Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous allons donc procéder à un exercice de convergence, une manière de légiférer parfois des plus complexes mais qui peut aussi apporter certaines satisfactions.
La convergence est cependant ici circonscrite à des dispositions concrètes d’application très prochaine, qui visent à remédier à des inconvénients pratiques relevés dans la mise en œuvre du chapitre de la réforme des collectivités territoriales prévoyant l’achèvement et la rationalisation de la carte de l’intercommunalité.
Je peux donc affirmer, et cela ne sera pour personne une grande révélation, que la convergence que nous constaterons ce soir maintient ouvert un débat, de plus grande portée, sur l’opportunité de revenir sur les autres grandes options de la réforme des collectivités territoriales. À cette question, la réponse est évidemment négative pour les membres de la majorité gouvernementale, la réforme du 16 décembre 2010 étant le produit de leur volonté politique et répondant à leur vision de l’intérêt général ; elle est en revanche positive pour les partisans de l’alternance. Qu’en sera-t-il dans la vie réelle ? Nous serons fixés dans quelques semaines.
Mais la décision de procéder à un vote conforme, position que je vais défendre au nom de la commission, est une façon de conclure un autre débat : souhaitons-nous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, conclure le processus en cours de l’achèvement de la carte intercommunale à temps pour que les nouvelles communautés ou les communautés modifiées soient en état d’agir juste après le renouvellement municipal du printemps 2014 ?
C’est cette question, cardinale, du calendrier qui a conduit une grande partie de la majorité sénatoriale à s’engager dans la recherche d’une convergence et donc à souhaiter un vote conforme.
Examinant en effet le déroulement des différentes phases de la réforme des intercommunalités, dont M. le ministre a rappelé qu’il s’inscrivait dans un calendrier très contraint, du fait du rythme de la vie parlementaire et du stade où nous en sommes de la procédure, nous comprenons que, si nous n’adoptons pas certaines dispositions dès maintenant, cela signifie implicitement qu’il nous est indifférent que le processus d’achèvement de la carte intercommunale aboutisse ou non en temps utile pour l’échéance de 2014. Une large majorité de la Haute Assemblée ne l’a pas souhaité, justifiant la position de la commission des lois.
Nous nous sommes également accordés sur l’utilité d’apporter des précisions et des correctifs en quelques domaines que M. le ministre a bien résumés : les conditions d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, les structures intercommunales, la composition des organes de gouvernance des intercommunalités et certaines dispositions relatives à leur fonctionnement.
Nous avons travaillé de manière assez originale, même si cela s’est déjà produit, sur la base non d’une seule proposition de loi mise en débat suivant le principe habituel de la navette parlementaire, mais de deux propositions de loi d’origine distincte qui se répondent.
M. le ministre a fort bien décrit l’état d’esprit dans lequel nous avons œuvré, compte tenu de l’imminence de la suspension des travaux parlementaires de plusieurs mois, afin que le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale soit suffisamment harmonisé avec celui que nous avions souhaité pour justifier un vote conforme ici.
Nous y reviendrons lors de la discussion des articles, mais je tiens dès à présent à rappeler en quelques mots les points sur lesquels il y a convergence entre le vote de l’Assemblée nationale et les préconisations de la commission des lois du Sénat.
S’agissant des structures intercommunales, les syndicats compétents en matière scolaire et d’action sociale sont maintenus. L’Assemblée nationale a précisé que, par ce terme « d’action sociale », il fallait aussi entendre les syndicats ayant des compétences dans le domaine de la petite enfance.
Le délai de deux ans pour répartir les compétences des syndicats dont la suppression serait décidée est également maintenu, afin que les communes et les communautés intéressées puissent se concerter à ce sujet, avec le droit de partager ces compétences, comme le prévoit le code général des collectivités territoriales.
Est également conservée la possibilité d’aménager le principe de continuité territoriale dans deux cas : celui des îles, d’une part, et celui des enclaves terrestres d’un département dans un autre, d’autre part.
Enfin, est prévue l’obligation de conseil des services de l’État en matière budgétaire et fiscale – un tel accompagnement des remaniements des structures intercommunales est important, notamment pour l’année en cours. Nombre de communes, en effet, qu’elles soient déjà constituées en communautés ou qu’elles soient en train de créer une communauté, devront en cette année 2012 analyser les conséquences budgétaires de ces modifications et se prononcer collégialement sur des choix fiscaux au cours de l’année prochaine.
Toutefois, cette disposition ne figure pas dans la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise, simplement parce que les ministres compétents ont entre-temps pris une instruction à destination des services de l’État dans les départements, sur votre suggestion, monsieur le ministre, pour leur rappeler l’obligation qui est la leur de se mettre à la disposition des groupements de communes afin de les aider à effectuer leurs choix.
En ce qui concerne la composition des organes des intercommunalités, les droits des suppléants dans les communes ne comptant qu’un seul conseiller communautaire dans le nouveau système ont été clarifiés.
Le texte qui nous est aujourd'hui soumis comporte des dispositions qui assurent le maintien des mandats intercommunaux en cours – tel était d’ailleurs l’objet premier de la proposition de loi déposée par le président Sueur – jusqu’à l’achèvement du mandat municipal, soit jusqu’au printemps 2014.
Enfin, certaines dispositions relatives au fonctionnement des intercommunalités peuvent, je le pense, nous rassembler. Il s’agit de celles que nous avions introduites à la demande de plusieurs de nos collègues visant à clarifier les conditions de partage du pouvoir de police spéciale confié par la loi de 2010 aux présidents d’intercommunalité, partage sur lequel peuvent revenir les maires participant à une communauté. Une ambiguïté subsistait sur la façon dont s’effectuait la répartition entre le président d’intercommunalité et les maires ; nous l’avons levée.
L’Assemblée nationale a ajouté une autre disposition susceptible de faciliter la vie de certaines intercommunalités dans le fonctionnement de services mis en commun entre une commune membre, souvent la commune centre, et la communauté intercommunale.
Sur l’ensemble de ces points, il y a donc, je le répète, convergence.
En revanche, nous n’arrivons pas à constater la même convergence sur la procédure globale d’adoption de la carte intercommunale.
La majorité sénatoriale a dessiné une nouvelle procédure qui viendrait se substituer au mécanisme prévu dans la loi du 16 décembre 2010 et qui ne comporterait pas la dualité entre le schéma départemental et les périmètres différents proposés ensuite par le préfet au vote des communes. Nous avions critiqué cette distinction et cette possibilité de variation.
Cette nouvelle procédure, destinée à remplacer celle qui figure dans le code général des collectivités territoriales, prévoyait un système de vote collégial de la nouvelle carte par la CDCI et une unicité de décision entre le schéma et les périmètres mis en œuvre ensuite par les préfets. Il n’aurait donc pas été possible de voir revenir par la fenêtre sur ce qui avait été rejeté par la porte ! Enfin, deux phases étaient prévues : une phase exploratoire de concertation, puis une phase décisionnelle.
Cela a fait l’objet d’un long débat avec M. le ministre, la question étant de savoir si ce dispositif pouvait fonctionner à l’horizon 2014, à la date où nous la proposions. Certains d’entre nous, ayant une certaine dilection pour cette procédure, persistent à penser que, si elle avait été adoptée lorsque nous en avons discuté à la fin du mois d’octobre et au début du mois de novembre, si elle s’était alors substituée à la procédure actuelle, le calendrier aurait probablement pu être tenu. À la mi-février, la question ne se pose évidemment plus !
À ceux qui pensent qu’il faut achever la carte intercommunale avant 2014, nous sommes bien obligés de dire que cette procédure qui a notre préférence ne s’appliquerait de toute façon que dans le cours du mandat municipal à venir. La divergence entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement n’a donc plus de véritable objet dans le texte d’aujourd’hui.
En revanche, nous prenons acte de l’extension par l’Assemblée nationale du droit de regard et de contre-proposition de la CDCI sur la situation des trente-trois départements n’étant pas encore couverts, à l’époque, par un schéma de coopération intercommunale. Ainsi, dans tous les cas, si la proposition du préfet adressée au groupe de communes concernées par une communauté s’écarte du schéma départemental, la CDCI pourra l’amender à la majorité des deux tiers. En cas d’absence de schéma, la CDCI disposera du même droit d’amendement, s’agissant cette fois des propositions locales émises directement par le préfet.
Enfin, pour en finir avec la procédure du schéma, la majorité de l’Assemblée nationale, sur la proposition insistante de Jacques Pélissard, qui y tenait beaucoup à la suite de débats internes à l’AMF, a préféré que le premier bilan de l’intercommunalité intervienne en 2015.
