Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Alain Vasselle, président, la mission a procédé à l'audition de Mme Yannick Moreau, présidente de la section sociale du Conseil d'Etat.
A titre liminaire, Mme Yannick Moreau, présidente de la section sociale du Conseil d'Etat, a souligné les nombreuses améliorations apparues ces dernières années, notamment avec la création des lois de financement de la sécurité sociale. Il reste cependant plusieurs points préoccupants. En particulier, le Gouvernement peut créer tout au long de l'année des exonérations de cotisations sociales pour des montants parfois substantiels et de façon totalement indolore, la compensation de ces exonérations n'étant envisagée qu'au moment de la discussion du projet de loi de financement. Ce décalage dans le temps entre la décision d'exonération et sa compensation entraîne en pratique un contrôle très faible sur la dépense publique. Phénomène aggravant, la question de la prise en charge des exonérations n'apparaît le plus souvent qu'en annexe aux deux lois financières et passe relativement inaperçue.
Par ailleurs, telles qu'elles existent, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pourraient finir par poser un problème de sincérité des comptes dans la mesure où ces deux documents peuvent ne pas être en concordance sur le montant des recettes et des charges. Le fait que les deux textes ne soient pas examinés en même temps lors de leur passage au Conseil d'Etat ou au Conseil constitutionnel accroît ce risque.
Une troisième difficulté provient de ce que les arbitrages faits le sont le plus souvent au détriment de la sécurité sociale, sauf lorsqu'il existe un grand « ministère des affaires sociales » dont le titulaire dispose de suffisamment de poids politique pour imposer ses choix. La grande taille de ce ministère n'est cependant pas un gage d'efficacité globale.
Enfin, l'Etat ne paie pas ce qu'il doit pour ses fonctionnaires au titre des cotisations sociales et ne montre pas une qualification exemplaire dans la gestion des transferts sociaux, car il mélange constamment la politique salariale, dont il souhaite minimiser les coûts, et les dépenses au titre des retraites. En pratique, il préfère accorder des bonifications à ses retraités plutôt que des primes à ses fonctionnaires lorsqu'ils sont en activité.
De ce point de vue, il est regrettable que la réforme annoncée des régimes spéciaux ne s'étende pas jusqu'au régime de ceux des fonctionnaires de l'Etat qui ont des avantages supplémentaires par rapport aux autres, notamment du point de vue de l'âge et des bonifications.
Abordant la question d'une éventuelle fusion des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, Mme Yannick Moreau a estimé que cette idée se heurte à de nombreuses objections. En premier lieu, cette évolution comporte le risque d'une étatisation de la sécurité sociale, en contradiction forte avec les principes fondateurs établis en 1945. Or, face aux réformes nécessaires, il est plus efficace d'associer les partenaires sociaux, ce qui n'est pas facile pour l'Etat. L'exemple du conseil d'orientation des retraites montre l'intérêt d'un processus débordant largement les décideurs étatiques.
D'une façon générale, la société française se caractérise par la dureté des relations dans le domaine social. Au sein de cette société dure, il reste deux éléments d'équilibre : la sécurité sociale et les services publics.
Dans le même ordre d'idées, la fiscalisation accrue des recettes de la protection sociale, ces dernières années, n'est pas un argument justifiant la mise à l'écart des partenaires sociaux et le changement d'organisation de la sécurité sociale. Une fusion de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale en un seul document au prétexte de la prépondérance du financement par l'impôt conduirait à mettre en place un « monstre » impressionnant qui ne serait pas le gage d'une bonne gestion.
A ce sujet, il faut relever, comme cela a été fait à l'occasion des études de la Cour des comptes dans le cadre de son travail de certification, que les administrations centrales ne sont pas bien organisées, ni pour tenir des dossiers de pension, ni pour assurer une maintenance continue de modèles de projections de dépenses. Les mutations des fonctionnaires qui créent ces modèles sont trop souvent, dans les faits, l'occasion d'une perte des éléments à partir desquels les calculs de simulation ont été effectués, par défaut de transmission de ces informations aux nouveaux arrivants.
Une fusion partielle des deux lois financières est peut-être possible, des reclassements sont sans doute envisageables. Mais, pour ne prendre que l'exemple de la branche famille souvent citée comme pouvant basculer dans le périmètre du budget de l'Etat, une telle opération n'apparaît pas opportune. Cette branche comporte en effet un mélange fort de solidarité et d'assurance. L'impossibilité, vérifiée sous le gouvernement de Lionel Jospin, de placer sous condition de ressources les allocations familiales à proprement parler est un indice qu'il faut prendre au sérieux.
