Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir M. Stéphane Bouillon, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en sa qualité de préfet coordonnateur du plan national d'actions 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage.
Ce « plan loup », dévoilé le 19 février dernier, a suscité de nombreuses réactions plutôt négatives, de la part aussi bien des éleveurs que des associations de protection de l'environnement. Aussi avons-nous chargé Cyril Pellevat, président du groupe d'études sur le développement économique de la montagne, d'une réflexion sur le sujet. Au terme de ses auditions, il a élaboré des recommandations dont il nous a fait part il y a quelques instants.
L'augmentation de la prédation en France est un sujet épineux. Les loups ont fait plus de 11 000 victimes animales l'année dernière, soit 60 % de plus qu'en 2013, et le coût de l'indemnisation des victimes est passé de 4 à 26 millions d'euros entre 2006 et 2017. Ces évolutions résultent de la hausse très importante du nombre de spécimens : entre 12 et 20 % par an depuis le début des années 1990. Aujourd'hui, on en compte environ 500, sur 63 zones de présence permanente.
Monsieur le préfet, nous nous félicitons que vous puissiez nous présenter le plan du Gouvernement. Peut-être pourrez-vous aussi nous éclairer sur les nouvelles annonces qui, à ce que nous avons cru comprendre, pourraient être faites.
La mise en oeuvre du « plan loup », assez compliquée, est un travail d'équipe impliquant l'ensemble des services de l'État. C'est pourquoi je suis accompagné de M. Michel Sinoir, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, et de M. Denis Félix, représentant de la DREAL.
Dans le cadre d'un plan national d'actions désormais beaucoup plus déconcentré, les préfets de département travaillent directement avec les acteurs de terrain. Leurs missions sont définies par deux arrêtés du 19 février dernier.
Ils octroient les dérogations aux interdictions de destruction de loups - dans le cadre de la directive « habitats » et de la convention de Berne sur les espèces protégées, la règle est l'interdiction de tuer -, désignent les bénéficiaires des autorisations de tir et assurent le suivi des dommages.
Ils déterminent également, au cas par cas, si un troupeau est protégeable ou s'il l'est difficilement, selon une procédure nouvelle qui prend en compte la notion de front de colonisation. Quand un troupeau est reconnu non protégeable - pour protéger ceux des Causses aveyronnais, le préfet a calculé qu'il faudrait 3 400 kilomètres de clôture et 2 200 chiens... -, l'autorisation de tir est possible sans condition de protection, ce qui est une nouveauté.
Le soutien aux éleveurs et au développement du pastoralisme, grâce au Feader et aux concours du conseil régional, est aussi un enjeu très important.
La mission du préfet coordonnateur se fonde sur une lettre du 22 août 2014 cosignée par Mme Royal et M. Le Foll, dans l'attente d'un décret en préparation, mais le renforcement de son rôle est d'ores et déjà inscrit dans le plan national d'actions.
Je suis chargé de coordonner et d'harmoniser l'action de mes collègues, y compris en matière de zonage, pour assurer l'adéquation entre la pression de prédation et les actions engagées. En outre, à partir du 1er septembre prochain, je pourrai sélectionner, en fonction de l'évolution des prédations, les territoires sur lesquels les tirs de prélèvement pourront être autorisés par les préfets de département. Dans ce cadre, je serai amené à arbitrer entre les demandes des départements, comme je le fais déjà, sur proposition de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, et de la DREAL, pour les tirs de défense simple et renforcée. Cette mission de coordination est une autre nouveauté par rapport au système antérieur.
Je peux aussi interdire à mes collègues d'accorder des autorisations de tir, compte tenu du quota de loups à abattre que je dois faire durer tout au long de l'année. Actuellement de quarante, ce quota, qui pourra être dépassé de 12 % à partir de 2019 et qui ne s'applique pas aux tirs de défense simple, correspondra à 10 % du nombre de loups recensés par l'ONCFS. Je dois le gérer en bon père de famille, et faire en sorte qu'il y ait le moins de loups tués, mais surtout le moins de brebis égorgées. En fonction de la pression de prédation, je définis donc les territoires prioritaires.
Enfin, je communique sur les bilans globalisés et propose aux ministres les adaptations et expérimentations qui pourraient leur paraître utiles.
