Commission des affaires sociales

Réunion du 19 octobre 2016 à 17h45

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous recevons Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, venue présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. La semaine dernière, M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, a plus spécifiquement abordé le financement. Nous souhaitons évoquer avec vous, madame la ministre, l'évolution des dépenses des différentes branches et les mesures prévues dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Je me réjouis d'être avec vous pour la cinquième année consécutive, pour présenter le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de ce quinquennat. Vous avez abordé les recettes avec M. Christian Eckert. Je ne m'attarderai pas sur les équilibres financiers, même si j'en suis responsable - c'est l'un des points essentiels de la répartition des compétences au sein du Gouvernement : il n'y a pas d'un côté le responsable des recettes et de l'équilibre, et de l'autre la ministre chargée des dépenses, très vite considérée comme la ministre dépensière. Être responsable de l'engagement des dépenses et de la bonne tenue des comptes est de nature à apporter des garanties à nos concitoyens. Même s'ils ne sont pas au fait des données comptables, ils sont attentifs à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale parce que celui-ci renferme une vision de l'avenir. En le rétablissant, nous envoyons un message aux plus jeunes générations : nos petits-enfants ne financeront pas nos retraites ni notre santé.

En 2011, le régime général était en déficit de 17 milliards d'euros. Le déficit sera de 3,7 milliards d'euros cette année et de 400 millions d'euros en 2017, sur près de 500 milliards d'euros de dépenses. Cela peut être analysé comme un retour à l'équilibre. Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est stabilisé ; en raison du chômage, il reste en déficit, mais celui-ci n'augmente pas. La dette de la Caisse d'amortissement de la sécurité sociale (Cades) et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) se situera en deçà de son niveau de 2011. Depuis 2014, nous réduisons la dette accumulée depuis des années. Plusieurs rapports, dont celui du Conseil d'orientation des retraites, montrent que le rétablissement des comptes s'inscrit dans la durée. C'est le cas pour l'ensemble des branches. Le déficit de la branche maladie, qui persiste, sera considérablement réduit. Quant à la branche vieillesse, elle dégage plus d'1,5 milliard d'excédent.

Nous avons poursuivi ce travail d'exigence avec la conviction que l'équilibre de la sécurité sociale n'est pas l'ennemi des droits sociaux. C'est pourquoi j'ai défendu l'inscription de droits nouveaux en matière de santé, de famille ou de retraite. En 2017, nous nous inscrirons dans le prolongement de l'action menée en matière de retraites, avec une mesure significative : faciliter la transition entre emploi et retraite en élargissant le droit à la retraite progressive aux salariés qui ont plusieurs employeurs.

L'équilibre de la branche famille sera rétabli l'an prochain. Dans ce domaine, nous poursuivons le soutien aux familles en difficulté, en particulier celles qui sont confrontées à des séparations. Depuis le 1er avril, nous avons généralisé la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, de 100 euros par enfant. Lorsqu'une femme -c'est majoritairement le cas- est confrontée à un ex-conjoint défaillant dans le paiement de la pension alimentaire, elle peut demander à la Caisse d'allocations familiales (CAF) d'agir à sa place. La CAF se retourne vers le père avec des moyens infiniment supérieurs à ceux d'une femme seule, fragile et sans connaissances juridiques. Nous élargissons ce dispositif avec la création d'une agence nationale de recouvrement des impayés de pensions alimentaires.

En matière de protection sociale des indépendants, nous optimisons le recouvrement des cotisations par les Unions de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (Urssaf) et le Régime social des indépendants (RSI) et améliorons la couverture retraite d'une partie des professions libérales non réglementées, qui pourront aussi bénéficier d'indemnités journalières.

Nous poursuivons également notre action de transformation engagée par la loi de modernisation de notre système de santé.

Nous donnons la priorité à la prévention en renforçant la politique de réduction des risques, notamment pour les usagers de substances psychoactives. Les missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (Caarud) seront élargies pour qu'ils puissent dispenser des médicaments en lien avec leur action.

Nous poursuivons la lutte contre le tabagisme en alignant la fiscalité applicable au tabac à rouler, porte d'entrée des jeunes dans le tabac en raison de son prix inférieur aux cigarettes, sur celle applicable à ces dernières. Nous mettons en place une contribution sur le chiffre d'affaires des fournisseurs agréés par les fabricants de tabac, qui alimentera le fonds de lutte contre le tabagisme. Le PLFSS contient également des dispositions de prévention en matière de santé mentale des plus jeunes.

