Bienvenue à la présidente de la commission des finances, à son rapporteur général et à ses membres, qui ont bien voulu examiner avec nous un sujet de premier plan : France Télévisions, France Médias Monde, Radio France, Arte, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) occupent une place considérable dans le paysage audiovisuel français (PAF). Le budget correspondant est suffisamment important pour mériter toute notre attention - et il fait régulièrement l'objet de débats parmi nous.
Un rapport récent de la Cour des comptes a mis en évidence de nombreuses insuffisances dans la gestion de Radio France. Un groupe de travail sur l'avenir de France Télévisions, piloté par Marc Schwartz, a émis des recommandations afin d'en améliorer la gestion. En conclusion d'un colloque organisé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) il y a un an, le Président de la République avait souhaité un débat sur la modernisation de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) pour tenir compte du développement des nouveaux usages qui menacent son rendement - débat que nous avons souvent eu au Sénat. Et, à l'automne dernier, la ministre de la culture et de la communication se prononçait pour la suppression des dotations budgétaires à France Télévisions.
Dans ces conditions, il est apparu indispensable à notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'entreprendre un travail de fond sur le financement de l'audiovisuel public. Je remercie Michèle André d'avoir accepté que ces travaux soient menés conjointement avec la commission des finances. Nos deux commissions n'avaient pas collaboré ainsi sur ce sujet depuis 2011.
Merci pour votre accueil. Ce rapport est le dernier d'une série de travaux commun de nos deux commissions : rapports de Philippe Adnot rédigé avec Jean-Léonce Dupont puis avec Dominique Gillot, de Dominique Bailly avec Jean-Marc Todeschini sur le financement des stades, et de vous-même, Madame la présidente, avec Claude Belot, sur les comptes de France Télévisions.
La parole est à nos deux rapporteurs : Jean-Pierre Leleux, membre de notre commission, et André Gattolin, ancien membre de notre commission !
Les travaux que nous vous présentons nous ont occupés un peu plus de six mois. Ils s'inscrivent dans un cadre particulier, non parce qu'ils ont été conduits par deux sénateurs de sensibilité politique différente - ce qui est habituel dans notre assemblée - mais parce qu'ils concernent un sujet politiquement très sensible : le financement, et plus généralement l'organisation, de l'audiovisuel public. Nous aurions pu, sur ce sujet souvent polémique, rester prisonniers de nos engagements respectifs et de nos préjugés, mais la gravité de la situation de notre audiovisuel public nous a invités à ne pas céder à cette tentation.
Notre constat est en effet sans appel : nos sociétés de l'audiovisuel public sont dans une situation difficile et leur modèle économique traverse une grave crise qui appelle une véritable refondation. Les ressources de ces sociétés ont tendance à devenir plus fragiles et incertaines quand leurs charges ne cessent de s'alourdir, faute de réformes satisfaisantes.
Certaines dépenses ont été particulièrement commentées dans les médias ou au sein du monde politique. Le chantier de Radio France a souffert d'une augmentation continue de ses coûts, qui ont atteint 575,5 millions d'euros, près du double de leur estimation initiale. L'absence de pilotage du chantier, dénoncée par la Cour des comptes, explique en grande partie cet « accident » financier. La négociation d'accords collectifs très favorables pour les salariés constitue une autre tendance coûteuse : l'accord collectif de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) prévoit une hausse annuelle de la rémunération moyenne comprise entre 1,65 % et 1,85 %, tandis que le coût de l'accord négocié à Radio France est estimé à 4,5 millions d'euros pour le personnel non journaliste et à 800 000 euros pour les journalistes. Les plans de départs volontaires ne sont pas exempts de tout reproche : les syndicats de France Télévisions nous ont indiqué qu'une part très importante des indemnités était consacrée aux très hauts cadres de l'entreprise, proches de l'âge légal de la retraite. Que dire de la pratique consistant pour ces hauts cadres à quitter l'entreprise pour créer des sociétés de production qui deviennent des prestataires de France Télévisions ? Au-delà, nous avons été frappés par le fait que la plupart des dirigeants des entreprises que nous avons rencontrés ne nous ont pas déclaré avoir pour objectif de réduire les dépenses.
Tous les indicateurs sont au rouge. Les coûts de grille de France Télévisions n'ont pas baissé depuis 2010, parallèlement, les charges de personnel ont augmenté de 93 millions d'euros. De 2010 à 2014, les dépenses de Radio France sont passées de 624 millions à 691 millions d'euros, voire 733 millions si l'on considère les estimations pour 2015. Les dépenses d'Arte France ont augmenté de 20 millions d'euros sur la même période, mais au moins cette hausse s'explique-t-elle par un accroissement des investissements dans les programmes. La hausse des charges atteint 8 millions d'euros à l'INA, où elle correspond entièrement à des hausses de la masse salariale. Seule exception à ce tableau, France Médias Monde a vu ses charges globales baisser de 12 millions d'euros depuis 2011. Grâce au seul rapprochement des structures de France 24 et de RFI, près de 14 millions d'euros ont été économisés et redéployés depuis cette date, ce qui peut donner une idée de la marche à suivre à l'avenir.
