Politique migratoire de l'Union européenne
Monsieur le Président, mes chers collègues du Parlement européen, du Sénat et de l'Assemblée nationale, je suis très heureuse que nous ayons pu organiser cette réunion conjointe rassemblant nos collègues du Parlement européen et de nos deux commissions des affaires européennes.
Il me paraît en effet essentiel que les parlementaires européens et nationaux dialoguent de plus en plus étroitement sur les principaux sujets de l'actualité européenne, comme sur les perspectives politiques que l'on souhaite donner à l'Europe.
En un temps où la construction européenne est fortement contestée, mise en cause par les nationalismes et populismes de tous genres, il est crucial que la voix des parlements se fasse entendre - car après tout, elle est l'expression des mandats des citoyens. Nous devons contribuer ensemble à un renouveau européen, dans un esprit de complémentarité entre le Parlement européen, colégislateur, et les parlements nationaux, constituant une force d'influence et de proposition.
Nous avons aujourd'hui deux sujets principaux à notre ordre du jour, tous deux d'une très forte actualité : la politique migratoire et la préparation de la Conférence climat de Paris.
La politique migratoire est un sujet majeur pour l'avenir du continent, pour lequel le rôle du Parlement européen est central, en tant que colégislateur européen. Cette question fait non seulement la une des journaux depuis des semaines, mais est au coeur des valeurs de solidarité qui constituent notre Union : solidarité avec les personnes en danger - il y a des noyades pratiquement tous les jours en Méditerranée - et solidarité entre les États membres.
Face à la crise migratoire, nous avons besoin de plus d'Europe, mais aussi de « mieux d'Europe ». Les institutions européennes et les États membres se sont émus de la situation des réfugiés et ont fait part de leur détermination à apporter à la crise migratoire des réponses concrètes.
Si des avancées notables sont à relever, il reste toutefois beaucoup à accomplir. La pression migratoire ne fléchit pas, comme en témoigne la réunion du mini-sommet avec les Balkans le 25 octobre dernier, et les engagements formulés par les États peinent encore à se concrétiser : il semble que nous ayons surtout affaire à des déclarations d'intention. Je souhaite évoquer ici quelques étapes et défis qui me paraissent importants.
Le 20 mai 2015, j'interpellais le Premier ministre Manuel Valls dans l'hémicycle sur le rejet par la France de la proposition du président Juncker d'une répartition équitable des migrants : construire une ligne Maginot - c'est l'expression que j'avais alors employée - ne donnait aucune garantie du fait qu'elle ne serait pas franchie et me paraissait totalement illusoire et vouée à l'échec.
Depuis, les événements dramatiques se sont succédé et le principe de la relocalisation a été adopté par l'Union européenne. C'est une étape essentielle, qui me paraît positive. Il est toutefois indispensable d'aller encore plus loin, afin que le mécanisme de répartition soit pérennisé. Nous serons très intéressés de vous entendre, en particulier les députés du Parlement européen, sur cette question.
Je veux également rappeler que notre commission des affaires européennes s'est toujours déclarée favorable à la mise en place d'un système européen de gardes-frontières et de garde-côtes. Les réticences et oppositions de certains États membres à déléguer à terme une partie de leur souveraineté en la matière devront être surmontées pour parvenir à une solution opérationnelle efficace. Nous serions heureux de connaître également les propositions du Sénat et du Parlement européen à ce propos.
Les réflexions sur la politique migratoire de l'Union européenne devront aborder la politique de retour des migrants en situation irrégulière dans l'Union et les accords de réadmission, et définir une nouvelle approche des migrations légales pour répondre aux défis démographiques à venir.
Pour ce qui est du système européen d'asile, certains pays comme l'Allemagne considèrent que les dispositions de l'accord de Dublin sont obsolètes, et estiment indispensable de réviser le système existant pour renforcer la solidarité entre États membres. Nous aimerions entendre vos points de vue sur ces sujets qui figurent au programme de la Commission pour 2016.
Par ailleurs, le Conseil a décidé de poursuivre la mise en place de nouveaux centres d'enregistrement et d'accueil des migrants - les fameux hot spots. À ce sujet, les Grecs ont indiqué que, pour eux, premiers concernés, ces hot spots devaient être avant tout des centres d'accueil. Si ces centres ont commencé à fonctionner et ont procédé aux premières localisations de migrants, je reste réservée sur un dispositif où les rôles respectifs de l'Union et des États ne sont pas clairement définis. Pour moi, ils ne constituent que des points d'entrée, sans qu'il soit fait référence à des couloirs sécurisés permettant aux réfugiés reconnus comme tels d'accéder aux États d'accueil que tous les États européens devraient constituer.
Le Président de la République a annoncé que la France enverrait des spécialistes de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dans les hot spots ainsi que des experts auprès de Frontex et du Bureau européen d'appui en matière d'asile (European Asylum Support Office, EASO). Je regrette le peu d'empressement de certains États à répondre positivement aux demandes formulées par ces agences. Ainsi le nouveau président de la République de Pologne, Andrzej Duda, que nous avons reçu la semaine dernière à l'Assemblée nationale, a-t-il déclaré estimer que son pays n'avait pas à accueillir de réfugiés. Il y a des contradictions en la matière, et nous vous écouterons avec intérêt à ce propos.
Enfin, les flux migratoires ne pourront être endigués sans une politique européenne globale agissant sur les causes profondes des migrations. À cet égard, le soutien - notamment financier - annoncé aux pays particulièrement concernés par les phénomènes migratoires, comme la Jordanie, le Liban, la Turquie et les pays de l'Ouest africain, doit se concrétiser le plus rapidement possible. Les instruments d'aide au développement doivent, en complément, être utilisés afin que les conditions de vie soient améliorées, en particulier dans les pays africains, et que leurs populations cessent de regarder l'Europe comme un lieu où il serait nécessaire d'aller pour aller mieux.
La coopération avec les pays tiers doit faire l'objet d'un dialogue continu prenant en compte l'ensemble de ces points. Les efforts exigés des pays africains en contrepartie de l'aide financière apportée par l'Union européenne selon le principe du « more for more » constitueront un point central du sommet de La Valette sur les migrations qui va avoir lieu les 11 et 12 novembre prochains.
La Turquie, dont la situation géographique en fait un point de passage massivement emprunté, accueille près de deux millions de réfugiés syriens. C'est pour l'Union un partenaire incontournable dans ce contexte de crise migratoire et les négociations en cours sur le plan d'action commun soulignent la nécessité d'améliorer les conditions d'accueil et d'intégration des migrants en Turquie. Je regrette que la proposition du président Juncker visant à autoriser les réfugiés à travailler dès leur arrivée en Europe ait été rejetée en septembre : permettre aux nouveaux arrivants de travailler rapidement est en effet essentiel pour leur bonne intégration. Nous serions intéressés d'entendre vos points de vue sur les négociations entre l'Union européenne et la Turquie en cours, ainsi que sur les enjeux du sommet de La Valette.
Madame la Présidente, mes chers collègues, je me félicite moi aussi de cette réunion qui va nous permettre d'entendre le point de vue des députés européens sur la crise migratoire et la préparation de la COP21.