En revanche, on peut soutenir que la confection d'un « jaune » qui retracerait l'ensemble de l'effort national - social, budgétaire et fiscal - en faveur de la famille, serait un pas vers une meilleure information du Parlement et des partenaires sociaux.
Par ailleurs, même si l'on conserve deux lois distinctes, il est important que l'exécutif comme le législatif aient une vision consolidée des finances publiques. Des propositions peuvent être faites en ce sens : elles peuvent concerner le déroulement des procédures, la confection de divers documents et les mécanismes de mise en oeuvre financière.
S'agissant des procédures, Mme Yannick Moreau a estimé que, d'une façon générale, les arbitrages interministériels sont faits trop tard. Trop de réunions se déroulent sans rédaction de « bleus ». L'idée de créer auprès du Premier ministre un secrétariat général des finances publiques afin d'améliorer la fonction d'arbitrage qui revient à Matignon pourrait être explorée.
Il serait par ailleurs souhaitable que la norme de progression des dépenses de l'Etat soit élargie à la dette que celui-ci a contractée à l'égard de la sécurité sociale. On pourrait également concevoir des modalités de travail en commun entre les diverses commissions parlementaires saisies du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant de la confection de divers documents, on peut imaginer par exemple un document transversal commun à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale pour la famille, répondant aux objectifs décrits plus haut. Ce « jaune » contiendrait des informations sur les dépenses fiscales qui sont actuellement très mal prises en compte pour mesurer les efforts collectifs dans ce domaine comme dans bien d'autres.
En ce qui concerne enfin les mécanismes de mise en oeuvre financière, Mme Yannick Moreau a estimé qu'il serait intéressant d'explorer la voie d'une modification de la loi organique afin de donner un rôle essentiel aux lois de financement de la sécurité sociale pour l'adoption des exonérations de cotisations prévues par d'autres textes. L'idée serait en effet que les exonérations votées tout au long de l'année par le législateur ne deviennent effectives qu'après qu'elles auront été récapitulées et adoptées définitivement en loi de financement de la sécurité sociale. Ce regroupement permettrait de vérifier la compatibilité des exonérations entre elles et avec l'équilibre d'ensemble des finances sociales et d'arbitrer entre l'adoption de ces exonérations ou de privilégier d'autres formes de dépenses.
L'annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui retrace les exonérations, apparaît de ce point de vue insuffisante, précisément parce qu'elle ne permet pas ce travail indispensable de rapprochement de toutes les données d'ordre financier et n'a qu'une portée réduite.
On peut citer en exemple à ce sujet les transferts de compétences nouvelles et des financements correspondant aux collectivités territoriales qui ne rentrent définitivement en vigueur qu'après le vote des dépenses correspondantes au sein de la plus prochaine loi de finances.
Toujours au chapitre des mécanismes de mise en oeuvre, on pourrait prévoir un système d'avances versées trimestriellement par l'Etat aux organismes de sécurité sociale en contrepartie des prestations que la sécurité sociale verse pour le compte de l'Etat. Cette technique permettrait d'éviter que ne se recréent des dettes du second au détriment de la première.
a demandé des précisions sur les modalités d'examen par le Conseil d'Etat des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
a rappelé, à titre liminaire, que le Conseil d'Etat ne se prononce pas en opportunité sur les projets dont il est saisi. S'agissant des projets de loi de financement de la sécurité sociale, leurs délais d'examen sont extrêmement courts. La partie pluriannuelle n'est généralement remise aux différentes caisses que deux jours avant la date à laquelle elles doivent se prononcer, ce qui limite le sérieux de l'avis qu'elles peuvent élaborer. D'autre part, les hypothèses sur lesquelles est fondée cette annexe pluriannuelle pâtissent d'une totale absence de publicité. Au total, le document fourni apparaît largement incontrôlable.
Pour autant, le Conseil d'Etat a accumulé au cours de ces dernières années une information importante sur l'évolution des finances sociales, notamment grâce aux rapports annuels élaborés par la Cour des comptes. Le Conseil d'Etat effectue ainsi une analyse des chiffres de progression des dépenses et exerce une sorte de contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation sur les taux d'évolution annoncés. Même s'il ne l'a pas fait jusqu'à présent, il ne s'interdirait ainsi pas de contester des normes de progression qui lui paraîtraient manifestement erronées.