Si cette hausse globale des dépenses pose aujourd'hui problème, c'est aussi parce que les ressources ne peuvent plus suivre. Le montant de la CAP - l'ancienne redevance - est passé de 121 euros en 2010 à 136 euros en 2015, soit une augmentation de 15 euros par foyer. La CAP constitue l'essentiel des ressources des sociétés de l'audiovisuel public, mais elle est assise sur la détention d'un poste de télévision, selon une interprétation restrictive des services fiscaux. Son évolution, stratégique, suscite donc beaucoup d'interrogations. Le décrochage menace, car les jeunes générations renoncent de plus en plus à acquérir un téléviseur et préfèrent accéder aux programmes via des objets connectés. Le taux d'équipement des ménages en télévision, qui a atteint un point haut en 2010 à 97,8 %, est retombé à 97,1 % en 2012 et ne devrait pas cesser de baisser : nous ne disposons pas encore des chiffres de l'INSEE pour 2013, mais les enquêtes de Médiamétrie confirment cette tendance. Le rendement de la CAP n'est pas encore affecté par cette évolution, du fait du dynamisme démographique, de la hausse des décohabitations et de l'inflation : la direction du budget considère qu'à droit constant, il devrait progresser jusqu'à quatre milliards d'euros en 2020, mais qu'une accélération de la baisse du taux d'équipement pourrait être perceptible dès 2018. Se pose aussi une question d'acceptabilité de la CAP, puisque des personnes peuvent aujourd'hui accéder aux programmes télévisés de l'audiovisuel public à travers des objets connectés, sans s'en acquitter.
Ainsi, une extension de l'assiette de la CAP est indispensable pour préserver son rendement et assurer l'équité fiscale, mais il reste un peu de temps pour concevoir le dispositif le mieux adapté. Le problème à régler dans l'immédiat tient à l'avenir des dotations budgétaires qui avaient été prévues pour compenser la suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions. Nous avions tous salué comme une garantie d'indépendance la décision du Gouvernement de mettre un terme d'ici 2017 à ces dotations, qui s'élevaient encore à 160 millions d'euros en 2015, grâce à une réforme de la CAP. Or, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement s'oriente vers une hausse du taux de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, ce qui semble augurer de la pérennisation des dotations budgétaires, ainsi que des mécanismes de régulation qui les accompagnent et qui nuisent à la prévisibilité des ressources des sociétés. Avec un tel système, les directions des entreprises peinent à inscrire leurs décisions d'investissement dans la durée.
Concernant la question des ressources propres, c'est-à-dire hors dotations de l'Etat et redevance, je présenterai en deux mots les principaux problèmes liés à la production pour les diffuseurs publics. D'une part, le cadre légal a pour conséquence de limiter drastiquement leurs retours sur investissements, alors que la loi impose à France Télévisions d'investir chaque année 400 millions d'euros dans la création audiovisuelle. D'autre part, l'opacité des relations avec les producteurs - les devis n'ont pas fait l'objet, comme dans le cadre de la production cinématographique, d'un formatage précis - ne permet ni des remontées de recettes satisfaisantes, ni un contrôle efficace des dépenses de production.
Ce sujet doit être traité en priorité, car les coûts d'achat des programmes de France Télévisions aux producteurs indépendants sont supérieurs à ceux de la masse salariale de l'entreprise !
La publicité, qui est un véritable serpent de mer, pose à France Télévisions un double défi : continuer à vendre des messages en journée alors que les annonceurs privilégient de plus en plus le prime time, et affronter un marché de la publicité dont la baisse structurelle a fait diminuer le chiffre d'affaires de plus de 100 millions d'euros entre 2010 et 2015. La situation est différente pour les autres sociétés. Radio France, qui maintient son chiffre d'affaires autour de 40 millions d'euros, se heurte surtout à un problème de diversification des annonceurs, tandis que France Médias Monde a réussi à augmenter son chiffre d'affaires d'un million d'euros. La publicité peut-elle constituer l'avenir du financement de France Télévisions ? Notre constat est sans appel : le marché publicitaire ne retrouvera pas ses niveaux historiques, en raison du basculement d'une partie croissante des annonceurs sur Internet. Dans ces conditions, le retour de la publicité après vingt heures ne constituerait pas une solution réaliste. De plus, il réduirait encore la spécificité du service public par rapport aux chaînes privées, et fragiliserait ces dernières, qui ne sont pas non plus en très bonne santé.
Si le service public de l'audiovisuel connaît aujourd'hui une crise financière et voit ses audiences - sur longue période - s'effriter et vieillir, c'est d'abord parce qu'il manque d'un projet clair appliqué dans la durée par des équipes ayant la légitimité et l'autorité nécessaires. L'un de nos principaux constats, qui confirme et prolonge l'analyse du rapport Schwartz, tient au fait que les faiblesses de la gouvernance et les relations compliquées avec la tutelle ne permettent pas aux dirigeants de diriger leurs entreprises sereinement. Depuis de nombreuses années, nous nous sommes focalisés sur le mode de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public, en pensant qu'il s'agissait du critère déterminant pour améliorer la gouvernance. Nous sommes désormais convaincus qu'il ne pourra pas y avoir d'indépendance de l'audiovisuel public tant que les conseils d'administration ne pourront pas jouer leur rôle, tant qu'ils seront précédés de pré-conseils d'administration entre la direction et les tutelles où se prennent toutes les décisions importantes, et tant que le calendrier politique de l'actionnaire l'emportera sur l'intérêt des sociétés, ce qui a pour conséquence de reporter systématiquement les décisions difficiles indispensables.
