La délégation examine le rapport d'information et les recommandations de M. Cyril Pellevat.
Je vous rappelle que, si ma proposition initiale était de travailler sur les familles monoparentales, notre délégation a finalement privilégié le sujet des modes d'accueil du jeune enfant.
En effet, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu, en novembre 2013, un avis sur les évolutions contemporaines de la famille dans lequel la question des familles monoparentales est largement abordée.
De leur côté, nos collègues de la délégation à la prospective ont également travaillé sur ce sujet, en lien avec celui de la pauvreté, dans le cadre d'un rapport d'information de Yannick Vaugrenard publié en février 2014 et intitulé Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité !
Notre rapport d'information permet, quant à lui, de faire le point sur la réalisation de la Convention d'objectifs et de gestion (COG) 2013-2017.
Mon cher collègue, vous avez la parole pour nous présenter votre travail. Puis nous débattrons ensemble des recommandations.
Merci, madame la présidente. Étant moi-même maire d'une petite commune, j'ai déjà pu mettre à l'épreuve du terrain certaines des recommandations formulées dans ce rapport. C'est donc un travail que j'ai souhaité très concret.
À mi-parcours de la mise en oeuvre de la COG 2013-2017 signée par l'État et la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) en juillet 2013, et qui vise la création de 275 000 nouvelles solutions d'accueil des jeunes enfants à l'échéance de 2017, la délégation a souhaité faire le point sur la politique actuelle de développement de l'accueil des jeunes enfants.
La délégation, qui m'a désigné pour être son rapporteur le 29 janvier dernier, a souhaité aborder ce sujet sous l'angle de l'égalité professionnelle entre femmes et hommes, qui - à juste titre - fait partie de nos priorités. Cette approche est motivée par le lien, bien connu, entre l'arrivée des enfants et le taux d'emploi des femmes.
L'enjeu est également économique : selon certaines estimations, la France gagnerait environ 0,4 point de croissance par an pendant dix ans si le taux d'emploi des femmes rejoignait celui des hommes.
Par ailleurs, la réussite du « plan crèche », loin d'être une question de statistiques ou de nombre de places, repose sur la mise en place d'un accueil de qualité, au service de l'épanouissement des enfants et de la confiance des parents dans le mode de garde de leur enfant : nous nous sommes demandé si cet objectif était compatible avec les contraintes financières qui pèsent aujourd'hui sur les communes.
C'est pour répondre à ces questions que nous avons auditionné, le 5 février 2015, dans le cadre d'une table ronde, des professionnels et des acteurs de terrain. La secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, Laurence Rossignol, a par ailleurs été entendue le 19 février 2015. Les comptes rendus de ces deux réunions sont annexées au rapport que j'ai l'honneur de vous présenter.
Ces auditions ont tout d'abord été l'occasion de rappeler que :
- malgré l'« exception française », qui allie un fort taux de natalité et un taux d'emploi relativement élevé, le taux d'activité des femmes diminue avec le nombre d'enfants.
À titre personnel, le chiffre suivant m'a marqué : en France, six enfants sur dix de moins de trois ans sont gardés à titre principal par leurs parents, c'est-à-dire, dans 95 % des cas, par la mère. Ces chiffres sont issus d'une enquête de 2011 de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES).
Ils sont confortés par ceux de l'INSEE, qui montrent que les mères sont nombreuses à réduire ou à cesser leur activité à l'arrivée d'un enfant : près de 55 % d'entre elles prennent un congé parental à temps plein ou à temps partiel à la naissance d'un enfant.
C'est ce qui fait dire à Rachel Silvera, économiste spécialisée dans les questions d'égalité au travail, que « la maternité pénalise toujours la carrière des femmes ». D'autant plus que, comme le soulignait Laurence Rossignol, ces choix n'ont pas seulement un impact sur le déroulement de la carrière des femmes et du niveau de leurs revenus, mais également sur leurs droits à retraite.
Et quand on sait que plus de 38 % des femmes restent sans emploi après un congé parental, d'après les informations fournies par le directeur général de la CNAF, on comprend que le retrait des femmes du marché du travail, initialement temporaire, peut s'avérer en réalité durable.
La délégation avait eu l'occasion de se prononcer en 2013 sur la question du congé parental, lors de la publication de son rapport d'information, intitulé Femmes et Travail : agir pour un nouvel âge de l'émancipation.
Elle avait considéré que le dispositif alors en vigueur, prévu à l'article L.122-28-1 du code du travail, était trop long - trois ans constituant souvent un « piège » pour les femmes qui font ce choix - et financièrement pas ou peu pris en charge.