La crise migratoire est un événement d'une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon l'OCDE et le directeur de Frontex, M. Fabrice Leggeri, ce phénomène devrait durer entre sept et dix ans. Il va donc entraîner une modification potentielle de la société européenne. Si la Méditerranée centrale a été très exposée, la route des Balkans est désormais également soumise à une forte pression. Le programme européen tendant à une plus juste répartition manifeste une certaine solidarité, à laquelle notre pays contribuera de façon non négligeable.
Nous pouvons toutefois nous interroger sur la mise en oeuvre de ce programme. En effet, tous les États membres de l'Union européenne n'ont pas une « culture de l'asile », et il est permis de se demander si les réfugiés voudront s'installer durablement dans un pays qui ne souhaite pas leur présence, et si une relocalisation non souhaitée est plausible dans l'espace européen de libre circulation.
Le contrôle effectif des frontières extérieures est une priorité : de ce point de vue, nous ne réaffirmerons jamais assez l'importance de Schengen, même si l'on peut s'interroger sur la pertinence de la procédure de Dublin. Le Conseil européen du 15 octobre a notamment évoqué la mise en place progressive d'un système de gestion intégré des frontières extérieures - une mesure très attendue, notamment par les pays situés en périphérie -, ainsi que la création d'un corps de gardes-frontières et de garde-côtes européens. Le Conseil a aussi souhaité l'élargissement du mandat de Frontex, afin que l'agence puisse conduire des opérations de retour conjointes. Je ne demande qu'à y croire, mais cela risque d'être difficile si l'on se réfère au compte rendu de la Cour des comptes sur ce point. Un « laissez-passer européen » amélioré pourrait servir de document de référence en matière de retour. En outre, le principe « donner plus pour recevoir plus » - édicté notamment à l'adresse des pays africains - serait mis en oeuvre comme moyen d'incitation. Ainsi que l'a prévu le Conseil européen du 23 septembre, il nous faut par ailleurs mettre en oeuvre rapidement un programme d'aide financière aux centres de réfugiés en Turquie, au Liban et en Jordanie : je rappelle qu'en Turquie, les camps accueillent actuellement 2,2 millions de réfugiés.
Enfin, dans ce contexte, nous devons bien mesurer l'enjeu de la coopération avec les pays de la Méditerranée. Nous attendons avec impatience de prendre connaissance des propositions qui se dégageront à l'issue du sommet de La Valette, qui devrait notamment aborder les questions relatives au retour et à la réadmission, ainsi qu'à la prévention de l'immigration illégale. Il est évident que si nous ne tarissons pas la ressource - je regrette de devoir employer ces mots pour évoquer le malheur subi par des hommes, des femmes et des enfants -, il sera très difficile de maîtriser la crise migratoire.
Madame la Présidente, Monsieur le Président, mes chers collègues, si nous faisons face à un mouvement d'une ampleur inédite, il faut cependant replacer les choses dans leur contexte. Ainsi, on estime actuellement à 800 000 le nombre de passages aux frontières de l'Europe depuis le début de la crise - étant précisé que la même personne peut en avoir effectué plusieurs -, mais 60 millions de personnes ont été déplacées dans le monde en 2014. Le problème est donc sérieux, mais il ne paraît pas insurmontable.
Le Parlement européen et les parlementaires en général ont engagé depuis longtemps une réflexion sur les mesures à prendre, ayant pris conscience des risques qui, il y a quelques années, étaient encore en germe. Nous avons constamment affirmé qu'il fallait cesser d'aborder la question migratoire par une accumulation de textes dissociés, et mettre en oeuvre une politique holistique, c'est-à-dire transversale, prenant la question des migrations à la base dans chaque pays source et allant jusqu'à celle de l'intégration dans les pays de l'Union européenne, en passant par les problématiques des trajets, de leur dangerosité et des profits immenses qu'en tirent les passeurs. Nous devons également avoir à l'esprit que les migrations constituent un phénomène séculaire, que nous ne pouvons faire cesser du jour au lendemain.
Par ailleurs, le Parlement européen a été associé au traitement d'un certain nombre de situations dites d'urgence, avec la mise au point d'un système de répartition de 40 000 personnes, puis de 120 000 autres, soit 160 000 personnes au total, auquel nous n'avons pas réussi à donner un aspect contraignant pour les États membres. Nous avons également travaillé à l'élaboration d'autres mécanismes de traitement de l'urgence, et nous efforçons maintenant de déterminer comment nous pourrions faire évoluer ces premières solutions, afin d'être en mesure de faire face à l'avenir.
Un mécanisme permanent de répartition et de relocalisation va être mis en place au sein des États membres, auquel certains ont d'ores et déjà fait connaître leur opposition. Quant à la question des hot spots, elle est loin d'être réglée. Les Grecs ont indiqué qu'ils souhaitaient en faire des centres d'hébergement, mais il est permis de se demander ce que vont devenir les migrants une fois qu'ils auront été identifiés et enregistrés, mais n'auront pas accès à une relocalisation.
Nous devrons également nous interroger sur la question des retours, sur celle des fonds consacrés aux migrations, et sur la constitution d'une liste européenne des pays d'origine sûrs, qui comporte actuellement, sous forme de règlement, six États des Balkans plus la Turquie. Compte tenu de son caractère sensible et des négociations en cours, notamment avec la Turquie, cette dernière question revêt un caractère particulièrement important.
Enfin, au-delà des questions devant être traitées dans l'urgence, l'année 2016 devra être consacrée au travail sur la migration légale. Il est prévu que la Commission européenne formule des propositions sur ce point dès le début de l'année.
Comme cela a été dit, la question des migrations est très complexe, et ne saurait être abordée uniquement sous l'angle de l'accueil des migrants ou du contrôle des frontières extérieures : je ne connais en effet aucune frontière qui soit totalement hermétique, pas même la Grande Muraille de Chine ou le rideau de fer.
Le premier moyen d'agir est celui des annonces politiques, car nous ne devons jamais perdre de vue que nous vivons dans un village planétaire, où les moyens de communication permettent la transmission instantanée des informations en tout point du globe. J'étais en Arabie Saoudite et en Jordanie lorsque Mme Merkel a déclaré que l'Allemagne allait accueillir 800 000 personnes, et je peux vous dire que cette annonce a eu un effet dévastateur : la nouvelle s'est immédiatement répandue, interprétée comme le signal d'une ouverture totale des frontières et une invitation à se rendre en Europe. Par ailleurs, certains États du Proche-Orient y ont vu une belle occasion de donner libre cours à leur volonté cynique d'envoyer des réfugiés en Europe - je pense à la Turquie, et dans une certaine mesure à la Syrie. Il me semble donc que nous devrions nous mettre d'accord au niveau européen - nul besoin d'un règlement pour cela - sur l'idée qu'il ne faut pas faire d'annonces de ce genre. Il y a quelques années, les régularisations massives d'immigrés en Espagne avaient déjà eu les conséquences que l'on sait, à avoir un afflux immédiat de migrants à Ceuta et Melilla, ces deux enclaves espagnoles situées sur la côte méditerranéenne du Maroc - au grand dam du ministre de l'intérieur français de l'époque, Jean-Pierre Chevènement.