Ainsi, la question du financement de l'audiovisuel public ne peut être traitée séparément de celle de la gouvernance. Mathieu Gallet nous a révélé qu'il a dû concevoir le projet stratégique qu'il a présenté devant le CSA et lui a permis d'être désigné sans avoir le moindre accès aux données financières de Radio France, ce qui, compte tenu de leur forte dégradation à ce moment-là, rendait son projet, dès l'origine, irréalisable. Or, c'est bien ce projet qui est censé servir de base au contrat d'objectifs et de moyens (COM), ce dernier étant lui-même la base de référence pour déterminer le montant annuel de CAP attribué aux différentes sociétés, corrigé au regard des priorités budgétaires de l'État. Finalement, dix-huit mois après sa nomination, le président de Radio France ne dispose toujours pas d'un COM et il fait peu de doute que le document qui devrait nous être transmis d'ici peu sera assez différent des orientations du candidat. Cela pose la question de la pertinence de la désignation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public par le CSA, puisque ce dernier ne peut vérifier le réalisme des projets stratégiques des candidats au regard de la situation financière des sociétés.
La désignation de la nouvelle présidente de France Télévisions n'a fait que confirmer ce constat en jetant, de plus, le doute sur les pratiques du collège. Les arbitrages de la ministre de la culture rendus publics le 13 septembre dernier par voie de presse ont également acté le désaccord entre la société et l'État sur les moyens dont elle devrait bénéficier. Une fois de plus, le calendrier politique a pris le pas sur l'intérêt de la société. La situation des entreprises semble gelée jusqu'à la prochaine élection présidentielle, puisque le Gouvernement ne paraît pas souhaiter assumer une réforme de la CAP, compte tenu de ses annonces en matière de baisses d'impôts. Cela rendra certainement très difficile le retour à l'équilibre de France Télévisions et Radio France d'ici 2017.
Notre constat, je le souligne, ne vise pas à mettre en cause spécifiquement le gouvernement actuel : l'année dernière, j'avais apporté mon soutien à la ministre de la culture lorsqu'elle avait annoncé son intention de supprimer les dotations d'ici 2017. Les précédentes majorités n'ont pas été plus vertueuses dans le respect de leurs engagements, concernant par exemple la compensation de la suppression de la publicité décidée en 2009. Quant au mode de nomination des présidents, nous ne proposerons pas non plus de revenir à un choix par le Président de la République compte tenu de l'absence de consensus sur ce sujet.
Nous sommes convaincus qu'il est devenu indispensable de refonder l'audiovisuel public pour en assurer la pérennité, en dépassant les clivages et en privilégiant l'intérêt des citoyens. Cette refondation doit être progressive, respectueuse des salariés et cohérente avec l'état de nos finances publiques. Les propositions que nous allons vous présenter ne sont ni de droite, ni de gauche, elles s'inspirent des meilleures pratiques européennes.
Oui, nous avons voulu présenter un projet global, systémique, afin de répondre dans la durée aux enjeux auxquels doivent faire face les sociétés de l'audiovisuel public. Nos propositions forment donc un tout et nous vous invitons à replacer chacune d'entre elles dans cette cohérence globale pour en apprécier la pertinence. Afin de tenir compte des réalités politiques, nous avons pris en compte le contexte, qui fait qu'une réforme d'ampleur ne semble pas possible avant la prochaine élection présidentielle. C'est pourquoi notre scénario prévoit trois étapes d'ici 2020.
La première étape pourrait être qualifiée d'étape de transition. En 2016 et 2017, nous proposons d'abord de stabiliser les ressources de l'audiovisuel public et de redonner de la prévisibilité aux entreprises, pour favoriser le retour à une situation financière plus saine. Nous actons le fait que la réforme de la CAP pourra intervenir dans un deuxième temps, en 2018, compte tenu du fait que son rendement est garanti dans les deux années qui viennent. Ainsi, pour faire face immédiatement à la dégradation de la situation financière de France Télévisions et de Radio France, et pour éviter de faire appel à l'endettement, nous proposons d'augmenter de 2 euros au-delà de l'inflation le montant de la CAP dans son format actuel en 2016 et en 2017, en contrepartie d'objectifs de réduction des dépenses, chiffrés année après année, définis dans les nouveaux COM. Certaines pistes sont évoquées dans notre rapport. Parallèlement, la suppression des dotations budgétaires à l'horizon de 2017 serait confirmée.
Afin d'apporter plus de stabilité financière aux entreprises de l'audiovisuel public et de cesser de « déshabiller Pierre pour habiller Paul », nous proposons la création d'une réserve de 150 millions d'euros qui serait constituée en début d'année sur la CAP et viendrait en minoration des sommes réparties annuellement entre les entreprises, pour répondre aux aléas et inciter aux mutualisations, en encourageant financièrement les initiatives communes. Les crédits non consommés seraient reversés en fin d'année sur des critères de performance.
La deuxième étape interviendrait en 2018 et 2019, afin de jeter les bases d'un nouveau modèle de financement fondé sur une double réforme : celle de la CAP et celle de la publicité. La réforme de la CAP la transformerait en une contribution forfaitaire universelle, sur le modèle de l'Allemagne, qui a effectué cette réforme depuis deux ans, et de la Suisse, qui l'a adoptée par référendum, afin de rétablir la justice fiscale et la neutralité technologique. Cette réforme pourrait être prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. Elle aurait pour conséquence d'intégrer parmi les redevables plus d'un million de foyers qui ne payent pas aujourd'hui la CAP et de garantir son rendement, qui ne serait plus dépendant du taux d'équipement en téléviseurs. Cette réforme permettrait mécaniquement d'augmenter son produit de l'ordre de 150 millions d'euros, étant précisé que nous estimons par ailleurs que celle-ci nécessite préalablement une remise à plat des conditions actuelles des dégrèvements et exonérations qui pèsent sur le budget général, notamment en ce qui concerne la limite d'âge. Nous proposons que ces ressources supplémentaires soient utilisées pour repenser la place de la publicité sur le service public. Une baisse du montant de la CAP pourrait aussi être envisagée, sur le modèle de ce que souhaite faire la Suisse.
