Nous examinons aujourd'hui le rapport d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi n° 492, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet.
Nous nous réunissons exceptionnellement tôt ce matin de manière à permettre à notre rapporteur de rejoindre la commission de la culture, qui examinera le texte à partir de dix heures. Je salue d'ailleurs la présence parmi nous du rapporteur de cette commission, Alain Schmitz.
La commission de la culture a souhaité nous déléguer l'examen au fond des articles 4, 5 et 5 bis, de nature entièrement budgétaire et fiscale. Le projet de loi comportant par ailleurs nombre de dispositions financières, notre rapporteur proposera de donner un avis sur d'autres articles ; nous sommes du reste saisis pour avis de l'ensemble du texte. Au total, douze amendements ont été déposés, dont neuf par notre rapporteur pour avis.
À mon tour, je salue notre collègue Alain Schmitz.
Le 24 avril dernier, le Gouvernement a présenté ce texte, destiné à faire face aux conséquences matérielles de l'incendie du 15 avril dernier et à faciliter une restauration la plus rapide possible de l'édifice en s'appuyant sur les dons et les promesses de dons enregistrés dans les heures et les jours qui ont suivi le sinistre.
Cet événement exceptionnel a suscité un émoi populaire et un réel élan de générosité de la part, non seulement de nos concitoyens, mais aussi de grands donateurs français et étrangers. Près de 1 milliard d'euros de dons et de promesses de dons auraient ainsi été annoncés depuis l'incendie.
À ce stade, le texte vise des travaux qui n'ont pas encore été précisément estimés et dont le montant dépendra, pour partie, des choix architecturaux retenus. La dépense fiscale prévue par le projet de loi n'a pas non plus été chiffrée. Seule la structure administrative chargée de concevoir et de coordonner les travaux semble déjà clairement envisagée, avec la création d'un établissement public à la tête duquel serait placé le représentant spécial du Président de la République, le général Jean-Louis Georgelin. En outre - j'y reviendrai -, le texte proposé par le Gouvernement n'est pas si clair, puisqu'il cite à la fois l'État et l'établissement public, ce qui n'est guère normatif.
S'agissant de la collecte des dons, un décret adopté le 16 avril 2019 a créé deux fonds de concours permettant de rattacher au budget de l'État les recettes provenant de ces dons.
La commission des finances a reçu délégation de la commission de la culture pour examiner au fond les articles 4, 5 et 5 bis, qui relèvent de sa compétence. J'ai également examiné les articles 1er, 2, 3, 7 et 8, qui se rattachent à notre champ de compétences du fait de leurs incidences financières. L'article 9, qui propose des dérogations sur de nombreux codes et concentre, à juste titre, les critiques, relève quant à lui de la compétence de la commission de la culture.
Avant d'aborder le détail du texte, permettez-moi de faire trois remarques liminaires.
Premièrement, ce texte révèle en creux l'insuffisance des moyens budgétaires alloués à la préservation du patrimoine. L'État n'est pas en mesure de faire face à la restauration de la cathédrale Notre-Dame, même pour partie. Il avait déjà eu recours au mécénat pour les travaux antérieurs à l'incendie, chiffrés à 60 millions d'euros. Je rappelle que l'État est, depuis 1905, propriétaire de 87 cathédrales.
Deuxièmement, le recours à la souscription nationale s'inscrit dans un contexte défavorable aux dons. Nous avons déjà consacré plusieurs auditions à ces questions. L'augmentation de la CSG, notamment pour les retraités, qui sont traditionnellement des donateurs plus généreux, la transformation de l'ISF en IFI ou encore la mise en place du prélèvement à la source ont concouru à une diminution générale des dons de l'ordre de 4,2 % en 2018.