Le second moyen d'agir sur les migrations est d'intervenir à la source. Si l'Europe, et la France en particulier, continuent à faire preuve d'aveuglement en alignant, en ce qui concerne les conflits au Proche-Orient, leur politique sur celle de l'Arabie saoudite pour des motifs financiers, nous allons droit dans le mur : nous devons revoir notre façon de concourir au règlement de cette guerre civile et par proxy.
Il est par ailleurs un problème qui n'est jamais abordé, celui de la croissance démographique démentielle observée dans un certain nombre d'États. Ainsi l'Égypte, qui comptait 22 millions d'habitants en 1970, en compte-t-elle 88 millions aujourd'hui, et en totalisera 140 millions dans vingt-cinq ans. Il est impossible à un État de se stabiliser sur le plan interne avec une telle croissance démographique, et si l'Europe n'a pas la volonté de discuter franchement de ce problème avec les États concernés, vous pouvez être certains que nous allons avoir des lendemains qui déchantent.
Il importe de ne pas faire de confusion sémantique en procédant à un amalgame entre les notions de migrants, de réfugiés et de demandeurs d'asile, et en parlant de la crise migratoire au sens large. La formation politique dont je fais partie estime que la crise migratoire nécessite une double réponse. Premièrement, il faut traiter en urgence, sur le plan humanitaire, la crise provoquée par l'afflux massif de réfugiés provenant principalement de Syrie et d'Érythrée. Deuxièmement, il convient d'apporter des solutions de fond aux flux migratoires revêtant un aspect structurel lié à la démographie et aux déplacements de populations qui ont eu lieu de tout temps.
Ma famille politique est très attachée à ce que l'on établisse rapidement une liste des pays d'origine sûrs commune aux vingt-huit États membres de l'Union - ce qui ne sera pas facile si l'on considère que même la France et l'Allemagne n'ont pas encore réussi à se mettre d'accord sur ce point.
Il y a également urgence à installer les hot spots afin d'être plus efficaces et plus opérationnels dans l'enregistrement et le traitement des très nombreux candidats à l'asile. Certes, cette solution est encore imparfaite, mais avec l'aide de spécialistes, on devrait parvenir à améliorer et accélérer les procédures de traitement des demandes d'asile, en distinguant les personnes ayant véritablement droit à l'asile de celles qui n'ont pas vocation à bénéficier de la protection de l'Europe et doivent donc être renvoyées dans leurs pays d'origine. Un bon fonctionnement des hot spots permettrait d'améliorer en amont le traitement des dossiers, déjà très nombreux.
Même si aucune frontière n'est jamais étanche, la protection des frontières est essentielle si l'on veut sauvegarder la libre circulation à l'intérieur de l'espace de Schengen. Il est clair qu'il existe une marge de progression en la matière, c'est pourquoi nous allons appuyer la création des corps de garde-côtes et gardes-frontières, et soutenons l'envoi de personnels douaniers et d'autres spécialistes dans un certain nombre de pays ayant une frontière extérieure difficile à sécuriser.
Pour ce qui est de l'aspect structurel des migrations, c'est-à-dire de leur origine démographique, économique, voire climatique, il importe de mettre enfin en chantier des projets amorcés sous la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre de l'année 2008, s'inscrivant dans le cadre d'une véritable politique européenne commune en matière d'asile et d'immigration. Pour ce qui est de l'asile, de petits progrès ont été faits avec le paquet asile mais, bien qu'entré en vigueur depuis quelques mois seulement, celui-ci se révèle déjà obsolète et va nécessiter une révision. De même, chacun s'accorde à reconnaître que la convention de Dublin et les accords de Schengen doivent être profondément remaniés. Pour cela, nous devons nous mettre d'accord sur la définition de l'asile, ainsi que sur les règles d'obtention de la protection, du refuge, de l'asile sur le territoire européen, et définir quelques grands axes en matière de politique commune européenne d'immigration, c'est-à-dire déterminer quelles personnes - en plus des réfugiés - nous pouvons envisager d'accueillir sur le territoire de l'Union en fonction de nos capacités d'accueil, et de la situation démographique et du marché du travail.
Les deux actions - celle à effectuer en urgence, et celle constituant une réponse structurelle - doivent être menées de front. En tout état de cause, il est urgent d'accélérer et d'approfondir la réflexion par-delà nos divergences d'appréciation, résultant de nos cultures juridiques, historiques, et d'accueil. Dans le même temps, nous devons tenir un langage de vérité pour ce qui est de la différence entre les personnes pouvant rester sur notre territoire parce qu'ils ont droit à l'asile, et ceux qui n'y ont pas vocation. Notre principal souci doit être celui de l'efficacité, notamment en matière de retour et de réadmission. Enfin, le volet de la diplomatie et de la discussion avec les pays sources et les pays de transit doit être renforcé. De ce point de vue, nous attendons des avancées majeures du sommet de La Valette, qui doit donner lieu à un dialogue franc et constructif, mais sans concession, avec les pays africains.
Madame la Présidente, je ne sais si je représente ici l'un des courants que vous avez qualifiés de « nationalistes et populistes de tous genres » ; toujours est-il que les idées que je défends au Parlement européen progressent sensiblement, et je ne considère pas comme péjoratif de vous entendre souligner mon appartenance à ce courant de pensée.
J'adhère tout à fait à ce qu'a dit M. Myard sur l'appel d'air extraordinaire qu'ont représenté certaines déclarations imprudentes, en particulier celle de Mme Merkel, affirmant que l'Allemagne devait se préparer à accueillir 800 000 réfugiés. Dans la mesure où l'on a aujourd'hui accès à Internet et à tous les moyens modernes de communication en tout point de la planète, même au fin fond de l'Afrique noire, comme j'ai pu le vérifier encore la semaine dernière, il est inévitable que ce genre de déclaration ait pour conséquence un afflux massif de personnes.
On parle beaucoup de réfugiés, mais il me semble que ce terme devrait être réservé aux personnes fuyant un pays où se déroule un conflit. Ce conflit est d'ailleurs bien souvent provoqué par la désorganisation à laquelle les Occidentaux, notamment les États-Unis d'Amérique, ne sont pas totalement étrangers - je pense notamment à l'Irak et à la Syrie. Ainsi, nous avons joué contre le gouvernement légal de Damas, pourtant assez bien vu des autorités françaises au cours de la précédente mandature présidentielle, avant de lui chercher une alternative politique qui n'existe pas : dans ces conditions, comment s'étonner que la guerre civile se prolonge, et avec elle l'afflux de réfugiés ?
Quand on regarde les statistiques de près, on s'aperçoit que de nombreuses personnes se disant réfugiées sont en fait originaires de pays où il n'existe pas de conflit. Je me suis rendu avec mon groupe parlementaire en 2007 à Lampedusa - j'étais le premier président de groupe du Parlement européen à le faire - où, avec Jean-Marie Le Pen, nous avons visité le centre de rétention. Étonnamment, nous avons été bien accueillis par les malheureux qui se trouvaient là - essentiellement des ressortissants de l'Afrique francophone transitant par la Libye. Je ne dis pas que leur sort m'indiffère - rien de ce qui est humain ne m'est étranger -, mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit de réfugiés économiques, et non de réfugiés politiques.
