Avant de poursuivre nos travaux sur les normes applicables au secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) par une visioconférence avec la Nouvelle-Calédonie, permettez-moi de rendre hommage à notre défunt collègue Paul Vergès, doyen de notre Haute Assemblée, qui a profondément marqué la vie publique réunionnaise et activement contribué à modifier le regard porté sur nos outre-mer. Vous avez pu prendre connaissance du communiqué de la Délégation, mais je tenais aussi à évoquer sa mémoire avec vous aujourd'hui.
Comme l'a déclaré le président Larcher dans son vibrant hommage, c'est une grande voix de La Réunion et du Sénat tout entier qui s'est éteinte. Lorsque nous avions animé, l'année passée, un groupe de travail sur le réchauffement climatique avec Jérôme Bignon et Jacques Cornano, nous avions une fois encore pu mesurer l'engagement passionné de notre collègue Paul Vergès en faveur d'une meilleure prise en compte des grands enjeux de l'évolution démographique et du dérèglement climatique. Il avait très tôt compris que nos territoires, véritables sentinelles postées dans les différents océans, pouvaient et devaient être des précurseurs dans la recherche de solutions innovantes. En notre nom à tous, je tiens à saluer aujourd'hui son action infatigable d'éveilleur de conscience et sa hauteur de vue. Permettez-moi de vous inviter, chers collègues, en signe de respect à un instant de recueillement.
Avant d'aborder notre sujet du jour, je prends encore quelques instants pour vous rappeler le calendrier fort dense de la semaine prochaine.
Nous nous retrouverons en séance publique pour le débat sur notre proposition de résolution européenne relative aux normes agricoles outre-mer et à la politique commerciale de l'Union Européenne le mardi 22 novembre au soir. Le même jour, à 18 heures, nous aurons déjà conduit une visioconférence avec Saint-Pierre-et-Miquelon sur la question des normes applicables au BTP.
Puis, nous tiendrons deux visioconférences le mercredi 23 novembre à 15 heures et le jeudi 24 novembre à 8 heures 30 pour échanger successivement avec la Guyane puis La Réunion sur la question des conflits d'usage et des outils de planification en matière foncière.
Revenons à notre programme du jour. Nous accueillons aujourd'hui Madame Mélanie Raimbault Verrier, responsable « Développement, construction et urbanisme » et M. Jean-Michel Rémy, responsable « Construction et cycle de l'eau » à l'AFNOR qui a travaillé avec le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour préparer l'élaboration d'un corpus normatif propre en matière de BTP.
Je me tourne vers nos rapporteurs : Éric Doligé, sénateur du Loiret, est notre rapporteur coordonnateur sur les normes, tandis que Karine Claireaux et Vivette Lopez, respectivement sénatrices de Saint-Pierre-et-Miquelon et du Gard, sont co-rapporteures pour les normes BTP. Chers collègues, souhaitez-vous intervenir en préambule ?
J'ai une question pour l'AFNOR. J'ai lu avec intérêt le rapport préliminaire que vous avez réalisé. Ce document est passionnant. J'ai une question sur l'échantillon. Il est indiqué dans le document que 70 % des entreprises en Nouvelle-Calédonie travaillent pour le BTP. Vous avez reçu une quarantaine de réponses. Cet échantillon est-il représentatif ? Combien existe-t-il d'entreprises de BTP en Nouvelle-Calédonie ?
Il existe environ 7 000 entreprises de BTP en Nouvelle-Calédonie. Plus largement, les acteurs de la filière construction sont au nombre de 15 000. Les 41 réponses que nous avons reçues pourront ne pas vous sembler très représentatives. Néanmoins, elles intègrent les réponses de l'ensemble des syndicats et des organisations professionnels de la filière, que nous avions rencontrés lors d'une mission exploratoire préliminaire. Évidemment, la représentativité peut toujours être discutée. Néanmoins, ces réponses et les conclusions de cette enquête ont conforté le sentiment que nous avions eu lors de la première visite, lors de laquelle nous avions rencontré physiquement l'ensemble des acteurs.
Par ailleurs, les réponses que nous avons reçues sont représentatives de la filière construction car elles émanent des fabricants de produits, des entreprises de mise en oeuvre, des bureaux d'études (maîtrise d'oeuvre, architectes) et des contrôleurs techniques. Les assureurs n'ont pas répondu nommément au questionnaire, mais nous les avions rencontrés lors de notre première mission. De plus, le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie a lancé pour le code des assurances un projet similaire à celui qu'il a engagé pour le code de la construction.