Ce projet de loi consacre une nouvelle étape de notre soutien à l'innovation. L'accélération de l'innovation thérapeutique est un défi lancé à l'ensemble des systèmes de santé dans le monde - nous l'avons évoqué lors du G7 Santé, au Japon. Nous inventons de nouvelles manières de prendre en charge l'innovation.

Nous mettons en place, dans ce PLFSS, des mécanismes de régulation et un financement approprié pour amortir les dépenses d'innovation. Nous renforçons la capacité pour l'assurance maladie de négocier les prix en sortie d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) pour mettre fin au déséquilibre entre les laboratoires et les pouvoirs publics. Nous créons et dotons un fonds de financement des innovations qui lissera dans le temps l'impact des variations de la dynamique des nouveautés thérapeutiques. Il ne s'agit pas seulement du médicament. Ainsi, 670 millions d'euros seront investis dans douze plateformes haut débit de séquençage du génome dans notre pays. L'enjeu, c'est la médecine personnalisée, adaptée au capital humain de chacun - une perspective passionnante.

Le PLFSS continue de soutenir l'accès aux droits pour tous. La Protection universelle maladie (PUMa), mise en place cette année, sera renforcée pour protéger des ruptures de droits ceux qui changent souvent de situation professionnelle, notamment les travailleurs saisonniers.

J'en viens à l'accès aux soins. La part des dépenses de santé supportées par les ménages a baissé pour la quatrième année consécutive. Alors qu'en 2011, 9,3 % des dépenses de santé restaient à leur charge, cette part s'établit, en 2015, à 8,4 %, niveau historiquement bas, record des pays de l'OCDE. Et ce, grâce à l'augmentation de la prise en charge par l'assurance maladie et non par les complémentaires, ce qui aurait été à l'opposé de mes convictions. Le tiers payant s'installe dans notre paysage, mois après mois, à bas bruit, comme les statistiques en témoignent.

En 2017, je souhaite aller plus loin en assurant une meilleure prise en charge des soins dentaires, qui restent trop coûteux pour une partie de nos concitoyens. Nous n'avons pas pu nous y engager auparavant, en raison du déficit de l'assurance maladie. Notre but est de réduire le coût pour les patients en plafonnant le prix des prothèses, en échange d'une revalorisation de certains soins conservateurs. Ce plan passe par un réinvestissement important, pluriannuel, de l'assurance maladie obligatoire. D'un côté, les prix baisseront, de l'autre, la prise en charge augmentera. Des négociations conventionnelles ont été ouvertes. J'espère qu'elles se poursuivront fructueusement, faute de quoi le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Des moyens supplémentaires pour notre système de santé sont inscrits dans ce PLFSS en reconnaissance de l'engagement des professionnels, qui, par leur exemplarité, nous ont aidés à atteindre la situation financière actuelle. Grâce à leurs efforts, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été respecté, année après année, alors même qu'il était parfois renforcé en cours d'exécution. En 2017, l'Ondam progressera de 2,1 %. Pour que cet objectif exigeant soit tenu, le niveau d'économies doit être très élevé : plus de 4 milliards d'euros en 2017. L'Ondam financera des mesures actées dans la convention médicale entre l'assurance maladie et les professionnels libéraux. Concrètement, l'Ondam de la médecine de ville est supérieur à l'Ondam hospitalier, à 2,1 % contre 2 %. Ce dernier accompagne les réformes engagées dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT) telles que la revalorisation du point d'indice et l'augmentation salariale des infirmiers et des soignants de catégorie C, de 250 à 500 euros par an selon le grade et la catégorie. Il favorise l'investissement hospitalier, de 250 millions d'euros en 2017.

Nous pourrons aborder les engagements médico-sociaux, objets d'un effort financier de 590 millions d'euros supplémentaires en 2017 pour la création de places destinées aux personnes en situation de handicap ou aux personnes vieillissantes exposées à la dépendance. Nous pourrons également évoquer la branche accidents du travail - maladies professionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la ministre, je me réjouis de vous entendre affirmer que l'équilibre des comptes de la sécurité sociale est, sinon acquis, du moins en perspective, puisque l'assurance maladie reste déficitaire. Au Sénat, nous avons toujours considéré que l'équilibre n'était pas seulement un objectif mais une exigence et avons constamment proposé des mesures d'économies pour l'atteindre. Quels sont vos moyens pour y parvenir ?