Depuis, la loi relative à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014 a réformé ce congé, réduit de 36 à 24 mois à partir du deuxième enfant, à condition que les deux parents le prennent. Pour autant, cette réforme n'est pas comparable avec la recommandation formulée par la délégation d'instituer un congé modulable tout au long de la vie et cette proposition, reprise ici, fera donc partie des recommandations que je vous exposerai à la fin de cette présentation.
Si le retrait du marché du travail ou le recours au temps partiel par les femmes correspondent à des choix mûrement réfléchis et concertés au sein du couple, ils n'appellent aucun commentaire. S'ils sont en revanche contraints par une offre insuffisante de solutions d'accueils des jeunes enfants, ils sont préoccupants, car ils reflètent un aspect des inégalités professionnelles.
C'est autour de cette question qu'ont porté les débats, lors de la table ronde organisée par la délégation le 5 février dernier.
Avant d'aborder l'état des lieux des modes de garde, je souhaite insister sur un point qui me parait essentiel, et qui est détaillé dans le rapport : les études statistiques montrent que les politiques publiques, en fonction de leur orientation, peuvent avoir un impact positif ou négatif fort sur le taux d'activité des femmes.
Selon une étude menée par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques sur l'activité féminine depuis 1975, le taux d'activité des femmes vivant avec deux enfants, dont le plus jeune a moins de trois ans, a fortement progressé entre 1975 et 1994, avant de baisser brutalement de 15 points entre 1994 et 1997.
Or, cette chute est liée à l'extension de l'allocation parentale d'éducation aux parents de deux enfants en juillet 1994, qui a alors entraîné un retrait massif des mères concernées du marché du travail. A contrario, la prestation d'accueil du jeune enfant en 2004 et le crédit d'impôt pour frais de garde en 2005 et 2006 ont eu tout naturellement une influence positive sur le taux d'emploi des femmes. Il est par conséquent possible, par des mesures de politique publique, d'accompagner l'accès des femmes à l'emploi. D'où l'intérêt et l'enjeu de ce rapport.
Venons-en maintenant aux modes de garde à proprement parler et à leur compatibilité avec l'emploi des femmes. Je vous rappelle que quatre systèmes de garde existent aujourd'hui en France : les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), les assistants maternels, l'école et la garde au domicile des parents.
Selon les chiffres donnés par Laurence Rossignol lors de son audition le 19 février, l'accueil par les assistants maternels agréés employés par les parents reste au premier rang de ces modes d'accueil et offre aux familles près de 760 000 places. Les crèches proposent quant à elles 400 000 places d'accueil collectif ; 97 200 enfants étaient par ailleurs inscrits en petite/très petite section de classe maternelle à la rentrée 2014. Les employés gardant les jeunes enfants au domicile des parents représentent, enfin, 50 000 places.
Par conséquent, les modes de garde individuels restent prépondérants aujourd'hui en France : ils concernent deux enfants sur cinq, sachant qu'un enfant sur deux uniquement bénéficie d'un mode de garde dit formel.
Parallèlement, le taux de préscolarisation des enfants de moins de trois ans a été divisé par trois en dix ans, alors que les disparités territoriales sont très fortes en la matière. En 2012, 94 000 enfants de deux ans étaient préscolarisés (souvent à temps partiel). Mais ce taux était inférieur à 5 % dans une douzaine de départements, en particulier à Paris, et supérieur à 20 % dans 24 autres.
Quels que soient les rapports et les évaluations, l'ordre de grandeur de l'insuffisance de places d'accueil des jeunes enfants est de l'ordre de 400 000. Pourtant, comme le soulignait Hélène Périvier, économiste, dans un article de La Revue de l'OFCE publié en 2012, la France dépense chaque année plus de dix milliards d'euros pour l'accueil des moins de trois ans, soit 0,5 % de son PIB.
Depuis 2000, sept « plans crèches » se sont succédé pour une dépense totale de plus d'un milliard d'euros. La dernière version, la COG 2013-2017, a été signée par l'État et la CNAF en juillet 2013 et vise la création de 275 000 nouvelles solutions d'accueil, réparties de la manière suivante :
- 100 000 nouvelles places d'accueil collectif ;
- 100 000 nouvelles places d'accueil individuel auprès d'assistants maternels ou d'employés à domicile ;
- 75 000 nouvelles places en école maternelle pour les 2-3 ans.
