Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 8 décembre 2011 à 15h00
Droit de vote et d'éligibilité des étrangers — Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa, rapporteure :

Car – faut-il le rappeler ? – les concepts de nationalité et de citoyenneté apparaissent comme distincts, au début de la Révolution. Il n’était pas alors nécessaire d’être Français pour pouvoir participer à l’exercice de la citoyenneté que représentait le vote. Et l’article 4 de Constitution de l’an I disposait que pouvait être admis à l’exercice des droits de citoyen français « tout étranger » qui serait « jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité ». De l’humanité, pas de la nation !

Peu à peu s’imposent le caractère exclusivement national de la citoyenneté et l’idée selon laquelle les droits associés à la citoyenneté sont fondés sur l’appartenance de l’individu qui en jouit à une communauté politique nationale incarnée par l’État-nation. Le XIXe siècle est celui de la montée des nationalismes, où la nationalité apparaît comme le critère, sinon le principal, du moins le premier, de la citoyenneté, ainsi que le reflète la Constitution du 4 novembre 1848, dont l’article 25 dispose que sont « électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans, et jouissant de leurs droits civils et politiques ».

C’est le traité de Maastricht, en 1992, qui permettra à la France de renouer avec son ancienne tradition d’ouverture. Non seulement ce traité autorise les citoyens ressortissants des États membres de l’Union européenne à voter aux élections locales et européennes dans leur pays de résidence, mais il distingue aussi la nationalité de la citoyenneté. Ce « statut fondamental » des ressortissants de l’Union européenne crée ce que l’on peut appeler une citoyenneté européenne, parallèlement à la souveraineté nationale.

La ratification du traité de Maastricht nécessitait une modification de la Constitution, rendue effective par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, qui a introduit un nouvel article 88-3 dans la Constitution.

Rappelons-le, la Constitution a été modifiée à plusieurs reprises pour que soient réalisées des réformes considérées comme fondamentales et décisives : droit de vote des femmes, abolition de la peine de mort, parité femmes-hommes, etc. C’est la volonté politique qui a permis de telles avancées.

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