Nous ne parvenons pas à joindre vos collègues qui doivent intervenir en visioconférence depuis la Nouvelle-Calédonie. Dès lors, nous écoutons les représentants de l'AFNOR.
Parmi les 7 000 entreprises du secteur de la construction qui existent en Nouvelle-Calédonie, 6 500 sont plutôt des très petites et des moyennes entreprises. La part de la construction augmente régulièrement dans le produit intérieur brut (PIB) de la Nouvelle-Calédonie. Elle était de 11 % en 2011. Toutefois, la tendance semble être à la baisse avec la fin d'importants chantiers structurants. Le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie possède certainement davantage d'informations sur ces chantiers.
Pourriez-vous nous présenter l'étude que vous avez réalisée pour le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie ?
Le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie nous avait contactés en 2012-2013. La construction sur place relève historiquement d'une culture franco-européenne en matière de normes. Le Gouvernement souhaitait maintenir cette culture, tout en s'ouvrant à l'espace économique sud Pacifique (Australie, Nouvelle-Zélande). Depuis 1985, le gouvernement néo-calédonien dispose de la compétence sur le code de la construction. Il peut donc définir son corpus réglementaire. Son idée consistait à s'interroger sur la pertinence d'aller vers un corpus mixte, donc de quitter la pure culture franco-européenne pour proposer un système mixte intégrant les normes australiennes et néo-zélandaises. Tel était notre postulat de départ : étudier la pertinence d'un corpus mixte. C'est ce qui a donné lieu à notre première mission exploratoire.
Notre mission consistait surtout à sensibiliser les acteurs locaux de la construction à cette idée d'un corpus mixte, à mesurer leur degré d'acceptation, à recueillir leurs besoins spécifiques et à dresser un état des lieux de leurs pratiques. Durant une semaine, nous avons mené de nombreux entretiens. Nous avons successivement rencontré les contrôleurs, les laboratoires, les entreprises, les assureurs, les maîtres d'ouvrage, les maîtres d'oeuvre, l'ordre des architectes et les collectivités des différentes provinces. Il existe un droit coutumier dans certaines parties de Nouvelle-Calédonie qu'il fallait aussi prendre en compte.
Au terme de cette mission préliminaire, nous avons eu le sentiment que les acteurs n'étaient pas forcément prêts à aller vers un corpus mixte. Il existe des différences notables entre la France d'une part, l'Australie et la Nouvelle-Zélande d'autre part. Ces différences ne portent pas tant sur la qualité des produits, qui sont bons dans ces deux pays, que sur les pratiques de mise en oeuvre. Ces pratiques sont liées aux pratiques constructives historiques. En France, nos documents de mise en oeuvre (DTU) sont très prescriptifs. Le référentiel est tout en prescription et veut tout dire. Par comparaison, l'Australie a une approche complètement performantielle, avec un code de calcul qui donne de grandes orientations. Les philosophies sont donc très différentes. En Australie, le code de calcul est réglementaire ; de là se déduit tout le reste.
Par ailleurs, il existe une production locale de matériaux en Nouvelle-Calédonie dont il convient de tenir compte, même s'il subsiste des marges de progrès, en termes de qualité, pour atteindre les normes franco-européennes.
Un plan d'actions a été défini suite à cette première mission : notre questionnaire était précisément destiné à creuser le sujet, alors que nous avions bien senti des réserves chez les acteurs locaux du BTP. La Nouvelle-Calédonie est un petit territoire. Notre venue était un évènement et elle a eu une forte résonance sur place, avec de nombreux échanges dans la presse et des prises de position. Les architectes étaient arcboutés sur la défense des pratiques françaises, qu'ils souhaitaient conserver. Les entreprises étaient plus mitigées. Il nous fallait également tenir compte du contexte politique : des entrepreneurs calédoniens se sont installés en Australie, d'où ils exportent leurs produits vers l'archipel. Par exemple, 80 % du marché des tôles ondulées en Nouvelle-Calédonie est tenu par une entreprise basée en Australie dont le propriétaire est calédonien.
La mission exploratoire nous avait permis d'identifier les familles de produits prioritaires. Il s'agissait du clos et du couvert.
Le questionnaire a été mis en place durant le premier semestre 2015. Il a conduit à la rédaction d'un rapport. Nous sommes arrivés à la conclusion que les acteurs souhaitaient conserver le système français. Toutefois, l'Australie est le pays qui reprend le plus de normes européennes, avec plus de 3 000 normes européennes dans sa collection, sans compter les normes internationales, que les Australiens comme les Européens adaptent à leurs besoins. En termes de référentiels, il est donc possible de trouver des comparatifs.
Nous avons conclu qu'il fallait surtout regarder les produits et les comparatifs entre les différents agréments et les certifications. Un produit certifié en Australie est-il acceptable sur le sol calédonien ?
Je vous remercie pour cette présentation. Le statut de la Nouvelle-Calédonie est le plus avancé des statuts ultramarins. Nous avions bien compris cette volonté de mixer les normes européennes avec les normes australiennes et néo-zélandaises. Je comprends de ce que vous nous dites qu'in fine, il n'existe pas de volonté de s'éloigner des normes européennes, même si le statut de la Nouvelle-Calédonie le permettrait. Les normes d'urbanisme, de construction, de logement et d'habitation sont-elles fixées par le gouvernement dans un code ? Où en est exactement la Nouvelle-Calédonie dans l'aboutissement de sa démarche ?
Je ne pense pas que la Nouvelle-Calédonie ait établi un code. Le premier document officiel est le corpus normatif de 4 000 normes qui est sorti en septembre, à partir des normes de construction que nous avons en France. Nous avons réalisé un travail de mise à jour de cette liste. C'est le premier acte de la construction de ce corpus.
Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie a créé un comité technique d'évaluation (CTE), dont la mission consiste à agréer l'arrivée de produits étrangers australiens, néo-zélandais et autres (produits exotiques, produits chinois). Ce comité doit également accompagner les fabricants locaux pour qu'ils montent en gamme. Enfin, il doit entretenir le corpus normatif et le faire vivre.
Les normes concernant les produits sont assez équivalentes entre la France et l'Australie, que ce soit par le truchement des normes internationales ou parce que l'Australie reprend des normes européennes. En revanche, les codes de calcul ne permettent pas de mixer ces différentes normes. Le code de calcul australien permettrait difficilement d'intégrer une référence européenne. Mixer des référentiels dans un même code de calcul peut conduire à des sinistres.
De quelle manière est-il tenu compte des conditions climatiques ? En ce domaine, les lois australiennes sont peut-être plus adaptées que les normes européennes. Par ailleurs, je n'ai pas bien compris la position des architectes locaux.
Les architectes, les contrôleurs techniques et les bureaux d'étude - qui sont les mêmes qu'en métropole - sont mobilisés pour conserver le système européen et français.
Les habitudes et les savoir-faire sont toujours très longs à faire évoluer.
S'agissant du sujet climatique, les eurocodes ne sont pas complètement adaptés aux conditions locales. Leur évolution est en cours de réflexion. Les normes australiennes sont probablement plus adaptées.
C'est essentiellement les conditions de vent qui sont différentes. Le seuil de vent limite des eurocodes n'est pas du tout en rapport avec les vents cycloniques. Le code de calcul australien prévoit mieux les conditions de vent.
Sans aucun doute. Si vous utilisez des habitudes et des codes européens qui ne prévoient pas ces vents, cela engendre des surcoûts.
La Nouvelle-Calédonie est autonome. Elle peut donc décider d'appliquer les normes de son choix. Pourtant, elle a majoritairement décidé d'utiliser les normes françaises et européennes. Ce point est très intéressant.
Il existe des normes pour les matériaux, des normes pour la mise en oeuvre. Il existe également des problèmes de formation et d'application. Votre étude démontre que le respect des normes sur les matériaux pose question dès lors qu'il est question d'importations chinoises.
Cette question se pose également en métropole.
Certes mais nous sommes très contrôlés et les entreprises du bâtiment sont bien formées. Cette culture du contrôle n'existe peut-être pas encore en Nouvelle-Calédonie, compte tenu de l'étroitesse du territoire et du marché. S'adaptent-ils progressivement ? Ont-ils mis en place un système de formation pour les entreprises ? Reste-t-il une part du marché qui applique les normes de manière assez libre ? Nous voyons bien qu'il existe une problématique d'assurance, d'autant que les accidents de construction et les sinistres semblent plus nombreux en Nouvelle-Calédonie qu'en métropole.
Je pense qu'ils sont au milieu du gué. Leur perception des normes n'est pas toujours la même qu'en métropole. Les constructions qui se déroulent dans le cadre de marchés publics sont très respectueuses des référentiels. C'est sans doute moins le cas pour les constructions qui se déroulent dans le cadre de marchés privés.
Le comité technique d'évaluation est responsable de la mise en oeuvre des formations. Le besoin de formation est ressorti assez clairement. Nous avons la même problématique de formation en métropole mais les professionnels relaient et organisent eux-mêmes une offre de formation, ce qui n'est pas forcément le cas en Nouvelle-Calédonie.
