Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 20 mai 2020 à 11h20

Résumé de la réunion

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La réunion

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Photo de Vincent Eblé

Les amendements de séance peuvent être déposés jusqu'au lundi 25 mai, à midi. Ils seront examinés en commission le mercredi 27 mai au matin.

La réunion est close à 11 heures.

La réunion est ouverte à 11 h 20.

- Présidence de M. Vincent Eblé, président et de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous avons le plaisir d'entendre ce matin M. Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, aux côtés de nos collègues de la commission des affaires économiques, nos deux commissions étant réunies dans ce format pour la deuxième fois depuis l'entrée en vigueur de la loi Pacte.

Comme il est coutume de le rappeler, la Caisse des dépôts est placée sous la « surveillance spéciale » du Parlement. Il semble ainsi tout à fait pertinent que vous puissiez nous faire part des actions menées au cours de l'année qui s'est écoulée depuis votre dernière audition, en particulier dans le contexte actuel caractérisé par une double crise sanitaire et économique.

Ces derniers mois, l'activité de la Caisse des dépôts a été marquée par la signature du plan d'investissement pour le logement social 2020-2022 dont nous aurons l'occasion de reparler, par l'avancée des discussions relatives au rachat de la Société de financement local (SFIL), ou encore par votre rapprochement avec la Poste en mars dernier en vue de la création d'un grand pôle financier public.

Sur ce dernier point, vous avez déclaré en mars dernier que la constitution de ce pôle allait permettre à la Caisse des dépôts de jouer son rôle d'opérateur en cas de faille de marché. Vous nous préciserez dans quelle mesure ce nouveau pôle financier public devrait être mobilisé pour répondre à la crise économique actuelle.

Il serait utile pour notre commission des finances d'avoir des éclaircissements sur deux points. Le premier concerne les résultats financiers de la Caisse des dépôts pour 2019. La contribution du groupe au budget de l'État devrait être de 1,4 milliard d'euros, contre 1,6 milliard d'euros en 2018. Vous nous en présenterez certainement les principaux éléments, mais pouvez-vous nous expliquer pourquoi la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés a-t-elle été multipliée par trois par rapport à l'année dernière ? De plus, pourquoi le versement au budget de l'État ne comprend-il pas un abondement du fonds d'épargne ? Comment s'est déroulée la mise en oeuvre cette année des nouvelles modalités de détermination du montant de ce versement telles qu'issues de la loi Pacte ?

Le second point concerne la participation de la Caisse des dépôts à un programme d'investissement annoncé par le secteur de l'assurance en soutien des PME, ETI et du secteur de la santé. Notre commission est soucieuse de la juste participation des assureurs au soutien de l'économie, comme nous l'avons rappelé lors de l'audition de la présidente de la Fédération française de l'assurance, Florence Lustman. Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de ce programme d'investissement basé sur les fonds dits Nov, qui existent depuis 2012, ainsi que la nature des investissements qui seront réalisés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le directeur général, le groupe que vous dirigez sera un acteur central de la relance de notre économie. Nos collègues auront de nombreuses questions à vous poser au cours de cet échange, tant l'empire de la Caisse des dépôts est vaste ! Pour ma part, je souhaiterais que vous exposiez les actions de la Caisse concernant le tourisme et le logement. Votre groupe est au coeur du « plan tourisme » annoncé il y a près d'une semaine par le Gouvernement, à travers la Banque des territoires et BPIfrance, qui mobiliseront 3 milliards d'euros. Pourrez-vous nous éclairer sur la façon dont ces fonds seront utilisés et nous dire à quelles transformations du tourisme vous comptez participer par ce biais ?

La situation financière des bailleurs sociaux en matière de trésorerie face aux impayés de loyer et à plus longue échéance en matière de capitaux propres inquiète. Quelle est l'analyse de la situation par la Banque des territoires ? Quelles mesures déployez-vous ?

S'agissant du soutien au secteur de la construction et de la promotion immobilière, nous saluons l'annonce, très tôt dans la crise, de l'achat, par CDC Habitat, de 40 000 logements intermédiaires en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA). Pouvez-vous nous dire comment cette cible a été déterminée ? Comment ce plan de soutien se déroule-t-il sur le terrain ?

En matière industrielle, notre commission s'intéresse particulièrement à la question des relocalisations à l'issue de la crise. Vous avez récemment indiqué vouloir réfléchir « à notre organisation industrielle et publique en termes d'indépendance nationale et de gestion des grands risques », constatant que « nous allons certainement devoir (...) réimplanter en France des filières de fabrication de divers produits, de médicaments, de produits médicaux, de respirateurs et d'autres choses. » Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que la Caisse peut apporter en la matière ?

Plus globalement, comment envisagez-vous la contribution du groupe Caisse des dépôts à deux défis majeurs de notre temps, la numérisation et la transition énergétique ? Enfin, comment allez-vous coordonner votre action avec celle d'autres financeurs publics - je pense notamment à la Banque européenne d'investissements ?

M. Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. - Je tiens d'abord à vous remercier de m'accueillir ce matin au Sénat pour cette audition prévue de longue date et heureusement maintenue, tant il est important pour la Caisse des dépôts de présenter ses actions devant le Sénat. Effectivement, nous sommes placés sous votre protection ainsi que celle de l'Assemblée nationale, ce qui est très important pour les collaborateurs de la Caisse des dépôts. Je sais que vos travaux vous ont conduits à entendre déjà certains collègues importants du groupe - les dirigeants de la Poste et de Bpifrance - ainsi que des collaborateurs en charge du logement et du tourisme.

Ce matin, je souhaite vous présenter notre stratégie globale, qui repose sur deux axes : des mesures d'urgence que nous avons déployées très vite au début de la crise pour soutenir nos concitoyens, nos entreprises, nos territoires et nos institutions et, dans un deuxième temps, les mesures de relance qui seront d'une importance vitale pour notre économie.

Ces mesures ne seraient pas possibles sans les résultats très solides de 2019, que j'ai présentés le 8 avril dernier, et qui nous donnent les moyens de jouer le rôle contracyclique traditionnel de la caisse - laquelle est née en 1816, déjà pour gérer le problème de surendettement du pays à l'issue des guerres napoléoniennes.

