CONSTITUTION DU BUREAU
Il me revient, en qualité de sénateur le plus ancien présent, d'ouvrir la première réunion de la commission d'enquête sur la souveraineté numérique. Je n'évoquerai donc pas le fond du sujet pour le moment.
La constitution de cette commission fait suite à une demande du groupe Les Républicains dans le cadre de son « droit de tirage » prévu par le règlement du Sénat.
Pour les fonctions de président, le groupe Socialiste et républicain présente la candidature de notre collègue Franck Montaugé, sénateur du Gers et ancien maire d'Auch, qui suscite l'enthousiasme et l'adhésion générale !
La commission d'enquête procède à la désignation de son président, M. Franck Montaugé.
Présidence de M. Franck Montaugé, président -
Je vous remercie de m'avoir confié la présidence de cette commission d'enquête sur un sujet essentiel pour l'avenir de notre pays, et en suis très honoré.
Il nous appartient de désigner notre rapporteur. Nous avons reçu la candidature de M. Gérard Longuet, issu du groupe Les Républicains qui est à l'origine de la proposition de résolution créant cette commission d'enquête.
La commission procède à la désignation de son rapporteur, M. Gérard Longuet.
Nous procédons à la désignation des sept vice-présidents pour assurer une juste représentation des groupes politiques au sein de notre commission d'enquête.
La commission procède à la désignation des autres membres de son bureau : M. Pierre Ouzoulias pour le groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste, Mme Catherine Morin-Desailly pour le groupe Union centriste, M. André Gattolin pour le groupe La République en marche, M. Jérôme Bignon pour le groupe Les Indépendants- République et territoires, M. Patrick Chaize pour le groupe Les Républicains, M. Yvon Collin pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, et Mme Sylvie Robert pour le groupe socialiste et républicain.
Notre bureau se réunira mercredi 15 mai à 8h15 en salle A120 pour examiner notre programme de travail.
ÉCHANGE DE VUES
L'intitulé de notre commission d'enquête peut interpeller. Nous vivons un tournant, à l'articulation de la technologie et de la politique.
Les fonctions politiques, la régulation politique par la vie parlementaire en France et l'organisation de l'Union européenne sont nécessairement touchés par des évolutions technologiques qui se répandent dans le monde entier, et qui aboutissent à la diffusion immédiate de nouvelles possibilités. Les composants sont de plus en plus miniaturisés, et selon la loi de Moore, la capacité des microprocesseurs double tous les 18 mois...
Ministre des postes et des télécommunications entre 1986 et 1988, lorsque nous avons dérégulé les services de téléphonie mobile, j'avais un conseiller technique télécoms, avisé, qui s'enthousiasmait à la perspective que nous passerions un jour de 200 000 abonnés à Radiocom 2000 au réseau de téléphonie mobile à un million.... Il a eu raison, mais beaucoup plus rapidement et massivement qu'il ne l'imaginait ! Cela a créé un phénomène de société.
Le sujet de la souverainement numérique est extrêmement compliqué. Comme le confirmeraient mes collègues de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst), MM. Pierre Ouzoulias et Stéphane Piednoir, lorsqu'on étudie en profondeur un sujet technologique nouveau comme les blockchains et leur impact sur le système bancaire, si l'on ne s'implique pas fortement, on est rapidement perdu.
Ce sujet est matériellement difficile, à la jonction entre la science fondamentale, les technologies, les industries, et les rapports de force entre groupes industriels, dans un monde totalement ouvert mais organisé. L'indépendance est une modalité forte de l'interdépendance. Nous sommes très dépendants de groupes qui n'ont aucun compte à rendre - pas même à leurs actionnaires -, si ce n'est à leurs clients...
Le calendrier est extrêmement serré, notre rapport devra être terminé en septembre. Nous entendrons des intervenants passionnants mais aurons également besoin de dialoguer régulièrement entre nous pour évaluer les réponses apportées à nos interrogations. Cela suppose de préparer particulièrement les questions que nous poserons. Nous recevrons des chefs d'entreprise à la responsabilité mondiale. Sur nous repose l'image de notre assemblée ; défenseurs de la démocratie et de ses institutions, nous devons donner de nos travaux collectifs, publics lorsque nous le déciderons, l'image la plus forte et la plus sérieuse. Dans le monde numérique, impitoyable, l'information circule à la vitesse de la lumière et les bévues sont instantanément diffusées... Nous devrons conduire ce débat avec le maximum de rigueur, de réflexion, de préparation et de modestie. Nous avons le devoir de chercher à comprendre, mais aussi le droit de ne pas être compétents dans tous les domaines. Nous avons la confiance du peuple français. À nous d'honorer cette confiance et d'être au rendez-vous. Je vous remercie de nous avoir fait confiance, à Franck Montaugé et à moi-même, pour ce travail très important et très exigeant.
Je partage la vision de notre rapporteur sur la complexité des enjeux. Je propose que nous commencions par des auditions généralistes pour saisir toutes les implications du sujet - philosophiques, technologiques, sociologiques et politiques. Certains chercheurs ont dégagé les grands enjeux relatifs à la souveraineté de l'État.
Seulement pour les réunions qui ne sont pas captées ni retransmises sur le site internet du Sénat, sinon nous nous rendrons dans la salle Monory.
Merci d'avoir eu l'initiative de cette commission d'enquête. Je félicite le président et le rapporteur, et nous souhaite bon travail. Ce sujet est monté en puissance durant ces derniers mois, alors qu'il avait été occulté durant des années, en raison de sa technicité. Deux affaires ont brisé le mythe originel d'un internet ouvert, neutre, convivial et collaboratif : l'affaire Snowden et l'affaire Cambridge Analytica. Internet est désormais un terrain d'affrontement mondial, dans un monde d'hypersurveillance et de vulnérabilité. Nous vivons une guerre d'intelligence économique, avec des dérives avérées qui menacent nos démocraties et le modèle occidental.
Appuyons notre réflexion sur celle de la commission des affaires européennes qui a travaillé depuis 2012 sur ce sujet, et notamment sur mon rapport L'Union européenne, colonie du monde numérique ? qui évoque cette question de la souveraineté. Nous avions entendu des personnalités qui ont fondé l'Institut de la souveraineté numérique, ou M. Pierre Bellanger, PDG de Skyrock. Le groupe centriste avait également été à l'initiative d'une mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet au lendemain de l'affaire Snowden. Nous avions fait soixante propositions, qui avaient notamment inspiré la loi sur le renseignement. Il serait intéressant de les passer en revue pour savoir où nous en sommes... Le Sénat s'est honoré à travailler sur ces sujets avant-gardistes. Nous pourrions entendre les personnes reçues à cette époque, pour savoir si elles ont changé leur vision d'internet. C'est le sujet de ce début de XXIe siècle : les démocrates américains s'interrogent sur un démantèlement des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) et l'Allemagne sur l'agrégation des données.
L'Opecst a réalisé des travaux considérables. Une synthèse de ses travaux nous serait fort utile - nous n'aurons pas le temps de lire tous ses rapports.
N'oublions pas aussi le groupe d'études sur le numérique, qui a entendu des responsables de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) chargés de la cybersécurité, mais c'était sans téléphones portables, sans compte rendu ni enregistrement... Il est impossible, au regard des informations extrêmement sensibles qu'ils communiquent, qu'il y en ait le moindre écho. Nous devons faire preuve d'une totale confidentialité.
Prenons en compte non seulement la souveraineté nationale du numérique mais aussi la souveraineté européenne, évoquée dans les travaux de Mme Catherine Morin-Desailly. Qwant et Atos sont des sociétés franco-allemandes ; binationales, ne défendent-elles pas une forme de souveraineté européenne ? Nous devrons distinguer la souveraineté nationale, qui s'impose naturellement dans certains secteurs comme la défense nucléaire, et la souveraineté européenne pour être en capacité d'acquérir à ce niveau tous les développements numériques. Ce n'était pas précisé dans le texte initial de la proposition de résolution.
Nous pouvons nous réunir à huis-clos si nous le jugeons nécessaire pour entendre les responsables des services de renseignement. La relation entre souveraineté nationale et souveraineté européenne est un sujet à part entière, et nous devrons lui donner une place importante dans notre rapport. Nous avons prévu d'auditionner des représentants d'Atos, et d'aborder concrètement les stratégies d'entreprise.
La réunion est close à 14 heures.