Ce point est étroitement lié aux dispositions assurantielles, qui n'impliquent pas un contrôle très important. Aussi avons-nous recommandé la mise en place d'un organisme chargé d'assurer de meilleurs contrôles sur les ouvrages.
Les entreprises calédoniennes ont également du mal à fidéliser leurs ouvriers. Des ouvriers se présentent souvent pour travailler lorsqu'ils ont un besoin ponctuel d'argent, puis ils s'en vont lorsqu'ils ont obtenu ce qu'ils voulaient. Dans ces conditions, il est difficile de qualifier le personnel et de maintenir une qualification dans le temps.
Existe-t-il des normes australiennes au sens strict ? N'existe-t-il pas plutôt des normes par État fédéré ?
Les normes réglementaires se déclinent effectivement en une réglementation fédérale et une réglementation par État fédéré. En revanche, les normes volontaires, qui sont l'équivalent de nos normes AFNOR, valent pour l'ensemble du territoire australien. Certaines normes sont même reconnues à la fois par l'Australie et par la Nouvelle-Zélande.
Les ouvriers du BTP en Nouvelle-Calédonie sont-ils des personnels locaux ou des expatriés ?
Ce sont essentiellement des locaux. Il n'y a pas beaucoup d'expatriés en Nouvelle-Calédonie.
Quelle est la part, dans les matériaux utilisés en Nouvelle-Calédonie, des matières premières (ciment, tôle, acier, etc.) qui sont importées d'Australie et de Nouvelle-Zélande ? La Nouvelle-Calédonie importe-t-elle beaucoup depuis les territoires proches ? Les différences de coûts sont-elles importantes entre les matériaux australiens et les matériaux français ?
Je n'ai pas d'élément de réponse sur les coûts. Je sais simplement que la Nouvelle-Calédonie importe massivement depuis la métropole.
La Nouvelle-Calédonie importe du plâtre et du ciment depuis l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Je serais curieux de savoir à quelle part des besoins locaux ces importations correspondent. Je suppose que les produits locaux sont moins onéreux que les produits importés de métropole ou d'Europe.
Il existe de grosses centrales à ciment sur place. Cependant, les additifs qui constituent ce ciment viennent du Japon. Le bois est importé à plus de 50 % de Nouvelle-Zélande, même si la Nouvelle-Calédonie a une production locale de bois qu'elle souhaiterait normaliser. Face au bois néo-zélandais, ce bois local arrive difficilement à se faire une place sur le marché. Enfin, le zinc et la tôle viennent essentiellement d'Australie.
Vous nous avez expliqué que l'Australie possédait environ 3 000 normes européennes dans son corpus de normes. Par ailleurs, les concepteurs de projet calédoniens, des architectes aux bureaux d'évaluation, sont formés aux normes européennes. Enfin, les distances avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont énormes. Partant de ces constats, je ne vois pas de réelle intégration régionale. De plus, je suis bien incapable de dresser la moindre comparaison avec les autres territoires d'outre-mer (Antilles, Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon).
Dès lors que tous les acteurs sont formés à la culture française, ils appliquent les normes françaises et ne veulent pas forcément en changer.
La coexistence de deux systèmes normatifs pourrait être source de confusions et de sinistres. Ce point a été remonté par la Nouvelle-Calédonie. Il ne faudrait pas que l'inclusion d'un nouveau système se fasse au détriment de la qualité.
Mettons-nous à la place d'un entrepreneur local du bâtiment. Quel est le meilleur choix pour lui s'il veut développer son activité localement, avec de la sécurité et de la qualité ? Est-il préférable de s'orienter vers la France et l'Europe, ou vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande ? Faut-il une nouvelle normalisation spécifique à la Nouvelle-Calédonie ? Quel choix feriez-vous ?
Intuitivement, je me dirigerais plutôt vers le contexte géographique local. Toutefois, l'hégémonie de l'Australie est très forte localement. Le consulat australien de Nouméa est très influent et organise de nombreuses réunions. Face à cela, la Nouvelle-Calédonie a la volonté de rester indépendante et de représenter la culture francophone. Ils se retrouvent donc entre deux eaux. Les Calédoniens ne souhaitent pas trop donner à l'Australie.
Toutes les îles du Pacifique sont sous le contrôle de l'Australie. C'est l'Australie qui les finance et les protège. L'Australie est un peu la puissance coloniale.
La Nouvelle-Calédonie ne souhaite pas être pieds et poings liés à l'Australie.