Grâce au nouveau système plus déconcentré, nous pouvons agir sans devoir toujours attendre un arbitrage ministériel ou interministériel et nous pouvons dialoguer plus directement avec les acteurs locaux. Nous disposons aussi d'une souplesse accrue pour autoriser et organiser les tirs, ainsi que pour définir les zonages. Cette organisation permet d'assurer un meilleur équilibre entre préservation de la biodiversité et protection des éleveurs confrontés aux attaques.
Par ailleurs, c'est désormais le préfet coordonnateur qui préside le Groupe national loup. À ce titre, je suis chargé de faire le lien entre les défenseurs du loup et ceux du pastoralisme. Les réunions, vous l'imaginez, sont assez animées... En tout cas, cette instance, à laquelle le Parlement participe, est essentielle pour permettre des échanges sur la mise en oeuvre de la règlementation.
Le loup a fait 12 000 victimes l'année dernière, soit deux fois plus qu'en 2013 - encore ce chiffre n'intègre-t-il pas les avortements et baisses de productivité consécutives aux attaques, qui ont parfois ruiné les éleveurs. Mon objectif est d'infléchir la courbe des pertes : je veux qu'il y ait moins de 12 000 brebis tuées en 2018. Je ne puis pas vous donner de chiffre plus précis, parce qu'il y a des choses qui ne dépendent pas de mon autorité, mais la consigne que je donne aux 33 préfets de département que je coordonne est bien d'oeuvrer en ce sens.
Pour cela, il faut que nous concentrions les tirs de défense simple et renforcée et les tirs de prélèvement là où les pertes sont les plus nombreuses. Or 60 % des attaques ont lieu sur 15 % des territoires, et 3 % des éleveurs subissent 30 % des attaques. Focaliser notre action sur ces territoires permettra de réduire la pression de prédation et d'éviter que le système pastoraliste ne soit en difficulté sur tel ou tel territoire.
C'est dans cet esprit que j'ai envoyé la brigade de l'ONCFS dans le Var et les Alpes-Maritimes et que je l'enverrai bientôt en Savoie, sur la base des indications reçues des DDT, des organisations professionnelles agricoles et des éleveurs que je rencontre sur le terrain.
Si cette brigade, qui compte treize personnes, ne peut évidemment pas passer partout, il y a dans tous les départements des lieutenants de louveterie, auxquels le plan national d'actions donne un rôle important au côté des bergers et de l'ONCFS. J'ai demandé à mes collègues de les mobiliser et, le cas échéant, de renouveler les équipes qui ne paraîtraient pas suffisamment dynamiques.
S'agissant des chiens patous, qui confondent parfois les randonneurs avec des prédateurs du troupeau, le plan national d'actions prévoit plusieurs mesures, que j'ai complétées.
D'abord, le plan prévoit la formation des bergers à l'élevage des patous, pour que ces chiens soient mieux dressés. On regarde aussi si d'autres chiens ne sont pas capables de protéger les troupeaux.
Ensuite, il faut améliorer l'information des randonneurs : les panneaux actuels sont sympathiques, mais j'ai souhaité y ajouter une signalétique officielle, outre celle des parcs, pour rappeler qu'il s'agit de recommandations de sécurité.
Enfin, puisque des plaintes ont été déposées, j'ai écrit aux procureurs généraux de tous les territoires concernés pour leur expliquer la réglementation et les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à travailler.
J'en viens aux fronts de colonisation : l'Aveyron, la Lozère, le Tarn - 1 million d'ovins, soit plus que dans le massif des Alpes et à peu près autant qu'autour du Berry, et l'enjeu économique majeur du roquefort. Je travaille en étroite liaison avec les préfets concernés pour définir les cercles 1 et 2, qui ouvrent droit au financement des mesures de protection, et les zones difficiles à protéger, où il sera possible de tirer sans condition de protection. En matière de prévention, nous mettons en place des aides à la révision des modèles pastoraux pour que les troupeaux soient moins vulnérables.