Le bilan agrégé de la Caisse des dépôts avant le rapprochement avec La Poste début mars s'élève à 459 milliards d'euros adossés à des fonds propres qui, à la fin de l'année 2019 se montaient à 54 milliards d'euros, dont 42 milliards au titre de la section générale et 12 milliards au titre des fonds d'épargne. Cette force de frappe financière a dégagé en 2019 un résultat agrégé de 2,7 milliards, dont 2 milliards d'euros pour la section générale soit une hausse de 300 millions par rapport à 2018, du fait notamment de la bonne tenue des marchés financiers et de l'accélération de la rotation de notre portefeuille, notamment dans la Banque des territoires. Les résultats du fonds d'épargne, à 700 millions d'euros, sont quant à eux en baisse, à cause d'une inflation plus faible en octobre de l'année dernière que prévu - ce qui nous a conduits à verser des taux réels plus élevés aux 30 milliards d'euros d'obligations indexées sur l'inflation, soit une baisse de plusieurs centaines de millions de nos revenus. Autres facteurs de cette baisse : le deuxième plan logement - soutien au secteur de l'ordre de 50 millions d'euros par an pendant trois ans - que nous avons provisionné intégralement- soit à hauteur de 150 millions d'euros - sur les comptes de l'année 2019, et une légère hausse du coût de l'accessibilité bancaire versée par les fonds d'épargne à la Banque postale.

Ces résultats nous ont permis de verser à l'État 1,4 milliard d'euros, dont près de 1,1 milliard au titre de la contribution du versement « volontaire », la règle actuelle étant que nous versons la moitié des résultats consolidés à l'État et une contribution représentative de l'impôt sur les sociétés. Celle-ci se monte à 368 millions, en forte hausse pour des raisons purement techniques liées à l'application du code général des impôts, qui prévoyait en 2018 un certain nombre de provisions à passer sur des titres qui ont été reprises en 2019 - c'est à la fois très technique et relatif à un segment du portefeuille d'investissements particulier. Tout cela conduit à un résultat un peu inférieur à celui qui a été versé l'année dernière.

L'État a également renoncé - et c'est ce qui explique la baisse par rapport à l'année précédente - à la contribution au titre des fonds d'épargne, qui était prévue à 363 millions d'euros. Pourquoi ? Parce que la situation de solvabilité des fonds d'épargne est plus difficile en ce moment à cause de la baisse des marchés financiers, parce que l'État a voulu ainsi renforcer nos fonds propres sur des fonds d'épargne où nous avons depuis l'origine moins de marge, et surtout parce que nous attendons en 2020 une année difficile pour les fonds d'épargne : comme en 2019, nous pensons qu'en octobre, au moment où nous calculerons l'inflation permettant de fixer la rémunération de notre portefeuille d'obligations, celle-ci sera très faible et donc, à nouveau, génératrice de moins de revenus ; par ailleurs, la baisse des marchés financiers, notamment en actions, va se traduire par une baisse de la solvabilité des fonds d'épargne.

Grâce à la solidité de notre bilan 2019, la crise qui nous frappe depuis plus de deux mois et notamment la baisse des marchés financiers n'obère pas ou très marginalement nos marges de manoeuvre, et nous avons les moyens de remplir notre mission historique de soutenir l'économie et sa transformation.

Je souhaiterais rendre hommage à l'ensemble des collaborateurs de la maison qui sont au travail depuis le premier jour de la crise pour que toutes ses missions soient remplies. La Caisse, y compris la direction générale, s'est mise en télétravail et 85 % de nos 6 000 collaborateurs étaient connectés chaque jour. La transformation numérique que nous avons accélérée depuis deux ans et demi avec Olivier Sichel a permis un fonctionnement normal depuis le début de la crise, avec la réunion de comités à plusieurs dizaines de personnes ; les réseaux ont tenu et nous ont permis d'être en connexion avec nos partenaires et avec la Place. Ainsi, alors que nous gérons la retraite d'un Français sur cinq, le versement des pensions s'est fait en bon ordre, selon le calendrier et les modalités habituelles. Les réversions, qui se font par traitement manuel et ont malheureusement augmenté à cause de la hausse de la mortalité, ont été traitées à distance, permettant que les personnes en deuil ne soient pas mises en difficulté. Je pense que vous n'en avez pas entendu parler, ce qui prouve que les choses se sont passées tout à fait normalement...

Nous avons continué nos efforts en matière de formation professionnelle, avec le développement de « mon compte formation », qui a été opportunément lancé au mois de novembre sous l'autorité de la ministre du travail, Muriel Pénicaud. Le paiement des organismes de formation s'est déroulé sans encombre et la demande de formation à distance s'est accrue, mais nous y avons répondu ; nous avons lancé une nouvelle plateforme à l'initiative de la secrétaire d'État Sophie Cluzel et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), « Mon parcours handicap », pour soutenir les personnes en situation de handicap dans leur parcours professionnel.

Transdev a rempli ses missions de service public sur l'ensemble du territoire, la continuité de production d'énergie (CNR) et la permanence de l'alimentation électrique grâce à RTE ont été assurées.

Enfin, et nous en sommes très fiers, les prestations sociales, financées largement par la caisse via l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et distribuées notamment dans le réseau de La Poste et de la Banque Postale, ont été normalement versées fin mars et fin avril, comme les prestations exceptionnelles du 15 mai - certes avec un petit peu plus de queues aux guichets, parce qu'il y avait un peu moins d'agents et à cause des mesures de distanciation -, mais à temps, à un moment où ces prestations étaient vitales pour nos concitoyens les plus défavorisés.

Parallèlement, nous avons lancé diverses mesures de soutien massif aux entreprises et à notre économie. Les premiers problèmes à régler portaient sur la trésorerie ; Bpifrance a mis en place ce que Nicolas Dufourcq a appelé un « pont aérien de cash », avec les prêts garantis par l'État et distribués par les réseaux bancaires : hier soir, 73 milliards d'euros de prêts garantis avaient été pré-accordés à 440 000 entreprises. Dans le même temps, les filiales immobilières de la Caisse se sont engagées à soulager les charges locatives des commerces de proximité. CDC Icade et CDC Habitat ont renoncé au loyer du deuxième trimestre pour les entreprises de moins de dix salariés, afin de protéger les entreprises de proximité.

