Au cours d'une seconde séance tenue avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, la commission a entendu M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée, de la société Audiovisuel extérieur de la France, sur les dispositions concernant l'audiovisuel extérieur de la France du projet de loi organique n° 1208 rectifié (AN) relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et sur le projet de loi n° 1209 (AN) relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
a rappelé que le Sénat serait prochainement appelé à se prononcer sur les deux projets de loi relatifs à la réforme de l'audiovisuel public, actuellement discutés à l'Assemblée nationale, et il a indiqué que la commission des affaires culturelles serait saisie au fond de ces deux textes et que la commission des affaires étrangères et de la défense avait souhaité se saisir pour avis sur les dispositions de ces deux projets de loi qui intéressent directement l'audiovisuel extérieur. Il a invité les deux dirigeants de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France à présenter les principaux aspects de la réforme de l'audiovisuel extérieur.
s'est félicité de cette audition commune qui illustre l'intérêt des deux commissions pour les questions relatives à l'audiovisuel extérieur et il a souhaité avoir des précisions sur la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur.
a indiqué que la société holding Audiovisuel extérieur de la France avait été créée en avril 2008 avec pour mission de définir les priorités stratégiques et d'encourager les synergies entre les différents opérateurs. Cette société a vocation à regrouper l'ensemble des participations publiques dans les différentes sociétés de l'audiovisuel extérieur, c'est-à-dire TV5 Monde, RFI et sa filiale en arabe Monte Carlo Doualiya ainsi que France 24.
A la demande des partenaires francophones (Suisse, Belgique, Canada, Québec), TV5 Monde occupe une place à part dans le nouvel ensemble, puisque la société holding ne détient que 49 % du capital de TV5 Monde, alors qu'elle devrait à terme détenir 100 % du capital de RFI et de France 24. TV5 Monde sera donc un partenaire, et non une filiale de la holding.
Par ailleurs, la prise de contrôle par la holding de France 24 s'avère complexe car le capital de cette chaîne est actuellement détenu à parité par TF1 et France Télévisions et l'Etat doit au préalable procéder au rachat des participations des deux actionnaires actuels. Des négociations ont donc été engagées qui ont abouti à un accord de principe, mais celui-ci est suspendu du fait de la discussion des deux projets de loi à l'Assemblée nationale. En conséquence, la société holding ne contrôle actuellement que RFI et partiellement TV5 Monde, puisque toute modification nécessite l'accord du conseil d'administration.
a indiqué que, lors de leur prise de fonctions, avec Mme Christine Ockrent, à la tête de la société holding, la situation des différents opérateurs de l'audiovisuel extérieur, à l'exception de France 24, était préoccupante avec de fortes baisses d'audience pour TV5 Monde et RFI et même des performances médiocres de Monte Carlo Doualiya.
Ainsi, Radio France Internationale est une radio qui dispose de nombreux atouts (journalistes d'une grande qualité et présence reconnue en Afrique francophone), mais faute de véritable stratégie et de pilotage, elle traverse une situation financière délicate avec un budget en déficit dont plus de la moitié concerne la masse salariale, et des taux d'audience en baisse notamment en Europe, où ils sont très faibles, entre 0 et 1 %, mais aussi en Afrique francophone où ils sont revenus de 30 à 20 %.
Des évolutions sont donc nécessaires en termes de grilles de programmes, de langues et de modes de diffusion, afin notamment de mieux utiliser les nouvelles technologies.
a indiqué que si RFI disposait en Afrique d'une légitimité particulière, d'une expertise reconnue et d'une spécificité par rapport à d'autres radios concurrentes comme la BBC, puisqu'elle émet en français, en anglais et en portugais, ce qui lui permet d'être écoutée sur l'ensemble du continent et d'être ainsi la seule radio véritablement africaine, des évolutions de la grille de programmes lui semblaient nécessaires afin de mieux tenir compte des attentes du public et d'élargir le champ des sujets traités à de nouveaux domaines qui intéressent directement les auditeurs et donnent une image plus positive des sociétés africaines en pleine transformation, comme, par exemple, la place de la femme ou le rôle du micro-crédit.
Une réflexion sur l'évolution de la grille des programmes a donc été lancée en concertation avec la rédaction et les journalistes de la radio.
s'est interrogé sur les perspectives d'évolution de la société Audiovisuel extérieur de la France et les financements dont elle dispose. Il a également souhaité savoir quelles synergies la société holding souhaitait développer entre RFI et France 24.
a souhaité avoir des précisions sur la position des partenaires francophones de TV5 Monde lors de la récente conférence ministérielle de Vancouver et au sujet de la reprise par l'Etat de la participation de TF1 et de France Télévisions dans le capital de France 24.
s'est interrogée sur le pilotage stratégique de l'audiovisuel extérieur, et son articulation avec le rattachement de la société sous la tutelle du Premier ministre par le biais de la direction de développement des médias (DDM). Elle a également souhaité avoir des précisions sur la stratégie de la société holding concernant les différents opérateurs.
a souhaité avoir des précisions au sujet de Radio France Internationale et notamment des modifications envisagées en matière de programmation et de suppression de certaines langues.
En réponse M. Alain de Pouzilhac a apporté les précisions suivantes :
- s'agissant de Radio France Internationale, un changement culturel est aujourd'hui nécessaire afin de tenir compte, dans un environnement très concurrentiel, des évolutions technologiques, comme la radio par internet, qui permet de toucher un public plus vaste que la diffusion en ondes courtes ou moyennes, par exemple en Chine, au Viêt Nam ou encore en Russie, ce qui suppose que les journalistes de RFI soient à la fois journalistes de radio, mais aussi capables d'utiliser ces nouvelles technologies ;
- le passage au multimédia est déjà bien avancé sur France 24 et il est en bonne voie sur TV5 Monde avec, par exemple, des programmes très novateurs concernant l'apprentissage du français ;
- le rattachement au Premier ministre de la holding ne pose pas de difficultés particulières, la société entretenant des contacts réguliers avec les différents ministères, comme le ministère des affaires étrangères et européennes ou le ministère de la culture et de la communication, qui sont d'ailleurs représentés au sein du conseil d'administration ;
- la réunion avec les partenaires francophones de TV5 Monde s'est très bien déroulée, grâce notamment à sa directrice générale, Mme Marie-Christine Saragosse, et on peut dire qu'aujourd'hui la réforme de l'audiovisuel extérieur est bien comprise et acceptée par les partenaires francophones ;
- la négociation sur la reprise par l'Etat de la participation de TF1 et de France Télévisions dans le capital de France 24 a abouti à la fixation d'un montant de 2 millions d'euros pour chacun d'entre eux, soit un niveau très inférieur à celui demandé au départ, mais cet accord reste suspendu du fait de la discussion des deux projets de loi ; il prévoit également des conventions entre TF1 et France 24 sur la fourniture d'images d'archives et de sport pour un montant global d'environ 1,6 million d'euros, ainsi qu'avec France Télévisions pour la retransmission d'images de journaux télévisés de France 2 et France 3 pour un montant total d'un million d'euros, contrats devant être conclus pour une durée de sept années ;
- le principal objectif de la réforme de l'audiovisuel extérieur vise à développer des synergies entre les différents opérateurs, par exemple, en matière de distribution, en matière de programmes ou de multimédias ;
- TV5 Monde est menacée par le basculement de l'analogique au numérique, ce qui rend nécessaire des synergies en matière de distribution notamment ;
- le financement de l'audiovisuel extérieur représente 300 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009, ce qui correspond à une augmentation de 0,8 % par rapport à 2008, soit un montant insuffisant au regard de ce que prévoit la convention de partenariat entre France 24 et l'Etat et la progression de la charge liée à la masse salariale de RFI.
a précisé qu'il existait une réelle complémentarité entre les différentes sociétés de l'audiovisuel extérieur, qui comprennent une chaîne généraliste comme TV5 Monde, une chaîne d'information en continu telle que France 24 et une radio d'information comme RFI, mais qu'il était possible de développer des synergies entre ces différentes entités, comme cela a été le cas lors de la couverture de la récente élection présidentielle américaine.
a fait observer que l'apport initial de TF1 et de France Télévisions dans le capital de France 24 était de 17 500 euros chacun et qu'un montant de 2 millions d'euros représentait pour chacune de ces sociétés une réelle plus-value. Elle a souhaité revenir sur la situation de RFI, dont elle a salué la qualité du travail des journalistes, en émettant le voeu que cette radio soit accessible sur l'ensemble du territoire national et qu'elle développe ses programmes en Afrique dans les langues vernaculaires.
En réponse, M. Alain de Pouzilhac a indiqué que, malgré la qualité de ses programmes, RFI connaissait de fortes baisses d'audience, par exemple d'un quart en Île-de-France et que sa présence sur internet était très insuffisante. Le projet de suppression de certaines langues de diffusion, comme l'allemand, le polonais ou l'albanais, vise à tenir compte de la très faible audience de ces programmes, évaluée à quelques milliers d'auditeurs par jour dans ces pays, et à redéployer les moyens disponibles notamment en Afrique, pour assurer une plus large diffusion en français, en anglais et en portugais, mais aussi dans les langues locales.
Enfin, malgré un budget non négligeable de 133 millions d'euros, ce qui en fait l'opérateur le mieux doté de l'audiovisuel extérieur, RFI s'est longtemps caractérisée par une culture de cogestion avec les syndicats qui apparaît incompatible avec une véritable culture d'entreprise où les syndicats et la direction jouent tous leur rôle, mais chacun à sa place.
a souhaité savoir si la sortie de TF1 du capital de France 24 permettrait à cette chaîne d'être diffusée sur le territoire, ce qui n'a jamais été possible jusqu'ici du fait du refus de TF1.
Elle s'est également interrogée sur la place du ministère des affaires étrangères et européennes dans le pilotage de l'audiovisuel extérieur.
a indiqué que la reprise par l'Etat de la participation de TF1 dans le capital de France 24 permettrait sa diffusion sur l'ADSL mais que sa diffusion sur la TNT supposerait une modification de son cahier des charges. Il a également indiqué que la société entretenait des relations avec le ministère des affaires étrangères et européennes dont la vision géopolitique était indispensable à l'audiovisuel extérieur tout comme avec les autres ministères concernés, comme le ministère de la culture, de l'économie et des finances, et l'agence de participations de l'Etat.
s'est interrogé, pour sa part, sur les conséquences, pour l'audiovisuel extérieur, du rattachement de la direction du développement des médias au ministère de la culture et de la communication dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
a indiqué que les deux ministères étaient représentés au conseil d'administration de la holding et, selon les informations dont elle dispose, qu'un rattachement de la holding au ministère de la culture et de la communication n'était pas à l'ordre du jour.
a regretté que France 24 et TV5 Monde ne soient pas toujours disponibles dans les hôtels.
a indiqué qu'en sa qualité de président du directoire de France 24, sa stratégie visait précisément à renforcer la présence de cette chaîne dans les hôtels et, plus généralement, à cibler les leaders d'opinion, c'est-à-dire les responsables politiques et économiques, notamment de la génération des 30-40 ans. Cette stratégie suppose toutefois une couverture mondiale et une programmation en plusieurs langues, comme l'arabe, mais elle se heurte à un manque de financement de l'Etat.
Ainsi France 24 n'est actuellement pas disponible en Amérique du Nord et en Amérique du Sud, à l'exception du siège des Nations unies à New-York et à Washington, et elle ne dispose que d'un décrochage de quatre heures en langue arabe. La convention conclue avec l'Etat prévoit une extension et une augmentation des financements correspondants, mais la dotation pour 2009 est insuffisante pour tenir cet engagement.
France 24, élue chaîne d'information de l'année, dispose de fortes parts de marché, notamment au Maghreb, où elle est la deuxième chaîne après Al Jazeera, et plus faibles en Europe, de l'ordre de 4,5 %, avec d'ailleurs de meilleurs résultats lorsqu'elle est diffusée en anglais, comme en Irlande ou au Portugal, que lorsqu'elle est uniquement disponible en français, comme en Italie. Le site internet de France 24 est également très visité.
a remercié les deux dirigeants de la société Audiovisuel extérieur de la France pour la franchise de leurs propos, notamment au sujet de la situation de RFI et des moyens destinés à l'audiovisuel extérieur.
a rappelé que la commission des affaires étrangères et de la défense avait adopté, sur proposition de son rapporteur pour avis, M. Joseph Kergueris, lors de l'examen des crédits de la mission « Médias » du projet de loi de finances pour 2009, plusieurs amendements visant à garantir un financement pérenne de l'audiovisuel extérieur.