Mission d'information Égalité des chances

Réunion du 4 mars 2021 à 10h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Inégalités scolaires - Audition de Mme Fabienne Rosenwald, directrice de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de M. Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

Photo de Jean Hingray

Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de la mission d'information sur la politique en faveur de l'égalité des chances et de l'émancipation de la jeunesse. Hier nous ont été présentées les conclusions de plusieurs études sur la mobilité sociale et sur la reproduction des inégalités sociales. Ce matin, nous abordons plus particulièrement le rôle du système scolaire.

L'égalité des chances est un objectif majeur de la politique éducative, afin que chaque jeune dispose des mêmes opportunités, quelles que soient ses origines sociales ou territoriales. Toutefois, malgré l'allongement de la durée des études, les déterminismes sociaux ou territoriaux paraissent toujours puissants, en matière de choix d'orientation comme de résultats. C'est pour disposer de données objectives et d'éléments d'analyse que nous avons organisé cette table ronde.

Nous souhaiterions connaître la nature des facteurs qui contribuent à maintenir, voire à accentuer les inégalités de départ, et l'ampleur des divergences de parcours qui en résultent pour les jeunes. Les études montrent-elles sur ce point une amélioration ou une aggravation de la situation de notre système scolaire ? Comment sommes-nous situés par rapport à des pays comparables ? Quels sont les leviers les plus déterminants pour l'égalité des chances au sein du système scolaire ?

Je remercie de leur présence les intervenants qui ont bien voulu participer à notre réunion.

Mme Fabienne Rosenwald est directrice de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Elle est accompagnée de M. Thierry Rocher, adjoint au sous-directeur de l'évaluation. A ce titre, Mme Rosenwald pourra éclairer les constats sur les parcours des élèves et sur les résultats des dispositifs destinés à assurer l'égalité des chances.

M. Éric Charbonnier est analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE. Parmi les études qu'elle réalise dans le cadre du programme PISA, l'OCDE a notamment publié en 2018 un rapport intitulé : « l'équité dans l'éducation : éliminer les barrières à la mobilité sociale ». Il pourra nous donner la perception de son organisation sur la situation du système scolaire français au regard de ceux des pays comparables, en particulier sur le plan de la reproduction des inégalités dans le système scolaire.

Nous avons reçu les excuses de Mme Nathalie Mons, la directrice du Centre national d'étude des systèmes scolaires (CNESCO) qui ne peut participer à notre réunion de ce matin pour des raisons de santé. Pour information, le CNESCO a publié un rapport intitulé : « Inégalités sociales et migratoires : comment l'école amplifie-t-elle les inégalités ? ».

Je propose à chacun de présenter ses principales conclusions dans un exposé introductif de dix minutes. Nous passerons ensuite aux questions de notre rapporteure, Monique Lubin, et des membres de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de la mission d'information sur la politique en faveur de l'égalité des chances et de l'émancipation de la jeunesse. Hier nous ont été présentées les conclusions de plusieurs études sur la mobilité sociale et sur la reproduction des inégalités sociales. Ce matin, nous abordons plus particulièrement le rôle du système scolaire.

L'égalité des chances est un objectif majeur de la politique éducative, afin que chaque jeune dispose des mêmes opportunités, quelles que soient ses origines sociales ou territoriales. Toutefois, malgré l'allongement de la durée des études, les déterminismes sociaux ou territoriaux paraissent toujours puissants, en matière de choix d'orientation comme de résultats. C'est pour disposer de données objectives et d'éléments d'analyse que nous avons organisé cette table ronde.

Nous souhaiterions connaître la nature des facteurs qui contribuent à maintenir, voire à accentuer les inégalités de départ, et l'ampleur des divergences de parcours qui en résultent pour les jeunes. Les études montrent-elles sur ce point une amélioration ou une aggravation de la situation de notre système scolaire ? Comment sommes-nous situés par rapport à des pays comparables ? Quels sont les leviers les plus déterminants pour l'égalité des chances au sein du système scolaire ?

Je remercie de leur présence les intervenants qui ont bien voulu participer à notre réunion.

Mme Fabienne Rosenwald est directrice de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Elle est accompagnée de M. Thierry Rocher, adjoint au sous-directeur de l'évaluation. A ce titre, Mme Rosenwald pourra éclairer les constats sur les parcours des élèves et sur les résultats des dispositifs destinés à assurer l'égalité des chances.

M. Éric Charbonnier est analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE. Parmi les études qu'elle réalise dans le cadre du programme PISA, l'OCDE a notamment publié en 2018 un rapport intitulé : « l'équité dans l'éducation : éliminer les barrières à la mobilité sociale ». Il pourra nous donner la perception de son organisation sur la situation du système scolaire français au regard de ceux des pays comparables, en particulier sur le plan de la reproduction des inégalités dans le système scolaire.

Nous avons reçu les excuses de Mme Nathalie Mons, la directrice du Centre national d'étude des systèmes scolaires (CNESCO) qui ne peut participer à notre réunion de ce matin pour des raisons de santé. Pour information, le CNESCO a publié un rapport intitulé : « Inégalités sociales et migratoires : comment l'école amplifie-t-elle les inégalités ? ».

Je propose à chacun de présenter ses principales conclusions dans un exposé introductif de dix minutes. Nous passerons ensuite aux questions de notre rapporteure, Monique Lubin, et des membres de la mission.

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

directrice de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. - Mon propos s'appuiera sur les analyses et indicateurs que nous publions régulièrement dans nos publications comme Etat de l'Ecole, L'Europe de l'Education en Chiffres, Filles et Garçons, ou Géographie de l'Ecole et des études publiées dans nos notes d'information et notre revue Education et Formations.

La publication « L'état de l'École » présente chaque année depuis 1992 une analyse globale de notre système éducatif fondée sur des indicateurs structurels et pérennes qui permettent de décrire les principales évolutions et tendances en rendant compte des disparités tout en apportant l'éclairage des comparaisons internationales. L'objectif est d'alimenter le débat public autour de l'école, aider au pilotage et contribuer à l'évaluation du système éducatif français.

Nous constatons que l'effort de la nation pour l'éducation a été considérable et s'est accompagné d'une élévation spectaculaire du niveau de qualification qui fait que la France se situe plutôt bien dans les comparaisons internationales, en particulier dans le cadre de la stratégie européenne 2020, où elle atteint quatre objectifs sur six.

Ainsi, alors que la France a longtemps partagé avec les pays latins un niveau d'études modéré de sa population adulte avec des enseignements secondaires et supérieurs moins développés que dans les pays d'Europe du Nord ou qu'aux États-Unis, elle a aujourd'hui rattrapé son retard.

La part des « sortants précoces », c'est-à-dire des jeunes de 18 à 24 ans qui sortent du système éducatif sans diplôme, est passée de 33 % au début des années 1980 à 8 % aujourd'hui. Les diplômes des sortants du système éducatif ont également progressé, puisque 46 % des sortants actuels du système éducatif ont un diplôme de l'enseignement supérieur contre seulement un tiers de la population active. Ces taux placent désormais la France au-dessus de la moyenne de l'OCDE et de la moyenne européenne.