Enfin, il est des réfugiés d'un genre un peu particulier. À Calais, par exemple, on voit beaucoup de jeunes hommes dont on nous dit qu'ils fuient la guerre parce qu'ils sont Afghans. Au moment où nous commémorons la Première Guerre mondiale, me revient en mémoire l'histoire de mon grand-père. En août 1914, il venait à dix-neuf ans de réussir le concours d'entrée à Polytechnique quand l'Allemagne a déclaré la guerre à la France : il ne s'est pas réfugié en Suisse ou en Espagne, mais s'est engagé pour défendre son pays.
Les Espagnols ne se sont-ils pas réfugiés en France lors de la guerre civile ?
Il me paraît paradoxal, et pour tout dire immoral, que l'on envoie de jeunes Français se faire tuer en Afghanistan afin que ce pays échappe à la mainmise des Talibans et que, dans le même temps, on accepte que de jeunes Afghans viennent se réfugier en France - qu'ils viennent se réfugier au chaud, dirais-je si ces termes ne risquaient de choquer eu égard aux conditions d'hygiène dans lesquelles ils vivent.
Quelle honte d'entendre des choses pareilles !
Je vous demanderai de rester dans le sujet, cher collègue.
C'est ce que je fais, Madame la Présidente, en évoquant de prétendus réfugiés qui sont en réalité de jeunes hommes en âge de se battre pour défendre leur pays - c'est mon point de vue, et il me semble que chacun est ici pour exprimer le sien.
Une autre question qui n'est jamais posée est celle de l'effort qui n'est réclamé qu'à l'Europe occidentale, et pas à d'autres pays qui sont pourtant culturellement, religieusement et peut-être politiquement plus proches de ces malheureux réfugiés que ne le sont les pays européens. Si le Liban et la Turquie consentent un effort considérable, quid du Qatar, des Émirats arabes unis, de l'Arabie saoudite, du Koweït, qui regorgent d'argent, du Bahreïn, du sultanat d'Oman, ou encore d'Abou Dabi ? Ne serait-il pas souhaitable d'exercer une certaine pression diplomatique sur ces pays ?
Mme Le Grip et M. Myard ont évoqué, à juste titre, la distinction qu'il est nécessaire d'établir entre les vrais réfugiés et les autres, qui ont vocation à retourner dans leur pays. Depuis la dernière audition de M. Cazeneuve, la Cour des comptes, pourtant présidée par M. Migaud, plus proche du courant socialiste que de celui que je représente, a confirmé que plus de 90 % des déboutés du droit d'asile ne revenaient pas dans leur pays d'origine. C'est pourquoi je pense que ces fameux hot spots, c'est-à-dire les centres où sont examinées les demandes d'asile, devraient plutôt être localisés sur le pourtour méditerranéen qu'à l'intérieur de nos frontières. À mon sens, nous devons parvenir à conclure des accords en ce sens avec l'Égypte, la Tunisie, la Turquie et le Liban, afin que l'accueil, le tri et l'examen des demandes se fassent sur place, afin de faciliter le retour - car chacun sait qu'une fois qu'un migrant, pouvant ou non prétendre au statut de réfugié, a mis le pied en France, il est pratiquement impossible de le renvoyer dans son pays.
À mon sens, la question de la politique migratoire ne pourra être traitée qu'au niveau européen, au moyen d'une forte coopération entre tous les États membres de l'Union européenne. Cette question met en évidence une triple responsabilité de notre part.
Premièrement, il ne faut pas céder à la facilité consistant à rejeter la faute sur l'Europe, mais plutôt s'efforcer d'expliquer à l'opinion publique la situation très complexe à laquelle nous devons faire face. À cet égard, il est impératif de renforcer les moyens de l'agence Frontex, à qui nous demandons chaque jour un peu plus ; si nous souhaitons que cette agence remplisse ses rôles de sécurisation de l'ensemble de nos frontières extérieures, mais aussi de coordination de la politique migratoire définie au niveau européen, elle doit disposer des moyens budgétaires, humains et juridiques nécessaires pour accomplir sa mission.
Deuxièmement, nous avons le devoir de répondre à la crise migratoire de la façon la plus humaine possible, en faisant en sorte que chaque État prenne sa part. Je ne suis pas du tout convaincu que les Afghans qui se trouvent à Calais viennent en France par plaisir, pour se mettre au chaud : cette réflexion de M. Gollnisch m'a beaucoup étonné. La répartition des réfugiés est indispensable si nous voulons respecter la solidarité européenne, et les États membres doivent participer humainement, mais aussi financièrement, à la résolution de cette crise. Ainsi, nous ne devons pas laisser aux États en première ligne, ceux où se trouvent les centres d'accueil - la Grèce, l'Italie et certains pays des Balkans - la totalité de la charge financière résultant de l'accueil des migrants. Les centres qui doivent permettre de différencier les migrants éligibles au statut de réfugiés et ceux qui tentent de rejoindre le continent européen pour d'autres motifs, si compréhensibles soient-ils, constituent une première réponse nécessaire. Cela dit, de nombreuses questions subsistent quant à la façon dont ces centres seront mis en place et gérés, et quant à l'implication des États membres. Selon moi, il faut s'assurer de la mise en place de procédures standardisées pour assurer l'efficacité et l'équité des décisions prises. Comme je l'ai déjà souligné, la sécurité et l'encadrement de ces centres doivent incomber aux États membres, mais il me semble que l'aspect technique devrait permettre une supervision par les institutions ou les agences de l'Union comme Frontex.
Troisièmement, enfin, la responsabilité de l'Union est aussi d'aider à traiter les causes du problème. À l'heure actuelle, 12 millions de Syriens ont besoin d'une aide humanitaire, et l'Union et les États membres ont débloqué 4,2 milliards d'euros pour cela, mais nous ne pouvons-nous contenter d'appliquer des pansements sur des plaies béantes. La diplomatie européenne doit pouvoir jouer un rôle dans la résolution de ce conflit, et cela passe par la définition d'une position commune. Il nous faut aussi garantir les fonds consacrés au développement, afin de répondre au problème que rencontrent les migrants économiques. Toutes nos actions doivent viser à ce que ces hommes et ces femmes n'aient pas à quitter leur pays en risquant leur vie. À ceux qui remettent sans cesse l'Europe en question, je dis que nous avons plus que jamais besoin de l'Europe pour traiter les problèmes migratoires.
Monsieur Gollnisch, vous avez dit que les Émirats arabes unis et le Qatar, par exemple, ne faisaient rien. Mais savez-vous que les Émirats comptent actuellement plus de 6 millions d'étrangers sur leur sol, pour un total de 7 millions d'habitants ? Savez-vous que la Jordanie accueille en ce moment même de nombreux Syriens ?
Oui, c'est pour cela que je ne l'ai pas citée.
En conclusion, nous avons besoin de plus d'Europe et devons donner davantage de moyens aux organismes existant actuellement. N'oublions pas les leçons de l'Histoire : ce qui s'est passé en Europe il n'y a pas si longtemps doit nous faire prendre conscience de la nécessité de traiter le plus humainement possible le flux migratoire.
Je passe la parole à Charles de La Verpillière, coauteur avec Marietta Karamanli d'un rapport sur les politiques européennes en matière de lutte contre l'immigration irrégulière au regard des migrations en Méditerranée.
