Nous sommes heureux de recevoir aujourd'hui Antoine Vauchez, directeur de recherche au CNRS et auteur avec Pierre France d'un ouvrage qui est en partie à l'origine de notre commission Sphère publique/intérêts privés, enquête sur un grand brouillage, paru aux presses de Sciences Po. C'est le fond de notre sujet.
Nous vous invitons à vous exprimer et exposer votre point de vue, de façon condensée, ce qui nous permettra par la suite d'échanger avec vous. Le rapport général, Pierre-Yves Collombat, introduira quelques questions, et ceux qui le souhaiteront pourront vous interroger.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Antoine Vauchez prête serment.
Je vous remercie. Je vous informe par ailleurs que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Nous vous écoutons.
Je vous remercie de m'avoir fait l'honneur, ainsi qu'à Pierre FRANCE, de venir vous présenter les résultats de notre recherche, d'autant plus qu'il est rare que de tels ponts soient jetés entre les sphères parlementaire et des sciences sociales. Je m'en réjouis tout particulièrement, notamment dans la mesure où la connaissance systématique des phénomènes constitue sans doute encore un point d'ombre dans cette question des liens entre intérêts publics et privés. Je crois que ce thème peut constituer un point de départ.
L'État connaît au final assez mal ce qui se passe à ses frontières, du point de vue des phénomènes de sous-traitance et de son usage de cette dernière, à travers des cabinets d'avocats, des banques privés, ou des cabinets de conseil. La Cour des Comptes s'était penchée sur la question il y a quelques années, à la demande du Parlement, pour indiquer qu'il n'y avait pas de connaissance systématique du phénomène. Par ailleurs, outre les dossiers qui circulent à la périphérie de l'État, les questions individuelles, c'est-à-dire le pantouflage, sont également mal connues.
Pourtant, l'État et ses institutions disposent d'informations, que nous pouvons qualifier de données de la transparence. Elles sont accumulées par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et la Commission de déontologie de la vie publique. L'un des enjeux est à mon sens de réfléchir sur les moyens dont l'État pourrait se doter, pour que nous puissions discuter en toute connaissance de cause.
C'est dans cet esprit que nous avons engagé notre enquête, mais elle ne prétend pas traiter l'ensemble du phénomène. Elle porte essentiellement sur les relations établies entre la haute fonction publique, le monde politique, les agences de régulation, et les cabinets d'avocats d'affaire. Le point de départ de ce travail était de réfléchir à une nouvelle donne de l'État, sous l'effet de sa mue libérale et européenne, intervenue au cours des dernières décennies. Entre l'État qui animait une économie mixte à la fin des années 70, et l'État actuel qui se définit plus comme régulateur organisant le bon fonctionnement des marchés privés, une transformation fondamentale est intervenue. Désormais, il existe ce que nous appelons une fabrique publique des marchés privés. L'État est un acteur essentiel de la construction des marchés, avec une démultiplication des figures de cet État régulateur : Parlement, administrations, agences de régulation, DG Concurrence à Bruxelles, juges administratifs et judiciaires. Nous avons toute une chaîne de la régulation, et cette fabrique publique des marchés est devenue essentielle pour les entreprises. Elles cherchent à peser sur la définition de leur pouvoir de marché, et des conditions de leur entrée et de leur maintien sur ce marché, ou sur l'évolution des règles qui le régissent (environnementales, sanitaires, sociales, et autres).
Des professionnels du conseil se sont développés autour de cette transformation de l'État. C'est un phénomène relativement nouveau dans son ampleur. Il s'agit de conseiller les grandes entreprises pour les accompagner, non seulement dans le travail de lobbying, mais également en matière de conseil juridique, ou de compréhension des régulateurs. Les cabinets d'avocats jouent un rôle particulier dans ce système. Le coeur de notre enquête porte sur le développement de l'offre de services autour de ces cabinets, qui va bien au-delà des prestations traditionnelles des avocats en matière de conseil juridique et de contentieux. Ces nouvelles expertises relatives à la connaissance de l'État deviennent essentielles pour les entreprises, puisqu'elles constituent pour elles un élément nécessaire à la tenue de leurs positions sur les marchés. Des départements de droit public et réglementaire (regulatory, compliance, droit public ou droit constitutionnel des affaires) sont donc apparus.
Autour de ces nouveaux professionnels du conseil, une circulation s'est développée, que nous appelons parfois pantouflage. Elle est cependant d'un nouveau type par rapport au pantouflage qui caractérisait l'État ordonnateur de l'économie mixte. Le pantouflage des années 70 se situait dans le prolongement de ce rôle d'animateur, comme une forme de coordination des politiques publiques et de l'économie mixte. Des hauts fonctionnaires étaient ainsi envoyés dans les grandes entreprises stratégiques proches de la commande publique, et jouaient de fait un rôle de coordination.
Le pantouflage actuel est différent. Il ne s'agit plus d'accompagner l'action de l'État, mais plutôt de la contrer, ou au moins de l'influencer. Je parle ainsi de pantouflage d'influence ou néo-libéral. En outre, l'État lui-même a recours à ces services. L'État investisseur, l'État actionnaire, l'État de la commande publique s'appuie sur des cabinets d'avocats ou de conseil et des banques privées.
La question est de savoir quels sont les coûts liés et les difficultés engendrées par cette nouvelle situation. La circulation entre public et privé peut être considérée comme renforçant la respiration de la fonction publique, et donnant aux fonctionnaires les moyens d'acquérir de nouvelles compétences ou d'évoluer dans leur vie professionnelle. Pour autant, la réflexion sur les coûts de cette circulation, sur la décision publique ou la démocratie, reste encore peu développée. Nous parlons beaucoup des avantages des partenariats entre public et privé, mais il s'agit aussi d'un enjeu démocratique et de fonctionnement de l'État. Plusieurs risques peuvent ainsi être soulignés.
Cette dépendance mutuelle plus forte entre public et privé autour de la régulation économique induit le risque de multiplier les situations de conflit d'intérêts. Ils ne sont plus ponctuels, mais deviennent systémiques. Par ailleurs, la capacité ou la volonté de l'État d'encadrer les marchés et les intérêts privés pourraient en être affaiblies. Quand des hauts fonctionnaires rejoignent des acteurs privés, pour faire en quelque sorte le contraire de leur mission quand ils étaient dans ces organismes publics, c'est-à-dire désamorcer les éléments qu'ils cherchaient auparavant à déployer, la capacité, voire la volonté, de l'État d'encadrer les intérêts privés s'en trouve fragilisée. Cette situation peut également entraîner une difficulté nouvelle à identifier l'intérêt public, et à le distinguer de l'intérêt privé des stakeholders. L'État risque d'être moins à l'écoute d'autres types d'intérêts sociaux, environnementaux, ou de régulation, plus diffus, qui ne disposent pas de tels porte-parole.
Enfin, comme la Cour des Comptes l'avait souligné, cette situation représente un risque de perte d'expertise. En s'appuyant systématiquement dans certains domaines sur des intervenants externes, l'État se dépossède d'une capacité d'action ou d'expertise autonome. Cette tendance contribue à une forme de perte de confiance en soi de l'État.
Pour conclure, je souhaite formuler quelques suggestions. Il nous manque une connaissance systématique de ce sujet. Comme l'ont déjà indiqué d'autres chercheurs, le législateur a souvent agi, en matière de prévention des conflits d'intérêts ou de lutte contre la corruption, à travers des lois de panique. Elles réagissent à des scandales. La dernière loi sur la transparence de la vie publique visait ainsi à répondre aux éléments apparus pendant la campagne présidentielle, sans ce travail de connaissance systématique dont l'État devrait se doter, sous la forme par exemple d'un observatoire ou d'un recours plus systématique à la recherche. A défaut, ces phénomènes risquent de rester de l'ordre du fantasme, et d'alimenter les soupçons. La connaissance est dans l'intérêt de tous.
La réflexion pourrait notamment porter sur le rôle des professions libérales, notamment celle d'avocat, au regard de la question du contrôle déontologique et disciplinaire. Certains travaux, comme l'enquête EconomiX de l'Université de Nanterre, ont montré que le système disciplinaire et déontologique de la profession d'avocat était loin d'être satisfaisant, et que le ministère public en situation d'agir dans ce domaine était lui-même peu actif. Cette profession n'est de fait plus la même qu'il y a une trentaine d'années. Elle gagnerait, en termes de légitimité et de crédibilité, à réfléchir sur une éventuelle réforme dans ce domaine.
Par ailleurs, cette question d'intérêt public mérite un traitement plus large. Les avis de la Commission de déontologie ne sont pas publics. Elle est en outre essentiellement composée de membres des grands corps, qui sont les principaux concernés par ce pantouflage. Ils peuvent difficilement être juges et parties.
Enfin, au titre du principe de précaution, l'émergence de cette politique de l'influence autour du régulateur pose la question de notre capacité à anticiper les effets de certaines législations. Sans juger de leur pertinence, les règles qui ont contractualisé et développé les agences, et libéralisé certains secteurs, n'ont pas fait l'objet d'une réflexion sur leurs effets sur l'émergence de ces professions du conseil. Il serait pertinent que les études d'impact qui accompagnent chaque projet de loi tiennent compte du risque de brouillage ou de conflit d'intérêts.
Je vous remercie.
Merci. Si vous étiez parlementaire, vous auriez tout à fait votre place au sein de notre commission. Vous avez bien défini les avantages et risques de la situation, et je vous remercie pour vos suggestions.
Avez-vous connaissance de situations dans lesquelles le retour de certains fonctionnaires a pu avoir des conséquences sur le brouillage de la distinction entre intérêts public et privé ? Disposons-nous d'exemples concrets dans ce domaine ?
Il est malheureusement difficile de répondre, ce qui illustre que nous ne sommes qu'au début des travaux pour connaître ce sujet. Certaines enquêtes judiciaires ont sans doute déjà révélé de telles situations, de même que les travaux de la Cour de justice de la République, dans le cadre de l'affaire dite Lagarde-Tapie, sur les conditions dans lesquelles l'État a précisément renoncé à exercer sa capacité d'appel, et le lien entre ce choix et la présence autour de ce dossier de conseils qui poussaient l'État dans cette direction. Il ne s'agit cependant pas d'imputer une responsabilité, c'est bien là toute la difficulté. La responsabilité est diffuse, et conduit à une perte de confiance en soi de l'État, selon l'idée qu'il n'aurait pas sa place dans ces domaines. L'effet est diffus, et il n'est pas possible de pointer un responsable particulier.
La tentative de séparation des banques d'affaires des branques de dépôts me semble un bon exemple, avec les interventions directes du gouverneur de la Banque de France de l'époque contre les propositions de la Commission Européenne. Il expliquait ainsi que ces dernières étaient scandaleuses, dans la mesure où elles mettraient à mal le modèle français de banque universelle, alors que la question était de savoir si la priorité était de favoriser l'activité du système bancaire, ou de le rendre plus résistant face à une crise.
Les productions sur ce sujet sont assez nombreuses, mais la spécificité de votre travail est que vous avez essayé de voir la cohérence du système. Si je vous ai bien compris, vous pointez la constitution d'une zone incertaine, dans laquelle les représentants des intérêts publics et privés se rencontrent, et inversent éventuellement leurs rôles. Vous parlez d'un espace et d'un système collusifs, et vous soulignez que c'est une nécessité de ce système.
Un système qui fonctionne sur cette base peut-il être autre que collusif ? Il l'est par construction, me semble-t-il.
C'est effectivement le sens de ma réflexion. Il existe une forte interdépendance entre les grandes entreprises et les régulateurs, à Paris comme à Bruxelles. La promesse du libéralisme de clarifier le rôle du public et du privé n'a pas été tenue, puisque nous observons au contraire une réelle interpénétration. Une partie de la part de marché des entreprises se définit dans leur capacité à peser sur la définition des règles du jeu. De ce point de vue, l'interpénétration fait partie du mode de fonctionnement de ce capitalisme européen, très centré autour de la question de la règle. Le marché unique n'est pas qu'un phénomène spontané. Il est construit par des règles, élaborées par la Direction générale de la Concurrence, la Cour de justice de l'Union, les autorités nationales de la concurrence. L'imbrication entre public et privé y est forte et inédite, et a généré un ensemble de nouvelles professions du conseil. Bruxelles est ainsi un haut lieu du lobbying et du conseil.
En effet, je reprends là la notion utilisée par un collègue juriste au sujet de certaines décisions du Conseil d'État. Ce dernier a considéré, reprenant des théories de la concurrence européenne, qu'il existait un intérêt général public à ce que les marchés fonctionnent de façon concurrentielle. D'où un intérêt général privé.
Vous insistez sur le rôle du Conseil d'État dans cette évolution, et vous n'êtes pas tendre avec lui.
Je me garderais bien de porter une critique d'ensemble à son encontre. Je ne suis cependant pas le seul à avoir relevé que pour comprendre cette transformation dans son ensemble, il était pertinent de se pencher sur son rôle. Il est devenu le principal pourvoyeur de dirigeants d'agences de régulation, et fournit également beaucoup de collaborateurs aux cabinets d'avocats d'affaire. La circulation entre le Conseil d'État, qui juge des autorités de régulation, et ces organismes n'avait jusqu'à ce jour pas été suffisamment pointée. J'ai cherché à la mettre en avant, à travers des exemples de carrière de plusieurs de ses membres. Nous devons être vigilants à ce sujet. Le Conseil d'État s'en est d'ailleurs lui-même préoccupé, en modifiant en 2017 une partie de ses règles de déontologie.
Vous dites que les acteurs du système bénéficient d'une situation de rente : qu'entendez-vous par là ?
Quand il s'agit de définir l'intérêt public, notamment au regard de la régulation de certains marchés, par exemple celui du médicament ou des télécommunications, il importe de savoir qui participe à ce travail de définition. Par cette circulation entre public et privé, certains acteurs sont en position de rente, c'est-à-dire qu'ils sont prépositionnés pour participer à la définition de l'intérêt public, bien davantage que d'autres types d'acteurs, d'intérêts, ou de demandes sociales, qui peinent plus à se faire entendre. C'est le sens de cette formule, un peu provocatrice. Il existe une asymétrie dans la capacité des différents acteurs à peser sur la décision publique.
Vous êtes-vous penchés sur le sujet des nouvelles technologies et du numérique à cet égard ? Je pense notamment à des contractuels qui travaillent un moment pour l'État, puis rejoignent des entreprises privées.
Dans les formes de circulation que nous avons pointées, il y a des positions dans des grands groupes, y compris du secteur numérique, notamment comme secrétaire général ou directeur des affaires publiques, et qui s'inscrivent dans ces carrières public-privé. Nous n'avons pas spécifiquement travaillé sur le numérique, mais il est concerné par ce phénomène.
Je ne souhaite pas, et ce n'est pas mon rôle de chercheur, prononcer des interdictions ou prendre des décisions sur ces sujets. Mon propos est de mettre en avant des réflexions et points de vigilance. La question est très difficile à appréhender, notamment du point de vue du législateur. Je pense cependant qu'il existe un ensemble de solutions qui n'ont pas été saisies. En outre, l'enjeu pour la démocratie et la décision publique n'a pas été pleinement mesuré. Je souhaite donc participer à cette plus grande vigilance sur les conséquences de ce phénomène en termes de risque et de coût.
Nous avons jusqu'à présent plutôt entendu des professionnels du droit. Nous recevons aujourd'hui des chercheurs. Pouvez-vous nous dire sur quels éléments, documentaires et statistiques, vous fondez votre travail, et nous préciser quel est votre angle d'approche ?
Notre recherche a commencé il y a quelques années, quand plusieurs figures politiques notables sont devenues avocats sans passer l'examen du barreau, via une voie dérogatoire dite passerelle, en vertu d'un décret de 1991. Ce dernier permet aux personnalités politiques, après 10 ans d'expérience du droit, de devenir avocats par ce biais. À partir de là, nous avons reconstitué beaucoup de ces passages dérogatoires de hauts fonctionnaires et personnalités politiques, devenus avocats d'affaire depuis le début des années 90.
Historiquement, en France, la profession d'avocat constituait un vivier pour la classe politique, et nous constatons le phénomène inverse : le régulateur, administratif ou politique, tend à devenir avocat. Ce renversement est notre point de départ. Nous avons constitué une base de données biographique de ces trajectoires. Il s'agit donc d'une enquête de type sociologique, qui a permis d'identifier 217 transfuges, hommes politiques ou fonctionnaires devenus avocats à Paris et dans les Hauts-de-Seine. Ce chiffre peut apparaître comme relativement circonscrit, mais il est certainement largement sous-estimé. Nous avons en effet procédé par traces, et non par données systématiques. Nous n'avons en outre pas intégré les anciens inspecteurs des Impôts devenus avocats, qui sont relativement nombreux.
Ces 217 exemples permettent de circonscrire le phénomène autour de la très haute fonction publique (cabinets ministériels, agences de régulation, structures d'état-major). Ce phénomène de brouillage n'est pas généralisé : il est situé dans la hiérarchie de la fonction publique, au sommet de l'État, et autour de l'État régulateur des marchés.
Nous parlons donc de la branche économique de l'État, et de la très haute fonction publique.
Nous n'avons en effet pas connaissance d'inspecteurs du Travail devenant avocats d'entreprise devant les prud'hommes. Votre étude dresse le tableau d'une forme d'archaïsme, avec une organisation administrative de l'État qui ne correspond plus au rôle qu'il se donne. Appelez-vous à une refonte globale de ce schéma ? La haute fonction publique semble organisée pour une forme d'intervention qui n'existe plus, ce qui justifierait une réorganisation globale des modes de recrutement et de formation au sein de l'État, si tant est que nous acceptions ce rôle de régulateur de l'État, ce qui constitue une autre question.
Votre intervention nous amène à sortir de la dimension morale et individuelle de ce sujet. Nous devons pour autant nous méfier d'une présentation qui mettrait face-à-face une caste et le peuple. Si 44% des inspecteurs généraux des Finances travaillent à l'extérieur de l'État, par définition, 56% sont toujours à l'intérieur. Nous devons réfléchir aux moyens de valoriser ceux qui restent. Il convient peut-être de s'interroger sur les motivations de ceux qui partent, et les moyens de mieux les cadrer, mais aussi sur la façon de valoriser les autres parcours. Nous n'en avons encore que peu parlé.
Pour revenir sur votre analyse, l'avènement de l'État régulateur constitue une nouveauté, qui peut expliquer l'ampleur prise par ces migrations alternantes entre haute fonction publique et secteur privé. N'oublions cependant pas des phénomènes plus classiques, qui mettent en cause l'État régalien. J'ai évoqué la question de la régulation financière. 70 % des inspecteurs généraux des Finances seraient ainsi passés par le privé pendant leur carrière, parfois à plusieurs reprises, ce qui soulève des questions en termes de politique fiscale. Au vu de l'enthousiasme déployé pour freiner l'évasion fiscale, je m'interroge. Or la fiscalité est au coeur de l'action de l'État. Ce phénomène est classique, mais il s'est amplifié.
Les études sur l'élaboration des régulations financières à Bruxelles montrent que le rapport de force entre les rares ONG présentes dans ce domaine et les intérêts des entreprises du secteur de la finance est tout à fait asymétrique. Il conviendrait d'en prendre la mesure pour chaque secteur particulier. Ce travail n'est pas encore complètement réalisé. La prise de conscience de ces conflits d'intérêts systémiques, et de leurs conséquences sur la décision publique, est récente. Notre ouvrage suggère des pistes de recherche. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique et la Commission de déontologie de la fonction publique ont aussi un devoir de connaissance et d'utilisation de ces données. Les formulaires renseignés par les dirigeants publics ne sont à ce jour pas exploités, et nous pourrions imaginer un travail systématique sur ces éléments, afin de mieux connaître ce système de conflit d'intérêts. Nous avons besoin de connaissance.