Comme je vous le disais, l'évaluation de la première année de réalisation de la COG a permis de constater un déficit important de réalisations par rapport aux objectifs fixés.
À la suite de ce constat, le Haut conseil à la famille (HCF) a conduit une analyse et rendu un avis en octobre 2014 : le déficit observé porte principalement sur la création de places de crèche, qui atteint en 2013 à peine plus de 50 % de l'objectif fixé. C'est dans ce contexte que la délégation a voulu identifier les raisons qui limitent la montée en puissance de la COG.
Les professionnels réunis le 5 février ont mis l'accent sur cinq obstacles en particulier :
- la persistance de fortes inégalités territoriales, sachant que tous modes d'accueil confondus, l'offre d'accueil varie selon les départements entre 9 et 80 places pour 100 enfants ;
- la complexité du financement des structures ;
- la concurrence créée entre les structures par les différences d'interprétation des normes d'hygiène et de sécurité ;
- une insuffisante considération des métiers de la petite enfance.
Ils ont également souligné les insuffisances juridiques du statut des maisons d'assistantes maternelles, qu'il s'agisse de leur création ou de leur fonctionnement.
Sans revenir sur chacune de ces considérations, qui font l'objet de développements dans le rapport, je souhaite attirer votre attention sur trois points en particulier qui ont fait débat lors de la table ronde et qui constituent, à mon sens, les principales difficultés auxquelles se heurtent les jeunes mères pour concilier maternité et emploi.
Premièrement, l'absence de souplesse des horaires et des modalités d'accueil a été largement déplorée : la co-présidente du groupe de travail « petite enfance » de l'Association des maires de France (AMF) a notamment estimé que s'opposaient actuellement sur le territoire une logique de gestionnaire et une logique d'innovation et de dynamisme. Selon elle, les communes subiraient des règles de gestion budgétaire très strictes, qui ne laissent que peu de marges de manoeuvre en matière de flexibilité.
Entre autres difficultés, les règles de facturation de la prestation de service unique (PSU) sont actuellement difficilement compatibles pour les communes avec l'existence de larges plages horaires, préconisées par la CNAF pour une meilleure adaptation aux besoins des familles.
Or, dans un marché du travail en mutation, caractérisé par l'augmentation des emplois à temps partiel - qui touchent particulièrement les femmes, et pour une flexibilité croissante, l'insuffisance de solutions d'accueil adaptées à ces contraintes constitue un frein à la conciliation des temps, en particulier pour les femmes seules.
C'est le deuxième point sur lequel je souhaitais m'arrêter : l'accès des populations les plus « fragiles » aux modes de garde reste une préoccupation majeure.
Vous le savez, la tarification appliquée dans les systèmes collectifs varie en fonction des ressources des familles, de la composition familiale et du type d'accueil proposé. Par ailleurs, un objectif de présence a minima de 10 % d'enfants issus de familles en situation de précarité a été fixé par les services sociaux.
Le 5 février dernier, Daniel Lenoir, le directeur général de la CNAF, nous indiquait que, d'après les premiers résultats de l'enquête Filoue - le fichier localisé des enfants usagers d'EAJE, le nombre de familles les plus vulnérables (familles monoparentales, enfants handicapés, familles vivant dans un contexte social dégradé...) semblait beaucoup plus important à bénéficier d'un mode d'accueil collectif que ce qu'il pensait initialement.
Pourtant, le 19 février, Laurence Rossignol reconnaissait que, quand une femme en situation précaire (et, en particulier, une femme seule avec son enfant) met dans la balance ce qu'elle va gagner en reprenant un emploi, et ce que le fait de travailler va lui coûter, pas seulement en terme financier, mais aussi en terme de temps de vie, lié aux transports et au stress, l'arbitrage n'est pas toujours favorable à l'emploi, pourtant indispensable en termes d'autonomie et pour lutter contre la pauvreté.
Christine Kelly, présidente de la fondation « K urgences », interrogée dans le cadre du rapport d'information de Yannick Vaugrenard sur la pauvreté, le confirmait : les principaux obstacles à la recherche et à la reprise d'un emploi des personnes en difficulté sont l'inaccessibilité des services de garde d'enfants, les problèmes liés aux moyens de transport et les difficultés dans la poursuite des formations.
Il est donc urgent d'envisager des possibilités de répondre à ces situations particulières, par exemple en prévoyant de rendre disponibles des places d'accueil, de manière ponctuelle, pour les parents qui doivent se rendre, par exemple, à un entretien d'embauche ou suivre une formation.