La crise migratoire que nous traversons constitue un phénomène historique considérable qui, s'il a commencé il y a plusieurs centaines de milliers d'années, a pris en 2015 une ampleur considérable. Les causes en sont connues : il s'agit de la démographie, de la misère et de la famine, de la guerre, de la corruption, de la dictature, des violences ethniques et religieuses, mais aussi du climat, avec la désertification et la montée du niveau des océans. Nous devons avoir le courage de dire à nos concitoyens que ce phénomène va durer, et qu'il faut en traiter les causes si nous voulons le maîtriser un tant soit peu. Cela dépasse les capacités d'action d'un seul État et relève de la responsabilité de l'Union européenne, de l'ONU et des coalitions lorsqu'il s'agit d'agir militairement - bref, c'est une action de longue haleine, et je dirai, en encadrant cette formule de guillemets, que le meilleur migrant est celui qui n'est pas parti de chez lui.
Dans l'immédiat, nous devons traiter les migrations en cours et, de ce point de vue, il y a incontestablement des choses à faire en France. L'État doit prendre ses responsabilités - ce qui n'est pas le cas actuellement, selon le groupe Les Républicains. Au niveau européen, il faut d'abord traiter les demandes d'asile le plus en amont possible, c'est-à-dire en Afrique, en Turquie et en Libye - quand l'ordre y aura été rétabli -, afin de distinguer, en dehors des frontières de l'Europe, les réfugiés des migrants économiques, et permettre un retour plus rapide et plus facile vers les pays d'origine lorsque la demande d'asile est rejetée.
Dans cet esprit, le groupe Les Républicains salue la création des hot spots, dont le premier a été ouvert sur l'île de Lesbos, et souhaite que l'Union européenne approfondisse ses relations diplomatiques avec les pays d'origine et de transit, afin de faciliter les retours. Nous sommes également favorables à l'harmonisation des règles de traitement des demandeurs d'asile et à l'établissement à cette fin d'une liste commune des pays sûrs. Enfin, nous souhaitons le renforcement de la lutte contre les trafiquants d'êtres humains et, pour cela, la création des instruments juridiques permettant la saisie et la destruction des embarcations des passeurs.
Je n'avais pas l'intention d'intervenir initialement, mais face aux horreurs que j'ai entendues, je ne peux que réagir. M. Gollnisch semble complètement insensible à tout ce qui se passe, aussi bien en Méditerranée qu'à Calais, et s'en tient à une recette qui lui est chère : les musulmans doivent aller dans les pays musulmans, seuls les chrétiens pouvant éventuellement mettre le pied en France.
C'est exactement ce que vous avez dit en énumérant les pays où devraient se rendre les réfugiés.
En parlant ainsi, vous faites abstraction du fait que nous avons une histoire, et que nous devons respecter un certain nombre de conventions internationales. Ainsi, la convention de Genève affirme très clairement que les États signataires doivent prendre soin des réfugiés politiques en danger de mort dans leurs pays d'origine. Pour ce qui est de l'Histoire, la France a connu un brassage constant de sa population au fil des siècles. Un Français de 2015, c'est souvent un descendant de réfugiés espagnols ou de boat people des années 1970 ou 1980 : c'est cela, la France multiculturelle dans laquelle nous vivons et dont nous sommes fiers. Et si nous voulons être à la hauteur de nos engagements internationaux et de notre histoire, il est de notre devoir aujourd'hui de mettre en oeuvre une politique d'accueil qui soit ouverte et à la hauteur de ces ambitions.
Enfin, il me semble que l'on ne peut traiter la question de la crise migratoire indépendamment d'autres questions, que ce soit celle du développement ou celle de la politique étrangère et de sécurité commune, qui sont toutes liées. Je soutiens donc la proposition faite par le Président de la République d'avoir une conférence internationale permettant de mettre en perspective toutes ces politiques, dont la politique migratoire n'est qu'une parmi d'autres.
Le débat sur le rôle que doit avoir l'agence Frontex, et donc sur les moyens qui lui sont nécessaires, traduit le malthusianisme qui sous-tend la définition du budget européen : parce que ce budget pluriannuel n'autorise aucune marge de manoeuvre, il faut, à chaque nouvelle crise, improviser et envisager des ressources propres - comme si l'on ne savait pas que l'Union européenne progresse de crise en crise. Si l'on veut véritablement assigner aussi à Frontex une mission de prévention, il faut accroître les moyens de l'agence, ce qui impose d'en passer, encore et encore, par des discussions entre les États membres qui, en l'espèce, se renvoient la responsabilité sans que jamais les moyens indispensables soient débloqués.
Sur un autre plan, c'est de « crise des migrations » qu'il convient de parler. En utilisant le terme « crise des migrants », on mêle les migrants économiques, les personnes qui prétendent au regroupement familial et celles qui demandent le droit d'asile, droit absolu. Or, la logique qui les anime n'est pas la même. Un migrant économique a choisi de venir en Europe ; il cherchera à s'intégrer dans la société d'accueil. Comme je l'ai vu en Croatie et en Slovénie lors de la guerre dans les Balkans, un réfugié ne choisit rien : il va où il peut, dans l'asile le plus proche, et sa volonté première est de revenir dans son pays. Les personnes déplacées qui sont dans les camps situés dans les pays en lisière des zones de guerre et notamment de la Syrie - camps dans le fonctionnement desquels ni l'Union européenne ni les autres États disposant de ressources n'investissent assez -, vivent dans des conditions insupportables de violence omniprésente. Tous ces réfugiés ne souhaitent pas venir en Europe ; ils voudraient rentrer chez eux mais, la situation étant catastrophique, ceux qui le peuvent essayent de quitter ces camps pour partir plus loin, au péril de leur vie.
Il ne faut pas penser la question en hiérarchisant les légitimités mais en fonction des capacités réelle d'intégration ; je sais de source sûre que les tensions sont, par exemple, de plus en plus fortes à Montréal, qui accueille un flot de migrants considérable, alors même que le Québec est multiculturel et doté de grands moyens.
M. Gollnish parle d'installer des centres d'accueil et de recensement des migrants hors des frontières de l'Union européenne. Voilà qui rappelle quelque chose. Mouammar Kadhafi possédait sa propre compagnie d'aviation, qui proposait les billets les moins chers pour relier l'Afrique noire à l'Europe. Seulement, les voyageurs étaient contraints à une escale obligée dans le désert libyen, où l'on triait ceux dont les pays européens pouvaient avoir besoin. M. Berlusconi a beaucoup utilisé cette sorte de hot spot, mais aussi, dans une moindre mesure, les gouvernements espagnol et français de l'époque. Mais qu'advenait-il des autres ? Combien d'Africains, loin d'être renvoyés chez eux, ont fini dans des camps de travail forcé dans le désert ? On évoque maintenant la création de hot spots dans des pays du pourtour méditerranéen pour permettre le contrôle avant le départ ; mais de quelles capacités des pays tels que la Libye ou même la Tunisie et les autres disposent-ils pour recenser les migrants et apprécier convenablement leur situation ?
Dans le rapport intitulé « Migrations internationales, enjeu planétaire » adopté le 27 octobre, le Conseil économique, social et environnemental préconise de réviser le règlement de Dublin pour en finir avec le principe de l'examen des demandes d'asile par le pays d'entrée sur le sol de l'Union. Qu'en pensent nos collègues du Parlement européen ?