De plus, ces développements quantitatifs des enseignements scolaires et supérieurs ont permis d'ouvrir l'école à une population plus large et ont bénéficié à tous les publics, quels que soient leur origine sociale, leur sexe et leur lieu de résidence. Les inégalités d'accès aux diplômes se sont ainsi réduites. Autre avancée très importante en termes d'inclusion pour les élèves en situation de handicap, depuis la loi de 2005, la scolarisation des enfants en situation de handicap a très fortement progressé.

Il reste néanmoins des alertes.

Un pourcentage non négligeable d'élèves est en difficulté dès l'entrée à l'école. Toutes les évaluations nationales conduites par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) le montrent. De même, si les scores obtenus à 15 ans par les élèves français en compréhension de l'écrit aux évaluations internationales PISA sont supérieurs à la moyenne de l'OCDE, près de 20 % des élèves de 15 ans ont toujours de faibles compétences, même si ce taux est inférieur à la moyenne de l'OCDE. Nous retrouvons ces fortes inégalités en compréhension de l'écrit lors des journées défense et citoyenneté. Plus d'un jeune sur dix rencontre des difficultés de lecture et parmi eux, la moitié peut être considérée en situation d'illettrisme.

De plus, en vingt ans, en français et en mathématiques, le pourcentage d'élèves en difficulté a augmenté, tandis que le pourcentage d'élèves dans les plus hauts niveaux a baissé. Globalement, les inégalités de performance entre élèves ont également augmenté. En France, les élèves ne connaissent pas tous le même parcours scolaire : certains poursuivent des études longues et d'autres sortent sans diplôme. Il existe aussi de fortes différences de compétences entre élèves, et ces inégalités de réussite scolaire sont fortement liées au milieu social, au profil fille/garçon et au territoire de résidence.

Si notre système éducatif est capable d'amener à des niveaux de qualifications élevés une majorité des jeunes, il existe une proportion de 15 % de jeunes qui « décrochent » très tôt en termes de résultats, ce qui est facteur d'accroissement des inégalités, car ces jeunes sont plus souvent issus de milieux sociaux défavorisés, plus souvent des garçons et plus représentés dans certains territoires. Nous savons que ces inégalités commencent très tôt dans la scolarité, avant même l'entrée à l'école, et qu'elles se construisent aussi en dehors de l'école.

J'aborderai trois types de disparités scolaires : selon le sexe, l'origine sociale et le lieu de résidence.

Selon le sexe, notre publication « Filles et garçons » met en évidence des différences selon les sexes dans le système éducatif. Nous avons aussi consacré quatre numéros de notre revue « Education et Formations » à ce sujet.

Au cours du XXe siècle, les filles ont rattrapé et même dépassé les garçons sur le plan scolaire et actuellement, comme vingt ans auparavant, les filles réussissent mieux leurs études en France, comme dans la plupart des autres pays développés et mènent des études plus longues. 51 % d'entre elles sont diplômées du supérieur contre 40 % des garçons.

Cependant, les choix d'orientation divergent à chaque étape de la scolarisation : les filles sont sur-représentées dans les filières littéraires du secondaire et du supérieur alors que les garçons sont majoritairement présents dans les filières scientifiques et industrielles. Les choix d'orientation diffèrent en raison de motivations et de jugements eux-mêmes différents, même à niveaux scolaire et social équivalents. Enfin, malgré cette meilleure réussite scolaire, les filles ne bénéficient pas d'un avantage en matière d'insertion professionnelle.

En termes de compétences, les écarts de compétences selon le sexe sont beaucoup plus marqués en français qu'en mathématiques, et ce tout au long de la scolarité. Les écarts sont importants en français en faveur des filles dès l'école primaire et vont croissant tout au long de la scolarité. Ils se sont même accrus ces vingt dernières années. Néanmoins, ces écarts sont moins élevés que les moyennes internationales. En mathématiques, si les filles sont plutôt meilleures que les garçons en début de CP, la tendance s'inverse dès le CE1. Ensuite, les écarts se creusent en faveur des garçons en cours de scolarité et les écarts sont plus élevés que dans les moyennes internationales.

La recherche a dégagé quelques pistes d'action. Il s'agit de développer beaucoup plus les compétences socio-comportementales, comme la confiance en soi, qui soutiennent les parcours scolaires des élèves et les aident à se projeter vers des orientations auxquelles ils n'auraient peut-être pas pensé. Il convient de travailler sur les représentations, mais aussi sur l'aide à l'orientation, en améliorant le lien entre compétences et parcours scolaires (égalité des chances, cordées de la réussite, etc.). Sur le marché de l'emploi, il faut changer les représentations, notamment pour les filles.

En tant que directrice de la Depp, certaines pistes me semblent très importantes. Nous devons continuer de travailler avec des équipes de recherche pour comprendre les raisons de ces différences de compétences entre filles et garçons en français et en mathématiques, déterminer la façon dont elles se construisent et comment nous pouvons lutter. Les moindres compétences des garçons en français constituent un vrai sujet.

En termes de disparités sociales, les développements quantitatifs de l'enseignement ont permis d'ouvrir l'école à une population plus large, mais l'environnement familial des élèves continue d'avoir une influence sur leur parcours scolaire. Sur ces vingt dernières années, les inégalités d'accès à un diplôme ont continué à se réduire.

Si nous regardons deux panels d'élèves entrés en 6ème en 1995 et en 2007, nous constatons que les disparités de parcours scolaires et d'accès au diplôme se sont réduites, mais elles restent quand même prononcées. Ainsi, parmi les élèves entrés en 6ème en 2007, 19 % des enfants de parents ouvriers non qualifiés n'ont pas obtenu de diplôme du secondaire contre seulement 4 % des enfants de cadres, professions libérales et chefs d'entreprise. Cependant, ces écarts se sont réduits, puisque parmi les élèves entrés en 6ème en 1995, la proportion d'enfants d'ouvriers non qualifiés sortis sans diplôme atteignait 33 % contre 8 % parmi les enfants de cadres, soit 25 points d'écart, contre 15 en 2007. De même, la proportion de bacheliers généraux et technologiques est restée stable pour les enfants d'enseignants, à hauteur de 87 %, et a augmenté pour les enfants d'ouvriers non qualifiés, passant de 28 % à 35 %.

Les inégalités sociales d'accès au baccalauréat se sont contractées. Néanmoins, elles restent très prégnantes, puisqu'un enfant de cadres a 11 fois moins de risque de sortir sans diplôme qu'un enfant d'inactif. De plus, les diplômes obtenus sont très différenciés socialement : lorsqu'ils quittent l'enseignement secondaire diplômés, 86 % des enfants d'enseignants et de cadres disposent d'un baccalauréat général et technologique contre seulement un tiers des enfants d'ouvriers non qualifiés et moins d'un enfant d'inactifs sur quatre. Les disparités d'accès au diplôme selon l'origine sociale persistent et sont particulièrement fortes dans les plus hauts niveaux de formation : 67 % des enfants de cadres obtiennent un diplôme de l'enseignement supérieur long (au-delà de bac+3) contre seulement 16 % des enfants d'ouvriers.