L'examen des articles à proprement parler est effectué avec deux objectifs : le texte proposé doit être convenablement rédigé au regard du principe de lisibilité de la norme juridique ; par ailleurs, sur le fond, il ne doit pas être contraire à la Constitution ou à une convention internationale.
En outre, un examen détaillé est fait sur l'existence éventuelle de « cavaliers sociaux ». C'est-à-dire que l'on recherche les dispositions qui, en application de la loi organique, n'ont pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Force est de constater que ce contrôle prend un temps considérable.
Une solution consisterait à réhabiliter les projets de loi portant diverses dispositions d'ordre social qui permettent de faire passer l'ensemble des dispositions qui ne trouvent pas leur place en loi de financement ou dans des textes spécifiques. Ce type de texte a aujourd'hui disparu notamment parce que les gouvernements sont devenus réticents à recourir à cette technique, mais il serait utile d'en prévoir au moins un par an ou tous les deux ans, ce qui permettrait de redonner à la loi de financement de la sécurité sociale son véritable rôle.
a souhaité obtenir des précisions sur les propos de Mme Yannick Moreau relatifs aux régimes spéciaux et au régime des fonctionnaires de l'Etat.
a confirmé que, dans son esprit, la fonction publique d'Etat constitue bien un régime spécial. Celle-ci a certes été concernée par la réforme de 2003, d'une part avec l'application du principe d'indexation des pensions sur les prix, d'autre part avec l'alignement de la durée de cotisation sur les règles du privé. Cet alignement n'a d'ailleurs pas été fait a minima et le Gouvernement a bel et bien introduit la décote déjà applicable au secteur privé dans la fonction publique.
Si cet effort n'est pas contestable, force est toutefois de constater qu'il reste un certain nombre de difficultés pour des catégories particulières de fonctionnaires. L'Etat a tendance à renvoyer vers des systèmes de bonification ou de départs précoces des avantages financiers qui auraient normalement dû être accordés sous la forme d'améliorations de salaire au bénéfice des actifs. La situation des fonctionnaires est de ce fait très hétérogène et cette question est largement ignorée, d'autant plus que le taux de cotisations fictives fait une moyenne qui n'a pas grand sens.
En admettant que certaines bonifications soient parfois un mécanisme bien adapté, il faut constater que l'évaluation de leurs coûts et de leurs justifications est restée aujourd'hui trop faible.
Au terme d'un débat auquel ont participé Mmes Raymonde Le Texier et Annie Jarraud-Vergnolle, Mme Yannick Moreau a rappelé que le Conseil d'Etat n'est pas principalement un organe financier. Elle a reconnu toutefois qu'il existe des marges d'amélioration dans son travail d'examen de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, estimant notamment qu'il serait envisageable que les deux sections, section des finances et section sociale, aient un regard commun sur les points de recoupement entre les deux textes. Des progrès pourraient ainsi être réalisés dans l'appréciation de la sincérité des comptes, à travers la confrontation des deux documents.
a fait observer que, depuis son origine, l'Ondam a reposé, sauf exception, sur des projections qui ne se sont pas vérifiées et il s'est interrogé, dans ces conditions, sur la portée du contrôle de l'erreur manifeste effectué par le Conseil d'Etat. Il a par ailleurs rappelé son souhait que les projets de loi soient accompagnés d'études d'impact financier et a regretté que celles-ci aient en pratique disparu.
a reconnu que, jusqu'à présent, l'examen de l'annexe financière du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas spontanément celle qui attire le plus l'attention des conseillers d'Etat. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel n'a jusqu'à présent jamais remis en cause la sincérité des comptes inscrits en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale. Ceci n'incite pas à un contrôle approfondi.
Pour autant, il serait envisageable que des rencontres informelles entre le Conseil d'Etat et la Cour des comptes, après la publication du rapport de la Cour au mois de septembre, permettent d'examiner plus précisément les hypothèses chiffrées du projet de loi de financement de la sécurité sociale et d'apprécier leur crédibilité.
Ensuite la commission a procédé à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
a indiqué que les comptes de la Cades viennent d'être arrêtés et seront présentés dans quelques jours à son comité de surveillance. Le résultat de l'exercice 2006 s'est élevé à 2,8 milliards d'euros. Il a été intégralement consacré au remboursement de la dette pour un montant légèrement supérieur à l'objectif d'amortissement rectifié de 2,77 milliards d'euros fixé par la loi de financement de la sécurité sociale.