Troisièmement, ce texte révèle une triple défiance : défiance à l'égard du ministère de la culture et des acteurs traditionnellement chargés de la conservation du patrimoine, qui, loin de voir leur rôle réaffirmé, sont quelque peu écartés ; défiance à l'égard de la clairvoyance du législateur, qui n'est pas invité à choisir entre l'établissement public ou l'État pour conduire les travaux - le Gouvernement nous demande, en somme, un blanc-seing pour le choix de l'opérateur ; défiance, enfin, à l'égard des fondations reconnues d'utilité publique, dont le rôle est réduit à celui de guichet d'enregistrement des dons avant reversement aux pouvoirs publics.
De surcroît, ce texte inspire des réserves à bon nombre de nos concitoyens : 72 % d'entre eux sont aujourd'hui opposés à ce qu'ils considèrent comme un projet de loi d'exception.
J'en viens à l'examen des articles.
Tout d'abord, par l'article 1er, le projet de loi prévoit le lancement d'une souscription nationale, placée sous la haute autorité du Président de la République et ouverte de manière rétroactive au 16 avril 2019. Elle sera clôturée par décret en vertu de l'article 6. Le choix de la date peut laisser songeur : les premiers dons ont été enregistrés le 15 avril au soir sur les sites de la fondation Notre Dame et de la fondation du patrimoine. Par l'amendement COM-43, je propose de modifier la date d'ouverture afin de couvrir l'ensemble des dons. La commission de la culture présentera le même amendement. Le fait générateur est, non pas le discours du Président de la République, mais le sinistre, et il serait impensable de reprocher aux donateurs d'avoir été généreux trop tôt.
S'agissant de ces dons, la presse fait régulièrement état d'un montant d'1 milliard d'euros. Les chiffres que nous ont transmis les fondations et le Centre des monuments nationaux, le CMN, sont toutefois plus modestes : le montant cumulé des dons et promesses de dons atteindrait 651,6 millions d'euros. En outre, seuls 71,8 millions d'euros ont été, pour l'heure, effectivement versés. Le rapport donne le détail de ces chiffres.
Ces sommes seront versées aux deux fonds de concours qui garantissent que les dons ne pourront être utilisés par l'État à d'autres fins. À mon sens, il n'y a donc pas lieu de débattre, à ce stade, d'un éventuel excédent, d'autant plus que la Fondation du patrimoine a arrêté sa collecte et que les autres organismes collecteurs constatent à présent un net ralentissement des dons. Un certain nombre de collectivités se sont même retirées, à l'instar de la ville de Lyon.
L'article 3 prévoit que la souscription est opérée par le biais de dons et versements auprès du Trésor public, du CMN ou de trois fondations reconnues d'utilité publique : la Fondation de France, la Fondation du patrimoine et la Fondation Notre Dame. Les sommes récoltées seraient ensuite reversées à l'État ou à un établissement public chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Vous noterez ce « ou » : le législateur n'est pas invité à choisir entre l'État et l'établissement public, alors même que l'article 8 prévoit une habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnance, les dispositions nécessaires à la création d'un établissement public.
Globalement, la création d'un établissement public présente bien des inconvénients, qu'il s'agisse de son coût - cette structure exigera des locaux et du personnel -, du temps nécessaire à sa constitution ou du risque de doublon avec les structures existantes - je pense par exemple au CMN, qui exploite déjà la billetterie d'accès à la tour nord de la cathédrale.
Dans le cas qui nous occupe, la création d'un établissement public ad hoc apparaît, néanmoins, comme la solution la plus adaptée. Elle permettra, d'une part, de centraliser les financements et, d'autre part, d'associer toutes les parties prenantes aux travaux de restauration de la cathédrale. Cette méthode semble également préférable pour assurer la traçabilité des dons.
Avec l'amendement COM-44, je vous propose donc d'amender l'article 3 pour supprimer la référence à l'État et, ce faisant, n'y mentionner que l'établissement public. D'ailleurs - c'est un secret de Polichinelle -, cette structure est déjà créée : autant en prendre acte et prévoir toutes les garanties de son bon fonctionnement.