Au-delà des parcours, nous constatons très tôt des disparités de compétences selon l'origine sociale. Dans toutes les enquêtes de la Depp, nous observons des différences très fortes selon l'origine sociale dès le CP, en particulier sur le lexique et le vocabulaire, mais aussi en fin d'école, à l'entrée en 6ème ou en fin de collège. Près de 30 % de la variance des scores de compétences est expliquée par l'origine sociale. À l'âge de 15 ans, la France compte parmi les pays européens où les inégalités sociales de résultats scolaires sont les plus fortes. En 2018, dans PISA, les scores des élèves les plus favorisés et les plus défavorisés affichaient un écart de 107 points, comme en Allemagne et en Belgique, mais au-dessus de la moyenne de l'OCDE à 89 points.

Au cours des vingt dernières années, nous avons observé dans PISA une hausse du poids de l'origine sociale sur les résultats scolaires de 2000 à 2009, puis une stabilisation de 2009 à 2018. Dans nos évaluations nationales CEDRE Mathématiques, les écarts selon l'origine sociale ont baissé entre 2014 et 2019, en lien avec une plus forte baisse des performances dans les milieux socialement favorisés.

De plus, dans notre système éducatif, les écarts initiaux de compétences selon l'origine sociale sont renforcés par des progressions inégales selon l'origine sociale, même à compétences initiales équivalentes. Les inégalités se renforcent particulièrement sur les compétences très scolaires (mathématiques, lexique). Enfin, les processus d'orientation restent très marqués par l'origine sociale. A notes équivalentes au brevet, les élèves ne font pas les mêmes choix d'orientation selon leur origine sociale. Les stratégies des familles les plus favorisées jouent un rôle très important.

Ainsi, les différences de parcours s'expliquent par des différences de compétences elles-mêmes très marquées par l'origine sociale, mais aussi, à compétences équivalentes, par des différences de choix selon l'origine sociale. Thierry Rocher et Noémie Le Donné avaient montré dans PISA que les aspirations professionnelles sont très différentes selon l'origine sociale. Or ces aspirations guident le jeune vers un parcours scolaire plus ambitieux.

Enfin, ces inégalités se poursuivent sur le marché de l'emploi, comme le montrent les profils d'élèves dans l'apprentissage. Les garçons et les enfants d'artisans, de commerçants ou de chefs d'entreprise obtiennent plus facilement ces contrats d'apprentissage que les enfants d'immigrés. De plus, l'insertion professionnelle des jeunes est moindre quand le représentant légal est sans activité. Même à diplôme équivalent, l'insertion diffère selon l'origine sociale des jeunes.

Des pistes d'action pour lutter contre ces déterminismes peuvent être tirées de la recherche et des expérimentations. Ces inégalités commençant très tôt, un travail doit être mené avant même l'entrée à l'école, dès la petite enfance. Il faut aussi accompagner très tôt à l'école les enfants issus de milieux défavorisés via la scolarisation obligatoire à trois ans, l'encadrement renforcé en éducation prioritaire, les devoirs faits, l'aide personnalisée. Il convient de travailler pour développer les compétences socio-comportementales qui soutiennent les parcours scolaires des élèves, en particulier la confiance en soi, l'estime de soi, notamment l'expérience Energie Jeunes qui se poursuit actuellement au sein du rectorat de Versailles ou le Laboratoire de persévérance scolaire à Besançon.

Il faut développer les initiatives autour de l'égalité des chances et l'orientation, comme les cordées ou les internats de la réussite, améliorer la mixité dans les établissements scolaires. La Depp suit un certain nombre d'expérimentations. Ces démarches se heurtent cependant à une difficulté liée au fait que la ségrégation scolaire s'explique en grande partie par la ségrégation résidentielle, qui renvoie à une politique du logement. Enfin, quand les établissements scolaires concentrent les difficultés sociales ou scolaires, il faut accompagner davantage avec les contrats locaux d'accompagnement, les territoires éducatifs, ruraux. Sur le marché d'emploi, il convient d'améliorer les représentations en développant par exemple le mentorat.

Enfin, d'autres pistes peuvent être explorées au niveau de la Depp. La mesure des inégalités doit être plus affinée. Le prochain panel de la Depp démarrera plus tôt, dès la maternelle, pour comprendre ce qui se passe à la 1ère rentrée à l'école et la façon dont les parcours se construisent. Nous travaillons aussi avec des équipes de recherche pour évaluer les expérimentations. Enfin, le travail du Conseil d'orientation de l'école créé par la loi pour l'école de la confiance qui, dans le cadre de l'évaluation des établissements, traite d'un volet sur la lutte contre les disparités doit se poursuivre.

S'agissant enfin des disparités territoriales, notre publication « Géographie de l'Ecole » fait apparaître des disparités importantes en termes d'environnement économique, social et familial des élèves, mais aussi en termes de résultats et de parcours. Si ces inégalités territoriales de résultats scolaires reflètent en partie les inégalités sociales, qui sont assez marquées dans nos territoires, elles ne sont pas réductibles à la dominante rurale ou urbaine des territoires, ni à la composante socio-économique des familles.

La France fait globalement mieux que la moyenne européenne en termes de sortie des jeunes sans diplôme. Néanmoins, nous observons des différences très fortes sur le territoire. En 2017, la proportion de jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme est très faible à Paris (3,4 %) à Rennes (6,2 %) et sur la façade ouest (moins de 9 %). En revanche, nous relevons des niveaux élevés à Amiens, Lille, en Corse et dans les DROM, avec une part supérieure à 11 %. L'espérance d'obtenir le baccalauréat pour un élève de sixième sous statut scolaire s'étend de 55,6 % en Guyane à 84,5 % à Paris.

Lors des journées défense et citoyenneté, nous constatons une proportion beaucoup plus élevée dans les départements du nord et autour de l'Ile-de-France de jeunes en difficulté de lecture, notamment 17,9 % dans l'Aisne, 15,9 % dans la Somme et 15,2 % dans l'Oise. Outre-mer, les pourcentages sont nettement plus élevés : autour de 30 % pour la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion, 55 % en Guyane et 73 % à Mayotte. Nous observons aussi ces fortes différences à l'entrée en 6ème dans les évaluations nationales que nous conduisons. Les difficultés sont plus prononcées pour les élèves dans le nord et les DROM.

Nous avons mis en place une typologie des territoires qui permet de bien distinguer neuf types de territoires urbains ou ruraux. Nous constatons que les élèves du rural ont des résultats légèrement meilleurs que les autres en fin de collège. Ils n'ont pas une probabilité supérieure de sortir sans diplôme. En revanche, leurs orientations après la 3ème se font plus souvent vers l'enseignement professionnel. Les difficultés se concentrent dans les « petites villes » dans lesquelles se combinent des difficultés sociales et scolaires.