Quel est l'état de l'Union européenne ? Quel est son degré de solidarité ? Quelles peuvent être la solidité et la fiabilité d'engagements pris par onze pays membres seulement ? Où sont les dix-sept autres ? Qu'est-ce que cela dit de la fragilité de l'Union ?
Prenons un peu de recul au sujet de l'accord de Schengen et convenons que nous avons péché par timidité au moment de le définir, en organisant la libre circulation des personnes sans politique commune d'immigration légale, sans contrôle commun des frontières extérieures, sans définition commune du réfugié et sans création d'un office européen des réfugiés. Nous, Européens, sommes donc coupables, et responsables. De même, dans les années 1970, nous avions tous pris l'engagement de porter l'aide au développement à 0,7 % de notre PNB - nous en sommes loin ! Plutôt que d'accuser des gens qui, fuyant la misère et la guerre, se trouvent dans des situations épouvantables, nous devons assumer notre responsabilité dans ce qui se passe.
En politique étrangère, nous ne sommes pas aidés par les journalistes ; ils ne font pas leur travail, qui est d'expliquer l'enchaînement des événements. Ce qui a changé la donne, c'est la progression radicale de Daech en Syrie et avec elle celle de la terreur. Et ce qui a permis cette progression, c'est que la diplomatie américaine n'a pas soutenu toutes nos initiatives. Il faut saluer l'engagement permanent du président de la République, convaincu que l'on ne pouvait laisser se développer aux portes de l'Europe la situation que l'on connaît maintenant en Syrie. Et bien que ce faisant je ne sois pas dans mon rôle, je défendrai la Chancelière Angela Merkel qui, face à l'horreur qu'est l'érection de murs à la frontière hongroise, a réagi en pensant d'où elle vient.
Une sorte de psychose gagne les esprits dans notre pays - mais examinons les chiffres ! Ce n'est pas en France que ces masses de réfugiés veulent venir « bénéficier des prestations sociales », mais en Allemagne. Quant à dire que l'on défendrait l'identité française en remettant en cause le droit du sol et le regroupement familial... allons donc ! Il y a là des dérives auxquelles nous devons prendre garde, et je suis fondée à penser que je défends mieux cette identité en défendant le droit d'asile, le droit d'accueil des réfugiés, le droit au regroupement familial et le droit du sol.
Je répondrai à M. Daniel Raoul que la réunion, le 25 octobre, de onze chefs d'État et de gouvernement illustre le pragmatisme de M. Juncker ; face à une tension excessive, il a obligé les dirigeants européens à prendre leurs responsabilités, au risque, sinon, que tout parte à vau-l'eau. La relocalisation et la répartition des réfugiés constituent une suspension de fait de l'accord de Dublin ; de nombreuses ONG le demandaient pendant la campagne des élections européennes. La réalité nous a rattrapés et il nous faut retravailler cet accord. Pour toutes ces raisons, il ne faut pas moins mais plus d'Europe. Chacun, en France, est attaché au principe de la libre circulation. Si nous la voulons pour nous-mêmes, nous devons compléter un dispositif demeuré imparfait, au-delà de la solidarité due à tout réfugié.
Je partage pour partie l'opinion de Mme Pervenche Bérès, mais j'ai été mal à l'aise d'entendre Mme Merkel s'exprimer brutalement, sans même en avertir le Président de la République ; ce jour-là, comme l'a dit M. Myard, la voix asynchrone de l'Europe a effectivement provoqué un appel d'air : les conséquences de l'avancée de Daech ne peuvent être ignorées, mais ce sont des gens de 80 nationalités qui se sont dirigés vers l'Europe. Il convient d'élargir le débat à la politique familiale de certains pays d'origine des migrants ; si on ne le fait pas, de grands problèmes sont à venir pour l'Union européenne. Je déplore l'échec de la politique de voisinage. Nous avons considéré que le danger était seulement à l'Est et le drame s'est déclenché au Sud sans que nous ayons pris suffisamment à coeur le concept qui sous-tendait l'Union pour la Méditerranée ; la coopération euro-méditerranéenne devient impérative. J'appelle de mes voeux une conférence internationale permettant de mettre tous ces éléments en perspective, car la politique migratoire actuelle est lourde de conflits potentiels.
Le directeur de l'agence Frontex considère disposer de moyens suffisants ; pour lui, la gestion intégrée des frontières n'est plus un problème financier mais d'organisation. Enfin, le règlement de Dublin est désormais inopérant et je suis d'accord sur ce point avec Mme Pervenche Bérès : nous n'avons pas donné toute sa dimension au principe de la liberté de circulation tel qu'adopté à Schengen. J'espère que nous prendrons de la hauteur. Sachant que, selon l'OCDE, la question migratoire est vouée à durer de sept à dix ans encore, nous serons appelés à nous revoir pour traiter à nouveau de ces questions.
En effet. Il serait bon de le faire après que les premiers hot spots auront commencé à fonctionner.
Préparation de la Conférence Paris climat 2015 - COP21
La Conférence climat de Paris qui s'ouvrira le 30 novembre prochain devrait être déterminante pour la réussite de la lutte contre le changement climatique, et aussi pour que nous n'ayons pas à traiter, demain, de la question de grands flux de réfugiés climatiques - certains arrivent déjà d'Afrique. La pré-COP21 qui s'est tenue à Bonn du 20 au 23 octobre dernier a permis d'aboutir à un projet de texte. Cependant, les discussions ont été difficiles, et « si nous voulons transformer ce texte en accord juridique, nous devrons travailler différemment à Paris », a affirmé le Pérou, qui assurait la présidence de la COP20.
Les positions ont certes été clarifiées sur quelques points, mais des sujets essentiels, tel le financement des politiques climatiques des pays du Sud par les pays du Nord, demeurent irrésolus. J'ai participé à la troisième conférence internationale sur le financement du développement qui s'est tenue à Addis Abeba en juillet dernier. Ses conclusions n'ont pas rassuré les pays du Sud, en particulier les pays africains ; on en voit les effets aujourd'hui. On ne peut demander à ces pays de faire des efforts contraignants sans leur donner accès aux technologies nécessaires et sans avoir créé un Fonds vert. C'est pourquoi, le 26 octobre dernier, les ministres de l'environnement des Vingt-Huit réunis à Luxembourg ont estimé que beaucoup restait à faire pour parvenir à un accord. Le texte, ramené à 51 pages, est toujours considéré déséquilibré et inéquitable par les pays en développement, pour les raisons dites.
La réunion pré-COP organisée à Paris du 8 au 10 novembre sera la dernière occasion de progresser. L'Union européenne devra construire des ponts, et exercer une plus forte pression pour faire de la Conférence de Paris un succès ; peut-elle y parvenir ?
Par ailleurs, outre qu'il manque d'ambition, le projet de texte n'est pas suffisamment contraignant. En Inde, où j'ai récemment conduit une mission sur les négociations climatiques, nos collègues indiens ont souligné que les États occidentaux entendent maintenant imposer à tous les pays les mêmes contraintes qu'à eux alors même qu'ils ont, au fil de l'Histoire, davantage pollué la planète que les autres. « Accentueriez-vous vos propres efforts que nous serions plus réceptifs à vos demandes », m'a-t-on dit, soulignant que la partie de l'accord relative à l'adaptation n'est pas assez fournie. Dans le même temps, on note des dysfonctionnements au sein même de l'Union européenne, où certains États, dont les pays membres du groupe de Viegrad, font machine arrière, disant ne pas être prêts à suivre les préconisations européennes relatives aux énergies les plus polluantes.