Je vous répète ce que j'ai dit à M. le secrétaire d'État au budget : le déficit de 3,8 milliards d'euros du FSV entre dans les comptes de la sécurité sociale. Je ne voudrais pas que le FSV apparaisse comme un compte de défaisance ou que ses recettes soient transférées vers d'autres branches. En toute honnêteté, sans trompe-l'oeil : l'équilibre est peut-être pour demain, mais pas pour aujourd'hui.

Le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie nous a transmis sa réserve de méthode quant à la création du fonds de financement de l'innovation pharmaceutique, qui exclut du champ de l'Ondam des sommes très importantes : 876 millions d'euros, dont 220 millions d'euros en 2017. Comment garantir la sincérité de l'Ondam dans ces conditions ? Cet avis rejoint celui du Haut conseil des finances publiques qui a exprimé le 24 septembre ses fortes incertitudes quant à la réalisation des économies de grande ampleur prévues par l'Ondam.

Le même Comité d'alerte a relevé l'insuffisance des mesures d'économies figurant dans le PLFSS pour 2017, en soulignant que les dépenses d'assurance maladie devraient être plus dynamiques qu'en 2016 en raison de la progression des volumes d'activité en ville comme à l'hôpital et de la forte croissance des dépenses de médicaments résultant de la diffusion des thérapies ciblées et de l'immunothérapie. Ainsi, en dépit de son augmentation par rapport à 2016, l'Ondam ne suffira probablement pas à couvrir les besoins de financement de l'assurance maladie. Quel regard portez-vous sur cette évaluation ?

Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'octobre 2012 mettait en évidence le caractère foisonnant et complexe de la taxation des produits de santé - dénombrant douze taxes spécifiques. Depuis, le taux W a été créé. Cette année, on nous propose de dupliquer le taux L avec des applications différenciées à l'hôpital et à la ville. Comment, dans ces conditions, assurer la lisibilité de la taxation du médicament ?

Je me réjouis de votre proposition sur le tabac à rouler, que nous avions formulée. Elle pose néanmoins une série de questions, notamment aux buralistes. Il n'existe pas d'étude d'impact précise évaluant les conséquences de cette mesure sur la consommation de tabac. Vous proposez une contribution sur le chiffre d'affaires des fournisseurs agréés de produits du tabac. Vous l'aviez refusé lors de l'examen de la loi santé. Pour quelle raison avez-vous modifié votre jugement ?

J'ai lu dans la presse que la rapporteure générale de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Mme Valérie Rabault, proposait un amendement sur la CSG sur les revenus de remplacement. Nous avons déjà opéré une réforme sur la CSG pour les petites retraites. Comment le Gouvernement entend-il compenser cette mesure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Je constate que la trajectoire des comptes des régimes de base de retraite du secteur privé s'améliore. L'excédent enregistré en 2016 d'1,2 milliard d'euros devrait s'accentuer en 2017 puisque le PLFSS en fixe le montant à 1,6 milliard d'euros. Pour autant, le système de retraites est-il sauvé ? Nous pensons que ce n'est pas tout à fait le cas. Le déficit du FSV se maintient au niveau très élevé de 3,8 milliards d'euros en 2016 et en 2017. Il accumulera ainsi plus de 11 milliards d'euros de déficit d'ici 2020. Les excédents du régime de base à partir de 2020 seront-ils suffisants pour le compenser ? Faudra-t-il prévoir une nouvelle reprise par la Cades, au risque d'augmenter sa durée ? Les conditions d'emprunt de l'Acoss seront-elles aussi avantageuses qu'actuellement ?

Le taux de cotisation des retraites, porté à 17,75 % en 2017, constitue un facteur de fragilité. Alors que la protection sociale est confrontée à des défis considérables, dont celui de la dépendance, les capacités de financement par les cotisations sont maintenant saturées.