Là encore, nous avons voulu sortir du débat qui oppose les tenants de la suppression de la publicité sur le service public - dont je fais partie - à ceux de son maintien, voire de son extension. Nous reconnaissons que la suppression totale de la publicité, qui serait souhaitable, n'est sans doute pas possible financièrement, puisqu'elle nécessiterait de trouver environ 380 millions d'euros de recettes de substitution ou d'économies dans les dépenses des sociétés. Nous proposons donc une suppression partielle, qui ne serait plus fondée sur un critère quantitatif, distinguant avant vingt heures et après, mais sur un critère qualitatif. Seraient ainsi évités les messages publicitaires pour des produits ou des services qui ne seraient pas compatibles avec la protection de la santé et de l'environnement. Il s'agirait par exemple de favoriser les publicités en faveur des voitures hybrides et électriques plutôt qu'en faveur du diesel et de l'essence, des légumes et des fruits plutôt qu'en faveur des produits transformés industriels, et des investissements dans les économies d'énergie plutôt que dans la climatisation.
La France accueillera dans quelques semaines la 21e conférence des parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique avec un message essentiel : il faut changer nos modes de vie et nos habitudes de consommation. Nous proposons d'intégrer cette priorité politique dans les valeurs du service public de l'audiovisuel et, plus généralement, de réduire le temps global de la publicité. Une publicité raisonnable pourrait subsister et même être rétablie en soirée après vingt heures, mais le nombre de minutes serait globalement réduit et l'on pourrait également prévoir une interdiction totale lors des émissions destinées à la jeunesse - c'est l'objet d'une proposition de loi déposée par André Gattolin. Selon nos estimations, ce nouveau régime de la publicité pourrait se traduire par une baisse de chiffre d'affaires d'environ 100 millions d'euros, qui serait compensée par la hausse du produit de la CAP réformée. Les annonceurs de Radio France seraient choisis selon les mêmes critères, sans conséquence sur le chiffre d'affaires compte tenu de son régime restrictif actuel.
Enfin, nous sommes convaincus qu'il faut engager un rapprochement des sociétés de l'audiovisuel public qui doit commencer par une meilleure coordination de leurs projets. Aujourd'hui par exemple, les contrats d'objectifs et de moyens (COM) ne sont pas synchronisés, ce qui signifie qu'ils ne prévoient aucune mutualisation des dépenses, chaque entreprise étant considérée individuellement. Nous proposons qu'ils le soient. Les COM étant liés aux mandats des présidents, nous proposons également de faire converger ces mandats. Ceux qui arriveraient à terme d'ici là ne seraient renouvelés ou prolongés que pour la durée restant à courir jusqu'à la mise en oeuvre de la troisième étape.
Celle-ci interviendrait en 2020, avec le rapprochement des sociétés de l'audiovisuel public au sein d'un même groupe, que nous proposons d'appeler « France Médias ». Ce rapprochement favoriserait les mutualisations, la polyvalence du personnel, le développement d'une marque commune et les investissements dans le numérique. Il dégagerait aussi des économies, à travers la mise en commun des fonctions support. Nous proposons qu'une mission de préfiguration étudie l'ensemble des questions liées à la mise en place de « France Médias », en particulier sa forme juridique.
La création de ce nouveau groupe est indispensable pour rénover profondément la gouvernance de l'audiovisuel public. Nous proposons que le nouveau président de « France Médias » soit nommé par l'organe délibérant du nouveau groupe, où ne siègeraient plus les représentants des ministères de tutelle. L'État ne serait représenté que par l'Agence des participations de l'État (APE) au nom de l'État actionnaire. Le conseil délibérant serait composé de personnalités issues du secteur public et choisies pour leur expertise, ou de personnalités issues du secteur privé ayant une véritable culture de l'entreprise, tout en veillant à leur indépendance et en proscrivant les conflits d'intérêts.
Bref, nous proposons de couper le lien de dépendance et de subordination qui fait que les présidents des sociétés de l'audiovisuel public ne sont pas responsabilisés et se cantonnent souvent à demander en permanence des moyens nouveaux et à retarder les réformes. Dans ce nouveau modèle, c'est l'organe délibérant de « France Médias » qui répartirait la CAP entre ses filiales et non l'État. C'est également lui qui nommerait les dirigeants des filiales. Au terme de ces trois étapes, c'est un nouveau modèle de l'audiovisuel public qui serait ainsi refondé sur des bases solides. Nous avons souhaité vous présenter une approche globale et systémique afin de garantir la solidité du projet. J'ajoute que le rapprochement que nous proposons reflète des évolutions observées dans de nombreux pays européens, l'Espagne et la Suisse l'ayant réalisé ces dernières années. Le rôle de notre assemblée est aussi de proposer des idées ambitieuses pour aider notre pays à avancer et à ne pas rester prisonnier des schémas du passé. Il ne s'agit pas de rejouer le débat sur l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), qui appartient bien au passé. Aujourd'hui, le service public ne compte que pour un quart de l'audience face aux médias privés et Internet menace de réduire encore cette influence. Il y a donc urgence à envisager des solutions nouvelles et surtout à donner une fois pour toutes son indépendance à notre audiovisuel public.