Depuis sa création, la Cades a perçu 50 milliards d'euros de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Elle a pu amortir 32 milliards d'euros sur les 107,7 milliards de dette reprise, conformément aux lois votées par le Parlement, et 18 milliards d'euros d'intérêts ont été versés aux investisseurs.
Pour 2007, le programme de financement de la caisse devrait être de l'ordre de 9 milliards d'euros.
Dans le détail, le résultat de l'exercice 2006 (2,8 milliards d'euros) est égal à la différence entre le produit de CRDS perçu, qui s'élève à environ 5,5 milliards d'euros, et le montant des intérêts versés, qui atteignent 2,66 milliards d'euros. En 2005, le résultat avait été négatif, à hauteur de 367 millions d'euros, du fait d'un versement à l'Etat de 3 milliards d'euros.
Les emprunts de refinancement émis sur le marché par la Cades le sont dans des conditions identiques à celles des deux principales agences européennes, la KFW allemande (Kasse für Wiederaufbau) et la BEI (Banque européenne d'investissement). Le très léger surcoût des emprunts de la Cades par rapport à ceux émis par l'Agence France Trésor pour le compte de l'Etat est le même que celui supporté par la KFW en comparaison du coût des emprunts de l'Etat fédéral allemand.
Au titre des ressources, le produit de la CRDS provient, pour près des deux tiers, du prélèvement sur les revenus d'activité. Les revenus de remplacement, dont les retraites, représentent 22 % de l'assiette de la contribution, les revenus du patrimoine et les placements, 12 %. La croissance de cette ressource est assez régulière. La hausse sensible du produit de la CRDS constatée en 2006 (+ 5,48 % par rapport à 2005) est due aux nouvelles modalités de taxation des plans d'épargne logement (PEL) qui ont entraîné un gain net de 100 millions d'euros. Les effets de cette mesure, inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, sont limités à l'exercice 2006.
S'agissant des émissions et de la structure de la dette, M. Patrice Ract-Madoux a fait observer qu'en 2007, le montant des échéances d'emprunt reste supérieur au montant de la dette amortie annuellement. L'inverse devrait se vérifier à partir de 2014.
Il a rappelé que, depuis la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, il n'est plus possible de transférer à la Cades de nouvelles obligations sans prévoir les ressources lui permettant de conserver son horizon de remboursement complet de l'ensemble de la dette sociale. Cet horizon n'est plus fixé par la loi depuis 2004, mais procède d'un calcul. En l'état, il existe une chance sur deux pour que tous les emprunts aient été remboursés d'ici quinze ans (2022), cinq chances sur cent que ce remboursement total ait pu être effectué avant treize ans (2020) et, également, cinq chances sur cent pour que la totalité des emprunts ne soit remboursée qu'au-delà d'un délai de dix-neuf ans (2026).
Grâce à une CRDS dynamique et parce que la banque centrale européenne a pris son temps pour augmenter ses taux, la Cades a vu ses perspectives s'améliorer, gagnant une à deux années sur la durée présumée de son activité.
Toutefois, force est de constater qu'une nouvelle ouverture de la caisse ne peut être exclue eu égard au montant élevé du déficit de trésorerie porté par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) qui pourrait dépasser le plafond de 28 milliards d'euros prévu en loi de financement pour 2007. Si la Cades devait reprendre une trentaine de milliards de dettes, la règle de stabilisation de l'horizon de remboursement étant par ailleurs maintenue, il faudrait alors prévoir de porter de 0,5 % à 0,7 % le taux de la CRDS, 0,1 point de CRDS représentant environ 15 milliards d'euros de recettes supplémentaires.
En réponse à une question de M. François Autain, M. Patrice Ract-Madoux a justifié l'existence de la Cades et la distinction opérée en 1996 entre la gestion de la dette sociale et la gestion de la dette de l'Etat par l'Agence France Trésor. La dette sociale doit être isolée car elle ne devrait pas en principe exister eu égard à la nature même des dépenses sociales. Sa mise en exergue et son financement par une ressource dédiée ont une valeur pédagogique pour les citoyens qui doivent savoir ce qu'elle coûte.
Il convient par ailleurs de relativiser le débat sur le surcoût de cette gestion séparée des deux dettes. Ce débat est régulièrement relancé par les articles que publie M. Philippe Marini, rapporteur général du budget, dans la presse.