En ce début d'année, nos trois maîtres mots sont : vigilance, mobilisation et dialogue. Pour la vigilance, la brigade loup est envoyée sur le terrain très régulièrement. La mobilisation de tous mes collègues et de tous les chefs de service de l'État est assurée par des consignes précises visant une mise en oeuvre efficace du plan. Dialogue, enfin, parce que j'ai reçu plusieurs délégations d'organisations professionnelles agricoles, à Lyon, à Paris et lors des voeux du Président de la République à Cournon-d'Auvergne. Je vais également à la rencontre des éleveurs dans les départements les plus concernés : les Alpes-Maritimes, la Savoie et, bientôt, l'Aveyron et le Var. Chaque fois que j'irai dans un département de ma région, c'est avec plaisir que je rencontrerai des acteurs de terrain, si vous m'y invitez.
Le sujet est extrêmement sensible, les positions, difficilement conciliables. Quand je suis en réunion ou sur le terrain, j'entends bien la colère des uns et celle des autres. À nous d'essayer de trouver un équilibre entre la biodiversité et le pastoralisme, qui est essentiel à notre agriculture, à la vie rurale et à l'économie de nos montagnes. À Cournon-d'Auvergne, le Président de la République a dit : il faut remettre le pastoralisme au milieu de la montagne. C'est au loup de s'y adapter, et pas l'inverse...
Tel est le travail que nous menons au quotidien, en utilisant les outils qui nous sont donnés et en essayant de les améliorer. Mon rôle sera aussi de proposer des changements au Gouvernement. Les actions de formation et d'information ne sont pas les moins importantes, car il y a de nombreux a priori, qu'il s'agisse de la peur absolue du loup ou de la volonté absolue de voir le loup reprendre toute sa place.
Vous n'avez pas parlé des hybrides. Sont-ils exclus du plafond de prélèvements ? Seront-ils inclus dans le nouveau dispositif d'indemnisation, qui devrait concerner les loups, les ours et les lynx ?
Un hybride n'est pas un canis lupus au sens de la Convention de Berne : l'animal mort n'est donc pas compté. Seulement, l'identification pose parfois problème. Il y a en effet des divergences entre le laboratoire de l'ONCFS et un laboratoire allemand. Nous leur avons demandé de se rencontrer pour discuter et échanger leurs échantillons. De même, quand un chien aura été identifié, les personnes qui le souhaitent pourront faire un prélèvement concurrent à celui de l'ONCFS, pour permettre une discussion.
S'agissant de l'indemnisation, elle est prévue quand l'ovin a été dévoré par un animal que l'on suppose être un loup ou dont il a été établi que c'est un loup. La règle est suffisamment souple pour nous permettre d'indemniser les pertes directes et indirectes, ainsi que les pertes dans le temps, c'est-à-dire les avortements consécutifs à des attaques. Le montant de l'indemnisation sera revu cette année, en liaison avec l'Union européenne.
Monsieur le préfet, vous serez le bienvenu en Haute-Savoie, où une quarantaine d'attaques sur des chamois ont été recensées depuis le début de l'année dans le massif des Aravis...
À la suite des auditions que j'ai menées, je souhaite vous poser plusieurs questions.
Pour quelles raisons les éleveurs ne peuvent-ils pas se voir consacrer un droit inconditionnel de légitime défense en cas d'attaque de loup ?
Pourquoi avoir conditionné l'indemnisation des éleveurs à la mise en place de mesures de protection ? Vous évoquez les lignes directrices agricoles de la Commission européenne et la distorsion de concurrence qui serait induite par l'indemnisation. N'est-ce pas plutôt une forme de concession faite aux associations de protection de l'environnement ? Nous connaissons les difficultés liées aux mesures de protection, et cette décision paraît brutale. Une entrée en vigueur progressive ou graduée est-elle prévue ? Serait-il possible de revenir sur cette mesure, qui fait peser un soupçon excessif sur les éleveurs ?
S'agissant des zones de protection renforcée, un dispositif introduit par la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt et qui reprend partiellement une initiative sénatoriale de 2013, pourriez-vous nous en préciser la fréquence d'utilisation et en évaluer l'efficacité ?
Par ailleurs, quelle est la situation des loups d'élevage ? Comment sont-ils encadrés et pourquoi ne pas les compter dans le nombre total de loups ?
Que prévoyez-vous pour réapprendre au loup la peur de l'homme ?
Enfin, comptez-vous développer des méthodes alternatives aux tirs de prélèvement ?
Le droit de défense inconditionnelle a été réintroduit, puisque le tir de défense simple est autorisé tout au long de l'année, même en cas de dépassement du quota. Cette évolution par rapport au régime antérieur est bonne, et nous la défendrons fortement.
En ce qui concerne les indemnisations, elles sont considérées, du point de vue de l'Union européenne, comme des aides. C'est injuste, mais c'est ainsi. De ce fait, elles doivent avoir été méritées par des efforts de l'éleveur. En revanche, l'entrée en vigueur progressive et non systématique de ce dispositif est permise. Sur le terrain, nous ferons donc en sorte que la conditionnalité soit progressive. Du reste, c'est dans cet esprit que la notion de zone protégeable ou difficilement protégeable a été introduite, pour que nous puissions tenir compte de l'impossibilité, dans certaines circonstances, de prendre des mesures de protection.
Pour ce qui est du bilan des zones de protection renforcée, vous me prenez au dépourvu.
Les 596 loups des 59 élevages ne sont pas considérés, du point de vue de la Convention de Berne et des directives européennes comme des loups contribuant au rétablissement de la biodiversité. Nous mettons en place un contrôle de ces élevages pour vérifier le nombre d'animaux, leur état, la présence éventuelle d'hybrides et pour nous assurer qu'ils ne risquent pas de s'échapper.
Réapprendre au loup à avoir peur de l'homme : c'est le principe des mesures d'effarouchement, désormais autorisées sans préalable. Qu'il s'agisse de techniques sonores, olfactives ou même, hors les parcs naturels, de tirs non létaux, il faut que l'animal craigne davantage l'homme. Des études d'éthologie sont aussi menées, en liaison avec le Muséum national d'histoire naturelle, pour améliorer nos connaissances sur le comportement du loup.
S'agissant, enfin, de la capture et du piégeage, une expérience a été menée aux États-Unis qui a coûté extrêmement cher - il fallait utiliser un hélicoptère. Nous ne nous sommes pas lancés dans un tel dispositif. Par ailleurs, que ferait-on des loups capturés ? Si j'en parle à des élus des Vosges, où pourtant il y aurait abondance de gibier pour des loups, cela risque de poser quelques difficultés...
Monsieur le préfet, même si vous n'y êtes certainement pour rien, je regrette que, lors de votre venue dans les Alpes-Maritimes, les parlementaires n'aient pas été associés à la réunion qui s'est tenue à la préfecture.
Nous avons reçu l'assurance que la brigade loup serait pérennisée, ce qui était une attente forte. Seulement, le dispositif contractuel sur lequel elle reposait, celui des emplois d'avenir, n'existe plus. Sous quelle forme les futurs membres de la brigade seront-ils employés ? Les membres employés en contrats d'avenir, qui ont été formés, connaissent le territoire et ont tissé des liens de confiance avec les éleveurs et les élus, pourront-ils être maintenus, s'ils le souhaitent ?
D'autre part, quel est le budget global du plan national d'actions ?
De longue date, l'un des départements les plus touchés par les attaques de loups, les Alpes-Maritimes ont été choisies comme département test pour la mise en oeuvre d'une étude visant à comprendre les déplacements de meutes. Quand ce dispositif sera-t-il mis en oeuvre ?
S'agissant enfin des constats simplifiés d'attaque - des constats déclaratifs rédigés par les éleveurs eux-mêmes -, seront-ils mis en place à l'échelle de tout le département, et dans quel délai ? Avez-vous sollicité l'avis des élus des villages concernés et des représentants des éleveurs ?
Quelle part les hybrides représentent-ils dans le nombre total de loups ? Dans quelle mesure le comptage actuel est-il fiable ?
Vous avez évoqué une expérience dans laquelle le piégeage s'est révélé complexe et coûteux, et les expériences menées dans le Mercantour n'ont pas non plus été très heureuses. Ne serait-il pas envisageable d'expérimenter des techniques de piégeage accessibles, sous la responsabilité de piégeurs agréés ? Par la pose de puces GPS et le prélèvement d'ADN, cela permettrait de mieux connaître le loup. En outre, la mauvaise expérience pourrait avoir un effet dissuasif sur l'animal.
Le contexte lorrain de plaines et de parcs clôturés pourrait être propice, d'autant qu'il est situé sur la zone de colonisation actuelle du loup. L'idée intéresse une association de la région, « Encore éleveurs demain ».
D'autre part, je me révolte devant le manque de discipline du loup, qui ne respecte pas les limites départementales, notamment en Lorraine... Les comités loup ne pourraient-ils pas se réunir par zone d'attaque plutôt que par zone administrative ?
Vous devez faire durer sur l'année le quota de tir de 40 loups. Mais le nombre de loups déterminé, qui fixe ce quota, pose unanimement problème. Les éleveurs, les agriculteurs et les élus ne demandent pas une éradication totale du loup mais une régulation de son nombre. De quelles marges de manoeuvre disposeront les préfets départementaux par rapport au nombre de tirs autorisés ?
Nous avons rencontré des éleveurs et des élus en grande souffrance. Le représentant du ministre de l'agriculture nous a confié, de manière surprenante, que selon lui, un des trois acteurs du pastoralisme - éleveurs avec leurs brebis, touristes et loups - est de trop. Il n'a pas dit clairement de qui il s'agissait, mais nous avons tous compris... C'est assez symptomatique du malaise qu'il peut y avoir, même au sein du ministère de l'agriculture. Si l'on veut aller vers « zéro attaque », il faut que le loup ait de nouveau peur de l'homme ; mais le loup est un animal très intelligent qui s'adapte très rapidement. Si l'on effraie les loups, est-ce qu'il ne sera pas plus agressif qu'il ne l'est actuellement - il n'attaque pas l'homme ?
Selon vous, 60 % des attaques ont lieu sur 15 % du territoire ; mais certains territoires n'ont pour l'instant pas beaucoup de loups, comme le département du Puy-de-Dôme. Le préfet a mis en place une cellule de veille, mais il faut anticiper pour ne pas laisser le loup proliférer et occuper le territoire - même s'il n'y en a que deux ou trois pour l'instant.
Je ne suis pas un spécialiste du loup, mais un chasseur. Je ne vous ai pas entendu parler des fédérations de chasseurs. Êtes-vous en relation avec elles ? Elles peuvent vous apporter leur concours, notamment dans le choix des loups à tirer ou les lieux qui y sont propices, surtout si les loups se concentrent sur 15 % du territoire.
L'ONCFS dispose d'environ 1 150 gardes-chasse. Certains sont-ils déplacés des zones tranquilles vers les territoires plus risqués ?
Le chiffre de 500 loups cristallise les crispations, de toutes parts, et suscite l'incompréhension. Même l'ONCFS est incapable de faire un comptage aussi précis, à 100 loups près - ni aucun autre pays. Par contre, il peut compter le nombre de meutes et l'évolution de la population de loups. Le plan loup peut-il évoluer pour éviter de mentionner ce chiffre qui, chaque année, va être sujet à débats ?
Il est difficile de réguler le nombre de loups lorsqu'une meute est déjà installée. Faut-il laisser s'avancer le front de la colonisation avec des loups isolés, ou essaie-t-on de contraindre cette progression ?
Nous manquons de données scientifiques. Les mesures sont souvent prises par tâtonnement. Quelles mesures scientifiques sont déjà présentes dans le plan loup ? Sont-elles déjà en cours d'exécution ? Je suis favorable aux tests pour agir sur des zones précises durant deux ou trois ans, et plusieurs parcs régionaux sont volontaires pour collaborer avec l'État Comment envisagez-vous ces zones-tests ? Comment le plan loup va-t-il être réellement financé ?
Ce n'est pas la présence du loup mais le nombre de loup qui est remis en question, en raison de l'augmentation des attaques depuis quelques années. Je suis très cartésien. Selon vous, le nombre d'attaques a doublé entre 2013 et 2017, or il y avait environ 300 loups en 2013, et de 400 à 500 en 2017. Soit les loups attaquent plus souvent, soit leur nombre estimé n'est pas exact, si l'on raisonne à due proportion...
Vous avez évoqué le sud de l'Aveyron, qui touche le nord de l'Hérault. Selon une étude de l'Institut national de recherche agronomique (Inra) et de Montpellier SupAgro, en collaboration avec le Centre d'études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée (Cerpam), la limite entre le nombre de loups et d'attaques et la viabilité des exploitations d'élevage a été atteinte.
Je regrette effectivement de ne pas avoir revu Mme Estrosi-Sassone à cette occasion. Je reviendrai avec plaisir rencontrer les éleveurs du Mercantour. Je souhaite y installer une brigade de bergers pour les aider, puisque les tirs de loups y sont interdits. Nous devons y réaliser un travail complémentaire, que j'ai évoqué avec le directeur du parc.
En 2017, année très importante, le budget global s'est élevé à 26,5 millions d'euros pour les mesures de prévention et de protection, et 3,5 millions d'euros pour l'indemnisation. Le nombre d'attaques, de victimes et d'investissements ont augmenté. De nombreuses zones classées en cercle 1 peuvent bénéficier de la prise en charge de mesures de précaution, et notamment du gardiennage par des chasseurs ou des louvetiers.
La moitié des fonds proviennent du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Cette année, nous avons prévu ce même niveau de budget et les mêmes mesures, y compris la prise en charge du dossier concernant la brigade sur laquelle je ne peux vous répondre aujourd'hui : le ministre l'évoquera demain... Nous avons eu de nombreuses réunions interministérielles, et avons beaucoup plaidé en ce sens. Lorsque j'ai rencontré le président de la Fédération ovine des Alpes-Maritimes, j'ai constaté la qualité des relations humaines et professionnelles entre les uns et les autres. J'espère avoir été entendu pour que cette qualité survive...
Il rencontrera des élus de l'Association des maires ruraux de France.
C'est au ministre qu'il appartient de le dire...
En liaison avec les organisations professionnelles agricoles, et à condition que l'éleveur soit d'accord, et qu'il ait moins de cinq victimes, une procédure déclarative, simplifiée, est possible.
L'ONCFS a publié des chiffres sur les hybrides reposant sur 228 échantillons, qui ont été envoyés en 2017 au laboratoire Antagène ; 130 échantillons étaient soit des hybrides, soit des loups. Après analyse, 120 échantillons étaient des loups, tous de lignée génétique italienne, deux sont des hybrides de première génération, et huit correspondent à une hybridation plus ancienne ; 92,5 % de ces 130 individus sont donc des loups. Seul 1,5 % de la première génération fait l'objet d'évolutions. Les études du laboratoire ForGen, réalisées à la demande d'un collectif de particuliers, donnent un nombre d'hybrides nettement plus important ; mais l'ONCFS conteste la méthode retenue, les étapes de prélèvements, la manipulation des échantillons, les marqueurs recherchés... Les uns et les autres devraient se rencontrer, afin de déterminer une méthode commune admise par tous. Une mission, lancée par les deux ministères de l'agriculture et de la transition écologique et solidaire, permettra d'aboutir à une analyse commune.
Je suis disposé à expérimenter les piégeages, même si nous n'en avons pas encore débattu. Nous devrons nous assurer qu'ils ne contreviennent pas à la Convention de Berne et à la directive habitats. Une fois piégés, il faut trouver l'endroit où les loups seront remis en liberté - il n'est pas question de les tuer. Je suis prêt à évoquer ce sujet lors du prochain Groupe national Loup.
Il faut avoir des comités interdépartementaux qui regroupent telle ou telle zone. La semaine prochaine, je réunis les préfètes de la Lozère et de l'Aveyron avec les organisations professionnelles agricoles des deux départements pour travailler sur les fronts de colonisation. Nous devrons peut-être organiser une action cohérente et homogène entre les zones de prédation et les fronts de colonisation, puisque les deux sites sont très différents.
En principe, le front de colonisation n'a que peu de loups - sinon ce serait déjà une zone de prédation. Il faut aider les éleveurs à tenir ce front, à travers des tirs de défense simple ou renforcée. S'ils ne suffisent pas, nous devons tout faire pour que le front de colonisation ne devienne pas une colonisation. Nous travaillerons toute l'année en ce sens. En cas de risque de colonisation, c'est-à-dire de plusieurs attaques avec des pertes importantes sur le front de colonisation, je demanderai à l'automne des tirs de prélèvement pour maîtriser la situation.
Je suis impardonnable de ne pas avoir mentionné les fédérations de chasseurs, qui participent à toutes les opérations et ont un rôle extrêmement important aux côtés de l'ONCFS. Plus de 10 000 chasseurs ont été formés pour les tirs de défense simple et renforcée et pour les tirs de prélèvement. Les éleveurs peuvent déléguer leur autorisation de tir à des chasseurs, lorsqu'ils n'ont pas le permis de chasse ou faute de temps.
Nous pourrions travailler avec les fédérations de chasse pour le comptage des 500 loups. C'est extrêmement compliqué. Nous avons un thermomètre, la méthode CMR (capture-marquage-recapture), reconnu par l'Europe, qui figure dans un arrêté-cadre, et qui mesure à partir des faits, comme le nombre de poils retrouvés... Je ne suis pas sûr qu'il mesure la réalité de la fièvre, mais il est validé par Bruxelles. Nous avons fixé le chiffre de 500 loups en France parce que les loups ne respectent ni les frontières départementales, ni nationales. Nous sommes sur un espace alpin global avec l'Italie et la Suisse. Pour que le loup en tant qu'espèce endémique puisse survivre, il faut 2 500 spécimens regroupés sur un territoire donné. S'il y en a environ 2000 en Italie et en Suisse, nous en avons besoin de 500 en France pour arriver aux 2 500, ce qui nous fera respecter la Convention de Berne. Ce chiffre de 500 a été retenu par le Muséum d'histoire naturelle, à partir des analyses scientifiques. J'attends avec intérêt le prochain comptage à la fin de ce mois, non pas tant pour savoir si l'on en a 380, 440 ou 520 que pour connaître la marge de manoeuvre autorisée pour les tirs. Selon les scientifiques, environ 22 % des loups meurent de mort naturelle ou accidentelle. En-dessous de 66 % de préservation, l'espèce disparaît. Nous disposons d'un pourcentage de 10 à 12 % de tirs complémentaires pour que l'espèce survive au-delà de ces tirs de chasse et des accidents naturels ou des maladies. On peut toujours contester ces chiffres, mais ce sont ceux sur lesquels je dois rendre des comptes et faire travailler mes services. S'il y en a d'autres et que les connaissances sont améliorées, je les prendrai.
Vous avez évoqué des études sur le comportement des loups et leur mode de vie et d'habitat. Le PNA prévoit des expérimentations et des recherches pour étudier le mode de vie du loup, son comportement lorsqu'il a été chassé, son impact sur la faune et quelles seraient les solutions pour que son impact sur la faune soit moins prégnant et moins difficile à supporter. Des analyses scientifiques seront menées, de même que des études des conseils généraux de l'agriculture et de l'environnement, pour que nous puissions résoudre le problème.
Il y aurait un acteur de trop entre le loup, les éleveurs et les touristes ? Non, ma tâche est que les trois acteurs puissent coexister. La montagne doit continuer à être pâturée, cela fait partie de l'écosystème et de la biodiversité en montagne. Les loups doivent y être - ils y étaient par le passé - et le touriste doit pouvoir se promener au milieu de paysages préservés, sans se faire attaquer par qui que ce soit. C'est une gageure mais je ne pense pas qu'effaroucher le loup puisse le rendre plus agressif vis-à-vis de l'homme. Il a pu l'être à une certaine époque, aujourd'hui il fonctionne différemment. Des scientifiques ont examiné comment le loup fonctionne dans des villages - on en a vu à Villard-de-Lans - et nous allons lancer d'autres études.
Quand interviendra la mise en oeuvre du test dans les Alpes-Maritimes ?
Dès cette année.
Le travail sur les zones test avec les parcs régionaux est-il en cours de discussion ?
Le travail avec les parcs naturels régionaux est en cours d'élaboration. J'ai rencontré le président et le directeur général du parc du Mercantour ainsi que la directrice générale du parc de la Vanoise. Nous souhaitons notamment développer le système de brigades de bergers. Nous devons définir leur fonctionnement et leur mode de recrutement. Comme on ne peut pas tirer sur les loups, cette expérimentation serait très utile.
Je vous remercie de vos propos, et notamment de ceux prononcés il y a quelques instants : le pastoralisme contribue à la biodiversité. On oppose trop souvent élevage et environnement. Il est bon de rappeler que le système pastoral contribue au maintien de la biodiversité.
La réunion est close à 18h5.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible