Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 10 janvier 2012 à 14h30
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’œuvre de simplification du droit est certes nécessaire, mais encore faudrait-il qu’elle s’en tienne à ce qui est nécessaire : la simplification…

Or d’après les calculs réalisés par la commission, seulement un article de la proposition de loi sur cinq opère une véritable simplification ; tout le reste, c’est du droit nouveau !

C’est la quatrième fois depuis 2007 que nous sommes saisis d’une proposition de loi de ce type, déposée par le président Warsmann : en 2010, lors de la discussion de la précédente proposition de loi, le rapporteur, M. Bernard Saugey, parlait d’un « rituel parlementaire »...

Celle qui nous est soumise aujourd’hui a été déposée le 28 janvier 2011, soumise au Conseil d’État et adoptée par l’Assemblée nationale le 18 octobre 2011, après engagement de la procédure accélérée, ce qui n’arrange pas les choses…

Le nombre de ses articles est passé de quatre-vingt-quatorze au moment de son dépôt à cent cinquante-trois au moment de sa transmission au Sénat. Et, si les amendements, y compris ceux que le Gouvernement a déposés aujourd’hui, étaient adoptés, deux cents articles environ seraient transmis à l’Assemblée nationale – et celle-ci ne manquerait peut-être pas d’en ajouter encore…

Compte tenu de la diversité des sujets abordés, la commission des lois a délégué l’examen au fond d’un certain nombre d’articles à quatre autres commissions saisies pour avis : la commission des finances, la commission de l’économie, la commission des affaires sociales et la commission de la culture. Leurs rapporteurs, que je remercie d’avoir assisté aux séances de la commission des lois, vous présenteront après moi l’avis de ces commissions.

Certes, la proposition de loi ressemble un peu moins que les précédentes à un assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence… Elle comprend un ensemble de dispositions qui concernent en gros l’entreprise – M. le secrétaire d’État y a beaucoup insisté –, qu’elles touchent au droit des sociétés, au droit du travail, au droit de la sécurité sociale ou à certains droits sectoriels.

Cependant, l’Assemblée nationale a multiplié les ajouts, transformant la proposition de loi en pavillon de complaisance pour marchandises de toute nature… Je le déplore.

De son côté, le Gouvernement trouve en elle un véhicule où faire figurer des dispositions déjà introduites dans d’autres textes, y compris, monsieur le secrétaire d’État, dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, en attendant de voir dans lequel de ces textes, elles parviendront à être votées en premier. Permettez-moi de vous le dire : c’est une très mauvaise méthode législative !

Enfin, la proposition de loi sert de véhicule à des dispositions que l’on voit aujourd’hui reparaître après que le Conseil constitutionnel les a retoquées à plusieurs reprises comme cavaliers législatifs…

Tout cela n’est guère de nature à simplifier le travail législatif, ni même à le valoriser ; d’ailleurs, le veut-on vraiment ?

En réalité, les simplifications qui nous sont proposées contribuent à l’instabilité législative, alors que les représentants des entreprises que nous avons entendus nous ont dit qu’ils avaient besoin, au contraire, de stabilité et de prévisibilité dans la norme qui leur est applicable.

En lisant mon rapport, vous remarquerez que j’ai entendu quatre-vingt-onze personnes de tous horizons, dont certains fonctionnaires. Les autres rapporteurs ont également procédé à des auditions. Certes, j’ai recueilli un certain nombre de propositions intéressantes ; mais j’ai surtout entendu cet avis : l’instabilité législative n’est pas de nature à favoriser la vie des entreprises.

En outre, il me semble que la clarté et la sincérité des débats parlementaires sont aussi en cause. En effet, devant des textes aussi denses et hétéroclites, les parlementaires peuvent difficilement faire leur travail : des novations juridiques peuvent passer inaperçues, noyées dans le fatras des dispositions, alors qu’elles mériteraient une discussion approfondie ; c’est le cas avec la proposition de loi dont nous sommes saisis, comme je le montrerai tout à l’heure.

Enfin, pourquoi avoir recouru à la procédure accélérée ? Je n’ai trouvé que cette explication : le Gouvernement souhaite voir la proposition de loi adoptée avant que les élections ne modifient la composition du Parlement !

Et en plus le Gouvernement présente aujourd’hui plusieurs amendements qui ajoutent à la confusion…

Certaines auditions ont permis de recueillir des propositions de bon sens sur lesquels je reviendrai peut-être : je pense par exemple à l’audition de la Confédération nationale du logement, à celle du Forum citoyen pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et à celle de M. Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers.

Dans un premier temps, j’avais moi-même envisagé d’ajouter quelques wagons sénatoriaux au train qui nous venait de l’Assemblée nationale ; je pensais, par exemple, proposer qu’on y intègre la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, déposée par notre collègue Yung et notre ancien collègue Béteille, qui a été votée à l’unanimité par la commission des lois.

Voyez à quel point votre rapporteur se préparait à patauger dans l’incohérence ! Fort heureusement, on m’en a empêché…

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