Cette nouvelle rédaction implique l'amendement de coordination COM-49 à l'article 7. La commission de la culture présentera des amendements identiques.
Cependant, il convient de bien encadrer la nouvelle structure. En particulier, je vous propose d'amender l'article 8 afin de limiter sa durée d'existence : l'amendement COM-55 doit permettre d'éviter que l'établissement public financé par les dons privés ne se substitue à l'État pour l'entretien courant de la cathédrale. Celui-ci s'élève à 600 000 euros par an environ. Or l'établissement public a vocation à être éphémère : il ne doit durer que le temps de la restauration.
Pour revenir à l'article 3, il est indispensable que les organismes collecteurs ne soient pas uniquement considérés comme des guichets d'enregistrement des dons. Il y va du respect de l'intention du donateur, lequel est contrôlé par la Cour des comptes. Il est donc indispensable que l'État signe, avec chacun de ces organismes, une convention permettant un fléchage optimal des dons. Nombre d'entre eux sont d'ailleurs assortis de conditions précises : beaucoup de personnes souhaitent que leur don serve à financer telle ou telle action, tel ou tel type de restauration.
Cette convention, rendue publique, devra prévoir une estimation de la nature et des coûts des travaux. En outre, les versements aux fonds de concours doivent s'étaler suivant l'avancée des travaux. Ces propositions d'encadrement sont traduites dans l'amendement COM-45. Sur ce sujet également, nous sommes en phase avec la commission de la culture.
L'article 4, sur lequel nous disposons d'une délégation au fond de la commission de la culture, prévoit que les collectivités territoriales, notamment les communes, et leurs groupements sont autorisés à participer à la souscription. Le texte lève une incertitude juridique en la matière, puisque plusieurs niveaux de collectivités, notamment les départements, ont perdu la clause de compétence générale. Les dons annoncés par les collectivités territoriales sont aujourd'hui estimés à plus de 85 millions d'euros.
Si le fait d'inciter les collectivités territoriales à financer un chantier normalement pris en charge par l'État peut susciter quelques interrogations, le caractère exceptionnel de la situation et les premières subventions déjà décidées tendent à légitimer l'adoption d'une disposition législative visant à lever toute incertitude juridique à cet égard.
Le Gouvernement renvoie à un décret l'inscription des dons au chapitre des dépenses d'équipement. Or les collectivités territoriales ont besoin de la plus grande transparence quant aux modalités de leur participation, notamment pour la prise en compte de celle-ci dans le cadre de la contractualisation avec l'État. Avec l'amendement COM-46, je vous propose, à titre dérogatoire, de définir ces dons comme des dépenses correspondant à des projets d'investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine. Ces sommes ne seront pas pour autant éligibles à un remboursement partiel au titre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.
L'article 5, pour lequel nous disposons également d'une délégation au fond de la commission de la culture, vise quant à lui le dispositif fiscal prévu par le Gouvernement. Il ne concerne que les particuliers, qui se verront appliquer un taux de réduction fiscale de 75 % pour les dons dans la limite de 1 000 euros. Au-delà de ce montant, la réduction de droit commun sera appliquée, à savoir 66 %, dans la limite de 20 % du revenu imposable.
Le nouveau dispositif est limité dans le temps, puisqu'il est censé prendre fin le 31 décembre 2019. Il est cumulable avec les dispositifs existants, en particulier celui visant la fourniture d'aide, de soins et de logement aux personnes en difficulté, qui prévoit un taux de réduction d'impôt majoré de 75 %. Il ne devrait donc pas entraîner d'effet d'aubaine. Le risque d'éviction des dons au profit du chantier de la cathédrale est également contenu.
Afin de renforcer la clarté du dispositif, je vous propose une nouvelle rédaction de cet article calquée sur l'article 200 du code général des impôts, qui vise les dispositifs existants pour les réductions d'impôts au titre des dons des particuliers. Je vous suggère également de revoir la période retenue pour l'application de la réduction fiscale en adoptant l'amendement COM-47. Elle pourrait ainsi être ouverte dès le 15 avril 2019, à l'instar de la souscription nationale. En parallèle, je propose d'aligner la date de clôture sur celle de la souscription nationale, qui sera fixée par décret. À défaut, elle serait fixée au plus tard au 31 décembre 2019.
L'article 5 bis - troisième et dernier article sur lequel nous disposons d'une délégation au fond de la commission de la culture - a été introduit par un amendement du président de la commission des finances et du rapporteur général de l'Assemblée nationale. Il prévoit la remise d'un rapport qui contiendrait une évaluation de la dépense fiscale liée aux travaux de restauration pour l'année 2019 et une liste des montants versés, y compris par les collectivités territoriales.
L'article 7 prévoit déjà que l'établissement public procède à la publication un rapport annuel dressant le montant des dons, leur provenance et leur affectation : grâce à l'amendement COM-48, le rapport prévu à l'article 5 bis sera recentré sur le seul champ fiscal.
Ce document serait transmis chaque année afin, notamment, de tenir compte des versements progressifs des grands donateurs et des entreprises tout au long du chantier. Il évaluerait la dépense fiscale et les recettes fiscales engendrées par les travaux. Sur ce dernier point, je pense en particulier à la TVA. Je le répète, l'État est propriétaire de la cathédrale Notre-Dame de Paris ; en théorie, il devrait donc assumer le coût des travaux. Or, si ces travaux atteignent 1 milliard d'euros et qu'ils sont intégralement financés par les dons, l'État devrait récupérer 200 millions d'euros de TVA.
Pour restaurer la tour du choeur de la cathédrale de Chartres, j'avais, il y a quelques années, obtenu un important mécénat américain. Mais, en voyant que l'État prélevait 20 % de TVA sur son don, le mécène a menacé de se retirer. Nous avons cherché une solution avec la DRAC.
Il faudrait s'inspirer des dispositions relatives aux monuments aux morts : les travaux réalisés à ce titre sont exonérés de TVA. Quoi qu'il en soit, le rapport publié par le Gouvernement devra détailler la recette nette de TVA que percevra l'État.
L'article 7 prévoit que l'établissement public sera chargé de gérer les fonds recueillis et en rendra compte à un comité composé du premier président de la Cour des comptes et des présidents des commissions des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cet article ne pose aucune difficulté. En vertu de la rédaction actuelle, le suivi doit se faire « sans préjudice des contrôles de la Cour des comptes ». Je suggère simplement d'ajouter « et du contrôle des commissions des finances » des deux assemblées. Je vous propose donc l'amendement COM-50, rappelant nos prérogatives en la matière.
Je rejoins tout à fait M. de Montgolfier : les votes devraient être tout à fait consensuels entre votre commission et la commission de la culture.
Nous avons dû travailler dans des délais très resserrés. Ce qui me semble essentiel, c'est de replacer le ministère de la culture au centre du dispositif : ce chantier va être suivi par le monde entier et il doit être en tout point exemplaire, qu'il s'agisse de son financement ou de ses réalisations architecturales.
L'éventuel excédent de dons est un vrai sujet. Les collectivités territoriales qui, malgré de faibles moyens, doivent entretenir des monuments classés pourraient bénéficier de ces fonds.
Les organismes collecteurs vont débloquer les dons de manière progressive, tout au long du chantier. S'il y a un excédent, ils sauront le traiter par voie de conventions au profit d'autres pans du patrimoine. Si l'on commence, par ailleurs, à évoquer un éventuel excédent, les dons risquent de ne pas être à la hauteur des besoins finalement.
Dans quelle mesure les assurances vont-elles contribuer au financement des travaux ?
Comme on le dit pudiquement, « l'État est son propre assureur ». En d'autres termes, et à la différence des collectivités territoriales, il n'est pas assuré : les montants de telles assurances seraient d'ailleurs exorbitants.
Quant à l'entreprise chargée du chantier, elle a effectivement un assureur, mais sa responsabilité sera nécessairement limitée si elle devait être engagée : en aucun cas elle ne pourra assumer le coût du sinistre.
Dès qu'il y a un problème, on crée une nouvelle structure : c'est un véritable mal français, qui plus est à l'heure où il faut faire des économies. Pourquoi ne pas confier ce travail au ministère de la culture ?
De plus, en parallèle des recettes de TVA, il faut prendre en compte les exonérations fiscales : l'État ne sera pas forcément gagnant.
Pour les jeux Olympiques ou pour Notre-Dame, l'État peut faire ce qu'il veut. Mais, quoi qu'il arrive, les petites communes subissent des tracasseries sans nombre. En France, il y a toujours deux poids deux mesures.
Hier, le Gouvernement a proposé de supprimer tous les établissements publics de moins de 100 personnes. Avec ce texte, il en crée un : c'est tout de même assez savoureux. L'exécutif précise de surcroît, pour ce qui concerne ces structures, que toute création impliquera deux suppressions.
Enfin, Jacques Genest a raison, il est assez hallucinant d'imposer tant de contraintes aux communes ou aux particuliers, alors que l'État peut s'exonérer des règles qu'il a lui-même fixées. Voilà pourquoi je soutiens la proposition du rapporteur de la commission de la culture, de supprimer l'article 9. Les procédures en vigueur peuvent tout à fait être suivies.
Ce chantier peut être emblématique pour Paris, pour la France et même pour l'Europe.
Pas du tout. Souvent, nous sommes d'ailleurs les premiers à dénoncer le foisonnement normatif : n'allons pas nous contredire. En outre, on peut tout à fait conjuguer qualité et rapidité : un chantier long de quinze ou vingt ans ne serait pas satisfaisant.
À mon sens, l'on ne peut pas parler d'une opération financièrement avantageuse pour l'État. Non seulement il faut tenir compte de la défiscalisation, mais, aujourd'hui, c'est l'État qui paye toutes les factures.
Pour ce qui concerne le véhicule juridique, voyons ce qui ressort des débats et faisons-nous confiance : il faut procéder sans a priori, en fonction des objectifs retenus, selon les conditions du chantier, les expertises et les besoins financiers.
Albéric de Montgolfier a raison : à ce jour, il n'y a pas d'excédent. On ne sait pas combien vont coûter les travaux. Il faut donc être extrêmement prudent à cet égard. La Haute Assemblée ne doit pas envoyer de mauvais signaux.
Les travaux engagés avant le sinistre seront pris en charge rétroactivement par la souscription nationale. Quant au choix de la structure qui suivra le chantier, il est déjà arrêté. On peut effectivement faire un bon travail dans un délai raisonnable, mais en respectant le code du patrimoine.
Pourquoi la fondation du patrimoine a-t-elle mis un terme à la collecte ? Cela me semble surprenant.
En vertu de l'article 8, les dirigeants de l'établissement public ne sont pas soumis aux limites d'âge applicables à la fonction publique d'État. Cela me laisse également un peu songeur.
Enfin, je ne suis pas favorable à l'augmentation du taux de réduction d'impôt à 75 % ou à 90 %. Pour l'église de ma commune, la déduction serait nécessairement de 66 % : pourquoi accorder une faveur supplémentaire pour Notre-Dame ? C'est une question d'égalité territoriale.
La fondation du patrimoine est la seule des quatre collecteurs dont la principale activité est la collecte de dons au bénéfice de valorisations patrimoniales.
Désormais, elles ne sont plus si nombreuses.
Aujourd'hui, beaucoup de délégués régionaux et départementaux de la fondation du patrimoine craignent de voir les recettes traditionnelles se tarir au profit de Notre-Dame.