Dernier élément pessimiste pour l'avenir de nos retraites : le secteur public. En instaurant une décote sur les retraites complémentaires, l'accord Agirc-Arrco d'octobre dernier a créé une nouvelle inégalité entre les salariés du privé et les agents du public. Quand brisera-t-on le tabou du déséquilibre structurel des régimes de retraite du secteur public ? Les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) partent du principe qu'ils sont équilibrés, mais à quel prix ? Un taux de cotisation employeur pouvant atteindre 74 % pour la fonction publique d'État, des subventions d'équilibre représentant une dépense de 6 milliards d'euros par an pour les régimes spéciaux... Si l'on appliquait aux employeurs publics le même taux de cotisation qu'à ceux du secteur privé, notre système de retraite afficherait un besoin de financement d'environ 20 milliards d'euros. À quand une véritable convergence entre les régimes du privé et du public ?

Madame la ministre, c'est la dernière fois que j'examine un PLFSS ; je n'ai aucune arrière-pensée, ayant toujours apprécié la qualité de votre écoute. Je pense simplement qu'un effort supplémentaire sur l'âge de départ et la durée de cotisation et qu'une convergence entre le public et le privé sont ardemment nécessaires.

A l'article 33 du PLFSS, vous souhaitez améliorer la couverture vieillesse des professions libérales non réglementées. Comment les discussions concernant le décret répartissant les compétences entre le RSI et la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (Cipav) pour la gestion de l'assurance vieillesse des personnes concernées s'annoncent-elles ?

L'article 57 retire à la Caisse des dépôts et consignations le service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) - le minimum vieillesse - pour le confier à la Mutualité sociale agricole (MSA), qui a demandé des moyens supplémentaires à cette fin. Pensez-vous que cet article, qui ne fait pas consensus, permettra des économies ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Merci, madame la ministre, de ne pas avoir dit que le trou de la sécurité sociale était bouché, ce qui n'encourage pas nos concitoyens à la vigilance vis-à-vis de leur recours aux prestations de santé.

L'équilibre évoqué est relativement artificiel. Il n'existerait pas si les prestations assurées par les départements dans le secteur médico-social étaient compensées par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Ses réserves, de 750 millions d'euros, participent à l'équilibre sans constituer une ressource pérenne. Comment les comptes du médico-social seront-ils équilibrés dans les prochaines années ?

Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) se généralisent pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La réforme tarifaire et l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) devront être appliqués dans quelques semaines, alors que les décrets ne sont pas encore parus. La formation des acteurs est défaillante, tant au sein des agences régionales de santé (ARS) que des tarificateurs des départements ou des établissements concernés. Quel est votre avis sur l'application de cette réforme dès le 1er janvier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Caroline Cayeux

On ne peut que se réjouir de l'amélioration des comptes de la branche famille, même si elle résulte en partie d'un transfert de dépenses vers l'État. La loi de financement de la sécurité sociale adoptée l'an dernier prévoyait un déficit de 800 millions d'euros en 2016 et de 300 millions d'euros en 2017 avant un retour à l'équilibre en 2018. Alors que la Commission des comptes de la sécurité sociale a révisé à la hausse la prévision de déficit pour 2016, comment pouvez-vous revoir à la baisse les prévisions pour l'an prochain sans que le projet de loi qui nous est soumis ne comporte de mesure significative, ni en recettes, ni en dépenses ? Il est difficile, à mon sens, de partager votre optimisme. Comment ne pas croire que le retour à l'équilibre de la branche famille résulte davantage d'un savant exercice de réaffectation de recettes et de dépenses que d'une situation réellement assainie ? Le président de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) s'est montré peu optimiste sur un retour à l'équilibre en 2017, estimant l'échéance de 2018 plus raisonnable.

La convention d'objectifs et de gestion (COG) 2013-2017 avait fixé l'objectif ambitieux de créer 275 000 nouvelles places pour les enfants en bas âge, tous modes d'accueil confondus, or le taux de réalisation des objectifs sur les trois premières années ne dépasse pas 70 %. La situation de l'accueil par des assistants maternels est encore plus préoccupante, puisque le nombre d'enfants accueillis baisse au lieu d'augmenter. Je reviendrai sur la corrélation avec la baisse des naissances, flagrante cette année. Comment comblerez-vous le retard accumulé ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le régime général sera à l'équilibre, comme en 2001. Quand on dit « sécu », les Français pensent « trou ». Je ne comprends pas l'obstination de certains d'entre vous à nier l'amélioration considérable que nous avons réalisée, grâce aux efforts de nos concitoyens. L'équilibre a été atteint grâce aux réformes de structure : allongement de la durée de cotisation, modulation des allocations familiales, regroupements hospitaliers, mutualisation des achats, contrôle sur la pertinence des prescriptions médicales, déshospitalisation grâce à la chirurgie et à la médecine ambulatoires, maîtrise et régulation du coût des médicaments...