Le premier effet, paradoxal, de ces articles de presse est qu'ils ont provoqué une baisse de la prime de risque payée par la Cades ou « écart agence ». Alors qu'elle était de dix points de base en moyenne, ce qui est de toute façon très faible, elle est aujourd'hui descendue à cinq ou six points environ car les banques acheteuses ont conclu des propos de M. Philippe Marini que la Cades allait disparaître ainsi que le gain réalisé sur ses emprunts par rapport aux emprunts émis par l'Etat français. L'augmentation des achats d'emprunts Cades a mécaniquement entraîné une baisse de « l'écart agence ».
Par ailleurs, « l'écart agence » n'existe que sur la partie de l'activité commune à la Cades et à l'Agence France Trésor, c'est-à-dire les emprunts importants libellés en euros. Or, la Cades émet également des emprunts libellés en devises étrangères, ultérieurement convertis en euros, pour lesquels elle obtient des conditions égales, voire plus avantageuses que celles obtenues par l'Etat pour ses emprunts. Toutefois, la part de ce type de ressources demeure limitée, faute de décret permettant d'en accroître la proportion.
Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Daniel Lenoir, directeur général de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF).
a rappelé, à titre liminaire, l'expérience acquise par M. Daniel Lenoir en matière de financement de la protection sociale comme directeur général de la mutualité sociale agricole (MSA), puis, à partir de 2002, de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), enfin, comme directeur général de la fédération nationale de la mutualité française (FNMF), à compter de 2005. Son audition s'inscrit dans la réflexion menée par la Mecss autour de l'idée, avancée au cours de la discussion budgétaire de l'automne dernier par le gouvernement de l'époque, d'une fusion des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
s'est déclaré défavorable à la proposition de fusionner les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, en raison de la différence de logique à l'oeuvre dans le champ de la protection sociale et dans celui des finances publiques. L'existence de textes législatifs distincts ne fait pas obstacle, à son sens, à un suivi global de l'évolution des prélèvements obligatoires et de leur destination, ni à une gestion commune de la dette publique. Le report des déficits sur les générations futures est une très mauvaise solution. Il est nécessaire que les représentants de la nation arbitrent les objectifs de dépenses de la sécurité sociale et déterminent les moyens de respecter l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ainsi que les conditions du respect de cet objectif.
Selon lui, les lois de financement de la sécurité sociale, dont le contenu a déjà été amélioré avec l'adoption de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, doivent faire l'objet de modifications complémentaires. Le périmètre des comptes sociaux ne doit pas se limiter aux comptes de la sécurité sociale mais être étendu à l'ensemble des dépenses engagées pour la prise en charge de chaque risque couvert. Il a cité à cet égard l'exemple de la santé, secteur au sein duquel devraient être prises en compte les dépenses remboursées par l'assurance maladie, celles couvertes par les assureurs complémentaires, enfin celles restant à la charge des ménages. En restreignant la loi de financement de la sécurité sociale aux dépenses des régimes obligatoires d'assurance maladie, le législateur ne dispose que d'une vision partielle des dépenses du secteur.
Poursuivant sa réflexion, il a avancé l'idée d'une loi-cadre pluriannuelle destinée à fixer les évolutions des finances publiques et sociales. Un tel dispositif serait susceptible de prévenir l'intervention du comité d'alerte, d'une part, et de donner à tous les acteurs une meilleure visibilité sur les évolutions du secteur social, d'autre part. Il permettrait la prise en compte des évolutions à venir dans le champ de la protection sociale comme, par exemple, la prise en charge de la dépendance. Cet exercice pluriannuel permettrait en outre de retracer l'effort financier que la nation consacre à la prise en charge des risques sociaux ainsi que la répartition des fonds affectés à chacun de ces risques.
Abordant la question de la maîtrise des dépenses, M. Daniel Lenoir a estimé que la réforme de l'assurance maladie réalisée en 2004 se solde par un échec. En effet, la Cnam n'est pas en mesure, pour des raisons structurelles, de maîtriser l'évolution des dépenses de santé. Une réflexion sur la répartition des rôles entre les différents intervenants est indispensable afin de définir le rôle et le périmètre d'intervention des régimes obligatoires et des régimes complémentaires.
Cette absence de prise en compte de l'intégralité des dépenses de santé constitue un frein à la politique de maîtrise des dépenses de santé et conduit à des reports de charges constants du régime obligatoire vers les assureurs complémentaires et les assurés.