Dans cette recherche de flexibilité, la complémentarité entre les modes de gardes (publics et privés, collectifs et individuels) est essentielle et contribue à la richesse de l'offre d'accueil.
C'est le troisième et dernier point que je souhaitais développer avant d'aborder les recommandations.
Il me semble essentiel dans cette logique de favoriser la diversité d'acteurs, au regard, notamment, des difficultés budgétaires auxquelles font face certaines communes, qui peuvent rendre difficile l'investissement dans la petite enfance, mais également dans le but de favoriser les initiatives innovantes et adaptées aux nouvelles contraintes des familles.
Un des axes de ce rapport repose sur l'idée que, privé ou public, le service de la petite enfance forme un tout, dont il faut encourager le maillage territorial et la complémentarité, au service de la conciliation des temps de vie.
C'est notamment dans cet esprit que j'estime nécessaire d'encourager le développement des modes d'accueil chez les assistants maternels.
Après cette présentation succincte, j'en viens donc aux recommandations.
Aucune construction institutionnelle n'organise de façon obligatoire et systématique l'accueil des jeunes enfants en France : le « service public de la petite enfance » n'existe pas en France.
L'accueil des jeunes enfants repose donc sur la volonté des acteurs publics (les collectivités territoriales) et sur l'inventivité des acteurs privés (associations, fédérations de parents...).
Dans la formulation des recommandations, je me suis donc attaché à respecter cette double autonomie :
- des collectivités territoriales et des acteurs privés à l'origine de la mise en place des modes d'accueil ;
- des familles, dont les projets d'éducation et de socialisation de leurs enfants doivent être accompagnés.
Aussi, les recommandations proposées seront-elles toujours incitatives.
Elles poursuivent les objectifs suivants :
- clarifier l'environnement juridique de la petite enfance et, notamment, les normes qui s'imposent en matière d'accueil des jeunes enfants ;
- poursuivre la valorisation des métiers de la petite enfance ;
- accompagner et encourager les dispositifs innovants sur les territoires ;
- améliorer l'adéquation de l'offre aux besoins repérés sur les territoires.
Concernant la clarification de l'environnement juridique de la petite enfance, je vous proposerai d'adopter deux recommandations.
D'une part, les professionnels ont regretté que les normes d'hygiène et de sécurité varient d'un département à l'autre, et parfois au sein d'un même département. L'harmonisation des normes de Protection maternelle et infantile (PMI) pourrait s'articuler autour de quelques idées principales :
- la mise à disposition d'un guide de bonnes pratiques à destination des collectivités territoriales, qui permette d'harmoniser la lecture des textes en vigueur par les Caisses d'allocations familiales (CAF) et les services de la PMI ;
- la redéfinition et l'harmonisation de la notion de « mètre carré utile » par enfant (10m2 par enfant) ;
- la stabilisation des normes d'hygiène en amont du processus de construction (trop souvent, le médecin de PMI n'intervient qu'en fin de chantier, contraignant à la modification de locaux déjà installés).
Ce sera le sens de la première recommandation que je vous propose d'adopter.
D'autre part, je souhaite que le statut juridique des Maisons d'assistants maternels (MAM), qui demeure encore très incertain, soit clarifié : la direction générale de la cohésion sociale pilote depuis janvier 2015 un groupe de travail sur les maisons d'assistants maternels. Ce comité doit rendre prochainement un référentiel/guide à destination des PMI et des assistants maternels, visant à faciliter la création et la gestion d'une MAM, à en sécuriser l'exercice et à envisager les modalités d'une charte/label qualité national pour les MAM.
Il faut que la délégation soit informée des résultats de ce groupe de travail, dans la perspective éventuelle d'une amélioration de la réglementation en la matière. C'est le sens de la deuxième recommandation que je propose.
J'en arrive donc à la valorisation des métiers de la petite enfance.
Ces métiers sont encore trop peu connus du grand public, et leur spécificité n'est pas assez mise en valeur : garder des enfants, surtout en bas âge, est une responsabilité lourde et requiert des compétences et des savoir-faire précis. Le manque de reconnaissance dont souffrent les personnels des établissements d'accueils, auquel s'ajoute souvent le problème de sous-effectifs, fragilise les structures et l'ensemble de l'équilibre du dispositif. Il nous semblerait opportun de lancer une campagne nationale, diligentée conjointement par le ministère des affaires sociales et de la santé et le ministère de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Cette campagne pourrait inscrire dans son cahier des charges la valorisation de ces métiers, notamment auprès du personnel masculin.
