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Interventions sur "prostituée" de Chantal Jouanno


28 interventions trouvées.

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons déjà eu de longues discussions sur cette proposition de loi ; je ne reviendrai donc pas sur les aspects techniques. Au terme de nos débats en commission spéciale et dans l’hémicycle, je vois un point très positif : nous sommes d’accord sur deux principes fondamentaux. Le premier est que les personnes prostituées doivent être globalement considérées comme des victimes qui ont besoin de protection et de considération. Le constat est clair et partagé. Dans leur très grande majorité, ces personnes sont victimes de réseaux et de violences, souvent de la part de leurs clients. Dans leur très grande majorité, ces personnes n’ont pas choisi cette vie, elles la subissent. Quant à celles qui l’auraient peut-être...

...majoritaires. Par ailleurs, l’excuse de l’inefficacité de la pénalisation du client ne tient pas. On a rappelé précédemment les résultats des études en la matière : en Suède, la prostitution baisse et partout ailleurs, elle augmente, notamment la prostitution violente, causée par les réseaux. La seconde excuse classique consiste à affirmer que la pénalisation du client fragilisera les personnes prostituées. Je salue l’objectif, que je partage, visant à ne pas fragiliser davantage ces personnes, qui sont des victimes. Toutefois, c’est également le cas du délit de racolage. Cette excuse ne peut pas être invoquée à la carte dans une hypothèse et pas dans l’autre ; si l’on ne veut pas que les personnes prostituées se cachent, il ne faut ni délit de racolage ni pénalisation du client.

J’ajoute qu’avec cette loi, qu’il faut envisager dans son ensemble, nous mettons la loi du côté de la personne prostituée. L’interdiction du racolage fournissait un premier moyen d’entrer en contact avec ces personnes ; nous en avons un second avec la procédure de fuite – expression que je préfère à celle de « système de repentis ». Vous trouverez toujours des témoignages de quelques associations ou de quelques personnes expliquant que les études mentent, que nous n’y connaissons rien et que tout cela sera totaleme...

Compte tenu de tout ce que mes collègues ont déjà pu dire, je serai brève. Je ne reviendrai pas sur les arguments juridiques qui ont pu être avancés. Simplement, il me paraît contradictoire que, après avoir constaté collectivement en toute bonne foi que la prostitution est une violence et que les personnes prostituées sont fondamentalement des victimes, nous considérions ensuite que le client n’a aucune responsabilité.

M. Godefroy et moi-même avons particulièrement étudié ce point dans notre rapport sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées. Votre amendement réécrit cet article, qui prévoyait des mesures de protection pour les victimes. Vous ajoutez la condition du témoignage contribuant à la manifestation de la vérité. Mais ne faut-il pas attendre la fin de la procédure pour l'apprécier ? Or comme l'avait souligné devant nous un procureur italien, faisant référence aux affaires mafieuses, c'est dès le début de la procédure que ces...

...e, je souhaite vous restituer les faits tels que je les connais. Mon information est bien évidemment limitée par la faiblesse criante des études sur le sujet, notamment pour ce qui concerne la prostitution étudiante ou sur internet. Je m’appuierai donc uniquement sur les rapports officiels et les travaux que j’ai menés avec Jean-Pierre Godefroy sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées. Ce travail et les excellents rapports de Guy Geoffroy, Danielle Bousquet, Maud Olivier, Brigitte Gonthier-Maurin et Michelle Meunier nous donnent une base sérieuse pour débattre aujourd'hui. Tous ces travaux convergent vers une idée partagée : il convient d’inverser le regard sur la prostitution, d’inverser la charge de la preuve, en considérant les personnes prostituées comme des victimes. D’...

La question qui se pose à nous est assez simple : choisissons-nous de conserver la législation actuelle ou de la faire évoluer vers la pénalisation du client, sachant qu’une très grande majorité d’entre nous est contre le réglementarisme ? La législation actuelle, en faisant peser la présomption de culpabilité sur la personne prostituée, a été efficace contre la prostitution dite « traditionnelle », qui est en train de disparaître. Toutefois, son application a eu pour effet pervers de favoriser le développement des réseaux, et donc de la prostitution sous contrainte, ce qui rend nécessaire une évolution de notre législation. Nous l’avons affirmé, les personnes prostituées sont d'abord des victimes. Il serait donc logique et cohé...