Merci pour cette présentation très complète. Vous proposez des solutions globales. Certains de vos constats font écho à ceux que nos rapporteurs spéciaux ont pu formuler : nécessité de procéder à des mutualisations entre les chaînes, et parfois même en leur sein, évolution de leur masse salariale, érosion prévisible de la base de la CAP. Vous n'avez pas évoqué, en revanche, la question des salaires de certains cadres qui sont pourtant sans emploi. Que pensez-vous du nombre de chaînes ? L'audience moyenne de France 4, par exemple, est de 1,4 %. Selon Médiamétrie, certaines de ses émissions ont une audience de zéro, c'est-à-dire qu'elles touchent moins de cinq mille foyers ! Vous n'avez pas évoqué les chaînes d'Outre-mer, ou la multiplicité des journaux télévisés de France 3. La France n'a-t-elle pas trop de chaînes publiques ? Pour obtenir une rationalisation des dépenses, le meilleur moyen est-il d'augmenter la CAP ? Nous voyons bien, dans les collectivités territoriales, comment le fait d'être mis au pied du mur, comme nous le sommes avec la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), contraint à réaliser des économies réelles. Pourquoi France Télévisions serait-elle exonérée de tels efforts de réforme ? Le meilleur moyen pour y parvenir ne consiste-t-il pas à devoir s'adapter à une diminution des ressources ?
Voilà un débat d'actualité. Merci aux rapporteurs pour leur travail. Les propositions qu'ils formulent, toutefois, sont de nature politique et dépassent le cadre de la mission de contrôle financier qui leur était confiée. En préconisant une fusion, sur le modèle de la BBC, ils souhaitent transformer complètement le paysage audiovisuel français. Je laisserai de côté cet aspect de leur présentation, qui me semble insuffisamment étayé, pour me concentrer sur les résultats de leur contrôle financier.
Ils nous présentent la grande difficulté financière de l'audiovisuel public sans la dater. Or, notre dernier débat animé sur le sujet remonte à la loi qui a supprimé la publicité après vingt heures. Y avait-il alors un problème financier ? Au contraire ! Après des difficultés au début des années 2000, la situation s'était stabilisée autour de deux sources de financement, la publicité et la redevance, qui assuraient l'indépendance vis-à-vis du monde commercial comme de l'État. La situation était saine. La suppression de la publicité a ôté plusieurs centaines de millions d'euros à France Télévisions, suscitant une violente déstabilisation. Jean-François Copé avait alors déclaré que, « lui vivant », la redevance n'augmenterait pas d'un euro. L'État devait remplacer les ressources publicitaires par des taxes sur la publicité, qui allait fuir vers les chaînes privées. Celles-ci ont protesté, en partie à juste titre, car si elles ont bénéficié de cette manne, une partie des recettes a migré vers Internet. Bref, l'on n'a pas trouvé l'argent. Une taxe sur les télécoms fut créée, qui a été contestée à Bruxelles avant d'être pérennisée car déclarée conforme au droit communautaire. Mais l'État pouvait toujours décider de ne pas reverser cet argent à France Télévisions. Sans la publicité, le seul canal direct de financement demeure la CAP. Ne pas l'augmenter, tout en supprimant la publicité, a créé un chaos dont nous gérons encore les conséquences.
Je soutiens votre proposition d'augmenter la CAP de deux euros en plus de l'inflation. Il ne s'agit que de quelques centimes par mois, et cette hausse est indolore, comme l'a montré l'absence de protestation lors des dernières hausses. Les cinquante millions d'euros supplémentaires de produit règleront en partie les problèmes de déficit structurel.
Le service public devrait pouvoir diffuser du sport, notamment lorsque l'équipe de France joue. Or France Télévisions ne peut plus acheter un seul match après vingt heures. Pourtant, les publicités sont visibles sur les terrains : on accepte donc que les sponsors gagnent de l'argent, mais pas la chaîne qui diffuse le match ! Douze matches de l'Euro ont échappé à l'audiovisuel public, ce qui est un scandale ! L'Euro se joue en France, et le sport gratuit ne se trouve que sur France Télévisions. Nous pourrions autoriser la publicité pendant les mi-temps, ce qui règlerait ce problème.
Bref, l'origine des difficultés actuelles est la réforme de 2009. Or, en face du secteur privé contrôlé par les Bouygues et autres Bolloré, il faut un pôle public stable.
Je salue le travail des deux rapporteurs. Ils envisagent une réforme systémique en plusieurs étapes. Je ne puis approuver cependant l'augmentation de la CAP qu'ils proposent. Mieux vaut réfléchir à son universalisation, puisque chaque foyer compte désormais cinq, six ou sept écrans... C'est prendre les choses à l'envers que de proposer une augmentation de la redevance sans s'interroger au préalable sur le périmètre du service public, au moment où Delphine Ernotte propose la création d'une nouvelle chaîne d'information, alors que de nombreuses chaînes ne trouvent pas leur audience, et que les sources d'économies sont nombreuses.
Nous devons comparer le coût d'une heure d'antenne dans le public et dans le privé, par exemple, avant de recourir à la facilité que représente l'augmentation d'une taxe. La création d'un groupe unifié, « France Médias », peut constituer une source importante d'économies. Au moment où chaque organisation publique, notamment les collectivités territoriales, doit faire des économies, nous devons commencer par nous interroger sur des réformes structurelles : nombre de chaînes, système de production, types de contrats... Je n'avais pas voté la taxe dite Copé, et je m'oppose à son relèvement de 0,9 % à 1,2 %. On ne peut à la fois demander aux opérateurs de mener le grand chantier de la fibre et du haut débit pour réduire la fracture numérique et les lester de semelles de plomb !