Rappelons que 95 % des professionnels du secteur sont des femmes : il est donc nécessaire d'attirer et de recruter du personnel masculin, notamment afin que des repères masculins soient présents au sein de ces structures, en particulier dans un contexte d'éclatement du modèle familial traditionnel. L'idée est aussi de contribuer à lutter contre les stéréotypes masculins et féminins.
Comme je vous le disais, il me semble également nécessaire de sécuriser le parcours professionnel des assistants maternels.
À l'échéance de 2020, 30 % des assistants maternels partiront à la retraite. Or, les nouveaux candidats n'ont pas le même profil : ils sont plus diplômés et aspirent à une évolution de carrière.
La sécurisation de leur parcours pourrait passer par :
- un meilleur suivi et un accès plus important à la formation. À l'heure actuelle, la formation initiale de 120 heures paraît insuffisante, et nombreux sont les candidats qui réclament des formations complémentaires dans le cadre du nouveau compte personnel à la formation ;
- un soutien renforcé aux Réseaux d'assistants maternels (RAM), qui accompagnent les personnes intéressées par le métier d'assistant maternel dans leurs démarches de validation des acquis de l'expérience (VAE).
Il me semble souhaitable de soutenir l'action entreprise dans ce domaine par le secrétariat d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.
Deux recommandations vous seront présentées en ce sens.
Les trois recommandations suivantes visent à trouver des réponses flexibles et adaptées à la situation de parents dont les horaires de travail ne sont pas réguliers.
Nous l'avons déjà dit : les structures actuelles sont trop rigides, elles ne permettent pas de répondre à des besoins plus ponctuels ou à des situations d'urgence. Pourtant, des initiatives en ce sens existent dans notre pays.
La ville de Strasbourg a ainsi procédé à la mise en réseau de différentes structures d'accueils et a recouru à des personnes relais, qui interviennent tôt le matin et tard le soir pour faire le lien entre les diverses solutions d'accueil du jeune enfant dans la journée. Cette formule est probablement un exemple à suivre.
Je vous proposerai en conséquence de prévoir un dispositif d'incitation des collectivités territoriales à mettre en place des dispositifs d'accueil à horaires larges et flexibles.
C'est le rôle des CAF que de conseiller, orienter et accompagner les collectivités territoriales dans leurs projets de structures d'accueils.
Il reviendrait tout naturellement à ces organismes le soin de sensibiliser les élus et les responsables locaux à la nécessité d'organiser des dispositifs plus flexibles, adaptés à des contraintes horaires larges.
La délégation souhaite que la CNAF intervienne auprès des responsables des caisses aux affaires familiales pour promouvoir et encourager des solutions d'accueil flexibles.
Par ailleurs, il me semble essentiel de soutenir les initiatives des entreprises dont l'objectif est de permettre un meilleur équilibre des temps pour leurs salariés.
Lors de son audition devant la délégation le 5 février 2015, Jérôme Ballarin, président de l'Observatoire de l'équilibre des temps et de la parentalité en entreprise, a répertorié cinq catégories de bonnes pratiques que les employeurs peuvent mettre en oeuvre pour aider les salariés en général, et les parents en particulier, à équilibrer leurs temps de vie. À cet égard, le guide édité par l'Observatoire à destination des employeurs, en ce qui concerne les crèches, pourrait être envoyé à toutes les organisations professionnelles.
En outre, l'expérimentation lancée par l'observatoire, à travers un partenariat avec le ministère chargé des droits des femmes, d'un dispositif de conversion des droits acquis par les salariés dans le cadre d'un compte épargne temps en Chèque emploi service universel (CESU), pour financer les services à la personne, pourrait être généralisé.
Ce dispositif sera prochainement lancé officiellement.
La délégation souhaite être informée des résultats de cette expérimentation, en vue d'une éventuelle amélioration de la législation.
Enfin, la question du congé parental modulable tout au long de la vie me semble aller dans le sens d'une plus grande flexibilité.
Lors de la publication de son rapport d'information, intitulé Femmes et Travail : Agir pour un nouvel âge de l'émancipation, la délégation s'est prononcé en faveur d'un droit individuel à la parentalité (DIP), bénéficiant d'un portage en dehors de l'entreprise.
Je vous propose de reprendre cette idée, qui pourrait prendre la forme d'une nouvelle garantie sociale : le droit individuel à la parentalité, portable en dehors de l'entreprise, et cofinancé selon des modalités à définir. En effet, les besoins des enfants ne s'arrêtent pas à l'entrée à l'école et il peut survenir dans la vie des circonstances où les enfants ont besoin d'une présence renforcée de leurs parents.
Sur le dernier point, relatif à l'adéquation de l'offre aux besoins repérés sur les territoires, je formulerai trois recommandations :
- Laurence Rossignol rappelait que la COG prévoyait que 75 % des nouvelles places d'accueil devaient être créées dans des territoires où la part des modes d'accueil, au regard du nombre d'enfants de 0 à 3 ans, était inférieure à la moyenne nationale.
En conformité avec cet objectif, une partie des crédits est actuellement ciblée sur ces territoires prioritaires, via les bonifications des prestations de service et via la mise à disposition des crédits supplémentaires du fonds de rééquilibrage territorial et du fonds publics et territoires.
Les schémas départementaux des services aux familles, en cours d'élaboration dans les préfectures, vont s'accompagner de plans de développement concertés des services aux familles.
Je souhaite que le ciblage des crédits prenne en considération ces plans, afin de répondre aux besoins réels repérés sur les territoires : c'est l'objet de la première recommandation que je propose dans ce domaine.
- Bien souvent, certaines collectivités sont trop petites pour pouvoir assumer le poids financier d'une structure collective, dont le coût, a priori, reste très difficile à établir, du fait de la complexité et du manque de lisibilité des montages financiers, ainsi que des obstacles juridiques et réglementaires se présentant au cours du processus.
Il serait donc utile, parallèlement au renforcement du service d'action sociale des CAF, qui jouent un rôle important dans l'accompagnement des projets, d'élaborer un outil d'estimation des coûts qui pourrait être utilisé par les services internes des collectivités à l'initiative des projets. Tel est l'objet de la deuxième recommandation que je formule à cet égard.
Enfin, la CNAF a lancé en juillet 2014 dans quatre départements, la Loire-Atlantique, le Nord, le Rhône et Paris, une expérimentation, appelée Filoue (Fichier localisé des enfants usagers d'Eaje), afin de mieux connaître le public qui fréquente les crèches : il s'agit de faire remonter à la CNAF de façon totalement anonyme les informations des crèches qu'elle finance, notamment le nombre d'enfants accueillis, les caractéristiques des familles, le lieu de résidence des enfants ou encore l'articulation avec les autres modes d'accueil, etc.
L'objectif de la collecte de ces informations détaillées est de mieux piloter et évaluer la politique d'accueil du jeune enfant, et ainsi de mieux répondre aux besoins des familles.
Le directeur général de la CNAF a indiqué le 5 février que le dispositif était en cours de généralisation à l'ensemble des départements.
La délégation tient à s'assurer de la réalisation de cette généralisation et souhaite connaitre l'exploitation des résultats ainsi obtenus : c'est l'objet de la troisième recommandation que je vous propose.
Je vous remercie pour votre attention et, si vous en êtes d'accord, je suggère de reprendre ensemble chacune des recommandations, afin de débattre de leur formulation.
Je vous remercie d'avoir donné des exemples concrets du retrait des femmes du marché du travail, corrélativement à des dispositifs de politiques publiques leur permettant, notamment de 1994 à 1997 et de 2004 à 2006, de bénéficier d'avantages financiers.
Le raccourcissement de la durée du congé parental de 36 à 24 mois par la loi du 4 août 2014, dont vous avez parlé, pose par ailleurs la question de la continuité pour l'enfant entre ce temps de congé et l'entrée à l'école.
Faute de très petites sections accueillant les enfants de deux ans à l'école, les parents qui ont fait ce choix sont confrontés à un vide d'un an entre la fin du congé et l'entrée à l'école.
Je regrette, ensuite, que la CNAF opère une sorte de « double jeu » vis-à-vis des collectivités qu'elle enserre, d'un côté, dans des contraintes financières et réglementaires extrêmement strictes, tout en leur demandant une grande souplesse et une grande flexibilité dans les plages horaires et la capacité d'accueil.
Deux points encore : sur l'harmonisation des normes des PMI, je regrette comme vous que, à l'intérieur d'un même département, les critères d'agrément des structures puissent varier d'un établissement à un autre.
Concernant, enfin, la valorisation des métiers de la petite enfance, je voudrais soulever un point précis, issus de l'expérience de mes rencontres sur le terrain : certaines assistantes maternelles, confrontées à des difficultés d'origines diverses, sont parfois contraintes de changer de logement et se retrouvent dans des logements trop petits pour pouvoir continuer à recevoir des enfants. N'y a-t-il pas une action possible à mettre en place auprès des organismes HLM ?
Ce rapport me semble aborder la question de l'accueil de la petite enfance de façon globale, à la fois en ce qu'elle doit être un accompagnement du travail des femmes - puisque c'est l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui nous importe ici - et, en même temps, dans ses aspects organisationnels, sans oublier la préoccupation de la qualité de l'accueil dans l'intérêt de l'enfant.
Je souhaite revenir sur trois points en particulier :
- sur la notion de « service public », peut-être pourrait-on préciser ce que recouvre le « service public » de la petite enfance, en reprenant par exemple des recommandations déjà formulées au sein de la délégation ;
- notre délégation doit maintenir sa vigilance sur les problèmes auxquels sont confrontées les femmes élevant leurs enfants ;
- l'extension du congé parental à tous les âges de la vie me semble dans la continuité des avancées de la loi de 2014 et j'y suis donc favorable. À cet égard, il me semblerait logique d'inscrire cette proposition en premier, qu'en pensez-vous ?
Je suis d'accord. Il faudrait peut-être mieux préciser la recommandation n° 7 sur la réforme du congé parental. C'est à mon avis une recommandation « phare ». Je pense qu'elle pourrait figurer en première place.
L'harmonisation des normes des PMI est un sujet que j'ai eu à connaître en tant qu'élue locale. J'ai eu l'occasion de constater sur le terrain combien est stricte l'interprétation des normes édictées par les CAF. Reste que les PMI continuent de se comporter comme des « États dans l'État ». C'est donc à un changement de culture qu'il faut appeler.
Sur les disparités territoriales évoquées, est-il possible de disposer des sources auxquelles vous avez eu accès ? Par ailleurs, notamment en ce qui concerne la préscolarisation des enfants, les chiffres sont appelés à évoluer. Il serait donc utile de pouvoir en assurer le suivi.
Ce rapport confirme que l'accès aux modes de garde des enfants est un élément déterminant de la possibilité pour les femmes de garder un emploi. J'ai retenu dans les éléments que vous avez exposés l'importance des politiques publiques, la nécessité de gagner en souplesse et en flexibilité pour les structures et également celle de garantir une continuité entre la petite enfance et l'entrée à l'école. Le dernier point me semble tout particulièrement important : nous devons insister sur l'importance de donner aux parents la possibilité de scolariser leurs enfants dès l'âge de deux ans.
Sur la notion de « service public de la petite enfance », auquel je suis favorable, comment faire pour que le concept ne reste pas un voeu pieux, eu égard, notamment, à la situation des territoires ?
Ma position à cet égard est qu'il faut favoriser les modes de garde collectifs, à mon avis particulièrement importants.
Au moment de l'adoption de la loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle, qui a notamment été l'occasion d'un début de réforme du congé parental, la ministre des droits des femmes nous avait garanti que les fonds libérés par cette réforme serviraient à financer des places de crèche. Est-ce le cas aujourd'hui ?
Enfin, je terminerai par une remarque formelle : je constate que le mot « conciliation » revient souvent et j'avoue que je pensais cette terminologie dépassée, alors qu'il ne s'agit pas de concilier, mais bien d'assurer l'égalité entre les femmes et les hommes.
Par ailleurs, pourrait-on avoir des précisions sur le dispositif innovant mis en place par la ville de Strasbourg ?
Vous avez parlé de 0,5 % du PIB s'agissant des dépenses consacrées en France à la petite enfance. Peut-on avoir une vision des autres pays de l'Union européenne ? Je m'interroge, par ailleurs, sur ce que recouvre exactement la notion de « service public de la petite enfance ».
Enfin, y-a-t-il des voies de réforme possibles concernant la tarification en faveur des familles défavorisées ?
Dans certains départements, des places en crèche sont spécifiquement réservées pour les familles défavorisées, souvent monoparentales. Ne pourrait-on pas généraliser cette expérience ? Nous devons exprimer un engagement fort en faveur de ces catégories.
Je suis pour ma part extrêmement attachée au fait que des tarifs particuliers soient accessibles aux personnes défavorisées pour faire garder leurs enfants. La situation des familles monoparentales doit faire l'objet d'une attention vraiment particulière, c'est essentiel.
Je m'intéresse pour ma part aux modes de garde en entreprise, plus particulièrement aux crèches interentreprises, car cette solution semble prometteuse. Elle permet à la fois souplesse et efficacité. Il faudrait peut-être inciter les entreprises à créer leurs propres lieux d'accueil.