… et il est logique que l’on inverse la charge de la preuve. On place ainsi le droit du côté des personnes prostituées. J’entends bien la remarque de M. Godefroy sur la pénalisation du seul client ayant recours aux services d’une personne prostituée sous contrainte. Si notre débat est serein et responsable, les positions sont un peu figées, et je crains que nous ne parvenions pas à faire « bouger les lignes ». Afin de faire un pas vers une « coconstruction » législative, pour reprendre un mot à la mode, je prop...

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je rectifie l’amendement n° 31 rectifié, afin d’introduire la notion de contrainte. Certains de nos collègues prétendent que pénaliser le client reviendrait à fragiliser la situation de la personne prostituée, mais le rétablissement du délit de racolage emportera de plus graves conséquences de ce point de vue ! Il s’agit ici de poser un interdit. Nous avons beaucoup travaillé sur la problématique de l’hypersexualisation. On assiste à une véritable banalisation du phénomène de la prostitution, que ce soit à travers les films, les clips vidéo ou les défilés de mode. Dernièrement, Louis Vuitton a organi...

...nnes qui sont des victimes et non des coupables. J’ai été plutôt consensuelle et constructive ; je ne le resterai pas très longtemps. Ce que j’éprouve à l’issue de ce débat, c’est une immense amertume et une profonde tristesse. Il s’agit vraiment d’une occasion ratée pour le Sénat, qui adresse un message à contre-courant à la fois de la société et de la réalité de la prostitution. Les personnes prostituées sont toujours présumées coupables. Elles le sont à travers le délit de racolage ou encore, par exemple, du fait que l’autorisation de séjour dépend de la décision souveraine du préfet. Les clients, toujours parés de leur vertu, ne sont présumés coupables de rien, pas même de complicité. On peut faire tout ce qu’on veut en termes d’éducation à l’égalité, mais, si on laisse se déployer ce message...

...e racolage actif, distinction qui, sur le terrain, n’avait pas beaucoup d’efficacité. Cette loi était adaptée à la réalité de la prostitution d’alors, qui était majoritairement le fait de femmes françaises, dont la plupart n’étaient pas nécessairement sous l’emprise de réseaux. La situation a radicalement changé. La loi a donc, aujourd’hui, des effets pervers. Elle oblige d’abord les personnes prostituées à se cacher ; elles se trouvent donc plus aisément sous l’emprise des réseaux, ce qui rend la tâche des différentes associations du secteur plus délicate. J’indique, ensuite, qu’il faut du temps pour avoir confiance dans les institutions. Un dispositif qui autorise la personne à s’évader de ces réseaux et à entrer dans un parcours d’insertion crée un tel lien de confiance ; ce lien permettra sa...

...de personnes en situation irrégulière sous l'emprise de réseaux très puissants, notamment les réseaux nigérians, très bien implantés. Si bien que cette disposition semble avoir moins d'impact. Lorsqu'avec Jean-Pierre Godefroy nous travaillions à notre rapport, nous étions extrêmement partagés. Les associations nous ont clairement dit que le délit de racolage avait conduit à éloigner les personnes prostituées, à les rendre plus vulnérables encore et à favoriser du même coup l'implantation des pires des réseaux. Les femmes ne parlent pas parce que leur famille est restée au pays (Mmes Esther Benbassa et Maryvonne Blondin le confirment). Il est clair, cependant, que s'il n'y a ni délit de racolage ni pénalisation du client, il deviendra très difficile de lutter contre les réseaux. J'ai entendu dire que...