Certains d’entre nous, dont votre serviteur, ont une petite hésitation sur cette échéance. En effet, on comprend bien qu’à la suite d’une alternance municipale, alors que les élus sortants auront donné leur accord à la constitution ou à la modification d’une communauté, la nouvelle équipe pourra profiter de cette fenêtre de tir pour remettre en cause l’ensemble du schéma. Attendre un peu aurait sans doute permis d’éviter des situations de tension, la friction permettant d’arrondir les positions des uns et des autres, à la façon de galets se polissant les uns les autres...
Mais la question ayant été tranchée, nous ferons le point dans trois ans. Nous avons, du reste, encore le temps d’y réfléchir un peu.
Finalement, outre le point de désaccord que je viens d’évoquer, qui n’a plus d’application pour le processus en cours, seules trois dispositions n’ont pas été reprises de la proposition de loi telle qu’elle résultait des travaux du Sénat.
Il s’agit tout d’abord de la prime en sièges, sur laquelle nous avions été nombreux à nous entendre. Elle aurait été octroyée dans le cas où des communes se seraient mises d’accord sur un barème de représentation autre que le barème légal. Nous avions ainsi prévu que les communes pourraient par exemple monter jusqu’à cinquante sièges là où le barème légal en prévoyait quarante, afin de faciliter un accord local. Cette disposition n’a pas été reprise. C’est un premier manque.
Il s’agit ensuite de l’augmentation du nombre de vice-présidents afin de tenir compte, notamment, de la diversité des communes. À cet égard, lorsque j’avais présenté ma dernière proposition à nos collègues de l’Assemblée nationale, j’avais bien précisé que cette augmentation se ferait à dépenses constantes, c'est-à-dire en plafonnant les crédits pour les rémunérations de vice-présidents sur la base du barème légal. C’est un deuxième manque.
Il s’agit enfin, troisième manque, du droit pour la CDCI de prendre l’initiative d’une contre-proposition visant à abaisser le seuil de population en dessous de 5 000 habitants. Sur ce dernier point, nous n’avons pas eu satisfaction, mais nous pouvons espérer qu’en pratique, dans les situations délicates, le travail de concertation entre la CDCI et le préfet permettra à la commission, sans avoir formellement le pouvoir d’inverser la proposition du préfet, de convaincre toutefois ce dernier que la fusion de petites intercommunalités, notamment dans des zones faiblement peuplées, présente de nombreux inconvénients. Nous pensons que des accords amiables seront possibles.
Sur les deux premiers points, c'est-à-dire sur le nombre de sièges de conseillers communautaires en cas d’accord et sur le nombre de vice-présidents, nous nous sommes heurtés à une position de principe de la majorité de l’Assemblée nationale, pour qui, au fond, le plafonnement du nombre d’élus est, selon l’expression de certains, un « marqueur politique ».
Nous sommes un certain nombre à ne pas partager cette appréciation. Ce point a été tranché dans un sens qui ne correspond pas à nos préférences, mais nous souhaitions que cette proposition de loi soit adoptée rapidement, pour les raisons de calendrier et de fond que j’ai évoquées tout à l’heure.
Nous aurons toutefois l’occasion d’en reparler, car les dispositions relatives au nombre de membres de l’organe délibérant devant entrer en vigueur au premier semestre de l’année 2013, d’autres initiatives parlementaires pourront survenir d’ici là. Quant aux dispositions relatives au nombre de vice-présidents des communautés, dans leur nouvelle géographie, elles seront applicables, par définition, au printemps 2014.
La commission a préféré la modération et le pragmatisme, car elle pense que ces propositions pourront être reprises. Certains d’entre nous souhaiteront certainement déposer une nouvelle proposition de loi afin de faciliter les extensions et les créations de communautés en réduisant cette source de conflit, tout à fait secondaire, sur le nombre d’élus et de vice-présidents du conseil communautaire. Toutefois, pour l’heure, il ne nous a pas paru raisonnable de faire de cette question un motif de refus de la convergence.
Au-delà, mes chers collègues, nous avons des motifs solides, nous semble-t-il, de vous proposer aujourd'hui un vote conforme.
Toutes les améliorations figurant dans la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise entreront en application dès le mois qui vient si nous adoptons ce texte conforme aujourd'hui. Ce vote nous permettra donc de faciliter l’aboutissement des discussions sur la composition territoriale des nouvelles intercommunalités.
Tels sont, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les motifs qui ont conduit la commission des lois à proposer au Sénat l’adoption du texte conforme.