La hausse de la redevance est une absurdité ! En ce moment, les Français sont saturés d'impôts et de taxes. France 2, France 3, France 4, France 5, Arte, l'Outre-mer, bientôt une chaîne d'information en continu, le tout pour un public réduit, n'est-ce pas trop ? Surtout, où est la mission de service public ? Certains jeux, certaines émissions de téléréalité, certaines séries ou certains films diffusés sur les chaînes publiques sont strictement identiques à ceux que l'on trouve sur les chaînes privées. La mission de service public, cela a un sens. Peut-être faudrait-il recentrer nos chaînes publiques sur ce sens, et les sortir d'un certain mimétisme avec les chaînes privées. La diversification à tout-va est trop coûteuse. Avant de se demander comment financer, il faudrait se demander ce qu'on veut financer.
La proposition n° 4.2 visant à interdire la publicité dans les plages horaires consacrées aux programmes destinés à la jeunesse a-t-elle fait l'objet d'un consensus entre les deux rapporteurs ? La proposition n° 9 qui a pour objectif de renforcer la transparence et le contrôle des prestations réalisées par les producteurs indépendants pour les chaînes publiques vise-t-elle les situations incestueuses où des anciens d'une chaîne deviennent producteurs, ou les relations familiales liant certains producteurs et certaines directions de chaînes ? Avez-vous réfléchi à ce qu'est la qualité du service public, qui devrait se rapprocher davantage de celle d'Arte que de celle de TF1 ?
L'augmentation temporaire de la CAP, que nous proposons, n'est certes pas politiquement correcte dans le contexte actuel de nos finances publiques. Nous n'y étions d'ailleurs pas favorables, puisque nous considérons qu'il faut mieux maîtriser les dépenses de l'audiovisuel public et contraindre les sociétés concernées, en diminuant leurs ressources, à participer à l'effort de maîtrise des comptes publics. Nous proposons toutefois une hausse temporaire, à contrecoeur, car cela nous paraît indispensable au vu de la gravité de leur situation financière, qu'il serait sans cela impossible de redresser à court terme. Il s'agit d'une mesure réaliste et responsable, qui donnera à court terme un peu d'oxygène à ces sociétés. Actuellement, étant donné leur inertie, elles sont incapables de réagir assez rapidement à la situation. En deux ans, France Télévisions a accumulé un déficit de 200 millions d'euros, et le besoin de financement de Radio France pour la période 2015-2019 se monte à 170 millions d'euros. Aussi avons-nous inscrit nos propositions de réforme dans un calendrier à moyen terme, comprenant trois étapes. Autrement, il faudrait envisager une réduction des périmètres et des licenciements dès 2016 !
France Télévisions et Radio France ont lancé des plans de départs volontaires pour réduire leurs effectifs. Ils doivent sans doute être amplifiés. Quoi qu'il en soit, ces plans représenteront d'abord un coût net. Sauf à réduire les investissements dans la création, la seule source d'économies véritables réside dans le rapprochement des structures, qui sera long à mettre en oeuvre. Les économies les plus faciles ont déjà été faites par France Télévisions dans le cadre du plan lancé en 2012. Nous devons donc poser la question du périmètre des chaînes, ainsi que celle du réseau de France 3. La hausse provisoire de la CAP serait conditionnée à des efforts importants de réduction des dépenses définis dans les nouveaux COM. L'augmentation du taux de la taxe sur les télécoms envisagée par le Gouvernement pourrait rapporter de l'ordre de 150 millions d'euros sur deux ans, soit un montant proche de ce que dégagerait la hausse de la CAP. Pour autant, nous n'y sommes pas favorables, car elle renouerait avec une budgétisation de l'aide à France Télévisions : cette ressource serait probablement inscrite au budget général avant de faire l'objet d'une dotation à l'audiovisuel, ce qui fragiliserait sa pérennité. De plus, elle serait répercutée aux consommateurs. Enfin, elle obérerait les capacités d'investissement des opérateurs.
Dans une deuxième étape, nous proposons une réforme de la CAP pour stabiliser enfin son produit. Son extension à un million de foyers compensera la baisse probable des recettes publicitaires. La troisième étape consiste à refonder un grand groupe audiovisuel public, nommé « France Médias » pour mutualiser les ressources et les talents. Enfin, monsieur le rapporteur général, c'est moins France 4 que France Ô qui souffre d'un audimat presque nul.
Nous n'avons pas procédé à un audit complet des sociétés et ne pouvons donc guère en dire plus sur le salaire des cadres. Les plans de départs volontaires mis en place à France Télévisions ont des conséquences parfois paradoxales et pas toujours rationnelles : aujourd'hui, ceux qui partent sont des salariés plutôt jeunes, aux compétences utiles, qu'il faut ensuite remplacer en réembauchant ! À TF1, la réduction de 12 % de la masse salariale s'est faite sans plan social, mais au cas par cas, en étudiant, pour chaque salarié, les conditions de départ et les possibilités de requalification.
France Télévisions connaît un problème de gestion des ressources humaines : elle répond aux sollicitations des politiques en organisant de grands plans de départ. Mais avec la mise en place de l'entreprise unique, des gens ont touché rétroactivement des chèques considérables sans même l'avoir demandé ! La question des cadres relève de cette problématique plus vaste de gestion des personnes. Il faudrait être plus précis sur les incompatibilités : il n'est pas acceptable de voir un directeur des programmes devenir aussitôt après son départ directeur d'une entreprise privée de production prestataire de la chaîne, avec des contrats parfois signés ou décidés par la même personne des deux côtés.
De façon générale, les COM sont trop développés ; nous proposons de suivre le rapport Schwartz sur cette question. Sur 70 pages, seules deux pages et demie concernent les relations avec les producteurs privés. Or, cela représente un poste de dépenses supérieur à celui de la masse salariale de France Télévisions. Il faudrait au minimum établir des normes comparables à celles établies par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour les devis de production cinématographique.
Madame Bouchoux, nous avons voté dans la loi relative à l'indépendance de l'audiovisuel public du 15 novembre 2013 une disposition visant à permettre aux chaînes du public de détenir des parts de coproduction, pour favoriser un meilleur intéressement aux droits audiovisuels, mais le décret d'application, venu plus d'un an et demi après le vote de la loi, après moult négociations avec les producteurs, en a donné une interprétation si restrictive que cela la vide de son sens. Il y a d'autres modèles que le modèle français fondé sur la redevance et la publicité, Monsieur Assouline : certains s'appuient sur des ressources propres bien supérieures grâce à la revente des productions. Lorsque le public finance une production, il doit avoir un retour sur investissement. Or aujourd'hui, des coproducteurs ayant financé 4 % ou 5 % des coûts touchent 90 % ou 95 % des droits d'exploitation !
Quant au périmètre, la proposition de Delphine Ernotte de créer une nouvelle chaîne d'information continue, même sur Internet, a-t-elle un sens ?
Je n'ai pas d'avis définitif sur cette question. Mais je crois plus dans le développement d'applications qu'en une chaîne linéaire. La délinéarisation sera le principal vecteur d'attraction des jeunes envers le service public. Le coût de France 4 et ce qu'elle rapporte sont en décalage, voyons ce que proposera la nouvelle direction. La suppression de France Ô, qui a eu 0,6 % d'audience moyenne en 2014, représenterait une économie de 10 millions d'euros : ce n'est pas la panacée, même s'il faut sans doute vérifier ces chiffres, donnés par France Télévisions.
Enfin, notre proposition d'interdire la publicité autour des émissions pour les enfants a pour but de protéger les publics les plus fragiles. Le service public doit montrer l'exemple. David Assouline a raison à propos des écrans de mi-temps lors de la diffusion de matchs.
Votre rapport contient-il un bilan chiffré d'ici 2020 avec une présentation annuelle ? Qu'entendez-vous par « publicité raisonnable » ? Ne nous faisons pas d'illusion sur ce que cela peut rapporter ; je crois plus à la mutualisation. La hausse de la redevance et des taxes est une fuite en avant. Si nous cherchons une solution de transition, je préfère passer par une dotation du budget général, pour donner un peu d'oxygène aux chaînes publiques, que par une augmentation de la redevance.
Merci aux rapporteurs pour les informations et les propositions qu'ils nous fournissent. Combien est-on payé pour faire 200 millions d'euros de déficit ? Lorsqu'un nouveau président arrive, la première chose qu'il fait est de constater le déficit et de demander plus d'argent, puis, plutôt que de faire des économies, de créer une nouvelle chaîne... C'est étonnant. Nous allons dans le mur, avez-vous dit. Avez-vous analysé la possibilité de supprimer une chaîne : combien cela coûte-t-il ? Est-ce une option ?
Ce rapport permet de relancer un débat bienvenu. Cela me rappelle la discussion de la loi Copé, que je n'avais pas votée, car elle n'abordait pas le coeur du problème : le périmètre. À la lecture de vos propositions, reste le sentiment que si vous allumez votre poste, vous avez plus de chaînes qu'il n'y a de boulangeries artisanales à Paris. Or nous ne donnons pas 4 milliards d'euros pour en augmenter ce nombre... Si la première étape est d'augmenter la taxe et la deuxième de stabiliser, vous savez que cette deuxième étape n'arrivera jamais. Il faut réduire drastiquement le périmètre.
Vous déclarez que supprimer France Ô représenterait une économie de 10 millions d'euros. Voulez-vous supprimer tout le système audiovisuel ultramarin ? Je vous rappelle que nous avions mis en place cette chaîne pour compenser l'absence totale de l'Outre-mer sur les chaînes nationales, et que les chaînes régionales sont très importantes.
Je suis sur la même longueur d'ondes que nos rapporteurs. C'est la première fois que l'on envisage de rapprocher toutes les sociétés de l'audiovisuel public, y compris extérieur - France Médias Monde, dont vous proposez de vous inspirer pour créer « France Médias ». C'est une nécessité urgente. Oui, l'heure est venue de redéfinir la notion d'audiovisuel public, et par conséquent son périmètre.
En tant que Français établi hors de France et administrateur de France Médias Monde, je me réjouis que, pour la première fois, la globalisation soit prise en compte de manière à internationaliser le national sans le diluer. Au conseil d'administration, je constate les problèmes que rencontre l'entreprise avec les ministères de tutelle. Je ne porte pas de jugement sur la qualité des personnes qui les représentent, mais ils ont une vision sectorielle et non transversale. Votre proposition de ne nommer qu'un seul représentant pour l'actionnaire unique qu'est l'État est bienvenue. Cela n'empêcherait naturellement pas les ministères de s'exprimer en amont.
France 24, que peu de Français connaissent, souhaite être diffusée sur le territoire national, mais est bloquée par le CSA. Les Français, qui la financent, ont le droit de la regarder. A la proposition de Delphine Ernotte de créer une nouvelle chaîne, je préférerais réorienter l'action de France 24 vers le national.
Roger Karoutchi évoque l'exemple de la téléréalité sur les chaînes publiques ; il pose une question de fond : que voulons-nous voir à la télévision publique ? Or ce rapport ne s'en préoccupe pas ; il entre dans le sujet par la petite porte, celle du financement. Prudence ! Nous ne pouvons pas analyser la situation sans connaître l'histoire. Je partage la théorie du chaos de David Assouline. L'audiovisuel public a besoin de ses deux jambes pour marcher, redevance et publicité, mais nous ne devons pas nous interdire de recourir à une dotation de l'État, la question de l'indépendance restant entière. Certes, nous ne consacrons pas 4 milliards d'euros à augmenter le nombre de boulangeries artisanales, mais sans doute plus à aider, au titre de la solidarité nationale, nos concitoyens éprouvant des difficultés à subvenir à leurs besoins quotidiens. Si nous voulons un service public, il nous faut de l'argent public.
L'éthique de la publicité ne concerne pas que le service public. Si nous prenons au sérieux nos ambitions pour la COP 21, nous devons l'imposer aussi aux chaînes privées. Ce serait à l'honneur de la télévision française dans son ensemble. Il ne faudrait pas plomber encore plus les recettes des chaînes publiques. Nous sommes par ailleurs en faveur de la publicité sur les chaînes publiques, dont elle constitue, que l'on s'en plaigne ou non, l'un des modes de financement.
Merci aux rapporteurs pour la diversité de leurs propositions. Il faudrait néanmoins approfondir la réflexion sur le périmètre. Les dépenses de personnel ont augmenté de plus de 10 %. Avez-vous observé des différences statutaires qui rendraient une fusion des sociétés plus difficile, et dès lors plus coûteuse ? Avez-vous envisagé de faire entrer dans le périmètre les deux chaînes parlementaires ?
Avez-vous utilisé le rapport Brucy, auquel Jean-Pierre Leleux et moi-même avions été associés ? Il y aurait plus de cent personnes chargées de contrôler si les contribuables ont ou non une télévision : est-ce une légende ?
Nous avons en effet utilisé le rapport Brucy, qui présente des pistes excellentes. Ce sont 181 personnes qui sont actuellement affectées au contrôle. Pour la CAP, nous optons pour le système universel à l'allemande, car le rapprochement de sa perception avec celle de la taxe d'habitation ne suffit pas.
Je suis d'accord avec Louis Duvernois sur France Médias Monde : nous avons une chaîne d'information continue d'une grande dimension internationale et créant une plus-value importante grâce à ses reportages ; nous pourrions imaginer d'en réaliser une déclinaison plus nationale. France Télévisions a plus de dépenses que prévu. La négociation se poursuit sur la fusion entre RFI, cette vieille dame de soixante-dix ans, et France 24, cette start-up de l'information. Nous en avons discuté avec Marie-Christine Saragosse et Victor Rocaries, le directeur général délégué de France Médias Monde : la réduction des coûts qu'ils ont réussi à obtenir depuis 2011 est intéressante.
Le montant des économies qu'une suppression de France Ô permettrait, n'est pas considérable. À aucun moment il n'a été question de remettre en cause les antennes locales ultramarines. France Ô devait valoriser la présence sur le territoire national de nos concitoyens d'Outre-mer, mais son audience est faible ; peut-être serait-il plus efficace de poursuivre le même objectif sur des canaux qui ont une audience supérieure. La vraie économie est à rechercher du côté de France 3, dont les seules antennes régionales regroupent 3 400 équivalents temps plein. Nous proposons de les réorganiser selon les nouvelles régions, avec une possibilité de décrochages et d'antennes locales. C'est déjà le cas en Rhône-Alpes-Auvergne. Dans un petit territoire ultramarin de moins de 6 500 habitants, l'antenne de France 3 compte 87 salariés dont 20 journalistes, soit un journaliste pour 320 habitants ! De même, France 3 Corse a des effectifs comparables à ceux de France 3 Île-de-France. Certaines équipes ont été constituées avec un objectif annuel de production ; l'objectif a été abandonné, mais les équipes restent...
Nous avons cherché des solutions pérennes, capables de traverser les alternances et de ne pas susciter de débats frontaux comme par le passé. La structure des ressources de l'audiovisuel public français est différente de la moyenne européenne, où les recettes propres sont plus importantes. Le niveau intellectuel parfois faible de certaines émissions pose la question de la publicité, car c'est bien la recherche de l'audimat, en vue de la publicité, qui conduit les chaînes publiques à diffuser de tels programmes. Je partage la proposition 4.2. Nous avons voulu être réalistes et responsables.
Nos deux rapporteurs ont enrichi nos deux commissions par leur remarquable travail. Je ne doute pas que nous en autoriserons la publication.
Oui, grâce à un travail très approfondi et sans complaisance, les rapporteurs confortent le bien-fondé de l'audiovisuel public tout en soulignant les dysfonctionnements d'un système qui repose encore trop sur la culture de la dépense. Le mode de financement ne peut toutefois pas être détaché des autres questions : votre approche globale permet une mise en perspective bienvenue ; nous avons trop pris l'habitude de légiférer au coup par coup. Ainsi, dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé, des collègues proposaient de supprimer certaines publicités, alors qu'une proposition de loi l'interdisant pour les programmes jeunesse nous sera bientôt présentée... Votre excellent rapport éclairera nos débats sur la loi de finances.
Je tiens à rappeler que la taxe sur les opérateurs, bien qu'affectée au budget général, devait être intégralement reversée à l'audiovisuel public, afin de compenser la fin de la publicité le soir ; si elle l'a été au début, ce n'est plus le cas ces dernières années. Il conviendrait d'en tenir compte, pour statuer sur les modalités à retenir pour la période transitoire avant la réforme de la CAP prévue pour 2018.
En 2009, la réforme de l'audiovisuel public a fusionné les 49 sociétés de France Télévisions ! Bruno Retailleau parle d'une source d'économies ; c'est aussi une source de lisibilité et d'efficacité, dans un monde globalisé. En effet, sans champion européen, sans société puissante, nous aurons du mal à répondre aux défis du monde numérique contemporain.
Les commissions de la culture et des finances autorisent la publication de la communication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est levée à 10 h 40.