La commission a procédé à l'audition de Mme Anne Gazeau-Secret, directeur général de la coopération internationale et du développement, sur le projet de loi de finances pour 2008.
Accueillant Mme Anne Gazeau-Secret, M. Robert del Picchia, président, a rappelé que la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des Affaires étrangères et européennes était responsable de trois programmes intéressant la commission : le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement », le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat » et le programme 115 « Audiovisuel extérieur » de la mission « Medias », qui représentent au total plus de 2,6 milliards d'euros, soit 60 % du budget du ministère des Affaires étrangères.
Il a invité Mme Anne Gazeau-Secret à s'exprimer sur les principales orientations du projet de loi de finances pour 2008 concernant ces trois programmes, ainsi que sur les projets de réforme de l'organisation de cette direction générale et de ses relations avec les différents opérateurs.
En ce qui concerne le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique », qui recouvre la coopération avec les pays développés au sens de l'OCDE et le service public d'enseignement français à l'étranger, Mme Anne Gazeau-Secret a indiqué que le montant de la dotation s'élève à 490 millions d'euros en 2008.
L'enseignement français à l'étranger mis en oeuvre par l'AEFE représente à lui seul 59 % de cette dotation et 73 % , hors rémunérations. Les montants alloués aux autres actions (comme la promotion du français) en 2008, sont globalement identiques à ceux de 2007.
Le mouvement de rationalisation du réseau culturel et de coopération, caractérisé par un redéploiement des centres et instituts culturels d'Europe occidentale vers les pays émergents, se poursuit en 2008. Il s'accompagne d'un redéploiement des personnels.
D'ores et déjà, environ un tiers des centres et instituts culturels ont été supprimés au cours de ces dix dernières années et des réflexions sont en cours concernant d'éventuelles fermetures de centres ou d'instituts culturels au Royaume-Uni (Edimbourg, Glasgow), en Allemagne (Stuttgart), ou en Italie (Florence, Turin).
Ces fermetures ont parfois un coût élevé, à l'image de la fermeture du centre culturel de Bilbao qui a coûté un million d'euros, a indiqué Mme Anne Gazeau-Secret, mais elles permettent de redéployer les moyens vers les pays d'Europe centrale et orientale ou vers les pays émergents.
Concernant l'AEFE, Mme Anne Gazeau-Secret a rappelé que cet opérateur avait été doté d'un plan d'orientation stratégique qui arrive à échéance à la fin de cette année. Il a été décidé d'organiser des Etats généraux de l'enseignement français à l'étranger, probablement au premier semestre 2008, qui rassembleront l'ensemble des acteurs concernés, notamment les syndicats d'enseignants et les associations de parents d'élèves. Ils devraient permettre de déterminer les attentes en vue des futures orientations stratégiques, lesquelles devaient figurer dans un futur contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'AEFE.
Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, les frais de scolarité des élèves français des établissements français à l'étranger seront progressivement pris en charge par l'Etat, pour un coût de 5 millions d'euros dès la rentrée de 2007 pour les élèves de terminale et de 20 millions d'euros en 2008 pour l'extension aux classes de première.
Enfin, une dotation supplémentaire de 8,5 millions d'euros est prévue pour l'immobilier de l'agence.
a ensuite évoqué le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui fait partie de la mission « Aide publique au développement », dont il représente 49 % des autorisations d'engagement et 67 % des crédits de paiement. Les pays bénéficiaires de ces crédits sont les pays figurant dans la liste de l'OCDE, c'est-à-dire les 77 pays les plus pauvres de la planète, dont les 55 pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP), ainsi que les principaux pays émergents d'Asie et d'Amérique.
Les autorisations d'engagement devraient augmenter de 3,2 % en 2008, grâce à la progression des dons-projets de l'AFD, alors que les crédits de paiement (hors rémunérations) sont reconduits de 2007 sur 2008. Le montant global de l'aide publique au développement devait être maintenu à son niveau de 2006, qui était de 8,5 milliards d'euros, soit environ 0,47 % du PNB.