Le régime général représentant l'essentiel de la sécurité sociale pour les Français, je n'ai aucun état d'âme à dire que l'équilibre est atteint. Si l'on préfère dire que la seule solution est de supprimer des droits, de dérembourser...

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Certains prétendants à la magistrature suprême expliquent qu'il faudra durcir les conditions de remboursement, durcir les règles de retraite... Mais les chiffres sont là.

Je considère comme vous, monsieur Vanlerenberghe, que l'équilibre des comptes de la sécurité sociale est une exigence. J'ai toujours assumé que certaines dépenses, ou certaines pertes de recettes, ne pouvaient pas être acceptées, comme les franchises médicales que j'aurais souhaité supprimer pour tous mais qui ne l'ont été que pour les plus modestes.

La mission du Comité d'alerte est d'examiner si l'Ondam peut être respecté. Il indique qu'il le sera en 2016, comme en 2017, à condition d'être prudent dans la gestion des crédits en réserve, d'assurer un pilotage infra-annuel extrêmement précis et d'être très vigilant quant à l'évolution du prix du médicament et de certaines prescriptions. Il nous avait dit de même l'an dernier. Oui, le pilotage infra-annuel est extrêmement précis, l'équilibre de l'assurance maladie étant aussi tributaire d'une grippe qui arriverait plus tôt que prévu. Oui, des crédits sont mis en réserve. Au cours des mois de 2017 où j'en serai encore responsable, j'assurerai un pilotage renforcé.

Le Comité d'alerte met également l'accent sur des mesures qui auraient un impact sur le périmètre de l'Ondam, des mesures de bonne gestion dont je défie quiconque de nier la pertinence.

La création du fonds pour l'innovation thérapeutique est une mesure structurelle. Le fonds ne remplace pas les dépenses courantes de l'Ondam. Il favorise le lissage des pics de dépenses, les années fastes en innovation, et la reconstitution des marges les années moins fastes. En 2014, l'arrivée inattendue, forte et rapide du Sovaldi, médicament contre l'hépatite C, a eu un impact considérable sur les finances. Il n'est jamais possible de garantir quelques mois à l'avance l'absorption d'une innovation. C'est le cas, aujourd'hui, des médicaments anti-cancéreux.

La taxation est assez complexe - je ne le conteste pas. En 2014, j'ai annoncé aux industriels un plan triennal, une ligne structurelle autour de laquelle des variations sont possibles. Les industriels ont débattu du cadre, c'est-à-dire la stabilité des dépenses de médicament, au sein duquel nous régulons l'innovation. Nous avons besoin d'une maîtrise accrue, y compris sur ce qui était innovant il y a deux ans. Ainsi, je souhaite rouvrir des négociations sur le Sovaldi.

Je n'ai pas changé d'avis sur le principe d'une taxe sur les fabricants de tabac. Nous avons cherché la meilleure façon de la mettre en place dans le respect de la Constitution, les bénéfices des cigarettiers n'étant pas réalisés en France mais à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Vous demandez au fournisseur agréé, qui est en France, de se retourner vers les fabricants.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

C'est au fournisseur de décider.

L'amendement de Mme Rabault accroît le pouvoir d'achat des bénéficiaires de petites retraites. Puisqu'il n'est pas possible, en droit, de moduler la revalorisation en fonction du niveau des retraites, elle a eu l'idée d'une exonération de la CSG, qui représente un gain moyen de 45 euros par mois pour 480 000 personnes. Le Gouvernement est sensible à cette disposition dès lors qu'elle est gagée et intégralement remboursée à la sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le gage sera défini dans le projet de loi de finances. Un débat est en cours, que je laisse aux soins de mon collègue ministre des finances.