Au-delà des politiques (éducation prioritaire, contrats locaux d'accompagnement, territoires éducatifs ruraux), il convient de poursuivre les mesures des inégalités territoriales. A la Depp, l'année 2021 sera une année consacrée aux territoires. Nous publierons une nouvelle édition de « Géographie de l'école » et un numéro entier de notre revue « Education et formations » sera dédié à ce sujet. Nous décrirons sur l'ensemble des territoires les moyens, l'offre de formation, mais aussi les résultats et les parcours. Il faut absolument approfondir les études des chercheurs.

En conclusion, nous observons des disparités scolaires en France. Si elles se sont réduites, elles restent prononcées. Elles existent avant l'entrée à l'école et en parallèle de l'école. A ce titre, elles sont transverses à plusieurs ministères.

Debut de section - Permalien
Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

J'aimerais, en préambule, situer la France en termes de performances éducatives. Les études PISA nous offrent désormais un recul de vingt ans qui nous permet d'appréhender les progrès ou les régressions, mais aussi l'efficacité de certaines politiques éducatives mises en place dans l'ensemble des pays de l'OCDE.

Contrairement à ce que nous pouvons entendre, le système français se situe au niveau de la moyenne des pays de l'OCDE dans les enquêtes PISA. La situation n'est donc pas si catastrophique, mais elle n'est pas au niveau de nos attentes ni de nos investissements dans notre système d'éducation. La France reste donc dans la moyenne, avec une élite forte et 20 % d'élèves en difficultés scolaires.

Cependant, quand nous approfondissons ces chiffres, nous constatons des inégalités scolaires très importantes. Elles l'étaient déjà dans la 1ère étude PISA. Malgré tout, si les inégalités scolaires françaises figurent parmi les plus élevées d'Europe avec la Belgique et l'Allemagne, elles n'augmentent plus depuis 2009, alors que nous avions constaté, tous les trois ans entre 2000 et 2009, une aggravation de ces inégalités. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette stabilisation. Pour autant, elle nous incite à réfléchir à l'efficacité des politiques éducatives qui s'inscrivent dans la continuité depuis 2008 avec la lutte contre l'échec scolaire, l'amélioration la qualité des filières professionnelles, l'investissement dans les premiers niveaux d'éducation, etc. Ces leviers sont importants pour assurer qualité et équité sociale.

Sur les premiers niveaux d'éducation, les évaluations effectuées au primaire, qu'il s'agisse des études internationales TIMSS ou des études sur la lecture PIRLS, positionnent assez mal les élèves de CM1. La France arrive ainsi en queue de peloton des pays européens sur les performances mathématiques. En lecture, ses résultats sont légèrement meilleurs, mais ils restent aussi sous la moyenne des pays européens. Or ces résultats sont expliqués en partie par de très fortes inégalités entre les enfants favorisés et défavorisés. Il faut sans doute mener une réflexion sur l'investissement dans les premiers niveaux d'éducation, choix politique opéré depuis 2012, avec la priorité donnée au primaire, le dédoublement des classes, la réduction des effectifs dans les classes prioritaires en dernière année de maternelle. Ces mesures semblent importantes. Toute la littérature internationale montre en effet que les inégalités s'enracinent dans les premiers niveaux d'éducation. Il faut donc retenir qu'une politique de lutte contre les inégalités scolaires est une politique inclusive qui comprend des mesures sur tous les niveaux d'éducation et une politique de lutte contre les inégalités globales, car l'éducation ne peut pas résoudre seule l'ensemble des problèmes de la société.

Les inégalités scolaires ne constituent pas une fatalité. Il est important de ne pas baisser les bras dans cette lutte. L'étude PISA montre qu'un ensemble grandissant de pays assure à la fois la qualité éducative, avec des performances au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE, et l'équité scolaire, les enfants de milieux défavorisés ayant un handicap moins grand qu'en France, en Allemagne ou en Belgique. Ces pays sont situés dans des zones géographiques très différentes : Finlande, Suède, Estonie, Australie, Canada, Japon, Corée, Portugal et Pologne. Il n'existe pas un modèle unique. Néanmoins, ces modèles présentent des points communs.

Au niveau de l'OCDE, nous avons mené des recherches pour voir comment des pays avec des organisations scolaires très différentes assuraient performance et équité sociale. Nous avons ainsi pu identifier un certain nombre de leviers.

La lutte contre les inégalités doit commencer dès le plus jeune âge par un investissement dans les maternelles, les écoles élémentaires. La France, dans sa structure de financement des établissements, a sous-investi pendant longtemps dans les premiers niveaux d'éducation. Encore aujourd'hui, la dépense par élève dans l'enseignement élémentaire est 8 % inférieure à la moyenne des pays de l'OCDE quand la dépense par élève au niveau du lycée est 35 % supérieure à cette moyenne. Il faut investir davantage dans ces niveaux d'éducation.

La lutte contre les inégalités commence même avant l'entrée en école maternelle. Dans les pays qui réussissent plutôt bien, le ministère de l'éducation nationale est responsable de l'éducation des enfants dès l'âge d'un an jusqu'à la sortie du système. Dans les crèches, des objectifs pédagogiques sont d'ores et déjà fixés, notamment sur les compétences socio-émotionnelles, l'entrée dans les apprentissages à travers l'écoute de sons. Il serait important de coordonner les actions menées dans les crèches et les écoles maternelles pour lutter contre les inégalités et permettre des transitions plus faciles pour les enfants. Pour les jeunes enfants, cette transition est parfois très anxiogène et peut poser problème dans le développement de ces compétences et de la confiance en soi indispensable à la réussite éducative.

La formation constitue également un levier fondamental, qu'il s'agisse des enseignants, des chefs d'établissement ou des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) qui aident les enseignants. Nous ne pouvons pas disposer d'un bon système éducatif si nos personnels sont mal formés, s'ils n'ont pas accès à une formation continue de qualité, s'il n'existe pas un esprit de coopération dans les établissements. Dans les études internationales PISA et TALIS sur les enseignants, la France ne se situe pas très bien. Elle fait partie des pays où les enseignants sont les moins bien préparés sur le volet pédagogique du métier, où la coopération entre enseignants est la moins développée. Les enseignants vont rarement observer la classe de leurs collègues. La coopération entre le chef d'établissement et les enseignants est elle aussi très limitée sur les aspects pédagogiques. Là encore, la France fait partie des pays où les chefs d'établissement vont rarement observer la classe de leurs enseignants.

Ces aspects participent des inégalités. Bien souvent, quand un élève éprouve des difficultés, aucune réflexion collective n'est menée pour l'aider à rattraper son retard, aucune mesure n'est mise en place. En Finlande, la coopération entre enseignants est assez informelle, mais nourrie. Un élève en difficulté bénéficie d'une aide personnalisée. Il peut parfois changer d'enseignant pour écouter un autre discours. Différentes mesures sont prises, avec un effet positif sur les inégalités.