La Banque des territoires, avec nos seize directions régionales et nos 35 implantations territoriales, a soutenu une initiative dont nous sommes très fiers : ce qu'avec les régions, nous avons appelé les « fonds résilience » - que la région Centre-Val de Loire a appelé « fonds Renaissance » - et que nous abondons à hauteur de deux euros par habitant à parité avec les régions pour soutenir les entités économiques les plus petites, les associations, les très petites entreprises qui ne sont pas couvertes par le dispositif Bpifrance France. Nous avons déjà ouvert un fonds avec la région Grand-Est, initiatrice de ce type de fonds, mais aussi les pays de Loire, la Nouvelle Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, la Bretagne, l'Occitanie, la Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, la Normandie, la Corse, la Réunion, la Guadeloupe et la Nouvelle-Calédonie. Notre engagement dans ces fonds atteint à ce jour 90 millions d'euros ; ils sont utilisés par les opérateurs des régions et nous regardons si des fonds européens pourraient les compléter pour continuer à répondre à la très forte demande - qui traduit d'ailleurs la détresse du tissu économique.

En tant que banquiers de l'Acoss, nous avons contribué à sécuriser dans l'urgence la protection sociale, parce que les cotisations ne rentraient pas : sous l'autorité de la commission de surveillance, nous avons approuvé une augmentation de 10 milliards d'euros de nos prêts à l'Acoss, qui atteignent pas moins de 21 milliards d'euros.

En tant que banquiers du service public de la justice, nous avons ouvert une enveloppe de 90 millions d'euros pour assurer le report sur simple demande des prêts accordés aux offices de notaires et une autre enveloppe de 500 millions d'euros pour financer leurs charges ; nous avons reçu à ce jour 1 500 demandes d'accompagnement de leur part.

Concernant le logement social, nous ne constatons pas de tension aujourd'hui sur les liquidités ; mais pour être certains qu'il n'y en ait pas, nous avons réactivé une ligne de trésorerie de 2 milliards d'euros, et nous dialoguons régulièrement avec les acteurs. La mise en place du deuxième volet du plan logement se poursuit ; pour les organismes qui ont un décalage de recettes du fait de problèmes de loyers, nous avons opéré un report des échéances de prêts à long terme à leur demande ; tout cela se fait de façon très rapide et très simple, à travers une plateforme digitale dont les acteurs ont l'habitude.

Nous nous sommes mobilisés pour soutenir les entreprises publiques locales qui constituent le levier privilégié de notre action sur le territoire, et qui bénéficient de report d'échéances de prêt et d'une ligne de trésorerie spécifique. Nous avons enfin financé l'intégralité des audits de leur situation économique et éventuellement des mesures de redressement nécessaires.

Dans tous les pays européens, les acteurs publics réfléchissent au rôle qu'ils ont à jouer et nous avons resserré le lien étroit que nous avons avec nos homologues - en particulier les banques publiques de développement d'Allemagne, de Pologne, d'Italie et d'Espagne -, mais également avec les caisses du continent africain, avec lesquelles nous avons un lien historique, et qui vont être fortement sollicitées.

Les conséquences économiques de cette crise sanitaire sont pour l'essentiel devant nous, nous travaillons pour que la reprise économique soit la plus rapide et la plus saine possible, en tâchant d'allouer au mieux les fonds disponibles à la relance économique dans les meilleurs délais. Nous nous appuyons sur l'ensemble de nos moyens, en particulier l'épargne populaire, que nous mobilisons pour nos missions d'intérêt général - cette épargne n'a jamais été si abondante, les Français ont épargné parce qu'ils ne pouvaient pas dépenser, au point que cette épargne représente 40 % de leurs revenus : au mois d'avril, la collecte nette sur le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) a atteint le niveau record de 7,4 milliards d'euros, soit trois fois plus qu'au mois d'avril 2019. Le plus tôt cette épargne financera la consommation et l'investissement, le mieux ce sera. Dans l'intervalle, cette épargne ne dort pas, elle est utilisée pour le soutien à notre économie : le financement du logement social se poursuit et celui des collectivités locales a augmenté de façon importante. Il serait utile que cette épargne importante puisse être utilisée dans d'autres secteurs de l'économie.

Nous mobilisons également notre portefeuille financier, nous sommes le premier investisseur institutionnel au capital des entreprises cotées, ce qui nous donne une responsabilité : nous avons continué à acheter des actions et des obligations émises par des entreprises françaises, mais aussi à accélérer notre programme d'achats, c'est notre rôle habituel.

Un mot du programme d'investissements que nous avons initié avec les compagnies d'assurance, qu'elles vont abonder de 1,6 milliard d'euros et la Caisse des dépôts, de 100 millions d'euros. Ce programme financera d'abord les fonds généralistes déjà en place, ce qui permet d'aller très vite en particulier auprès des petites entreprises puisque les gérants sont déjà au travail. Ensuite, des fonds nouveaux, pour lesquels les appels d'offres sont en cours, et qui viseront spécifiquement la santé - que ce soit pour soutenir à long terme la capacité de production en Europe, mais aussi l'innovation à travers des start-up -, et le tourisme.

Nous allons aussi renforcer notre action dans des grands programmes d'action territoriale, pour maximiser notre impact sur les territoires, je pense à l'action « Coeur de ville », dont le succès naissant a été un peu handicapé par le report des élections municipales, et qui concerne quelque 222 villes où habite un Français sur quatre. Je pense également au programme « Territoires d'industrie », qui soutient la relocalisation de filières industrielles en France : nous y travaillons activement avec Bpifrance et avec le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), chargé de mettre en oeuvre le Programme d'investissements d'avenir (PIA).

Je vous rappelle que nous avons défini quatre secteurs prioritaires d'intervention pour la Banque des territoires.

D'abord le logement et l'habitat, avec un appel à projets pour 40 000 logements, dont quelque 32 000 ont déjà fait l'objet de pré-réservation, autorisant une mise en place rapide, et avec la poursuite dynamique du programme de titres participatifs, où la demande est forte et que nous flècherons sur des bailleurs qui construisent et investissent.

Ensuite, la santé et le médico-social, où nous jouons un rôle important dans le financement des hôpitaux publics et l'intervention auprès des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Nous allons participer à la restructuration des dettes de ce secteur, au financement de la réhabilitation des bâtiments et au financement d'équipements structurants des plateaux techniques, ainsi qu'à la numérisation du secteur. La crise sanitaire a démontré combien la télémédecine est devenue un enjeu majeur. Ainsi, le maillage du territoire en très haut débit est également une de nos priorités.