Cette pratique devenue courante, ainsi que l'illustrent les nouveaux transferts envisagés, sans concertation, dans le cadre du plan de redressement établi par la Cnam à la suite de la notification du comité d'alerte, ne constitue pas une politique satisfaisante. La question de la maîtrise des dépenses intéresse tout autant les régimes obligatoires que les régimes complémentaires. Pour compléter sa démonstration, M. Daniel Lenoir a souligné que la mise en oeuvre d'une nouvelle politique de prise en charge de la dépendance doit également constituer un espace de collaboration entre les régimes obligatoires et complémentaires.
Une telle collaboration trace les contours d'une nouvelle gouvernance du système de santé au sein de laquelle il conviendra de s'interroger sur la place et le rôle des partenaires sociaux. Les valeurs et le rôle de la sécurité sociale ont évolué depuis 1945. L'assurance maladie, pour ne prendre que cet exemple, est devenue un régime universel qui n'a plus vocation à relever uniquement d'une gestion paritaire.
Il a observé que rien ne s'oppose à ce que désormais la gestion de l'assurance maladie soit assurée par des organismes disposant d'une véritable autonomie de gestion, notamment en matière de détermination du périmètre de soins non remboursables. Selon lui, une telle agence, dotée d'un conseil de surveillance, obtiendrait des résultats supérieurs en matière de maîtrise des dépenses. Il a rappelé qu'avec la création de la Haute Autorité de santé les opérateurs de l'assurance maladie disposent d'un outil pour contribuer à l'évaluation de la valeur médicale des actes et prestations remboursables.
Il a insisté sur la nécessité de distinguer les biens et services qui doivent être pris en charge par la solidarité nationale de ceux qui relèvent de prises en charge non obligatoires mais peuvent être intégrés à une prise en charge solidaire assurée par les organismes complémentaires. Dans un tel schéma, l'offre commerciale des assureurs complémentaires doit pouvoir se diversifier tout en étant encadrée par les pouvoirs publics par le recours aux incitations fiscales.
Concernant le financement de la protection sociale, M. Daniel Lenoir a considéré que la fiscalisation des recettes de la sécurité sociale est un mouvement irréversible ainsi que l'illustre le débat sur le transfert des cotisations patronales vers une cotisation assise sur la valeur ajoutée. Cette évolution ne soulève aucune difficulté dans le cadre de l'assurance maladie qui est devenue une prestation universelle. La situation est différente dans la branche retraite dont le financement doit demeurer associé à l'activité professionnelle tandis que dans tous les cas la dimension contributive doit être préservée.
Dans ce contexte, les Français ne sont pas prioritairement intéressés par la distinction juridique existant entre une cotisation et une taxe mais bien par l'affectation des recettes aux différents risques couverts par la sécurité sociale. L'objectif des acteurs de la sécurité sociale doit être de rendre totalement transparentes les conditions de son financement et le coût de ses différentes prestations.
a voulu savoir si la gestion de la sécurité sociale par des structures autonomes doit s'accompagner de leur mise en concurrence.
a considéré que la gestion du régime obligatoire d'assurance maladie ne doit pas s'accompagner par la mise en concurrence de plusieurs opérateurs, ni par la remise en cause des spécificités actuelles. Cette nouvelle gouvernance doit permettre une collaboration renouvelée des régimes obligatoires et des régimes complémentaires pour définir le périmètre de soins, les prix des actes et des prestations. En contrepartie de cette association, les assureurs complémentaires pourront ajuster leur contribution à la prise en charge des prestations non couvertes par les régimes obligatoires.
s'est interrogé sur l'opportunité de mettre en oeuvre des franchises sanitaires.
a rappelé que le recours à la franchise est une technique courante dans le monde de l'assurance. Toutefois, le cumul du ticket modérateur déjà existant et d'une nouvelle franchise pourrait produire des effets indésirables, en excluant de l'accès aux soins certaines franges de la population. D'autres effets indésirables pourraient d'ailleurs survenir, notamment en matière de régulation des dépenses lorsque le patient aura réglé le montant de sa franchise annuelle.
Le recours à la participation forfaitaire, qui relève d'un autre mécanisme, a des effets plus directs sur la régulation des comptes mais, là encore, se pose la question du rôle des régimes complémentaires dans la prise en charge des dépenses de santé non couvertes par les régimes obligatoires.