Monsieur Roche, vous avez été très nuancé. Le régime des retraites est excédentaire. La Cour des comptes, le Conseil d'orientation des retraites, le Centre d'analyse stratégique assurent qu'il le sera pour plusieurs décennies. Est-ce que cela interdit des réformes dont l'objectif n'est pas fondé sur l'équilibre financier ? Non. Néanmoins, il faut être clair. Depuis 1993, les réformes des retraites sont justifiées par les déséquilibres financiers dus au choc démographique. Celui-ci est désormais maîtrisé. Chacun a le droit de porter des projets d'organisation du temps de la vie ou des conceptions du travail et du rapport des Français à la retraite. Je considère, personnellement, que la revendication d'un approfondissement de la réforme du régime général est liée à une vision punitive du rapport au travail.

La convergence entre les secteurs public et privé est en grande partie réalisée, pas toujours comme on l'imagine. En effet, un certain nombre de fonctionnaires gagneraient significativement à être alignés sur le privé, ce qui explique pourquoi une harmonisation plus forte n'a pas été réalisée, y compris sous le quinquennat précédent. L'intégration de l'ensemble des primes des fonctionnaires aurait nécessairement un coût. Les multiples rapports du Conseil d'orientation des retraites ou de la Cour des comptes indiquent que la mise en place d'un mécanisme de convergence coûterait plus cher pendant une période significative. Si je pense que des avancées doivent être réalisées, je suis certaine que le prochain gouvernement, quel qu'il soit, maniera ce sujet avec précaution, pour des raisons financières.

Des économies sont attendues du transfert du service de l'Aspa à la MSA, à laquelle il n'est pas prévu d'attribuer d'effectifs supplémentaires.

Concernant l'article 33, une concertation est prévue avec les conseils des caisses concernées et les représentants des professionnels pour déterminer les affiliations, au RSI ou au Cipav.

Monsieur Savary, on ne peut pas demander la décentralisation puis réclamer des paiements à l'État. Sinon, ce n'est qu'une décentralisation de façade. C'est l'une des raisons pour lesquelles je m'interroge sur le souhait des départements d'une recentralisation du RSA : quel aurait été leur avenir sans le coeur de leur responsabilité ? Ce souhait a été abandonné malgré l'avis favorable du Gouvernement.

Le décret concernant la mise en oeuvre des CPOM au 1er janvier 2017 doit être publié prochainement. Sans attendre, des concertations ont été engagées avec les fédérations d'établissements pour les préparer.

Madame Cayeux, l'équilibre de la branche famille vient notamment de la modulation des allocations familiales, que vous avez contestée mais que j'assume. Une partie significative des recettes ainsi obtenues a financé la revalorisation des prestations pour les familles pauvres, monoparentales ou nombreuses.

La réaffectation des recettes est neutre entre les branches.

Nous n'atteindrons pas l'objectif que nous nous étions fixé en matière d'accueil du jeune enfant, notamment à cause de freins des collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Nous les avons augmentées significativement. Le nombre de projets soumis aux CAF a été moins important qu'escompté.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je partage votre satisfaction face au redressement des comptes. Votre détermination, la cohérence de votre action et les réformes engagées ont donné ces résultats : non seulement des chiffres, mais aussi une confiance renouvelée en notre protection sociale et notre système de santé.

Toutes les semaines, la presse se fait l'écho de nouvelles innovations contre le cancer, les virus, les maladies rares, comme, en octobre, celles présentées au congrès de la Société européenne d'oncologie médicale (Esmo) à Copenhague.

Le débat porte sur le juste prix des médicaments et le rôle des laboratoires. Ceux-ci sont-ils tous construits sur le même modèle ? Il y a les big pharma, gros laboratoires dont la marge bénéficiaire avoisine les 20 %, mais aussi des start-ups. J'ai rencontré récemment la représentante en France du laboratoire américain Vertex, qui a mené des recherches pendant dix-huit ans, sans commercialisation, sur le traitement de la mucoviscidose.

D'un côté, le PLFSS promeut la création du fonds d'innovation, maintient le niveau des taux, comporte des dispositions sur l'ATU, et de l'autre, prévoit des économies d'1,4 milliard d'euros sur le secteur du médicament. Quel message adresser aux laboratoires implantés en France ?