L'investissement dans les établissements défavorisés (REP, REP+, zones sensibles) constitue un autre levier. Sur le sujet, nous ne pouvons pas dire que la France est inactive. L'investissement est fort depuis longtemps. Il a même augmenté dans les premiers niveaux d'éducation depuis 2012. Malgré tout, nous peinons toujours à attirer des personnels expérimentés dans ces établissements. Le turn-over est beaucoup plus grand. Dans notre dernière étude TALIS, nous constatons que dans les établissements défavorisés, 21 % des enseignants avaient moins de 5 ans d'expérience, contre 12 % dans les autres établissements. En outre, les enseignants restaient en moyenne 8 ans dans les établissements défavorisés, contre plus de 10 ans dans les autres. Ces statistiques montrent qu'un levier d'action indispensable consiste à créer des incitations et faire en sorte que ces établissements accueillent plus d'enseignants expérimentés et préparés à travailler avec des classes défavorisées. De ce point de vue, je pense que le Grenelle de l'éducation pourrait proposer des évolutions. Il sera intéressant de voir les mesures pour la carrière de ceux qui auront travaillé dans les zones défavorisées. Au Royaume-Uni, en Estonie, en Corée, au Canada ou à Singapour, tous les enseignants qui travaillent dans ces zones bénéficient de récompenses financières, d'avancées de carrière, des incitations qui apparaissent efficaces.

Le dernier aspect réside dans la qualité des filières professionnelles. Souvent, les enfants d'ouvriers ou de familles défavorisées se retrouvent plus facilement en difficulté. Or ces difficultés scolaires incitent à les orienter vers les filières professionnelles. Alors que nous avons besoin aujourd'hui encore plus qu'hier de techniciens compétents, nous observons que les jeunes n'intègrent pas ces filières par vocation, mais par échec scolaire et sont très souvent issus de milieux modestes. Toutes les réformes qui participent à rehausser la qualité, valoriser ces filières sont importantes. Chez nos voisins, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, au Luxembourg ou en Autriche, ces filières facilitent l'insertion des jeunes sur le marché du travail.

Il ne faut pas tomber dans cette fatalité. Des exemples de pays montrent qu'il est possible, avec des politiques ciblées sur quelques leviers, d'améliorer la qualité du système scolaire et de le rendre plus équitable. Il faut aussi avoir en tête qu'en France les inégalités scolaires ont peut-être des conséquences encore plus importantes que dans d'autres pays, car elles conduisent à l'échec scolaire, à des sorties sans qualifications. Même si moins de jeunes sortent sans diplôme en France qu'ailleurs, les conséquences sur le marché de l'emploi sont plus fortes. Chez les jeunes sans qualification, le taux de chômage atteint 25 %. Le baccalauréat ou un diplôme universitaire protège davantage, puisque le taux de chômage est inférieur à 6 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur. La lutte contre les inégalités scolaires poursuit aussi l'objectif de limiter les sorties sans diplôme et d'offrir plus d'opportunités professionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Merci pour ces présentations extrêmement riches, qui me confortent dans l'idée qu'il fallait que nous démarrions cette mission par un état des lieux des inégalités, des manques, mais aussi des aspects positifs. L'inégalité sociale trouve sa source dans la prime jeunesse, dès après la naissance. Ce constat n'est pas rassurant, mais il positionne bien les travaux que nous devons mener.

Vous avez indiqué que le poids de l'origine sociale dans les inégalités avait fortement augmenté avant de se stabiliser. La situation s'est-elle améliorée partout de la même façon ? Existe-t-il des divergences entre les zones urbaines et les zones rurales, voire au sein même des zones urbaines entre les quartiers sensibles et les autres ?

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Pour la mesure des compétences, nous étions un peu sous-outillés en France. Nous ne disposons que depuis vingt ans d'évaluations standardisées au niveau international avec l'OCDE et l'Association internationale pour l'évaluation du rendement scolaire (IEA) comme au niveau national. La Depp a développé des évaluations standardisées qui permettent des comparaisons dans le temps.

Dans la première partie des années 2000, nous avons observé une augmentation de l'impact de l'origine sociale sur les compétences des jeunes. Depuis, nous notons en revanche une stabilité. Les enquêtes internationales PISA et les enquêtes nationales sont menées sur échantillon et ne permettent pas d'aller à des niveaux fins pour distinguer les territoires urbains/ruraux. Nous allons cependant travailler sur ces sujets.

Nous n'avions pas cette entrée territoriale jusqu'à présent. Nos systèmes d'information n'y étaient pas prêts. Il apparaît cependant très intéressant d'examiner les disparités entre les territoires ou selon les sexes. Certains territoires ont changé en termes de positionnement et il serait pertinent de vérifier si ces changements se retrouvent aussi sur les compétences. Pour l'instant, je ne peux pas répondre à votre question.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Avons-nous déjà un retour sur l'impact des mesures de dédoublement de classes de CP sur les compétences des élèves ?

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Nous avons construit au sein de la Depp une véritable évaluation du dispositif de dédoublement dès la rentrée 2017. Cette évaluation se déroulera cependant sur un temps long, puisque nous allons suivre une cohorte.

Les premiers résultats que nous avons publiés ont fait apparaître un effet positif. Cependant, nous nous situions dans la fourchette basse de ce que nous pouvions obtenir dans d'autres études internationales. Ces études étaient réalisées sur échantillon et jamais sur une base exhaustive. Or cette technique présente un certain nombre de biais tenant au volontariat des écoles, à l'accompagnement. De fait, sur échantillon, l'effet apparaît toujours plus fort que dans des évaluations à grande échelle. Par ailleurs, si l'effet restait faible, il était quand même plus élevé que d'autres effets de politiques menées à grande échelle. Nous devions évaluer les élèves en mai 2020. Les écoles étant fermées, nous avons décalé d'un an.

Par ailleurs, nous avons mis en place en début de CP, en milieu de CP et au début de CE1 des évaluations exhaustives, ce qui nous permet d'apprécier la situation sur l'ensemble des élèves. Nous constatons qu'entre le début et le milieu du CP, les écarts entre les résultats des élèves de l'éducation prioritaire et hors éducation prioritaire se réduisent, ce qui constitue un point très positif. Les élèves arrivent en CP avec des écarts très importants selon leur secteur d'origine : de l'ordre de 40 points en vocabulaire entre des élèves qui entrent en REP+ et des élèves qui entrent dans le public hors éducation prioritaire. Nous observons le même résultat à l'entrée en CE1 entre 2018 et 2019. Durant la période, les classes de CP en REP ont aussi été dédoublées.

Nous allons suivre ce point pour identifier les élèves qui ont le plus bénéficié de cette réduction, ainsi que la dispersion.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Nous pouvons considérer qu'il est nécessaire de dédoubler des classes de CP dans des zones peuplées. A l'inverse, dans les départements très ruraux où les classes sont peut-être moins peuplées, nous pouvons penser que l'enseignement sera meilleur. Les enfants étant moins nombreux, l'enseignant pourrait leur consacrer plus de temps. Avez-vous effectué des comparaisons de ce type ? Dans des zones rurales avec des classes à faible effectif, est-il démontré que les résultats sont plus probants ?