L'objectif fixé reste d'atteindre 0,7 % en 2015 et il convient de relever que nos partenaires britannique, allemand et espagnol ont augmenté fortement leur contribution, avec des mesures nouvelles de l'ordre de 750 millions d'euros au Royaume-Uni ou en Allemagne.
Les crédits destinés aux dons-projets de l'Agence française de développement (AFD) sont de 320 millions d'euros en autorisations d'engagement et 195 millions d'euros en crédits de paiement en 2008.
a indiqué que, au début du mois de novembre, l'AFD n'avait engagé que 50 % de ses crédits pour 2007, ce qui soulevait des interrogations sur le fonctionnement de cette structure.
L'aide multilatérale, qui regroupe le FED, le Fonds mondial SIDA, les contributions volontaires aux organisations des Nations unies ou encore les contributions aux organisations de la francophonie, occupe une place croissante au sein du programme 209, de l'ordre de 56 %. On peut relever, en particulier, la montée en puissance du FED, qui devrait représenter 775 millions d'euros en 2008, alors que les contributions volontaires aux organisations des Nations unies, de l'ordre de 90 millions d'euros, demeurent au même niveau qu'en 2007.
Les principaux axes stratégiques de la politique française en faveur du développement sont, pour les 55 pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP), de susciter la croissance, réduire la pauvreté et faciliter l'accès aux biens publics mondiaux, en contribuant ainsi à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement à l'horizon 2015. En ce qui concerne les autres pays, la France accompagne les pays émergents dans leur transition en soutenant leur développement économique et humain, notamment par des cofinancements. La coopération technique, culturelle, universitaire et scientifique y est la traduction de sa politique dédiée au renforcement de l'attractivité de son territoire.
A cet égard, Mme Anne Gazeau-Secret s'est interrogée sur la pertinence de regrouper au sein de ce programme des pays aussi divers que les pays en développement et les pays émergents, comme la Chine, le Brésil ou l'Inde. Elle a rappelé que les financements destinés aux pays en développement représentaient 91 % des crédits du programme, contre 9 % seulement pour les pays émergents. Elle a considéré pourtant comme prioritaire un effort en matière de coopération technique et scientifique vers ces pays et une meilleure articulation avec les pôles de compétitivité constitués en France.
Enfin, évoquant le programme « Audiovisuel extérieur », Mme Anne Gazeau-Secret a rappelé que ce programme avait pour objet de financer les trois opérateurs audiovisuels extérieurs placés sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, c'est-à-dire le groupe RFI, TV5 Monde et Canal France International et d'apporter un soutien à la radio maroco-française Médi1.
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une reconduction à l'identique de la loi de finances pour 2007, soit 159 millions d'euros. Toutefois, il est prévu, grâce à une réduction de la trésorerie de CFI qui se traduira par une reprise de provision de 3 millions d'euros, d'abonder les subventions de TV5 Monde et de RFI de 1,5 million d'euros chacune, afin de mettre en oeuvre partiellement deux priorités : l'augmentation du sous-titrage sur TV5 et l'accompagnement d'un contrat d'objectifs et de moyens avec RFI.
L'ensemble du dispositif audiovisuel extérieur français fait actuellement l'objet d'une réflexion approfondie qui devrait déboucher, d'ici à la fin de l'année, sur des propositions de réorganisation en profondeur, a indiqué Mme Anne Gazeau-Secret.
Evoquant ensuite les réflexions actuellement en cours sur l'organisation et le rôle de la DGCID et ses liens avec les opérateurs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée par le gouvernement, Mme Anne Gazeau-Secret a indiqué qu'il ne s'agissait à ce stade que de réflexions préparatoires et qu'aucune décision définitive n'avait été encore prise.
Plusieurs réflexions sont en cours, en particulier sur le transfert des compétences de la DGCID à des opérateurs et la création d'une direction des affaires globales au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Concernant ce dernier point, Mme Anne Gazeau-Secret considère que, par ses missions, la DGCID se trouve au coeur du traitement des grandes questions globales (santé, changement climatique, diversité culturelle, inégalités nord / sud, mobilité des compétences et des savoirs, etc.).