Le Gouvernement entend améliorer la prise en charge des soins dentaires. Comment évoluera la répartition entre l'assurance maladie et les complémentaires ? Enfin, le texte encourage le développement de la télémédecine pour renforcer la présence médicale sur le territoire. Pourriez-vous faire le point sur les GHT ? Les parcours de soins seront un succès si les hôpitaux et la médecine de ville travaillent en commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous mettez l'accent sur la réduction des déficits et l'exigence de bonne gestion des fonds publics. Mais à quel prix ? Beaucoup d'hôpitaux sont au bord de l'asphyxie, les personnels sont sous pression. Vous avez indiqué qu'aucun poste n'avait été supprimé à l'hôpital. Toutefois les départs à la retraite ne sont pas remplacés et le personnel n'en peut plus. Les GHT sont présentés comme une manière de réaliser des économies. J'espère que leur mise en place ne se fera pas au détriment de l'offre de soins et des conditions de travail des personnels.

Pour atteindre un Ondam de 2,1 %, vous prévoyez des économies, sans annoncer de nouvelles recettes. Pourquoi ne pas lutter davantage contre la fraude aux cotisations patronales qui s'élève à 20 milliards d'euros ? Enfin, je crains que le prélèvement de 300 millions d'euros sur la trésorerie de l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) ne porte atteinte à l'offre de formation continue.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a une interprétation restrictive du plan d'aide à l'investissement (PAI), réservant les crédits à des opérations de restructuration ou de mise aux normes des établissements médico-sociaux. Avec Gérard Roche, nous avons interrogé la secrétaire d'Etat chargée des personnes âgées et de l'autonomie à ce sujet. Lorsque nous avions inscrit dans la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement l'affectation d'une enveloppe de 100 millions d'euros à ce programme d'investissement, nous entendions aussi favoriser la création de nouvelles maisons de retraites ou d'Ehpad. Pourriez-vous donner des instructions en ce sens ?

Les articles 16 et 17 créent une contribution assise sur le chiffre d'affaires des fournisseurs de produits du tabac à hauteur de 130 millions d'euros. Celle-ci frappera non seulement les grands groupes internationaux qui contrôlent le marché du tabac et acquittent leurs impôts à l'étranger, mais elle visera aussi la dernière structure qui existe en France, sous forme de coopérative, Traditab, et qui est déjà soumise à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 33 %. Pour elle, ce sera la double peine. Ne faudrait-il pas adopter une fiscalité différentielle pour ne pas les pénaliser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je salue la volonté de revaloriser les soins dentaires conservateurs. Cette revalorisation est réclamée depuis longtemps par les dentistes. Vous avez dit que si les négociations n'aboutissaient pas, le Gouvernement prendrait ses responsabilités. Que voulez-vous dire ?

Des puéricultrices m'ont alerté sur une pénurie de vaccins contre la tuberculose dans les maternités du Val-de-Marne. Qu'en est-il ?

Enfin, les hommes prennent peu le congé parental auquel ils ont droit. Cela se traduit-il déjà positivement dans les comptes de la branche famille ?

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Je remercie M. Daudigny pour son soutien. La question du juste prix des médicaments est effectivement cruciale. Il est normal que les points de vue des industriels et du Gouvernement divergent. Nous discutons. Le Gouvernement est déterminé à soutenir sans faille l'innovation : les avancées d'aujourd'hui sont le gage de meilleures chances de guérison demain pour de nombreuses pathologies, d'une espérance de vie accrue. Songez à l'hépatite C, que l'on parvient à désormais traiter. Mais le soutien à l'innovation implique aussi, en amont, une régulation renforcée des médicaments peu innovants. Des arbitrages sont sans cesse nécessaires. Le développement des génériques est essentiel. En dépit de progrès, la France reste en retard. C'est pourquoi nous avons lancé une campagne pour informer le public et les médecins, et rassurer les laboratoires qui, à tort, voient trop souvent dans le développement des génériques une atteinte à leurs intérêts. L'innovation doit aussi être accessible à un prix raisonnable. Un fonds de financement de soutien aux start-up innovantes en matière de santé a été mis en place, une délégation à l'innovation en santé a été créée au sein de mon ministère. La journée nationale de l'innovation en santé a été un tel succès l'an dernier que l'opération sera renouvelée en janvier. L'innovation nous permet de proposer de nouveaux traitements, de nouvelles applications technologiques, de nouvelles manières d'organiser les soins ou de les pratiquer, comme la télémédecine.