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Nous essayons de progresser dans l'analyse grâce à ces évaluations exhaustives. L'exercice se révèle cependant compliqué, car il peut exister des classes multi-niveaux dans les zones rurales. La prochaine édition de la revue « Education et formations » comportera un article sur le sujet. Une chargée d'étude de la Depp a étudié, selon le territoire, le profil à l'entrée en CP et l'évolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Avez-vous observé des différences entre les zones passées à 4,5 jours et celles qui sont restées à 4 jours ?

Fabienne Rosenwald. - A un moment donné, tous les établissements avaient basculé à 4 jours. Pour effectuer une évaluation correcte, il faut un groupe de comparaison. Or nous n'en avons pas en l'occurrence. En outre, il existe une forte variabilité des pratiques au sein même des écoles.

Les évaluations exhaustives montrent par ailleurs qu'entre mi-CP et CE1, nous ne récupérons pas tous le bénéfice de la réduction des écarts observée entre le début et le milieu du CP. Nous pensons que les vacances scolaires pourraient avoir un impact très différent selon le profil social de l'élève. Cette année, nous suivons un panel d'élèves que nous évaluerons en fin de CP et en début de CE1 pour répondre à cette question de l'impact des vacances scolaires sur les résultats des élèves selon leur profil social ou leur sexe. Il peut en ressortir des pistes pour lutter contre les inégalités sociales.

Debut de section - Permalien
Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

Cette culture de l'évaluation des réformes qui se met en place est une excellente chose. Elle permet de réaliser des points d'étape et d'identifier ce qui fonctionne ou non. Sur les rythmes scolaires, il aurait en effet été intéressant de pouvoir comparer des semaines à 4 et 4,5 jours.

Souvent, l'efficacité d'une réforme vient de l'aspect qualitatif plus que de l'aspect quantitatif. La réduction de la taille des classes peut se révéler efficace dès lors que ces groupes réduits sont utilisés pour mettre en place une pédagogie de qualité. Il faudrait vérifier, dans ces écoles dédoublées qui ont mieux réussi, si les enseignants ont utilisé des méthodes innovantes.

Les performances en lecture et en mathématiques de nos élèves en CM1 sont assez mauvaises. Pourtant, nous sommes l'un des pays où les élèves passent le plus de temps scolaire dans l'élémentaire sur les mathématiques et la compréhension de l'écrit. Si nous restions sur une analyse quantitative, nous devrions figurer parmi les meilleurs pays européens en CM1. Or ce n'est pas le cas. Quand nous évaluons une réforme, il importe d'évaluer tous les aspects qualitatifs pour pouvoir en juger l'efficacité.

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Dans l'évaluation que nous avons mise en place sur le dédoublement des classes, nous avons également prévu des questionnements auprès des enseignants et des directeurs d'écoles sur leurs pratiques. Des premières publications sont déjà parues.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Merci pour cette présentation très dense. La politique d'évaluation est absolument indispensable sur les pratiques mises en place dans le cadre des réformes. Il importe en effet d'identifier quelles sont les bonnes pratiques et comment les diffuser.

Vous avez évoqué l'impact des origines sociales des élèves et l'impact territorial, mais vous n'avez pas mentionné l'effet positif de la mixité sociale. Avez-vous réalisé des études qui ont pu montrer une amélioration des résultats grâce à cette mixité apportée dans le cadre de restructurations de cartes scolaires ?

Par ailleurs, vous avez indiqué que les résultats en milieu rural étaient globalement meilleurs qu'en milieu urbain, mais que l'insertion professionnelle n'était pas améliorée pour autant. Vous n'avez pas précisé les causes. Je vois deux facteurs : le problème de mobilité dans ces territoires, ainsi que la proximité et l'offre des établissements.

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

La Depp avait aidé à mettre en place des expérimentations de mixité sociale. L'exercice se révèle assez compliqué. En France, la ségrégation scolaire est en très grande partie due à la ségrégation résidentielle. Dans certains endroits, les collèges comprennent un très fort pourcentage d'élèves issus de milieux défavorisés, mais il en est de même pour tous les collègues autour. La politique du logement peut entraîner une concentration.

Nous avions repéré des collèges assez proches où nous pouvions mettre en place des expérimentations avec des mobilités. Des équipes de chercheurs travaillent sur le sujet. Il s'agit d'une démarche de long terme, car il importe d'évaluer l'effet sur plusieurs années. Les premiers résultats sont parus sur Paris. Ils montrent que globalement, l'expérience fonctionne en termes de profil social des collèges : la mixité s'améliore.

Sur la mesure des compétences, les chercheurs évaluent à la fois les compétences cognitives et les compétences socio-comportementales, les réseaux d'amis, des sujets sur lesquels la mixité peut apporter énormément. Nous avons commencé à suivre cette cohorte, mais nous avons perdu un an, les évaluations étant prévues en mai 2020.

Nous pourrons appréhender les effets en termes de composition des collèges, mais aussi les effets sur les résultats des élèves. Il est important d'apprécier la façon dont les élèves vont se donner plus d'ambition. Même à compétences équivalentes, les élèves ne se projettent pas de la même façon selon leur origine sociale. Nous avons des marges de manoeuvre en la matière. Nous n'avons pas observé de fuite vers le privé. Ces expérimentations relèvent d'une construction des rectorats avec les collectivités territoriales et le secteur privé. Il faut accompagner les familles et les établissements.

Sur l'orientation professionnelle, les élèves des zones rurales ou des lycées agricoles s'orientent plus facilement vers le professionnel que vers le général. Nous pouvons nous demander si cette orientation est choisie ou subie. Ces élèves souhaitent-ils rester vivre sur leur territoire ? Est-ce parce qu'ils ne s'imaginent pas bouger ? Nous avons construit un indice d'éloignement des collèges qui mesure, pour un collège donné, le fait que des élèves viennent de zones éloignées, mais aussi le fait que le collège lui-même est éloigné d'une certaine offre scolaire, d'équipements sportifs, de bibliothèques, de théâtres, etc. Nous constatons que les collèges les plus éloignés affichent des résultats scolaires plutôt bons, mais nous retrouvons cette orientation vers le professionnel. Ce constat renvoie vers un travail d'accompagnement sur l'orientation, les cordées de la réussite ou les contrats locaux d'accompagnement. Il faut donner de l'ambition à ces jeunes pour qu'ils se projettent ailleurs, accompagner leur mobilité, etc.

Debut de section - Permalien
Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

Le lien entre les familles et l'école se révèle très important. La réussite d'une politique de lutte contre les inégalités scolaires nécessite de créer un lien fort entre les familles défavorisées et les écoles. Nous avons des exemples aux Pays-Bas, en Irlande ou au Royaume-Uni de politiques très fortes pour permettre aux familles défavorisées d'être informées de toutes les possibilités qui peuvent s'offrir à elles. Souvent, ces familles n'ont pas le même niveau d'information que les autres.

Au début des années 2000, la Suède, l'un des pays les plus égalitaires de l'OCDE, a décidé de libéraliser le choix des écoles. Or en dix ans, nous avons constaté une aggravation des inégalités scolaires, avec une surreprésentation des élèves favorisés dans certaines écoles et des élèves défavorisés dans d'autres. Ce n'est pas la seule explication de la chute des performances, mais cet aspect reste très important. Il faut partir du principe que les familles favorisées seront toujours mieux informées que les autres, aussi bien sur le choix des écoles que le choix des options, des filières qui réussissent, etc.

Il est fondamental de développer des politiques dans les quartiers difficiles pour instaurer un lien plus fort qu'aujourd'hui, peut-être par l'intermédiaire des acteurs sociaux comme au Portugal.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Vous évoquiez le repérage de ces inégalités le plus précocement possible. Plus nous accueillons les enfants jeunes, plus nous devons nous adresser aux parents. Quelle place devons-nous faire aux parents dans les lieux d'accueil de la petite enfance et dans les écoles maternelles ? Eux-mêmes ont parfois été en échec. L'école leur rappelle des expériences négatives sur leur estime d'eux-mêmes. Comment les enseignants et les personnels sont-ils formés au cours de leur carrière à cette écoute et cet accompagnement ?

Vous avez parlé de culture de l'évaluation. Ces indicateurs sont-ils déjà évalués ? Avez-vous des éléments de recherche à nous communiquer sur ces sujets d'éducation précoce, d'accompagnement et de repérage des difficultés ?

Debut de section - Permalien
Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

Nous avons beaucoup parlé de l'évaluation des performances des élèves. Cependant, aujourd'hui, dans un grand nombre de pays, la réflexion porte sur le bien-être des élèves et l'acquisition des soft skills. Un système d'éducation doit aider les élèves à être curieux, imaginatifs, à travailler en équipe, à avoir confiance en eux, etc. Ces compétences font partie intégrante des programmes scolaires. En France, nous sommes encore très attachés au programme disciplinaire. En Finlande, en revanche, les programmes éducatifs sont construits autour de ces soft skills et les matières se greffent dessus.

L'évaluation des élèves doit aussi permettre de voir comment l'école les aide à développer leur confiance en eux. Différents éléments de recherche montrent que la motivation, la confiance en soi et dans les autres ont aussi un impact sur la progression dans les apprentissages des fondamentaux. Nos enseignants doivent être formés davantage à ces aspects. D'ailleurs, la mission des enseignants ne cesse d'augmenter, ce qui explique en partie les problèmes d'attractivité que nous retrouvons en France et presque partout en Europe.

Aujourd'hui, on attend beaucoup d'un enseignant : il faut qu'il soit enthousiaste et qu'il réussisse à transmettre le plaisir d'apprendre aux élèves, qu'il crée des contacts avec les familles, qu'il fasse progresser les élèves. La pression sur ce métier est de plus en plus forte. Or l'enseignant seul peut-il régler tous les problèmes qui apparaissent dans sa classe ? Il faudrait davantage de formation et une réflexion sur le temps de travail des enseignants. Nos enseignants ont énormément de travail à la maison et leur temps dans l'établissement peut être plus réduit, surtout au collège et au lycée, ce qui leur laisse moins de temps pour ces rencontres avec les familles.

Le Portugal, pays que nous mettons en avant pour une politique efficace de lutte contre les inégalités scolaires, a activé tous les leviers : un investissement dans les premiers niveaux d'éducation, une révision de la formation des enseignants non seulement sur les aspects pédagogiques, mais aussi sur le dialogue avec les familles et un partenariat avec tous les acteurs sociaux des villes défavorisées. Dans les maternelles et les écoles élémentaires, des éducateurs peuvent assister l'enseignant dans sa classe et contribuer à instaurer un climat d'apprentissage de qualité, à créer du lien entre les familles et l'école. Ces politiques ont permis au Portugal d'engranger une amélioration de sa performance éducative et une réduction des inégalités scolaires.

En France, les enseignants sont très bien préparés sur la connaissance de la matière. Ils le sont moins sur les aspects pédagogiques et la communication. En outre, il faut prendre conscience qu'ils ne peuvent pas réussir dans cette mission seuls. Cette lutte doit être inclusive.

Debut de section - Permalien
Thierry Rocher, adjoint au sous-directeur de l'évaluation au ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Nous investissons beaucoup sur ces compétences socio-comportementales, notamment dans le cadre de nos panels. Ces compétences sont importantes, mais la question se pose de la façon dont elles sont travaillées à l'école, puisqu'elles ne relèvent pas d'une discipline en particulier. Il est surtout intéressant de noter que ces soft skills sont socialement marquées. En outre, ces compétences, le sentiment d'efficacité, la perception de soi, la motivation se dégradent au cours de la scolarité, notamment en collège, en lien avec l'adolescence. Il faut en tenir compte, car il existe un lien avec les compétences cognitives : l'élève peut soit entrer dans un cercle vertueux, soit voir ses compétences se dégrader dans tous les domaines. Il est important de suivre les élèves pour apprécier la manière dont ils se développent sur ces aspects.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Antoine Levi

Merci pour cet état des lieux assez rassurant pour notre pays. La France se situe plutôt bien en matière d'éducation.

Du fait de la crise sanitaire, il était prévu la mise en place en septembre 2020 du programme « devoirs faits » pour permettre un accompagnement personnalisé des collégiens. Ce programme devait être déployé dans l'ensemble des collèges sur la base du volontariat. Avez-vous déjà évalué le nombre de collégiens qui ont pu suivre ce programme ?

Le référentiel d'éducation prioritaire prévoyait aussi un accompagnement des parents. Dans le cadre de la mixité sociale, on forme les enfants, mais aussi les parents aux valeurs de la République. Pour qu'un enfant se sente bien à l'école, il doit se sentir bien chez lui. Il s'agissait d'ouvrir l'école aux parents pour la réussite des parents. Quid de ce programme ? Comment est-il mis en place avec la crise sanitaire ?

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

La politique « devoirs faits » était déjà en place. Ces sujets sont très importants dans la lutte contre les inégalités sociales. Ils présentent également un intérêt vis-à-vis des inégalités territoriales. Des collèges ont ainsi mis en place des systèmes pour que des élèves qui ont de grands trajets puissent quand même suivre ce programme « devoirs faits ».

Il serait également intéressant d'étudier les dispositifs mis en place pendant les vacances scolaires, juste avant la rentrée. Le directeur général de l'enseignement scolaire pourra vous répondre sur l'ensemble de ces sujets.