Les travaux que nous avions menés avec Jean-Pierre Godefroy nous avaient fait conclure à la nécessité d'inverser la charge de la preuve et de reconnaître, au vu de la réalité de ce qu'est aujourd'hui la prostitution, le statut de victime aux personnes prostituées. Je ne suis pas certaine que les brillants juristes qui ont pu s'exprimer sur le sujet aient bien conscience de cette réalité nouvelle. Or, le texte de loi auquel nous aboutissons ici n'inverse pas la charge de la preuve. Il revient au statu quo ante, où la personne prostituée est implicitement considérée comme la coupable du vice, qu'elle susciterait, et où les clients ne sont nullement reconn...

Rien dans le rapport ne prend position sur les questions abordées par la proposition de loi de l'Assemblée nationale concernant la pénalisation du client. Nous nous en tenons à la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées proprement dite. En ce qui concerne tout d'abord le volet sanitaire, il y a deux éléments à prendre en compte : les risques qui découlent directement de l'activité prostitutionnelle et ceux qui résultent des conditions de vie. Les risques sanitaires inhérents à la pratique de la prostitution sont bien connus : il s'agit principalement du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et des autres...

Après l'aspect sanitaire, nous avons travaillé sur l'aspect social de la situation des personnes prostituées. Théoriquement, celles-ci bénéficient des mêmes droits sociaux que les autres citoyens. Il leur est possible de s'affilier à un régime de sécurité sociale et d'accéder ainsi tant à la couverture maladie qu'à l'assurance retraite. Mais, dans les faits, l'accès à ces droits est difficile, d'autant plus quand il s'agit de personnes étrangères en situation irrégulière. En matière de couverture mal...

Enfin, il nous a semblé nécessaire d'approfondir la question de la cohérence de l'action publique en direction des personnes prostituées, qui ont été quelque peu oubliées depuis des décennies. Cet oubli se traduit tout d'abord par l'absence quasi-totale de données publiques sur les conditions d'exercice et sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées. La loi sur la sécurité intérieure de 2003 prévoyait pourtant qu'un rapport soit transmis chaque année au Parlement sur le sujet. Celui-ci n'a, en pratique, été p...

Oui, certaines prostituées « traditionnelles » nous ont dit que, au début, un ami a été à l'origine de leur activité et qu'elles auraient bien voulu arrêter à un moment ou un autre. Mais elles se sont rendu compte de la difficulté d'expliquer un trou de plusieurs années dans leur CV. Qui aurait voulu d'elles ? Personne ne leur a tendu la main. Sans parler des problèmes fiscaux évoqués par Jean-Pierre Godefroy. Cette quest...

Pour en finir avec la question de la « liberté » de se prostituer, il faut savoir si la loi est faite pour protéger une petite minorité, ou pour protéger la majorité des personnes prostituées qui sont des victimes. Car, en faisant une loi pour une minorité, on expose une majorité de victimes. L'argument des maisons closes est récurrent. D'après les informations que nous avons reçues, assez rapidement les réseaux s'infiltrent ou mettent la main sur ce type d'endroits ; ensuite les conditions d'exercice y sont bien pires : comment refuser un rapport non protégé à un bon client ? Les p...

...ombre de propositions qui peuvent être mises en oeuvre indépendamment d'une évolution de son cadre légal. Notre démarche est complémentaire de celle ayant présidé à l'élaboration de textes portant sur le volet pénal de la prostitution ; je pense en particulier à la proposition de loi récemment déposée à l'Assemblée nationale. Venons-en à présent à la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées proprement dite. Nous aborderons tout d'abord le volet sanitaire. La prostitution comporte des risques sanitaires communs à toutes ses formes d'exercice. On en distingue deux catégories : ceux qui découlent directement de l'activité prostitutionnelle et ceux qui résultent des conditions de vie. Les risques sanitaires inhérents à la pratique de la prostitution, bien que non exclusifs de celle-c...

Nous poursuivons avec le volet social. Les personnes prostituées bénéficient théoriquement des mêmes droits sociaux que les autres citoyens. Il leur est possible de s'affilier à un régime de sécurité sociale et d'accéder ainsi à la couverture maladie et à l'assurance retraite. Toutefois, ces possibilités leur sont, dans la réalité, difficiles d'accès dans la mesure où la prostitution ne constitue pas une activité professionnelle juridiquement reconnue. C'est ...