Madame Cohen, le Gouvernement ne se préoccupe pas uniquement de baisser les déficits ! Nous avons généralisé le tiers-payant, supprimé les franchises pour les plus modestes, décidé de rembourser à 100 % les interruptions volontaires de grossesse et la contraception des mineures, développé le dépistage de certains cancers, etc. Nous avons créé 31 000 postes de soignants à l'hôpital. Au total, le PLFSS prévoit 1,3 milliard d'euros de plus pour l'hôpital. Il est vrai que les efforts demandés sont parfois importants. Mais certains hôpitaux étaient dans des situations catastrophiques. La médecine connaît de grandes transformations. On ne se soigne plus comme avant. Les relations entre les médecins et les patients changent. Il importe d'accompagner ces évolutions. Une part importante des souffrances au travail est due à un mauvais accompagnement des personnels. Les choses se passent d'ailleurs plus ou moins bien selon les établissements, selon les services. Je n'ai jamais présenté les GHT comme une source d'économies ! Il s'agit d'abord de la mise en place de filières de soins. Sans cette réorganisation territoriale, beaucoup de petits hôpitaux de proximité seraient condamnés. Les praticiens auront des perspectives de carrières accrues sur un territoire élargi et ils seront davantage incités à aller exercer dans ces structures.

Un rapport de l'Igas a montré que l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) était structurellement excédentaire depuis 1998. Son excédent atteint 364 millions d'euros ; ses recettes dépassent largement les besoins pour financer les formations. Le prélèvement de 300 millions d'euros sur sa trésorerie, étalé sur deux ans, ne mettra donc pas en péril l'offre de formation. De plus, l'argent collecté sera réalloué au monde hospitalier.

Monsieur Labazée, je partage votre interprétation concernant l'emploi des fonds du programme d'investissements (PAI). S'il le faut, je donnerai les instructions nécessaires. La nouvelle taxe sur le tabac frappera le distributeur, qui choisira, ou non, de la répercuter.

Les revalorisations de soins dentaires conservateurs intervenues jusqu'ici ne se sont jamais accompagnées d'une baisse du prix des prothèses. Les prix sont libres et varient en fonction des praticiens. Or il est difficile pour un patient de faire établir des devis, comme on en demande à un plombier... Nous soumettons la revalorisation à un plafonnement des prix des prothèses. Si les négociations entre les chirurgiens-dentistes et l'assurance maladie échouent, le Gouvernement se substituera à eux et prendra un décret pour plafonner les prix. Je souhaite aussi augmenter la part remboursée par la sécurité sociale. Actuellement, les soins dentaires sont pris en charge à hauteur de 37 % par l'assurance maladie (contre 77 % en moyenne pour les autres soins), à 40 % par les assurances complémentaires et le reste à charge s'élève à 23 %, contre 8 % en moyenne pour les autres soins. Je souhaite faire monter progressivement la part de l'assurance maladie à plus de 50 %. Je suis attachée à ce que notre système reste principalement structuré autour de l'assurance maladie car elle repose sur une logique de solidarité : à la différence des assurances santé complémentaires, on ne cotise pas en fonction de son âge, de son état de santé ou de ses antécédents. La priorité est de parvenir à un rééquilibrage dans les secteurs où la part de l'assurance maladie n'est pas satisfaisante : c'est le cas des soins dentaires ou des lunettes, pour lesquelles, depuis l'année dernière, le reste à charge diminue.

L'entreprise qui nous fournit en vaccins contre la tuberculose connaît des difficultés et nous sommes en rupture de stock depuis plusieurs mois. Pour y faire face, nous avons décidé d'importer des vaccins. Le vaccin n'est disponible désormais que dans les structures de la protection maternelle et infantile. Cette vaccination n'est d'ailleurs pas obligatoire. Je suis avec attention ce dossier et j'ai présidé deux réunions avec les laboratoires. La loi de modernisation de notre système de santé contient des mesures pour faciliter la constitution de stocks et leur gestion.

Enfin, la sous-utilisation du congé parental par les hommes ne se traduit pas dans les comptes de la branche famille à ce stade.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je vous remercie. Nous examinerons le PLFSS en commission le mercredi 9 novembre, puis en séance publique la semaine suivante.

La réunion est levée à 19 h 25.