Les enseignants sont particulièrement sensibles à l'accompagnement des familles en éducation prioritaire, car il est beaucoup plus difficile de faire venir les familles. Une expérimentation très intéressante a été menée en Seine-Saint-Denis par une équipe de chercheurs auprès de pères. Il s'agissait de faire venir les pères à l'école et les inciter à lire une histoire le soir à leur garçon pour les pousser vers la lecture et le français. Les résultats étaient plutôt bons.

Debut de section - Permalien
Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

Nous avons pu constater qu'en France, les devoirs à la maison étaient plus importants que dans la moyenne des pays de l'OCDE. Or comme les vacances scolaires, les devoirs à la maison accentuent les inégalités. Des mesures comme « devoirs faits » ne peuvent qu'aller dans le bon sens. Une évaluation s'avère cependant nécessaire pour apprécier les bénéfices. Il faut que les élèves les plus en difficulté puissent bénéficier de la mesure et de l'accompagnement d'enseignants qualifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Cardon

Vous avez observé que les enseignants n'avaient pas la possibilité de résoudre tous les problèmes d'inégalité. Vous n'avez pas parlé des assistantes sociales qui effectuent un travail considérable sur le décrochage, les besoins d'urgence de certains élèves. Peu de postes ont été créés au cours des dernières années. Dans mon département, les assistantes doivent couvrir un grand nombre d'établissements et n'ont qu'une vision très globale de la situation des élèves.

Une réflexion mérite d'être menée sur cette population essentielle. Il existe un problème de valorisation, de reconnaissance. Le ministre de l'éducation nationale en parle rarement alors que les assistantes sociales ont joué un rôle important durant cette crise sanitaire pour éviter que les élèves décrochent, permettre aux familles d'obtenir un ordinateur, etc.

Avez-vous réalisé des études au cours des dernières années sur la dégradation des moyens mobilisés pour ces services importants pour nos établissements ? Dans la Somme, il n'existe que 3 assistantes sociales pour toutes les classes du premier degré et 24 pour une bonne cinquantaine d'établissements secondaires. La crise a creusé encore les inégalités et ce volet devrait être renforcé. Elles répondent souvent par des actions ponctuelles, mais elles assurent aussi un suivi des élèves sur le long terme.

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Le collectif autour de l'éducation est important dans un établissement, et j'y inclue les collectivités territoriales. La Depp publie depuis plusieurs années les indicateurs de valeur ajoutée des lycées pour l'obtention du baccalauréat. Ces indicateurs prennent en compte les difficultés auxquelles sont confrontés les lycées. Nous comparons le taux observé de réussite d'un établissement à la moyenne des établissements qui lui ressemblent en termes de profil social. Dans les établissements où cette valeur ajoutée est positive, nous observons que tous les personnels de l'établissement travaillent ensemble pour accompagner les élèves, avec également l'implication des collectivités et des entreprises.

Nous observons aussi l'importance du collectif en maternelle avec les Atsem. Leur rôle primordial est d'ailleurs mis en avant aujourd'hui pour les valoriser et les accompagner.

Debut de section - Permalien
Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

Il apparaît important d'instaurer une vie coopérative à l'intérieur des établissements, ce qui pose aussi la question du bâti scolaire. Nos établissements sont-ils tous équipés pour pouvoir réunir, en dehors de la classe, les enseignants, les assistantes sociales, les infirmières scolaires, etc ? Il existe de nombreuses inégalités dans ce domaine en France. En Allemagne ou en Norvège, des investissements importants ont été réalisés dans le bâti scolaire, ce qui permet de mener un ensemble d'activités en dehors des heures de cours.

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Le ministère réinvestit actuellement sur le bâti scolaire, notamment à la suite de la crise sanitaire, autour du bien-être et de la vie ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Cardon

Des rumeurs se sont fait jour sur une volonté de transférer aux départements la compétence sur les infirmières et les assistantes sociales dans le cadre du projet de loi « 4D ». Un tel désengagement de l'éducation nationale ne constituerait-il un mauvais signe pour la coopération ?

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Je ne peux pas répondre à cette question. Sur la mixité, un travail très important doit être mené avec les collectivités. L'école ne peut pas tout faire toute seule. Comme l'élaboration de la carte scolaire, tout ce qui se trouve autour de l'école se construit avec les collectivités. Elles restent un partenaire privilégié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

Vous avez évoqué le fait que les enfants d'artisans et de commerçants trouvaient plus facilement un apprentissage. Comment l'éducation nationale peut-elle favoriser l'insertion des enfants dans ces filières qui ont été dévalorisées au cours des dernières années ?

Debut de section - Permalien
Fabienne Rosenwald, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Pour aider cette orientation professionnelle, il faut fournir des informations aux familles. Très récemment, nous avons développé InserJeunes avec le service statistique de l'emploi afin de fournir, pour chaque lycée professionnel et chaque CFA, le taux d'emploi par spécialité et diplôme, le taux de poursuite d'études, le taux d'interruption en cours de scolarité et le taux de rupture de contrat. Le taux d'emploi ne suffit pas, car certains métiers nécessitent un niveau supérieur. Le jeune doit donc savoir que pour exercer le métier en question, il ne doit pas se contenter d'un CAP, mais qu'il doit passer un Bac pro. Nous communiquerons aussi l'insertion à 6, 12, 18 et 24 mois. Les lycées professionnels et les CFA n'accueillent pas les mêmes profils et le marché de l'emploi peut être différent.

L'accompagnement de l'orientation renvoie au collège. Il est très important de travailler sur les représentations. Il faut que les jeunes sachent que certains métiers sont porteurs et qu'ils ont la possibilité de s'engager dans cette voie. Ce travail d'orientation a été fortement accentué. Il me paraît majeur. Aujourd'hui, à compétences équivalentes, les élèves ne font pas les mêmes choix et je pense que certains se sous-estiment. Il faut les accompagner, surtout s'ils ont une mobilité à faire. Il est compliqué de bouger, notamment pour les jeunes de milieux défavorisés. Les actions menées au sein des établissements, mais aussi les mentorats ou les cordées de la réussite avec des étudiants, contribuent à tout cela, de même que l'information sur les métiers.

Debut de section - Permalien
Éric Charbonnier, analyste à la direction de l'éducation et des compétences de l'OCDE

Il existe aussi un enjeu d'élargissement des débouchés des filières professionnelles et de propositions d'évolutions jusqu'au niveau Master. En Allemagne, l'apprentissage et les filières professionnelles ont été fortement développés. Quand l'élève choisit une voie au lycée, il a la possibilité de poursuivre ses études pour sortir avec un Bac+5. Cette démarche est valorisante et crée des vocations.

Aujourd'hui, en France, l'orientation reste très axée sur les notes. Les élèves en échec scolaire se voient proposer la filière professionnelle. Or nous avons besoin de techniciens. Nous connaissons déjà des pénuries dans certains métiers. Il faut développer les poursuites d'études après le bac professionnel avec réussite, offrir des perspectives et les préparer au mieux à ces études.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Hingray

Merci d'avoir répondu à toutes nos questions. Je vous donne rendez-vous mercredi prochain à 17 heures pour une table ronde avec des représentants des associations de jeunesse.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 00