Dans ce contexte, comment structurer un accord pouvant être ajusté pour permettre une ambition progressivement plus forte ? Peut-être en redynamisant ce qui concerne les perspectives énergétiques, puisque ne figurent dans le projet d'accord ni mise en cause des énergies fossiles, pourtant responsables de 80 % des émissions de CO2 actuelles, ni perspectives chiffrées de développement des énergies renouvelables. L'Union européenne, qui a adopté son « paquet énergie climat 2030 », ne devrait-elle pas affirmer plus clairement les efforts qu'elle est prête à faire à ce sujet ? Celle qui était jusqu'à présent la bonne élève en ces matières ne doit-elle pas sortir du flou ?
Enfin, si le projet d'accord établit qu'un financement d'au moins 100 milliards de dollars par an devra être garanti à compter de 2020 pour assurer le développement du Fonds vert, rien n'est dit ni sur la manière d'y parvenir ni sur la nature de ces financements. La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni se sont engagés à hauteur de 2 milliards d'euros chacun, mais les pays les plus vulnérables considèrent que les pays les plus riches ne les ont pas encore suffisamment entendus.
Pour que le texte ne soit pas seulement d'affichage, il doit être contraignant. Faisons connaître notre point de vue sur ces questions à ceux qui négocient la COP21 ; le temps presse.
Je me réjouis de la convergence des réflexions sur ce sujet majeur, quelles que soient les sensibilités politiques. Le Sénat formalisera sa position le 16 novembre en vue de la COP21. Une réunion de l'Union interparlementaire aura lieu le 6 décembre au Sénat à l'occasion de la Conférence de Paris. Je souhaite que l'accord qui sera trouvé soit équilibré. Il faudra, vous l'avez dit, mobiliser 100 milliards de dollars de fonds publics à l'horizon 2020. Je rappelle l'engagement pris par l'Union européenne de consacrer 20 % de son budget à des politiques relatives au climat pour la période 2014-2020. Je me réjouis de la refonte prochaine du système européen des quotas d'émission de gaz à effet de serre car le prix de la tonne de carbone s'étant effondré, il n'a pas incité à une démarche vertueuse ; la réforme du mécanisme est très attendue. Enfin, j'ai lu dans l'un des derniers rapports du Parlement européen relatif à l'Union européenne de l'énergie que « la non-Europe de l'énergie » aura coûté 40 milliards d'euros aux Vingt-Huit en 2014. Peut-on se le permettre quand on est à la recherche de moyens financiers pour mener de nombreuses politiques ? La réalisation de l'Union européenne de l'énergie qui est, à juste titre, l'un des objectifs prioritaires de M. Juncker, résoudrait de nombreux problèmes.
Mmes Pervenche Bérès et Sylvie Guillaume ayant exposé notre position, je n'ai pas souhaité prendre la parole au cours du débat précédent, mais j'ai participé à la visio-conférence que vous avez organisée le 13 octobre sur les questions migratoires. Elle a permis des échanges très instructifs entre la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale et la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen. Je vous remercie d'avoir pris cette initiative et je pense qu'il faudra renouveler l'expérience.
Le 14 octobre dernier, le Parlement européen a adopté le rapport présentant ses objectifs dans les négociations à venir lors de la Conférence de Paris sur le climat. Le rapporteur était Gilles Pargneaux, membre de la commission de l'environnement ; j'étais « rapporteure fictive » du groupe des socialistes et démocrates pour avis de la commission des transports et du tourisme. C'est du secteur des transports que je vous parlerai, celui qui émet le plus de CO2- plus de 30 % des émissions de l'Union européenne - et l'urbanisation croissant, ces émissions polluantes ne cessent d'augmenter. C'est l'un des volets dans lesquels il faut intervenir, et nous avons les moyens de réduire fortement ces émissions.
Nous sommes très attachés à la mobilité des personnes, mais elle peut être acquise plus intelligemment. Il y a d'abord l'objectif de réduire de 30 % les émissions de CO2 dans le secteur des transports d'ici 2030 ; ce n'est pas simple, mais c'est tout-à-fait atteignable. Le deuxième axe d'intervention est réglementaire : c'est l'encadrement des émissions des véhicules. « L'affaire Volkswagen » a eu un grand écho. Mais dès juillet, avant même que la fraude soit connue, la commission des transports du Parlement européen avait adopté les propositions de nouvelles normes relatives aux émissions de polluants ainsi qu'un de mes amendements visant à réviser les procédures de tests pour qu'ils aient lieu en conditions réelles. Ces dispositions ont été entérinées par la Commission européenne il y a une dizaine de jours. Malheureusement, elle n'est pas allée aussi loin qu'elle aurait dû le faire ; je souhaite, comme, je le suppose, chacun de nous, qu'elle revienne sur cette position. Il faudra aussi intervenir sur les secteurs du transport aérien et du transport maritime, également très polluants, en tirant partie des nouvelles motorisations au gaz.
Cette politique globale a aussi un impact sur la recherche et le développement, l'investissement et l'emploi. L'Union européenne doit être à l'avant-garde dans la recherche et le développement de carburants alternatifs, d'autres types de motorisation et d'autres pratiques. Telles sont les propositions de la commission des transports qui figurent dans le rapport du Parlement européen. Elles traduisent notre conviction que ce secteur ne doit plus être considéré comme un grand pollueur mais comme participant au développement durable et à la lutte contre le réchauffement climatique.
On tend effectivement à effacer les engagements de l'Union européenne en matière d'énergies renouvelables et surtout d'efficience énergétique en se focalisant sur un seul indicateur : la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'Union européenne est-elle réellement la bonne élève que vous avez décrite, madame la présidente ? En réalité, la réduction des émissions a résulté du très fort ralentissement de la croissance, et si la transition énergétique a été engagée par certains pays, ce n'est pas sans paradoxe ; ainsi, en Allemagne, tout en utilisant davantage les énergies éolienne et solaire, on en est aussi revenu à l'exploitation plus marquée du charbon. Nous n'en sommes donc qu'aux prémices de la transition écologique, et l'on oublie souvent que l'on ne parviendra à réduire réellement les émissions de gaz à effet de serre qu'en associant transition énergétique, plus grande efficience et moindre gaspillage.
Les objectifs apparents, plus ou moins contraignants, que se fixent les États sont parfois arrangés, soit en raison de l'imprécision des dates auxquelles ils sont dits devoir être respectés, soit que leur détermination tienne compte des puits de carbone naturels. Ainsi, le Canada et la Russie intègrent dans leurs calculs leurs vastes étendues de toundra ou de forêt boréale pour augmenter leurs objectifs d'émissions industrielles. Il faudra donc analyser précisément les objectifs pays par pays.
Au-delà des États, les grandes agglomérations et les territoires agissent en faveur de la lutte contre le changement climatique, mais aussi les financiers. Ainsi Rockefeller & Cie, tout comme le fonds souverain norvégien, ont-ils décidé de désinvestir de l'économie carbonée. Si cette démarche se cumule aux engagements pris par les métropoles, où se concentrent les effets du changement climatique, un espoir peut naître. Enfin, sachant que les pays industriels occidentaux sont responsables des deux tiers de la catastrophe climatique en cours, il convient bien sûr d'accompagner les pays émergents pour parvenir, ensemble, à une solution.
Il est louable que le Gouvernement français se préoccupe, en hébergeant cette importante conférence internationale, du réchauffement du climat, phénomène avéré qui a des effets négatifs et même désastreux en certaines parties du monde, singulièrement en Afrique, mais qui n'a pas que des effets négatifs partout. Cependant, des doutes persistent en moi à la lecture d'ouvrages scientifiques qui contestent le dogme apparemment intangible du lien de causalité entre le réchauffement climatique d'une part, l'activité humaine par l'utilisation des énergies fossiles d'autre part. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire de l'humanité que des périodes de réchauffement climatique se produisent, et les précédentes n'étaient certainement pas dues à cette utilisation. Aussi, le problème reste posé, et je demande que la liberté d'expression et de recherche demeure entière dans ce domaine. J'ai été assez choqué d'apprendre par le quotidien Le Monde que le chef du service météorologique de France 2, chaîne de télévision d'État, qui est ingénieur et journaliste, allait être convoqué pour un entretien préalable à son licenciement, au motif qu'il aurait écrit un livre politiquement incorrect dans lequel il émet des doutes ou des réserves sur la compétence des membres du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Monsieur, vous êtes hors sujet.
C'est tout-à-fait le sujet de la Conférence de Paris, Madame, et il est au moins aussi important de parler de ce qui se passe à la télévision d'État que de ce qui se passe chez Volkswagen. Les mêmes réserves ont été exprimées par M. Christian Gerondeau, polytechnicien et ancien directeur de la sécurité routière. Si la conférence dont nous nous préoccupons se fonde exclusivement sur les conclusions du GIEC, je souhaite que la liberté d'expression et de critique soit préservée.
Je redis, Monsieur, que nous traitons de la préparation de la Conférence de Paris sur le climat.
Une conférence qui se fondera sur les conclusions du GIEC.
Je ne vous ai pas redonné la parole et je vous demande de respecter les règles en vigueur dans cette enceinte.
Vous vous autorisez à critiquer mes propos, je vous réponds.
Pour en revenir à la préparation de la COP21, je souhaite que l'on aborde la question des réfugiés climatiques dans un esprit de solidarité internationale puisque, dans le respect des droits fondamentaux inaliénables, les États ont le devoir de protéger les individus vulnérables. Dans sa résolution adoptée le 14 octobre dernier, le Parlement européen déplore que le statut de réfugié climatique ne soit pas encore reconnu. Mais les personnes les plus vulnérables sont celles qui ne peuvent se déplacer ; en définissant un tel statut, on pourrait négliger le sort de ceux qui risquent de mourir parce qu'ils n'ont pas eu les moyens de quitter leur pays. Mieux vaut agir par l'aide au développement, souvent oubliée en temps de crise économique, pour prévenir des situations intolérables.
On ne peut qu'être d'accord avec les objectifs de la COP21, mais a-t-on bien mesuré l'impact économique et social des mesures qui vont être prises ? La question ne se posera pas au sein de l'Union européenne puisque l'accord s'imposera à tous les États membres, mais qu'en sera-t-il de la compétitivité des entreprises et de l'agriculture européennes si l'on ne parvient pas à une convergence internationale ?
Mme Christine Revault d'Allonnes Bonnefoy a souligné le poids de la contribution du Parlement européen à la Conférence de Paris ; le rapport de Gilles Pargneaux définit quel devrait être le niveau d'ambition européenne à la COP21. Si la Conférence de Paris est un succès, ce sera celui de la diplomatie française appuyée par son camp de base, l'Union européenne ; c'est dire l'importance de la manière dont l'Union aborde cette conférence. À l'origine, c'est elle qui a fait de la Conférence de Kyoto un moment décisif de la lutte contre le dérèglement climatique ; le sujet était neuf, ce qui a donné une capacité d'initiative à l'Union. Ensuite, à Copenhague, on a assisté à la mobilisation des États et à l'affaiblissement de la Commission européenne ; il en est résulté un échec. Une action conjointe est maintenant possible par la mobilisation d'États voulant aboutir à un bon résultat et d'une Commission européenne donnant la nécessaire vision d'ensemble.
M. Laurent Fabius, reçu la semaine dernière au Parlement européen, a souligné, en accord avec les membres de la commission de l'environnement et celle des affaires étrangères, l'importance de la clause de révision des engagements pris par les États ; le tout récent engagement de la Chine en ce sens permet de penser que ce sera un élément clef du futur accord. Reste en suspens la question du prix du carbone, qui ne sera manifestement pas tranchée lors de la Conférence de Paris.
Il y a toujours des climato-sceptiques, mais l'activité humaine a un effet incontestable sur notre planète. Pour le refréner, une course s'est engagée entre l'approche normative et l'approche technologique. Les Européens ont très longtemps cru pouvoir se limiter à l'approche normative, laissant à d'autres la course à la maîtrise technologique. L'accord, que j'espère le plus ambitieux possible, qui scellera la COP21 nous oblige pour la suite. Nous devrons donc veiller à nous préoccuper aussi de notre capacité d'investissement pour maîtriser les technologies qui nous permettront de répondre au mieux aux besoins identifiés et qui garantiront notre compétitivité dans les domaines considérés.
J'appelle enfin l'attention sur le lien nécessaire entre ce débat et celui qui porte sur l'Union des marchés de capitaux. Si l'on ne se préoccupe pas de flécher les investissements en faveur de la transition écologique, on aura favorisé la spéculation au lieu de réfléchir à la stratégie commune que les marchés financiers doivent financer. Pour concilier ces deux priorités, il faut reprendre les propositions de l'économiste Michel Aglietta visant à pondérer les investissements de manière à favoriser la transition écologique.
Je plaide en faveur d'efforts pédagogiques plus poussés. Les citoyens, qui ne trouvent pas forcément leur place dans les débats entre experts et politiques, craignent que la lutte contre le changement climatique ne se traduise avant tout par des taxes, des pénalités et des lourdeurs administratives accrues. Il importe d'expliquer les enjeux par des messages simples, partout dans le monde, sans quoi la fracture se creusera et entre les États et entre les citoyens.
Le travail mené depuis des années n'aura de sens que si l'accord conclu à Paris se traduit au niveau local, comme le rappelle inlassablement le sénateur Ronan Dantec, qui travaille avec les collectivités locales de toute la planète à des échanges de bonnes pratiques. Les députés français préparent une résolution qui traduira leur mission d'interface entre les citoyens et le Gouvernement. La Conférence de Paris devra veiller à ce que les mesures adoptées soient ambitieuses et contraignantes ; cela ne se conçoit sans mesures d'adaptation pour les pays en développement - ce qui signifie des transferts de technologies - et sans définition d'un calendrier d'application des mesures adoptées. Le texte n'étant pas encore abouti, des inquiétudes subsistent, mais la prise de conscience croissante de l'urgence qu'il y a à agir permet d'espérer.
Je vous remercie, chers collègues, de votre participation à ce débat.
La séance est levée à 19 h 55.