Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour répondre au souhait de ma collègue Dominique Gillot, j’aborderai exclusivement la question particulière de la revente illicite des titres d’accès à une manifestation, qu’elle soit culturelle, de spectacle vivant, sportive ou commerciale, question que traite l’article 2 de cette proposition de loi et qui, je l’espère, sera enfin réglée de façon définitive dans les prochains jours avec la promulgation de ce texte.
Depuis quelques années, les pratiques de revente massive de billets ou de titres d’accès à des manifestations tant sportives que culturelles, dans le but d’en tirer un bénéfice, ont tendance à s’amplifier.
Il est fréquent que, dès les premiers jours de mise en vente de billets par un producteur ou un organisateur de spectacle ou de manifestation sportive, la pénurie soit créée : une grande partie, voire la totalité des titres d’accès à la manifestation est achetée par une poignée d’individus, qui les revendent ensuite à un prix qui leur permet d’en tirer un substantiel bénéfice.
Lors des événements très courus, cette pratique est devenue… très courante. À voir le nombre de sites de revente de billets sur Internet, on est conduit à penser qu’il s’agit d’une activité des plus lucratives ! Les contentieux fleurissent entre les sociétés qui se sont spécialisées dans cette activité et les organisateurs, producteurs ou institutions proposant des spectacles, concerts, matchs et compétitions sportives, voire des expositions.
Lors de l’examen de ce texte en première lecture, le 21 février dernier, ma collègue Maryvonne Blondin a fait état de l’affaire dont a eu à connaître le tribunal de grande instance de Brest, au mois de juillet 2011, pour la revente du pass au festival des Vieilles Charrues à un prix représentant plus de quatre fois son montant officiel ! Le juge a estimé que cette revente créait un trouble illicite et a condamné la société fautive à des sanctions financières pour différents types de préjudices.
Généralement, les prix proposés par ces revendeurs non officiels sont plutôt équivalents au double de leur valeur faciale. Les exemples sont légion ; nous en connaissons tous. Je ne citerai que le dernier cas en date. On m’a rapporté que, dans les jours précédant la fin de l’exposition Léonard de Vinci, qui vient de se tenir à la National Gallery à Londres à guichets fermés – en quelques jours, plus aucun billet n’était disponible –, certains billets se sont revendus à des prix atteignant 500 euros, alors que le musée vendait ces mêmes titres 13, 20 livres sterling, soit à peine plus de 15 euros !
La Commission européenne a pourtant entamé, voilà deux ans, une opération de contrôle de ces sites de vente de billets pour des manifestations culturelles et sportives. Les infractions constatées avaient principalement trait aux prix et aux clauses et conditions déloyales : informations absentes, incomplètes ou mensongères sur les prix des billets, coordonnées du vendeur manquantes, incomplètes ou mensongères et, surtout, clauses et conditions déloyales dans 73 % des cas.
Je ne peux donc que me réjouir du consensus que je constate pour légiférer de façon large et définitive afin de réprimer ces abus.
La loi du 27 juin 1919 portant répression du trafic des billets de théâtre, toujours en vigueur, a montré ses limites, même si les contentieux actuellement formés le sont toujours sur ce fondement. Elle ne s’applique qu’aux pratiques de revente des billets pour des prestations de spectacle vivant et subventionné.
Je ne rappelle pas le parcours quelque peu chaotique de cette législation depuis le vote de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ».
Plusieurs tentatives législatives ont suivi cette censure. Sans les détailler toutes, je rappelle que l’une d’entre elles a abouti et qu’une loi réprime d’ores et déjà les reventes de titres d’accès aux seules manifestations sportives.
Je ne peux donc que saluer cette nouvelle initiative, qui vient d’aboutir puisque l’article 2, issu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, n’a pas été modifié par le Sénat et n’était donc pas soumis à l’arbitrage de la commission mixte paritaire.
Le dispositif ainsi adopté permet de satisfaire aux exigences posées par le Conseil constitutionnel : tout lieu, tout support et toutes modalités de vente étant désormais appréhendés, la notion de bénéfice réalisé n’est plus prise en compte pour fonder l’infraction. Ce nouveau texte assurera aussi une protection des consommateurs et la gestion intégrale, par les détenteurs des droits sur les manifestations concernées, de la vente de leurs prestations.
Il ne me reste donc plus qu’à espérer que cette énième mouture du texte satisfera aux exigences du Conseil constitutionnel, si d’aventure celui-ci devait en être saisi, et à celles de Bruxelles, la Commission européenne étant toujours susceptible de s’élever contre des pratiques entravant la liberté du commerce. Je souhaite que cette nouvelle législation permette de protéger davantage le spectateur-consommateur en lui assurant des prestations de qualité au juste prix. §