Il est tout à fait possible de remettre en cause les normes qui sont imposées à un territoire comme la Nouvelle-Calédonie. Encore faudrait-il que les choix différents qui sont effectués localement soient reconnus, que ce soit au niveau des garanties apportées par la chaîne de construction ou au niveau des assurances. Si les normes qui sont imposées localement ne sont pas adaptées, il faut les remplacer, à condition que les nouvelles normes soient reconnues. À vous écouter, j'ai l'impression que ce n'est pas simple. Pour le moment, il n'y a pas eu de réelle adaptation opposable.
Ce n'est pas faux. Selon moi, ce n'est pas tant un problème d'adaptation des normes qu'un problème de système assurantiel qui doit être mis en phase. Construire une doctrine calédonienne en matière d'assurance et d'approche constructive est sans doute nécessaire. En revanche, il n'y a pas vraiment de souci pour les normes sur les produits.
Pensez qu'il n'existe pas de laboratoire de contrôle sur place, ce qui impliquerait d'envoyer les échantillons en métropole pour les faire tester même en cas de mise au point d'un système d'agréments ou de labels locaux. Nous sommes en contact avec le CSTB sur ce point. L'Australie possède des agréments et des avis techniques. Nous réfléchissons à la mise en place d'équivalences afin que les agréments australiens puissent être reconnus sur le sol calédonien dans le but de donner confiance aux assureurs.
Il y aurait donc lieu de mettre en place des organismes locaux qui auraient pour objectif de fusionner la part qui vient d'Australie et la part qui vient d'Europe pour aboutir à un système de contrôle ou de certification propre à la Nouvelle-Calédonie.
Ce n'est pas si simple. La Nouvelle-Calédonie peut faire ce qu'elle veut. Elle pourrait donc choisir le système le plus simple et le moins coûteux. Or, elle se heurte à des problématiques d'assurance et de formation. Il faut surtout identifier les franges dans lesquelles des améliorations assez considérables sont possibles en matière de rentabilité. Aujourd'hui, j'ai l'impression que la Nouvelle-Calédonie se cherche.
La Nouvelle-Calédonie est en capacité de choisir depuis 1985. Or elle n'avait rien fait jusqu'au début des années 2000. Les normes doivent certainement être adaptées, mais il n'existe pas de difficulté technique à faire entrer des produits locaux un peu alternatifs dans un code de construction, dès lors que le cadre assurantiel et de conception est le bon.
Effectivement, mais sans code assurantiel et sans corpus de référentiels, les bureaux de contrôle en sont quasiment arrivés à donner des jugements d'experts, et je passe sur les suspicions qui peuvent exister localement. Les bureaux de contrôle installés en Nouvelle-Calédonie sont les mêmes qu'en métropole (Socotec, Veritas, Apave). Ils sont agréés selon des dispositifs métropolitains. Nous avons eu le sentiment d'un peu de flottement au niveau des bureaux de contrôle.
Les assureurs sont plus volontaires pour avancer. Aujourd'hui, il n'existe qu'une assurance dommages-ouvrages. La notion de garantie décennale ou d'assurance dans le temps n'existe pas.
Existe-t-il des différences de prix, à qualité égale, entre les produits locaux, régionaux et européens, notamment pour le clos et le couvert (ciment, brique, bois, tôle) ? Si oui, de quel ordre sont ces différences ? Quel choix est effectué in fine ?
Je ne saurais vous dire précisément s'il existe des différences de prix.
Les modes de construction sont essentiellement de la tôle et de l'acier pour les toitures. Il n'existe quasiment pas de toiture en tuiles « européennes ». Le ciment est japonais ou australien. Il existe une production locale, mais tous les additifs ne sont pas locaux ; ils sont importés du Japon. La filière bois est certainement celle que le gouvernement essaie le plus de valoriser, mais les importations de Nouvelle-Zélande restent très fortes. Les briques de terre reconstituée (béton de terre) essaient également de se faire reconnaître en tant que produits locaux. Les importations d'aggloméré ou de construction en dur sont très rares.
Le débat a été très enrichissant. Nous critiquons souvent l'excès de normes, y compris sur le sol métropolitain, mais dès qu'il s'agit d'en supprimer, nous ne savons jamais par lesquelles commencer. Il est toujours très difficile de revenir en arrière. Nous appliquons des normes que nous critiquons, mais nous n'osons pas les changer ou les simplifier.
Nous continuerons à avancer dans nos consultations de manière à produire un rapport et à formuler des recommandations aussi fines que possible.