Les dons privés d'ores et déjà versés sont relativement limités. De leur côté, les grands donateurs comme Total, Axa ou la Société générale ont annoncé de forts montants, mais il ne s'agit pour l'heure que de promesses de dons : ces crédits seront versés progressivement. Les fondations n'auront donc que des sommes assez faibles à faire fructifier.
J'approuve, sur le fond, les propos de Jean-Claude Requier au sujet des taux de déduction.
Une loi votée dans la précipitation, c'est une loi mal ficelée : il n'est pas bon de légiférer dans l'émotion, alors même que nous avons déjà tous les instruments nécessaires à notre disposition. Le Président de la République veut reconstruire Notre-Dame en cinq ans. Il part sans doute d'une bonne intention, mais cette précipitation n'est pas souhaitable.
Le patrimoine, ce n'est pas une question de mandat. Nous ne pouvons pas violer les règles de bon sens que le Parlement a, depuis quarante ans, élaborées en faveur du patrimoine. Il faut écouter les vrais experts : cette manière de procéder n'est pas respectueuse du patrimoine français. Je suivrai la commission, mais ce projet de loi est tout à fait insatisfaisant.
Je suis largement d'accord avec Roger Karoutchi. En tant que tel, ce texte n'est pas vraiment nécessaire, mais il existe et notre rôle est de l'améliorer.
La ville de Boulogne-Billancourt votera demain un don à la fondation du patrimoine, en faveur de Notre-Dame de Paris. A priori, elle précisera uniquement que, si les sommes ainsi récoltées se révèlent excédentaires, ces fonds seront fléchés vers la rénovation du patrimoine.
Par définition, les recettes budgétaires de l'État ne sont pas affectées : à cet égard, un établissement public et les fonds de concours sont nécessaires.
Sinon, la ville de Boulogne-Billancourt consentirait une subvention volontaire aux charges générales de l'État...
Adoptée sur l'initiative de la France, la charte internationale de Venise limite les travaux à la reconstitution de Notre-Dame telle qu'elle a été classée au patrimoine de l'humanité. L'émotion n'est pas toujours bonne conseillère : certes, elle a permis de récolter beaucoup d'argent, mais il ne faut pas violer nos engagements internationaux.
Il faut effectivement reconstituer le bâtiment dans l'état où il se trouvait. Afin de conserver certaines marges de manoeuvre au titre des matériaux, nous avons retenu les termes de silhouette, pour la cathédrale, et de profil, pour la flèche.
Je ne suis pas sûr que la charte de Venise permette de telles libertés. On cite en exemples les cathédrales de Rouen, de Reims et de Metz : mais ces trois chantiers sont antérieurs à cette convention. Dans quelles limites le délire créatif peut-il s'exercer ?
Nous n'avons pas fait mention d'une restitution à l'identique : cette question sera examinée en séance. Pour l'Unesco, les notions de profil et de silhouette sont pertinentes.
À titre personnel, je ne suis pas opposé à une reconstruction à l'identique. Elle est tout à fait possible, qu'il s'agisse de la charpente ou de la flèche de Viollet-le-Duc. Quant aux statues, elles sont en lieu sûr à Périgueux.
J'ajoute que la charpente a été entièrement modélisée avant l'incendie et que sa reconstruction à l'identique épargnerait bien des études complémentaires.
Certes, il ne faut pas décourager les donateurs ; mais ces derniers seraient rassurés de savoir que, quoi qu'il arrive, leur argent financera la restauration du patrimoine. De plus, je suis moi aussi défavorable à un nouveau taux majoré de défiscalisation. Il faut s'en tenir aux taux de 75 % et de 66 %.
Grâce aux fonds de concours, on aura la certitude que les dons seront destinés à la restauration de la cathédrale.
