverrons.
Notre collègue a donc été entendu, mais je suis prudent sur la clause de revoyure : il ne faut pas qu'elle soit trop tardive et nous devons veiller à ce qu'EDF ne soit pas affaiblie face à la concurrence parce qu'elle aurait vendu son électricité à un prix trop bas.