Troisième secteur prioritaire, le tourisme et ses quelque deux millions d'emplois et 8 % du PIB, pour lesquels le Gouvernement mobilise un véritable « plan Marshall » - le Premier ministre l'a annoncé vendredi dernier. Le groupe Caisse des Dépôts réserve 1,3 milliard d'euros de fonds propres pour abonder une kyrielle de fonds qui couvrent tous les opérateurs touristiques jusqu'aux plus petits, ce qui demande un maillage très fin et opérationnel pour bien cibler les besoins et définir les aides ; ce sera l'occasion aussi de promouvoir les objectifs environnementaux de notre pays.

Enfin, notre quatrième secteur prioritaire a trait à la transition écologique et énergétique. Le groupe Caisse des dépôts prévoit d'y consacrer 20 milliards d'euros dans les années qui viennent, tous financements spécifiques confondus, et nous continuerons, dans les entreprises dont nous sommes actionnaires, à faire pression pour accélérer la transition de l'économie et la décarboner : nous nous étions engagés en 2014 à réduire notre empreinte carbone de 20 %, nous avons atteint cet objectif plus tôt que prévu. Nos investissements s'inscrivent désormais dans un scénario de limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré, et nous nous sommes dotés d'une feuille de route en faveur de la biodiversité pour mesurer l'impact de nos activités sur la nature, c'est un enjeu crucial dès lors que les scientifiques nous disent que le recul de la biodiversité pourrait être l'une des raisons du développement des pandémies depuis plusieurs années. Au-delà même des outils dédiés que nous avons installés, je crois que la transition écologique et énergétique devrait irriguer toute notre action : je ne fais qu'évoquer le sujet, il est très large et décisif, mais je dois m'en tenir là dans ce propos introductif.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

En 2009, la Caisse des dépôts et consignations avait participé au plan de relance par deux leviers : des prêts aux collectivités territoriales à hauteur de 5 milliards d'euros - quel bilan peut-on en faire ? - et une mobilisation importante des fonds d'épargne pour financer des prêts aux PME à hauteur de 23 milliards d'euros.

Certes, le surcroît de collecte d'épargne en avril est une mauvaise nouvelle, mais cela peut aussi nous donner des marges de manoeuvre. Serviront-elles à d'autres investissements que le logement social ? En l'absence de maires et de présidents d'EPCI, même si l'on adopte, comme en 2009, des mesures visant à accélérer les procédures, il sera compliqué d'obtenir un permis de construire cette année. Par conséquent, comment orienter cette épargne vers la consommation - je pense par exemple à la rénovation énergétique des logements -, et vers le financement de l'investissement des PME ? Serait-il opportun de créer un produit d'épargne orienté vers la santé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Vous avez parlé d'un « plan Marshall pour le tourisme » ; pourriez-vous en particulier préciser les grandes orientations définies pour l'enveloppe de 500 millions d'euros ? Vous avez indiqué qu'il bénéficiera non seulement aux grosses structures, mais également aux petites. Tout le monde souhaiterait que l'aménagement du territoire de notre pays soit amélioré, car nous souffrons tous de la règle des 80-20, valable également dans le tourisme : 80 % des touristes se trouvent sur 20 % du territoire. Avez-vous, avec vos partenaires, quelques idées à ce sujet ?

Quelles sont vos principales cibles pour l'utilisation du montant de 1,3 milliard d'euros en fonds propres ?

Enfin, vous avez parlé de tourisme durable. On parle de développement durable pour tous les secteurs économiques, mais où placer le curseur ? Certains voudraient qu'il n'y ait plus du tout d'avions et que les touristes se rendent dans le jardin de leur voisin. Entre cet extrême et l'autre - ne rien changer du tout -, quelles idées avez-vous pour rendre le tourisme plus durable, tout en respectant le principe du développement durable, c'est-à-dire l'équilibre entre les dimensions économiques, sociales et environnementales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Vous avez mis en place un partenariat resserré avec l'Agence française du développement (AFD) et, de fait, la CDC dédie des fonds importants au développement. La crise actuelle remettra-t-elle en cause cet effort ?

Ma seconde question a trait à Qwant. Un article de Le Média tire à boulets rouges sur ce moteur de recherche, qui serait loin d'être indépendant et dont les résultats seraient récupérés par Bing, le moteur de recherche de Microsoft. Les audits de la direction interministérielle du numérique et l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (Anssi) ont révélé des failles techniques et de gestion dans ce système. La CDC étant très engagée dans cette entreprise, que répondez-vous à ces critiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Mes questions ont trait à l'action économique des régions, qui ont un rôle important pour la sortie de crise si, évidemment, elles disposent de suffisamment de moyens financiers et juridiques. Selon vous, quel serait le cadre juridique adapté ?

Pour aider les entreprises, notamment celles qui sont convoitées par des acheteurs étrangers, certains avancent l'idée que les régions puissent émettre des obligations convertibles afin de conforter les fonds propres de certaines entreprises. Qu'en pensez-vous ?

Vous avez évoqué les fonds abondés par la Banque des territoires et par les régions. Une déclinaison départementale de ce dispositif régional serait-elle pertinente ?

La Caisse des dépôts et consignations est gestionnaire de « Mon compte formation ». Comment travaillez-vous avec les régions et les autres financeurs de la formation professionnelle pour flécher les abondements en droits complémentaires vers des formations qui soient en adéquation avec les besoins des entreprises ?

Enfin, la crise accentue le besoin d'une concurrence efficiente sur le marché de gros des télécoms d'entreprise, de manière à accélérer la numérisation des PME et TPE dans les territoires. Envisagez-vous d'intervenir dans ce domaine spécifique, en particulier via la Banque des territoires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je souhaite parler du logement social. Je m'en suis entretenu il y a un mois avec vos collaborateurs, qui n'étaient pas très inquiets ; vous ne semblez pas l'être beaucoup plus ce matin. D'un côté, je m'en réjouis, mais, de l'autre, je me demande si vous n'êtes pas trop optimiste.

En ce qui concerne la promotion immobilière, vous indiquez que, sur les 40 000 logements offerts par CDC Habitat, 32 000 ont déjà été « réservés » ; on peut voir cela positivement, mais on peut aussi y voir l'inquiétude de ceux qui ont recours à vos services.

On nous dit par ailleurs que les coûts de construction pourraient augmenter d'environ 20 %. J'ose espérer que ce chiffre n'est pas correct, mais, si c'est le cas, cela pèsera de manière extrêmement importante sur le secteur, tant sur la promotion que sur les bailleurs sociaux. Or, dans une période où les taux ont tendance à remonter légèrement pour les particuliers, le secteur de la promotion immobilière risque de s'arrêter.

Du côté des bailleurs sociaux, il y a une vraie inquiétude concernant les loyers impayés. Il est peut-être, là aussi, trop tôt pour juger, mais les bailleurs risquent d'être confrontés à de réels problèmes, notamment ceux qui accueillent les populations les plus en difficulté. Les bailleurs sociaux avaient déjà dû encaisser les conséquences des décisions du Gouvernement sur la réduction de loyer de solidarité ; en fin de compte, on ne fait qu'ajouter de la dette à la dette et étaler celle-ci dans le temps. Si jamais on traverse une nouvelle passe difficile, ce que je crains, que nous restera-t-il comme solution ?

Les collectivités locales vont être affectées. On a du mal à le mesurer aujourd'hui, mais si l'on considère cela à l'aune de ma commune moyenne de Seine-Saint-Denis, les nouvelles dépenses et les moindres recettes vont se chiffrer à 2 millions d'euros. On se retrouvera donc avec une épargne nette réduite à néant en une année ! Comment financer du logement social dans ces conditions ?

Quand j'additionne tout cela, j'ai du mal à être optimiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

La Caisse des dépôts et consignations est un opérateur majeur du plan France très haut débit et la crise du Covid-19 a fait ressentir davantage encore la fracture numérique territoriale et sociale, plus de 13 millions de personnes étant éloignées de l'usage du numérique. Il est essentiel de reprendre rapidement les investissements, tant dans les réseaux que dans la numérisation des entreprises et de l'administration territoriale. Avez-vous identifié des soutiens à la numérisation des territoires pour faciliter l'accès de nos concitoyens aux services publics ?

En outre, les collectivités ont un réel besoin d'accompagnement en matière de cybersécurité ; qu'envisagez-vous à cet égard ?

Allez-vous accompagner les réseaux, puisque l'État n'aide pas assez les réseaux d'initiative publique ?

Enfin, envisagez-vous des actions de prêts solidaires à destination des collectivités qui ont non pas des difficultés de trésorerie, mais des problèmes structurels de capacité de financement, qui vont aller en s'aggravant ? Je pense notamment aux communes touristiques et aux communes forestières, surtout dans l'est de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

J'insiste sur la nécessité d'une bonne communication auprès des acteurs de la filière touristique, afin qu'ils aient accès rapidement à tous les dispositifs que vous avez évoqués.

Vous avez rappelé le montant de 7,4 milliards d'euros d'épargne collectée en avril. Vous souhaitez qu'elle soutienne l'activité et le logement - je partage à cet égard la préoccupation de Philippe Dallier -, mais avez-vous des pistes et des conseils à donner pour relancer la consommation des ménages ? Le déconfinement et la réouverture des boutiques n'ont pas entraîné une frénésie d'achats. Comment relancer la consommation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je partage largement le diagnostic de Philippe Dallier, notamment pour ce qui concerne le logement social. Nombre d'incertitudes demeurent sur les impayés et les prélèvements subis par les bailleurs conduisent à leur proposer plus de dettes que d'aides.

Ma première question porte sur les garanties d'emprunt. Quoi qu'on dise, la plupart des agences de notation intègrent la garantie d'emprunt dans le calcul de la dette des collectivités, qui se retrouvent donc en difficulté. La Caisse des dépôts ne pourrait-elle pas assouplir son dispositif de garantie d'emprunt ? Plusieurs opérations sont bloquées par ce mécanisme.

Beaucoup des opérations bloquées sont liées aux organismes de foncier solidaire (OFS). Je vous enverrai une note détaillée sur la manière d'accélérer les décisions, de stabiliser les critères et de tenir compte de la stabilité et de la solidité des opérateurs sociaux ; pourrez-vous intervenir à ce sujet ?

Les taux d'emprunt sont évidemment un levier essentiel. Pourrait-on envisager une baisse temporaire des marges de distribution du livret A ?

Peut-on proposer des prêts à taux fixe pour les organismes de logement social, car l'incertitude liée à l'évolution des taux d'intérêt est assez paralysante, en particulier pour le prêt social location-accession (PSLA), alors que, justement, les petites entreprises ont aujourd'hui besoin de travail ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je souhaite revenir sur les investissements d'avenir. Vous avez dit avoir eu des échanges avec le secrétaire général à l'investissement à ce sujet. Avez-vous évoqué une certaine réallocation selon la nature des aides ? Le Sénat a critiqué à plusieurs reprises le fait que, dans l'enveloppe de 10 milliards d'euros, il y avait finalement assez peu d'argent frais de subventions. Or, cela pourrait peut-être être la chose la plus utile aujourd'hui pour aider les jeunes pousses de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Comme Michel Raison, j'estime que le développement durable, donc le tourisme durable, repose sur l'équilibre entre trois piliers : l'économie, le social et l'environnemental.

Selon le dossier de presse du comité interministériel du tourisme de jeudi dernier, les capacités d'intervention du fonds Tourisme Social Investissement augmenteront, pour atteindre 225 millions d'euros, et ses critères d'éligibilité seront assouplis. En 2019, ce fonds avait mobilisé près de 125 millions d'euros ; soit un effort supplémentaire de 100 millions d'euros, mais la seule orientation concrète traite du renforcement des opérateurs. Pouvez-vous revenir précisément sur les orientations qui seront retenues pour ce fonds ? Sera-t-il limité aux organismes du tourisme social ? Viendra-t-il aussi en aide aux structures les plus en difficulté ? Sera-t-il concentré sur l'aide à l'investissement ou sur d'autres aides ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je voudrais aussi évoquer le fonds tourisme. Les acteurs du développement touristique sont très inquiets : les recettes sont si faibles, sinon inexistantes, qu'ils redoutent de ne pouvoir rembourser les prêts. Cela étant, le projet de la Caisse des dépôts comporte un apport en fonds propres tout à fait significatif. Avez-vous déjà identifié des projets prêts à être financés ? Envisagez-vous des interventions en fonds propres dans d'autres secteurs, notamment celui de la souveraineté numérique de la France ? Yvon Collin évoquait à l'instant le cas Qwant. Nous avons encore beaucoup à faire, en France et en Europe, pour ne plus être dépendants des Chinois et des Américains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Les structures d'hébergement social, les foyers pour jeunes, les résidences universitaires, qu'il s'agisse de propriétaires ou de gestionnaires, ont aujourd'hui de grandes difficultés pour honorer leurs échéances, parce qu'elles ne génèrent plus de trésorerie ou parce que le gestionnaire délégué ne parvient plus à verser ses redevances au bailleur. La Banque des territoires a-t-elle prévu des aménagements spécifiques pour ces structures ?

La crise a fait apparaître un besoin important de mise à l'abri : les logements accompagnés, les hébergements collectifs d'urgence et les foyers de travailleurs migrants devront être restructurés pour les rendre résilients à de futures pandémies. Comment la Caisse peut-elle, essentiellement à travers sa filiale Adoma, devenir demain un acteur structurant sur le moyen et le long terme en matière de financement, d'ingénierie et de gestion ?

En opérant une distinction entre usage du bien et nue-propriété, votre foncière Tonus Territoires produit des logements en usufruit locatif social. Avec la crise, a-t-elle été davantage sollicitée par les promoteurs sur des opérations qui auraient déjà été lancées, initialement prévues en accession libre, mais recentrées aujourd'hui sur des ventes en bloc plutôt qu'à la découpe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La Caisse des dépôts et consignations est un acteur important, mais aussi, de par la diversité des domaines dans lesquels elle intervient, un observateur averti.

Notre pays, pour des raisons culturelles, est généralement assez performant en termes de protection, mais ne l'est pas autant en termes de relance et de dynamisme. Après deux mois d'activité économique très ralentie et un redémarrage poussif, les aspects financiers sont essentiels. Ils ont été plutôt bien traités avec un dispositif national - et des relais territoriaux - assez complet et performant, dès lors qu'il s'agit de gérer les problèmes de court terme - trésorerie, reports d'échéance...

Mais la relance ne dépend pas que d'aspects financiers. On peut considérer que notre pays, par rapport à certains de nos voisins, y compris ceux qui étaient aussi touchés que nous par cette crise sanitaire, a très fortement - sinon trop - ralenti : La Poste n'a pas bien fonctionné de fin mars à mi-avril ; Pôle emploi était fermé ; les déchetteries ne collectaient plus les cartonnages, ce qui a failli mettre à l'arrêt un certain nombre d'unités de production d'emballages destinés à l'agroalimentaire et au secteur pharmaceutique. Le ralentissement a été trop important, y compris en ce qui concerne les permis de construire. Pourquoi a-t-on arrêté de les instruire ? Pourquoi n'a-t-on pas réussi, au niveau des EPCI et des communes, par un système de délibération, à accorder des garanties d'emprunt aux organismes de logement social qui ont dû tout interrompre, faute d'en obtenir ?

Que pensez-vous de ces autres freins à la relance ? Le contexte reste incertain : nous pouvons connaître, sinon une deuxième vague, du moins un rebond de la pandémie qui viendrait encore freiner l'ardeur de ceux qui veulent redynamiser l'activité économique. Je pense notamment à la lourdeur de certaines procédures, à la rigueur maximaliste, parfois irréaliste, voire inefficace, de certains protocoles, ensuite dénoncés. La circulaire de M. Blanquer prévoit d'admettre quinze élèves dans une classe de cinquante mètres carrés. Le maire dira qu'il vaut mieux s'arrêter à douze, pour être tranquille. Puis la directrice de l'école tiendra compte des déplacements dans la classe, des cheminements pour sortir et, de quinze élèves, on arrivera à huit ou dix ! Sur le terrain, les choses se passent comme ça. Et je ne dis rien du problème des restaurants : si deux personnes qui dorment ensemble dans quatre mètres carrés doivent consommer huit mètres carrés pour aller au restaurant, elles n'iront tout simplement pas. Toute une partie de la relance économique est basée sur des petits détails de cette nature. Quelle vision avez-vous de ces freins ?

Sur le plan financier, nous avons pris le problème par le bon bout, mais ne risque-t-on pas de plomber la relance économique en raison d'un manque d'agilité et de souplesse dans les procédures qui devraient encourager nos concitoyens et les entreprises à revenir à un niveau d'activité qui nous permettrait d'éviter une crise trop grave ? Quoi qu'il arrive, nous n'échapperons pas à trois ou quatre millions de chômeurs supplémentaires à l'automne...

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Renaud-Garabedian

Monsieur le directeur général, vous avez déclaré travailler sur un projet de plateforme permettant aux professionnels du tourisme de se réapproprier les données clients pour remédier à l'emprise des plateformes étrangères sur le secteur. S'agit-il de créer un « Booking » français ou d'une simple ouverture des données touristiques permettant aux acteurs d'innover, comme pour les données de mobilité dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités ?

Que pensez-vous de l'appel à projets à destination des start-up pour inventer le tourisme de demain, mesure certes discrète, mais non moins importante du plan tourisme ?

Vous avez évoqué la possibilité de favoriser les prêts pour les hôteliers, notamment pour la réalisation de travaux s'inscrivant dans une perspective de développement durable. S'agit-il d'un argument pour faciliter les demandes de prêts garantis par l'État ou d'un dispositif différent ? Dans ce dernier cas, faut-il solliciter la BPI ou la Caisse des dépôts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

La filière de la construction, qu'il s'agisse de la rénovation des logements existants ou des bâtiments neufs, représente à la fois un impératif climatique - près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre nationales - et un levier pour relancer l'emploi. Le secteur de la rénovation énergétique est très riche en emplois, il me semble important de le souligner au moment où l'on parle de relance de l'activité.

Nous attendons un plan massif d'incitation à la rénovation thermique de l'ensemble des logements : 80 à 90 % des chantiers ont été à l'arrêt aux mois d'avril et de mai. Nous avons besoin d'un complément aux prêts consentis par la Caisse des dépôts aux organismes HLM pour aider au financement des travaux de rénovation au sein du parc social de logements.

La rénovation énergétique des bâtiments publics constitue un important gisement non seulement d'économies d'énergie, mais aussi d'activités et d'emplois pour une relance durable. Quel rôle peut jouer la Caisse des dépôts sur ces différents points ? Vous paraît-il nécessaire de conditionner les aides en fonction de considérations énergétiques ou environnementales de manière à orienter les comportements d'investissement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

En ce qui concerne le programme « Territoires d'industrie », les choses ont été bien lancées. Il va falloir les aider au redémarrage. J'espère que cela provoquera un intérêt pour les communes rurales ou périurbaines.

Vous accompagnez sans difficulté les 222 coeurs de ville existants. Voilà quelques mois, il avait été question, au Sénat, d'élargir ce dispositif aux centres-villes et centres-bourgs pour relancer le petit commerce rural et périurbain. Envisagez-vous d'accroître le nombre de coeurs de ville ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Le contexte économique actuel constitue-t-il une opportunité ou une difficulté pour encourager les investissements visant à la neutralité carbone, notamment au regard du prix de l'énergie fossile ?

Vous avez beaucoup évoqué l'accompagnement en matière de transition écologique et énergétique. Mme Loisier a parlé des communes qui souffrent de la crise forestière et sanitaire. Nos arbres, feuillus ou résineux, sont atteints d'une pathologie sans précédent qui s'étend sur l'ensemble du territoire. Or, la forêt joue un rôle essentiel pour atteindre la neutralité carbone. Au regard de vos ambitions en termes de maintien de la biodiversité et de transition écologique, envisagez-vous d'accompagner les communes forestières à travers un investissement majeur pour la replantation ?

Je préside le comité « résistance » du département des Vosges. Votre accompagnement est vraiment important : il s'agit de petits dossiers, mais qui permettent de sauver nos territoires. À côté des grands projets et des entreprises moyennes, il y a aussi les petites initiatives.

Debut de section - Permalien
Éric Lombard

Monsieur le rapporteur général, nous avons déjà élargi les cibles des prêts sur fonds d'épargne - je pense notamment aux aqua-prêts, aux édu-prêts et aux éco-prêts à taux zéro -, mais il me paraîtrait dangereux d'assouplir l'obligation de garantie de ces prêts pour permettre le financement des entreprises, mission qui est celle de Bpifrance. Le système de garantie est sécurisant pour l'ensemble des acteurs.

Par ailleurs, il me semble plus opportun d'inciter les Français à utiliser l'épargne qui est aujourd'hui surabondante en activant les leviers que sont l'accès à la consommation et l'instauration d'un climat de confiance que de créer de nouveaux fonds d'épargne.

Monsieur Raison, la déconcentration est une de nos préoccupations constantes depuis la création de la Banque des territoires. Les directeurs régionaux de la Caisse des dépôts sont habilités à prendre des décisions sans intervention du siège. Au travers des objectifs qui leur sont fixés, nous incitons nos équipes à financer de petits projets. Nous ne souhaitons pas être l'institution qui finance d'abord les grandes entités, et nous sommes très attentifs à ce que le maillage soit au plus près du terrain.

Madame Artigalas, vous m'avez interrogé sur le fonds Tourisme Social Investissement. Un groupe de travail auquel vous participez a été mis en place pour élargir les objectifs de ce fonds. De manière générale, nous sommes très attentifs à ce que les fonds qui sont alimentés par Bpifrance ou par la Caisse touchent le tissu associatif et les petits opérateurs.

Si le développement durable et le tourisme durable irriguent nos politiques, nos aides ne sont pas conditionnées à des critères environnementaux, car la priorité est pour l'heure de sauver les entreprises.

Pour répondre à Yvon Collin, notre coopération avec l'AFD se poursuit. J'ai effectué plusieurs déplacements en Afrique avec Rémy Rioux et nous envisageons des déplacements en métropole ensemble. Je me suis rendu récemment en Côte d'Ivoire et au Sénégal pour des réunions des Caisses des dépôts du continent africain. Notre engagement ne faiblit pas, et je crois que nous avons un rôle utile à jouer.

Le moteur de recherche Qwant n'est pas parfait, mais il respecte les personnes et ne collecte pas les données individuelles. Sa relation avec Microsoft est assumée. En tant qu'actionnaires, nous avons opéré certains changements de management qui se sont faits de la façon la plus consensuelle possible. J'ai confiance dans le développement de cette entité, et même si tout n'est pas gagné, je suis fier de soutenir cette alternative européenne au géant américain.

Plusieurs sénateurs m'ont interrogé sur les rôles respectifs des régions et des départements. Il appartient à l'État de trancher la question d'une implication éventuelle des départements aux fonds Résistance, Résilience ou Renaissance.

Il est vrai que le développement de « Mon compte formation » a connu quelques difficultés, eu égard notamment au transit des dotations des régions, mais cette question est derrière nous.

Monsieur Dallier, je ne perçois pas à ce stade de difficultés aigües chez les opérateurs du logement social, mais nous devons être très attentifs à l'immobilier en général, et au logement social en particulier, car il est à craindre que nos concitoyens rencontrent des difficultés pour payer leur loyer.

Par ailleurs, je rejoins votre analyse concernant les coûts de construction : la distanciation sociale et la réduction des équipes ne vont pas dans le sens d'une réduction des prix. Nous ne sommes ni pessimistes ni optimistes, mais engagés - je sais que vous l'êtes aussi. L'appel à projets lancé par CDC Habitat prévoit la production de 40 000 logements, dont une part de logements intermédiaires et de logements libres, car nous devons soutenir le secteur dans son ensemble.

CDC Habitat a un projet très ambitieux pour continuer à soutenir le secteur dans la période qui vient. D'autres grandes plateformes comme Action Logement soutiendront également les acteurs plus modestes. Au travers des fonds d'épargne, la Caisse continuera également de soutenir ce secteur, notamment en apportant des fonds propres, afin de maintenir le rythme des constructions sociales et des rénovations thermiques.

Nous encourageons la rénovation thermique dans le logement social, car elle est vertueuse au point de vue environnemental et elle permet de réduire les factures. Il est plus difficile de l'encourager dans le privé, mais nous travaillons à des mécanismes qui le permettraient.

J'en viens au numérique et au soutien de la numérisation. S'agissant du développement du très haut débit, la Banque des territoires a fait le job. Nous avons investi 560 millions d'euros de capital dans plus de cinquante réseaux d'initiative publique (RIP), nous avons débloqué 760 millions d'euros de prêts et nous envisageons de desservir 10 millions de locaux à l'horizon 2025. Avant la crise, nous mettions en place 5 500 lignes par jour. Le rythme a ralenti, nous y sommes attentifs.

Par ailleurs, les espaces France services permettront d'amener le digital dans les régions, et la Banque des territoires a mis en place de nombreux outils numériques au travers de sa plateforme digitale.

Je note votre demande d'accompagnement des collectivités locales dans leur numérisation. Nos outils de conseil, qui sont gratuits, n'ont sans doute pas été assez mis en avant.

Vous m'avez interrogé sur la possibilité de proposer des prêts plus avantageux aux petites collectivités. Les fonds d'épargne ne sont pas en difficulté, mais leur capacité à générer des revenus est amoindrie par la crise, car une une partie des actifs est indexée sur l'inflation, et parce qu'ils ont été sollicités pour le plan Logement à hauteur de 150 millions d'euros. Leur capacité à prêter à des conditions très avantageuses est donc limitée.

Madame Loisier, si la Société forestière ne peut pas financer les budgets de fonctionnement des communes forestières, elle répond présente en matière d'investissements. La Société forestière ne gère que 300 000 hectares, mais nous sommes prêts à investir pour soutenir le secteur forestier actuellement touché par les scolytes. Nous n'avons actuellement d'autre remède à cette maladie du bois que d'effectuer des coupes rases. Il nous faut trouver une solution plus durable.

Madame Lienemann, la Caisse est très engagée auprès des OFS auxquels elle propose des financements à très long terme - jusqu'à 80 ans en zone tendue -, mais je reconnais que le système mérite d'être assoupli. Je lirai avec plaisir la note que vous me promettez.

S'agissant de Tonus, nous devons favoriser les initiatives de démembrement de propriété qui permettent d'accélérer la construction. En effet, la Caisse portant la nue-propriété pendant 10, 15 ou 20 ans, les organismes de logement social perçoivent des revenus alors qu'ils n'ont pas apporté de fonds propres.

Le plan d'investissements d'avenir ne relève pas de ma compétence, madame Lavarde, mais je ferai part de votre interrogation à mes collègues concernés.

La préservation de notre souveraineté économique et numérique est un des rôles de la Caisse des dépôts et de Bpifrance, au travers notamment du fonds d'investissement Lac d'argent ou encore du moteur de recherche Qwant, monsieur Canevet. Avec Bpifrance, nous veillons à ce que les start-up françaises puissent se développer en France. Nous sommes par exemple actionnaires minoritaires du Fonds stratégique de participations qui prend des participations de long terme au capital de nos entreprises pour les protéger. La Caisse des dépôts et Bpifrance constituent le fonds souverain français.

S'agissant de l'hébergement social, madame Estrosi Sassone, nous devrons effectivement apporter une aide en fonction des typologies d'opérateurs. Les dispositifs mis en oeuvre par Adoma, filiale de CDC Habitat, sont un filet de sécurité pour toutes les personnes en grande difficulté. Nous allons continuer à doter cette entité.

Monsieur Gabouty, si La Poste a moins bien fonctionné en début de crise c'est parce que 40 000 postières et postiers se sont trouvés sans solution de garde pour leurs enfants et qu'elle a dû mettre en place les mesures de distanciation. Je tiens à dire qu'elle a rapidement augmenté le nombre de tournées hebdomadaires et que les services quotidiens, notamment pour les personnes âgées, n'ont jamais cessé. Par ailleurs, La Poste a distribué plus de colis durant cette période que l'année dernière. Permettez-moi de rendre hommage aux postières et aux postiers qui se sont acquittés de leur mission de service public alors qu'ils étaient en première ligne au contact des populations, juste derrière les personnels soignants.

Vous m'avez interrogé sur les freins à la relance. Les mesures de distanciation peuvent effectivement entraîner une perte de productivité dans certains secteurs. Pour notre part, nous avons longuement négocié avec les partenaires sociaux un accord majoritaire relatif aux conditions de retour dans les locaux, même si ce retour se fera a minima conformément aux règles imposées par le Gouvernement. Compte tenu de la nature de notre activité, la poursuite du télétravail d'une partie de nos équipes n'a pas d'impact sur la productivité, mais ce n'est pas le cas dans d'autres d'entreprises. Cela constitue effectivement un frein à la relance, mais je note que des pays qui se déconfinent plus vite et de manière moins précautionneuse connaissent des rechutes qui peuvent être coûteuses économiquement. Nous devrons toutefois être attentifs à ce que la reprise soit vigoureuse, sans quoi la situation économique pèsera non seulement sur les comptes publics, mais aussi sur l'emploi.

L'idée de créer une plateforme digitale sur le tourisme est issue des travaux d'un comité réunissant plusieurs ministres, les professionnels du tourisme, le directeur général de la Banque des territoires et moi-même. Elle vise à aider les acteurs du tourisme au plan national en donnant accès aux visiteurs, notamment étrangers, à l'ensemble de l'offre de façon plus rapide. Contrairement aux plateformes existantes, celle-ci ne prélèverait pas d'argent. Dans ce même esprit de service public, l'appel à projets à destination des start-up vise à faire émerger de nouvelles idées pour développer le secteur du tourisme.

Nous allons profiter de cette période pour essayer d'accélérer la transition écologique et énergétique. C'est notre devoir citoyen, même si nous n'en faisons pas une condition pour bénéficier de nos aides.

Je remercie le sénateur Chatillon de ses mots amicaux pour nos équipes, que je transmettrai. Le plan « Action coeur de ville » est un succès croissant, tout comme « Territoires d'industrie ». Jacqueline Gourault a annoncé un programme à destination des bourgs ayant une fonction de centralité, auquel la Caisse contribuera à hauteur de 200 millions d'euros. Ce programme devait être précisé après les municipales, et il le sera.

Enfin, vous avez raison, monsieur Gremillet, nous devrons redoubler d'efforts pour atteindre la neutralité carbone. Or, le prix de l'énergie n'évolue pas dans le bon sens. Si nous ne subordonnons pas à strictement parler l'injection de fonds propres au respect de conditionnalités écologiques, nous orientons ces fonds propres de manière à lutter contre le réchauffement climatique.

Nous nous efforçons de contribuer à une société à la fois plus durable et plus inclusive. Tels sont les deux axes de notre action.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Je vous remercie d'avoir répondu à nos nombreuses questions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 13 h 10.