Je constate que ce rapport suscite un large consensus et je m'en réjouis. Sur la rigidité des directives de la CNAF, concernant notamment les taux de remplissage des structures, le rapport appelle à plus de souplesse, notamment dans les plages horaires et la capacité de répondre à des situations d'urgence d'une part, et, d'autre part, à l'harmonisation de la grille de lecture des PMI. Je constate que nous sommes plusieurs à avoir identifié cette difficulté particulière liée au manque de lisibilité des normes qui s'imposent en matière d'accueil des jeunes enfants.
Concernant la réduction du congé parental, je suis d'accord avec vous sur l'importance de permettre aux parents qui le souhaitent de préscolariser leur enfant, mais ne sous-estimons pas la réticence des instituteurs du primaires, qui est réelle. Il me semble qu'une action sur le sujet ne peut être menée qu'avec la collaboration du ministère de l'éducation nationale dont dépendent ces professionnels.
Je suis sensible aux problèmes rencontrés par les assistants maternels s'agissant du problème de logement que vous avez soulevé, chère collègue. Le rapport plaide pour le développement et la structuration des maisons d'assistants maternels qui pourraient constituer une solution face à ces situations difficiles. Je suis certain que le groupe de travail actuellement constitué sous le pilotage de la secrétaire d'État à la famille fera des propositions à ce sujet.
S'agissant du « service public de la petite enfance », les acteurs de terrain interrogés le 15 janvier n'y semblaient pas véritablement favorables. La richesse de notre système repose sur la complémentarité et la diversité des structures, publiques et privées. Ce point a été souligné par Laurence Rossignol lors de son audition : on ne peut opposer les modes d'accueil publics et privés comme on oppose parfois l'école publique et l'école privée.
Quant à la proposition de réforme du congé parental, je m'étais interrogé sur la période de la garantie envisagée : il me semble que la garantie tout au long de la vie permet aux parents de faire face à des accidents de la vie auxquels leur enfant peut, hélas, être confronté bien après sa majorité.
Les sources auxquelles nous nous sommes référés viennent de la DREES, de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et de l'INSEE. Je vous invite à consulter les notes de bas de page du rapport qui identifient précisément l'origine des statistiques citées.
Quant à faire un bilan de nos recommandations en 2017, lorsque la COG sera parvenue à son terme, j'y suis tout à fait favorable et vous avez raison de le suggérer. Il faudra, bien évidemment, intégrer le suivi de la situation des enfants de deux-trois ans.
Vous trouverez la description précise du dispositif mis en place par la ville de Strasbourg à la page 50 du rapport : il consiste à mettre en réseau des différentes personnes et structures afin de garantir à des parents dont les horaires de travail sont atypiques de confier leur enfant à une même personne tout au long de la journée.
Pour répondre à Mme Gonthier-Maurin, je vous rappelle que Laurence Rossignol nous a confirmé que toute nouvelle place de crèche créée par une collectivité bénéficie actuellement d'une aide de l'État de 2 000 euros.
Enfin, vous trouverez dans le rapport les précisions exactes sur les modes de bonification visant les personnes dites « défavorisées ».
Je voudrais insister sur le fait que le « service public de la petite enfance » ne vise pas à rendre tout mode d'accueil public mais à organiser un temps de prise en charge total pendant le temps de la petite enfance, de la naissance à l'entrée à l'école, afin qu'être mère ne soit pas un « parcours du combattant » pour la femme qui souhaite travailler.
Il faut oeuvrer pour une meilleure articulation entre les solutions d'accueil des jeunes enfants et la préscolarisation.
Ne pourrait-on pas proposer à la commission de l'éducation et de la culture de piloter une mission sur la question du « service public de la petite enfance » ?
Sans compter l'engorgement actuel chez certains assistants maternels...
La délégation passe ensuite à l'examen des recommandations.
La recommandation n° 7 devient la recommandation n° 1 et est adoptée à l'unanimité des présents et des représentés ; les recommandations suivantes sont renumérotées en conséquence.
Les recommandations n° 2 à 10, dans la nouvelle numérotation, sont adoptées sans modification à l'unanimité des présents et des représentés, à l'exception de la recommandation n° 5 sur laquelle Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Laurence Cohen se sont abstenues.
Enfin, une recommandation n° 11 est ajoutée, selon la proposition de Mme Chantal Jouanno, présidente, et ainsi rédigée :
Recommandation n° 11. - La délégation souhaite que soit engagée une mission sur la mise en place d'un service public de la petite enfance, qui recouvre l'ensemble des modes d'accueil, publics et privés.