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...nt les unes et les autres que je voudrais partager avec vous en cet instant. Ma première certitude est que, lorsque l’épreuve arrive, alors la belle assurance se fissure : ma conscience a peine à répondre en raison du refus de porter le fardeau au détriment de mon petit confort personnel. Mes chers collègues, il m’est impossible aujourd’hui de jurer devant vous que cette demande d’aide active à mourir, je ne la formulerai en aucun cas pour moi-même ou pour un de mes proches lorsqu’une telle difficulté me concernera. §Du reste, pourquoi ne le ferai-je pas si la loi me l’autorise, si le droit-créance ainsi créé fait peser sur tous le devoir de le rendre effectif, déplaçant les interdits anthropologiques qui fondent notre société ? Je sais également que le coma ou la maladie peuvent me rendre ét...
À l’heure de la réduction de la dette et de la prise en charge financière de la dépendance, peut-on sincèrement consacrer un droit à l’aide active à mourir en pensant qu’il n’y aura pas de dérives ? Ma troisième certitude est que prendre appui sur le principe de liberté individuelle, c’est articuler notre droit autour de la volonté du patient. Toutefois, l’ouverture d’un droit objectif peut-elle répondre à la complexité des situations extrêmes de fin de vie et se fonder sur une volonté présentée comme inébranlable ? En effet, chacun sait, pour l’a...
Dès alors, celui que notre droit à mourir va désormais soustraire de la vie ne sera-t-il pas présent partout pour nous interroger sur nos contradictions juridiques ? Comment cette aide active à mourir s’articulera-t-elle avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement » ? Comment ce droit à mourir s’accordera-t-il avec la prohibition de la pro...
... son combat en faveur des personnes handicapées. Cette femme, âgée de cinquante-cinq ans, tient les propos suivants : « Il y a vingt-six ans, en dix minutes, j’ai basculé de la parfaite santé à la dépendance totale. […] Je ne parle qu’avec difficulté. […] J’utilise l’ordinateur avec deux doigts. […] Il me faut avoir à tout moment la patience de mes impatiences. […] Il a pu m’arriver de souhaiter mourir, mais c’était pour entendre quelqu’un autour de moi me donner une raison de vivre. […] Si un jour je traverse une période de découragement intense, est-ce qu’on va m’euthanasier en rebaptisant cet acte “geste d’amour” ? »
Oui mais quelle majorité retenir face à la décision de mourir ?
...de l'autre, nous sommes appelés à aller toujours plus loin pour instaurer une législation sur le droit à mourir. Deuxième paradoxe : d'un côté, sous votre présidence, madame André, une réflexion sur le droit à la maternité ; de l'autre, et dans le même temps, une réflexion sur le droit à la mort, l'un et l'autre ayant pour dénominateur commun le fait que la souffrance, considérée comme indignité, comme déchéance, doit être comblée avec cette tentation de revendiquer, par un moyen ou par un autre, le droit...
...nse que nous les partageons tous. C'est pourquoi la compassion suscitée par la douleur, la souffrance d'enfants handicapés, de personnes atteintes de maux incurables a servi de socle à la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, en 2005. Or voici qu'aujourd'hui, à travers une souffrance singulière, une souffrance vécue, bouleversante, montrée et médiatisée, la question du droit de mourir, nommée aujourd'hui « exception d'euthanasie », est en cause devant notre assemblée. Celle-ci amène en fait l'interrogation suivante : peut-on inclure parmi les droits qu'un individu doit revendiquer le droit de mourir, droit qui impliquerait la production de normes imposant leurs règles indifférenciées et systématiques, parce que générales, au titre de bonnes solutions ? Pour ma part, je reste ...
...ortable et d'inacceptable, le coeur de l'inacceptable tenant au fait que c'est comme si l'on se renvoyait l'un à l'autre, en ricochet, la peur de la fin, la perte du sens et l'entrebâillement de l'espérance. Or, comme le dit très bien Jankélévitch, « l'homme est fait pour connaître l'entrouverture, car sa vie est toujours entrebâillée par l'espérance, ce qui fait qu'il n'est jamais nécessaire de mourir ». C'est d'ailleurs, mes chers collègues, cette espérance qui est refusée au condamné à mort ; cela est contre nature, inhumain, c'est un temps monstrueux. Or, en légiférant, on demande à la loi, par définition générale, qu'un autre - un homme singulier - vienne fermer cette ouverture, claquer cet entrebâillement, cette capacité à s'indigner et à dire « je veux vivre ».
...ons redonner espoir. C'est la conception de la famille qui est ici en cause, comme l'ont souligné de façon très émouvante Nicolas About et Sylvie Desmarescaux. N'est-ce pas d'ailleurs toute la politique qui est conduite lorsque nous mettons en place des politiques de prévention et de service de soins à domicile et de soutien aux aidants familiaux ? La question n'est donc pas : « Comment puis-je mourir tout de suite ? » mais bien : « Comment va-t-on m'accompagner jusqu'à ma mort ? » En effet, bien souvent les professionnels disent déceler derrière une demande « d'en finir » un appel au secours pour ne pas être abandonné, un besoin de se sentir accompagné et respecté malgré son état. La demande de mort est parfois une façon pour le patient de sortir de la solitude, de rompre la digue du silence...
...st ma mort. On en parle toujours lorsqu'on est vivant, mais elle n'est jamais là. « Je sais que je mourrai, mais je ne le crois pas profondément », dit Jacques Madaule. Et quand elle survient, c'est pour nous retirer de la terre des vivants ; nous ne pourrons plus rien en dire une fois que nous l'aurons connue ! Victor Hugo nous l'exprime en termes admirables : « Oh, est-il bien vrai que je vais mourir avant la fin du jour ? Est-il bien vrai que c'est moi ? [...] c'est moi qui vais mourir ! moi, le même qui est ici, qui vit, qui se meut, qui respire, qui est assis à cette table ? » Si familière et si proche qu'elle soit, la mort demeure toujours une inconnue ! Mes chers collègues, ici aucun d'entre nous ne peut indiquer, en toute clarté, le jour et l'heure, la manière et les témoins de ce que...