Les collectivités territoriales ont, elles aussi, réagi sous le coup de l'émotion. C'est tout de même étonnant de les voir contribuer ainsi au budget de l'État, alors qu'elles assument de plus en plus de charges et qu'elles ne bénéficieront pas de la moindre déduction. J'appelle à la prudence : il faut délibérer, puis attendre l'appel de fonds que lancera l'État en fonction des besoins. La logique suivie jusqu'à présent me paraît incompréhensible. D'ailleurs, les dons cumulés des collectivités territoriales ne pèsent pas très lourd.
Respectons la libre administration des collectivités territoriales et - j'y insiste - retenons la solution des fonds de concours.
Où en est l'enquête relative aux causes de cet incendie ? Il faudrait prendre les précautions qui s'imposent pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise ailleurs.
Pour les monuments, les chantiers de restauration sont des moments particulièrement dangereux : en 1836, c'est un réchaud oublié par les couvreurs qui a provoqué l'incendie de la cathédrale de Chartres.
Chacun a ressenti l'émotion provoquée par l'incendie de Notre-Dame de Paris. Actuellement, le coût du chantier n'est pas connu. L'étude technique sera assez longue à mener et, à mon tour, je me demande s'il faut opter pour une reconstruction à l'identique.
J'ai à l'esprit l'incendie du parlement de Bretagne, survenu à la suite d'une manifestation de marins-pêcheurs. La charpente historique du bâtiment, qui était en bois, a été remplacée par une charpente métallique. Il existe des nuances entre une rénovation à l'identique et une reconstruction impliquant tel ou tel changement. À cet égard, il faut distinguer les différentes parties de l'édifice, selon que les visiteurs y ont accès ou non.
La priorité est de déterminer, techniquement et financièrement, le coût de l'opération, puis de répartir les fonds disponibles.
Si une reconstruction à l'identique s'impose, pourquoi avoir lancé un concours d'architecture ?
La charte de Venise n'impose pas une reconstruction à l'identique. Cela étant, l'ajout éventuel d'une touche contemporaine constitue un autre débat.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er
L'amendement COM-43 vise à fixer au 15 avril 2019 la date à compter de laquelle les dons seront éligibles au dispositif : il s'agit là du jour du sinistre.
L'amendement COM-43 est adopté.
La commission émet un avis favorable sur l'article 1er ainsi rédigé.
Article 2
La commission émet un avis favorable sur l'article 2.
Article 3
Grâce à l'amendement COM-44, c'est bien l'établissement public, et non l'État, qui recevra les dons : il s'agit là du seul moyen d'assurer leur traçabilité.
L'amendement COM-44 est adopté.
L'amendement COM-45 vise à préciser les modalités de reversement des dons collectés aux fonds de concours.
L'amendement COM-45 est adopté.
La commission émet un avis favorable sur l'article 3 ainsi rédigé.
Article 4
L'amendement COM-46 vise à préciser que les dons des collectivités territoriales sont considérés comme des dépenses correspondant à des projets d'investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine. Ils ne seront donc pas pris en compte dans le cadre de la contractualisation avec l'État.
L'amendement COM-46 est adopté.
La commission proposera à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'adopter l'article 4 ainsi rédigé.
Article 5
Avec l'amendement COM-47, nous proposons de réécrire cet article sans changer le taux de déduction, afin de clarifier la question de sa compatibilité avec les autres dispositifs prévus par le code général des impôts. Il précise également la période retenue pour l'application de la réduction d'impôt.
L'amendement COM-47 est adopté.
Comment expliquer à un Manceau que, s'il fait un don en faveur de la cathédrale du Mans, il bénéficiera d'un taux de déduction d'impôt de 66 %, contre 90 % pour Notre-Dame de Paris ? Cette situation pose un véritable problème d'équité, auquel s'ajoutera un problème de droit : une déduction de l'ordre de 90 % met en cause le caractère désintéressé du don. De surcroît, le Président de la République a annoncé un taux de 75 % : il faut prévenir les effets d'aubaine.
L'amendement COM-1 rectifié ter n'est pas adopté.