Concernant le transfert de compétences à des opérateurs, Mme Anne Gazeau-Secret a souligné à plusieurs reprises le risque que cela comporterait (perte de cohérence de la politique d'influence de la France, éclatement des responsabilités). Elle estime au contraire préférable de renforcer le réseau aujourd'hui géré par le ministère des Affaires étrangères et européennes en créant de véritables opérateurs de service locaux et interministériels, déconcentrés sous l'autorité des ambassadeurs.
Il convient donc de regrouper les moyens disponibles en définissant de véritables priorités au niveau de chaque poste, en s'appuyant sur les personnels qui feraient le lien entre la demande locale et l'offre française, dans le cadre d'une logique partenariale. Pour ce faire, on pourrait étendre la formule des centres de coopération culturelle et de coopération, issus de la fusion des SCAC et des établissements à autonomie financière, déjà testés avec succès dans dix capitales, améliorer la formation managériale des agents, développer les partenariats avec le privé et utiliser de manière plus efficace les financements multilatéraux.
Cette création d'opérateurs locaux devrait s'accompagner d'une véritable géographisation des missions en fonction des priorités d'action de la France dans les diverses catégories de pays.
estime enfin nécessaire de renforcer les capacités de pilotage des opérateurs de la DGCID, actuellement insuffisantes faute de moyens et de compétences appropriées.
a remercié Mme Anne Gazeau-Secret pour son exposé et l'a encouragée à poursuivre dans cette voie.
a regretté le manque de lisibilité des documents budgétaires et les changements de périmètre, qui rendent difficiles les comparaisons d'une année sur l'autre.
Bien que l'exercice d'audit soit utile, Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur le fait de savoir si la multiplication de ce type d'exercice ces dernières années, à l'image de la révision générale des politiques publiques, qui a succédé au plan de modernisation, n'aboutissait pas en définitive à ce que la réflexion prenne le pas sur l'action concrète sur le terrain. Elle a également souhaité que le Parlement soit associé à ces travaux.
Elle a aussi considéré que confier la responsabilité de l'aide au développement à l'AFD aboutirait à ressusciter le ministère de la coopération, tout en le soustrayant au contrôle du Parlement, l'AFD n'ayant pas le statut d'opérateur au sens de la LOLF.
Elle a ensuite posé trois questions.
Tout d'abord, elle a souhaité savoir s'il serait possible de rééquilibrer le programme 185 sans pour autant porter atteinte au financement de l'AEFE.
Ensuite, elle a rappelé que l'audit relatif à l'état des bâtiments scolaires des 73 établissements en gestion directe avait estimé à 240 millions d'euros les crédits à mobiliser sur cinq ans pour réhabiliter ce parc immobilier et le mettre aux normes de sécurité, soit 48 millions d'euros par an. Or, elle a fait observer que, dans le projet de loi de finances pour 2008, seuls 8,5 millions d'euros sont inscrits. Mme Monique Cerisier-ben Guiga a donc souhaité savoir si des moyens de financement autres que l'augmentation des frais de scolarité sont possibles, compte tenu de l'échec des procédures de partenariat public/privé.
Enfin, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité connaître les résultats de la réunion avec les partenaires francophones organisée à Lucerne, où la réforme de l'audiovisuel extérieur français a été évoquée.
En réponse, Mme Anne Gazeau-Secret a considéré que, dans le contexte budgétaire actuel, seule, une logique de partenariat pourrait permettre une relance de la coopération culturelle.
Concernant l'immobilier, elle a admis que les partenariats public- privé n'avaient pas donné les résultats escomptés.
Enfin, concernant la réunion de Lucerne sur l'audiovisuel extérieur, Mme Anne Gazeau-Secret a indiqué que la discussion n'avait pas été facile avec les partenaires francophones.
En réponse à une question de M. Robert del Picchia, président, qui s'est félicité de l'excellent partenariat avec les Alliances françaises, Mme Anne Gazeau-Secret a indiqué qu'elle voyait de manière très favorable cette intégration avec le dispositif culturel. Les Alliances françaises seront bien prises en compte dans la réforme du réseau culturel à l'étranger. Si des progrès ont été réalisés ces dernières années, comme la création d'une fondation et le regroupement des Alliances françaises, il reste encore quelques doublons, comme Londres ou Mexico.