Les dispositions de l'amendement COM-20 posent, elles aussi, un véritable problème d'équité devant l'impôt. En l'état actuel des textes, les personnes qui font un don en faveur du patrimoine ou des Restos du coeur ne bénéficient pas d'un crédit d'impôt. Pourquoi ouvrir une telle possibilité pour Notre-Dame de Paris ?
Les dispositions de ce texte ont, en tant que telles, un caractère exceptionnel.
Certes, mais il faut veiller à l'équité des mesures instaurées et à leur bonne compréhension par nos concitoyens. De plus, les dons récoltés par la fondation du patrimoine sont, en moyenne, de 100 euros : il faut anticiper les coûts de gestion qu'un tel crédit d'impôt imposerait à l'État. Ce dispositif serait extrêmement onéreux.
Les personnes non imposables ont donné par générosité pure, sans attendre le moindre retour financier. Cela étant, cet amendement nous met face à une véritable question de politique fiscale. Il conviendra de l'aborder dans le cadre du projet de loi de finances. Le présent texte crée certes un dispositif d'exception, mais, en passant d'une déduction à un crédit d'impôt, l'on change de technique fiscale.
Sur le fond, l'on ne peut qu'approuver cet amendement : il faut également penser à l'équité entre les donateurs imposables et non imposables.
La commission pourrait se pencher sur ce sujet. L'État est aujourd'hui ankylosé, voire impotent. L'impôt est perçu comme confiscatoire. Il est bon d'examiner les concours que les Français peuvent apporter par le biais d'initiatives privées.
Nous débattrons effectivement de ce sujet en examinant le prochain projet de loi de finances : l'Assemblée nationale comme le Sénat travaillent déjà sur la question du mécénat. Mais, pour nos concitoyens, le crédit d'impôt proposé pourrait être choquant.
Étant donné la réécriture dont l'article 5 vient de faire l'objet, je retire cet amendement, qui ne peut être adopté dans sa forme actuelle. Je le déposerai de nouveau en séance, à titre personnel ou avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, afin d'ouvrir la discussion.
Ce débat est, en effet, tout à fait légitime.
L'amendement COM-20 est retiré.
Le dispositif de l'amendement COM-2 rectifié ter étend les réductions d'impôts aux contribuables non domiciliés en France. Lorsque les intéressés vivent dans un autre pays de l'Union européenne ou aux États-Unis, leurs dons sont déductibles dans leur pays de résidence. Pour ce qui concerne les Français établis dans d'autres régions du monde, il n'existe pas de réciprocité.
L'amendement COM-2 rectifié ter n'est pas adopté.
La commission proposera à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'adopter l'article 5 ainsi rédigé.
Article 5 bis (nouveau)
L'amendement COM-48 vise à recentrer le rapport sur les conséquences fiscales des travaux de conservation et de restauration de Notre-Dame de Paris.
L'amendement COM-48 est adopté.
La commission proposera à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication d'adopter L'article 5 bis ainsi rédigé.
Article 7
L'établissement public est déjà prévu : à preuve, l'on tient même compte de l'âge du général qui devrait en prendre la tête. Avec l'amendement COM-49, nous proposons donc de mettre un terme à l'option laissée dans l'article, en supprimant la référence à l'État.
L'amendement COM-49 est adopté.
L'amendement COM-50 tend à rappeler le rôle de contrôle de gestion des fonds publics dont les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat sont chargées.
L'amendement COM-50 est adopté.
La commission émet un avis favorable sur l'article 7 ainsi rédigé.
Article 8
L'amendement COM-51 vise à limiter la durée d'existence de l'établissement public. On pourra débattre du laps de temps proposé. Avant tout, il faut s'assurer que cette structure s'installe dans la durée : en devenant permanente, elle tendrait à se substituer à l'État.
L'amendement COM-51 est adopté.
La commission émet un avis favorable sur l'article 8 ainsi rédigé.
La commission émet un avis favorable sur les articles du projet de loi dont elle s'est saisie sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :