Chers collègues, nous accueillons ce matin dans le cadre de notre rapport « Femmes et ruralités » deux représentantes de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : Géraldine Derozier, cheffe de projet ruralité à la Direction du Programme Ruralité-Montagne et Sylviane Le Guyader, cheffe du pôle Analyses et diagnostics territoriaux de l'Agence. Elles interviennent à distance et je les remercie de s'être rendues disponibles pour nous ce matin.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires est née le 1er janvier 2020 et est présidée par notre ancienne collègue Caroline Cayeux. Elle vise notamment à rapprocher les territoires ruraux et isolés de l'État et à lisser les disparités et inégalités territoriales à l'échelle nationale. Elle est issue de la fusion du Commissariat général à l'égalité des territoires, de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, et de l'Agence du numérique.
Le programme Petites villes de demain, destiné à renforcer les moyens des élus dans leurs projets de revitalisation des communes rurales, et l'installation des Maisons France Services dans les territoires ruraux relèvent notamment des actions menées par l'ANCT en direction des territoires et des ruralités.
Je précise à l'attention de nos invitées que la délégation aux droits des femmes du Sénat a inscrit à son agenda de 2021 un travail destiné à dresser un bilan aussi complet que possible de la situation des femmes dans les territoires ruraux, à partir de thèmes comme la santé, la lutte contre les violences, l'orientation scolaire et universitaire, la mobilité, la précarité ou l'égalité professionnelle. À l'occasion de ce rapport, notre objectif vise également à mettre en valeur l'engagement de femmes qui contribuent au dynamisme de ces territoires.
Je précise que nous avons désigné une équipe de huit rapporteurs pour mener à bien ce travail auquel nous associons tous les groupes politiques de notre assemblée ainsi que des territoires extrêmement divers : la Vienne, la Drôme, la Lozère, le Rhône, les Hautes-Alpes, la Haute-Garonne, le Finistère et la Dordogne.
Nous auditionnons aujourd'hui Mmes Derozier et Le Guyader afin qu'elles nous fassent part de l'expérience pluridisciplinaire développée par l'ANCT concernant la situation spécifique des femmes dans les territoires ruraux et les actions susceptibles d'être menées localement pour l'améliorer.
Nous attendons donc une présentation du rôle de l'Agence en tant que relais de la thématique de l'égalité femmes-hommes dans les territoires ruraux ainsi que des outils mis à la disposition de leurs collectivités pour promouvoir cette égalité, comme la production de données et d'indicateurs sexués par l'Observatoire des territoires.
À cet égard, le Commissariat général à l'égalité des territoires a publié en mars 2018 un rapport d'étude intitulé Améliorer l'accès à l'emploi des femmes dans les territoires ruraux. Ce dernier a été suivi de la diffusion en mars 2019 d'un Guide des outils et bonnes pratiques destiné à favoriser l'accès à l'emploi des femmes dans ces territoires.
Mesdames, pourriez-vous revenir dans un premier temps sur les principales conclusions de ces deux publications ? En particulier, pourriez-vous nous éclairer sur les freins et les leviers à l'emploi des femmes observés dans ces territoires ?
Nous souhaiterions également savoir quel est l'échelon territorial le plus approprié pour mettre en oeuvre les bonnes pratiques et initiatives favorables à l'égalité femmes-hommes. S'agit-il selon vous de l'échelon communal, intercommunal, départemental, régional ? De quelles bonnes pratiques, initiées par les collectivités pour améliorer la situation des femmes dans les territoires ruraux, et appelant éventuellement une généralisation, avez-vous connaissance ? Des solutions itinérantes permettent-elles notamment de contourner des difficultés de mobilité ou d'accès à des services publics ?
Enfin, connaissez-vous le taux de recours, dans les territoires ruraux, à l'application Sofie (Système d'observation sur les femmes et d'information sur l'emploi) ? Ce système d'information sur l'emploi développé par l'ANCT permet en effet de dresser un diagnostic complet de l'emploi des femmes au niveau de l'intercommunalité.
Mesdames, je vous invite désormais à nous présenter, selon l'organisation qui vous convient, les analyses pluridisciplinaires développées par l'ANCT au sujet de la situation des femmes dans les territoires ruraux. Je vous informe que certains de nos collègues participent à cette réunion en visioconférence ; d'autres sont présents. Je les remercie tous de leur présence.
Mesdames, nous vous écoutons et vous remercions.
Merci Madame la présidente. Nous nous réjouissons d'intervenir ce matin. Nous nous efforcerons de vous présenter un exposé synthétique et nous tiendrons à votre disposition pour répondre à vos questions.
Nous souhaitons organiser nos propos de la manière suivante : mon intervention concernera d'abord la production de connaissances, car je suis responsable du pôle Analyses et Diagnostics territoriaux, dont l'Observatoire des territoires fait partie. Géraldine Derozier abordera ensuite les missions de l'ANCT relatives aux ruralités, dans le cadre de l'agenda rural notamment.
Mon propos s'articulera autour de trois temps : je récapitulerai tout d'abord les résultats de l'étude réalisée en 2017-2018. Elle s'est révélée structurante car elle s'est appuyée sur des séminaires de production de connaissances, de travail partenarial, de préconisations et de bonnes pratiques. J'évoquerai ensuite l'étude publiée le 8 mars dernier. Je vous en communiquerai le lien d'accès. Ce dernier rapport sur la situation des femmes en général comprend notamment quelques données récentes sur la situation des femmes en milieu rural.
Ensuite, je présenterai l'outillage, l'information et les données mises à disposition sur le site de l'Observatoire des territoires, notamment par l'application Sofie.
Enfin, je terminerai mon exposé en évoquant les pistes et le programme de travail envisagé en 2021.
L'étude de 2017-2018 concernait les freins et les leviers d'accès des femmes à l'emploi dans les territoires ruraux. Quelques années auparavant, une étude avait concerné les femmes des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Les principaux résultats de cette étude révèlent un taux d'emploi dans les territoires ruraux légèrement supérieur au chiffre national. En revanche, le taux de chômage des jeunes femmes y est plus élevé et les femmes travaillant à temps partiel ou non diplômées y sont plus nombreuses.
Toutefois, la problématique des femmes dans la ruralité est à appréhender au regard de la diversité des ruralités. La dynamique et la composition du tissu économique de ces territoires impactent différemment les emplois des femmes.
Les freins à l'accès à l'emploi des femmes dans les territoires ruraux s'expliquent par des caractères structurels - situation, profil, formation -, d'une part, et par des problématiques d'accompagnement d'autre part, relatives à la formation et à la mobilité. La possession d'un permis de conduire et les bassins d'emplois desquels dépendent les femmes en milieu rural constituent des facteurs pouvant limiter leur accès à l'emploi, de même que leurs responsabilités familiales et la possibilité de garde d'enfants par exemple, l'offre de services en milieu rural étant moindre qu'en zone urbaine.
Dans le cadre de cette étude, dont un des volets traitait de l'entreprenariat féminin, des filières d'avenir ont été explorées pour développer l'emploi des femmes :
- la filière numérique, où les femmes ne sont présentes qu'à hauteur de 27 %, contre 48 % dans le reste de l'économie ;
- les métiers verts et verdissants - agriculture, entretiens des espaces, circuits courts du tourisme vert - dont les enjeux actuels s'avèrent importants ;
- la silver economy relative à la problématique du vieillissement de la population, au sein de laquelle les femmes sont surreprésentées ;
- l'économie sociale et solidaire.
L'étude s'est appuyée sur des groupes de travail et un guide pratique a été publié afin de pointer la nécessité de mettre en place un certain nombre de politiques publiques relatives à l'emploi des femmes et aux territoires ruraux. Géraldine Derozier précisera ces éléments lorsqu'elle abordera l'agenda rural.
L'étude publiée à l'occasion du 8 mars est une étude globale portant sur la dimension territoriale de l'accès à l'emploi des femmes. Quelques chiffres illustrent la situation générale de l'emploi des femmes et révèlent les écarts observés dans les territoires ruraux.
Depuis 1975, la part des femmes dans la population active progresse et les différences entre les zones d'emploi s'estompent. Pour autant, le taux d'activité des femmes est inférieur de 6 % à celui des hommes. Dans les territoires ruraux à faible densité de population, la disparité s'avère plus faible car l'écart est de 5 %.
Par ailleurs, il convient de retenir que les jeunes femmes sont plus souvent touchées par le chômage que les jeunes hommes dans les territoires ruraux et les différences entre femmes et hommes sont plus marquées à la campagne qu'à la ville. La crise actuelle va accentuer probablement ce phénomène, dans des proportions qui restent à déterminer.
En fonction des territoires, ces écarts s'avèrent plus ou moins importants. Dans l'ouest de la France, les écarts femmes-hommes chez les jeunes chômeurs sont plus importants. Il est intéressant de noter que les femmes au foyer y sont plus nombreuses.
Dans l'ensemble, les territoires ruraux se distinguent des autres territoires par une offre d'emplois moins mixte (secteurs d'activité à dominante masculine : construction, agriculture, transport...). Nous observons une dichotomie entre la faible mixité des emplois et la surreprésentation des femmes dans le secteur médico-social. L'emploi se révèle donc beaucoup moins diversifié dans le secteur rural et très fortement concentré dans le secteur médico-social. Ce problème de mixité dans l'offre d'emplois est majeur. Comment en effet encourager les femmes à occuper des emplois dans des secteurs qu'elles occupent habituellement peu ?
Plus d'une femme sur cinq ayant un emploi dans les territoires ruraux travaille dans le secteur médico-social. Cette proportion représente le double de celle observée dans les territoires urbains. Ainsi, plus de 20 % des femmes travaillent dans le secteur médico-social contre 11 % dans le secteur urbain. Une femme sur quatre travaille dans le secteur de la santé, où les hommes sont peu présents.
Ces quelques données brièvement présentées témoignent de la situation actuelle. J'aborde maintenant le deuxième point de mon exposé : l'outillage et la mise à disposition de connaissances.
L'Observatoire des territoires existe depuis plus de quinze ans. Nous veillons à enrichir les données au fil des ans. Les données genrées sont de plus en plus présentes sur notre site, dont le meilleur exemple est l'application Sofie.
Cette application interactive, dont je vous communiquerai le lien d'accès, a été développée en 2019. Elle propose un découpage très fin du territoire - à l'échelle des intercommunalités et des ETP de la métropole du Grand-Paris (pour la nouvelle version) - et propose un certain nombre d'indicateurs sur un territoire observé. L'outil présente en effet les caractéristiques de l'accès à l'emploi des femmes - taux d'inactivité, chômage, temps partiel, contrats précaires et insertion des jeunes - et des freins à l'accès à l'emploi des femmes selon les territoires.
L'outil permet ainsi de faire apparaître des écarts genrés ; de comparer les territoires et d'aborder le thème des freins indépendamment des composantes liées à la formation et à l'emploi. Il propose des indicateurs relatifs à la composition de la famille - part des familles monoparentales ou nombreuses - à la non-mixité de l'offre d'emploi et de l'offre de formation, à l'accueil des jeunes enfants, à l'éloignement des écoles et au trajet domicile-travail.
Je développerai ce dernier point car la problématique de l'égalité femmes-hommes et les freins à l'accès à l'emploi pour les femmes nécessitent également d'appréhender la question de la mobilité. En effet, le bassin de vie des femmes est spécifique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, elles ont moins souvent accès à un véhicule, soit parce que leur ménage ne dispose pas d'un véhicule pour chaque membre du couple, soit parce qu'elles ne possèdent pas le permis de conduire.
Par ailleurs, les études menées sur les mobilités révèlent que les distances entre le lieu de travail et le domicile ont tendance à s'accroître, car les emplois demeurent très concentrés dans les milieux urbains, tandis que les habitations s'installent dans des zones plus isolées dans lesquelles les prix de l'immobilier sont moindres. La distance moyenne parcourue par les femmes pour se rendre sur leur lieu de travail est de seize kilomètres contre vingt-quatre pour les hommes, que ce soit en ville ou à la campagne. Le bassin d'emploi potentiel des femmes est donc plus restreint que celui des hommes.
Les contraintes horaires qui s'imposent aux femmes sont également plus fortes en raison des obligations familiales liées à leurs enfants, mais également au maintien des personnes âgées à domicile, qui nécessite un accompagnement aujourd'hui supporté par les familles. À nouveau, la crise sanitaire actuelle nous invite à être sensibles à ces problématiques.
Je terminerai mon exposé par la présentation des travaux en cours. L'ANCT a pour ambition d'accompagner davantage les collectivités territoriales dans leurs projets de territoire. Parallèlement à l'action publique, le chantier des ruralités monte en puissance, comme l'illustre la nomination d'un secrétaire d'État aux ruralités.
Nous avons notamment participé très activement à la définition du zonage rural, lequel a été validé lors du comité interministériel des ruralités de novembre 2020. Ainsi, nous avons largement contribué à la prise en compte des espaces peu et très peu denses dans la distinction des territoires ruraux et urbains. Jusqu'à présent, l'INSEE qualifiait en effet les territoires ruraux par défaut par rapport à l'urbain. Ceux-ci sont désormais mieux reconnus en matière d'espace et de population.
La définition de ce nouveau zonage rural constitue une avancée très importante, notamment pour l'INSEE, car la définition des zonages d'étude au niveau national en lien avec la politique européenne et celle d'Eurostat est essentiellement urbaine. Cependant, nous avons réussi à défendre davantage la cause rurale au niveau national, grâce à la spécificité de nos territoires nationaux et infranationaux.
Nous préparons un projet de comité de coordination entre des travaux relatifs aux ruralités, afin de qualifier la diversité des territoires ruraux. Certains sont éloignés des zones urbaines et très peu denses, comme les territoires de montagne ; certains demeurent très agricoles ; certains accueillent de manière diffuse des activités et des bassins industriels relativement importants ; d'autres enfin sont susceptibles de se mobiliser autour de l'accueil de jeunes retraités et de la diversification des activités de tourisme et de loisirs.
Nous veillerons à appréhender les diverses problématiques liées à celles des femmes dans la coordination des travaux que nous mènerons notamment avec l'INSEE, Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et les laboratoires universitaires.
Patricia Andriot et moi-même travaillons sous l'autorité de Simone Saillant à la mission ruralité. Nous nous occupons en particulier du suivi de la mise en oeuvre de l'agenda rural.
L'agenda rural constitue un ensemble de 181 mesures en faveur des zones rurales, lesquelles sont directement issues d'une mission menée en 2019 par cinq élus - quatre hommes et une femme.
Ces mesures diverses concernent l'accès aux services et leur coût, l'éducation et la formation, l'accès aux soins, l'ingénierie, le numérique et la démocratie locale. Aucune mesure ne concerne spécifiquement l'égalité femmes-hommes, mais plusieurs contribuent à favoriser un meilleur équilibre et à répondre à des enjeux d'égalité des chances. Je pense notamment aux dispositifs de mobilité, car la mobilité, en particulier au moyen de la voiture, représente un enjeu essentiel en milieu rural.
De nombreux jeunes rencontrent des difficultés à accéder au permis de conduire. C'est pourquoi nous avons soutenu un appel à projets des missions locales, qui vise à permettre aux jeunes de s'entraîner sur des simulateurs de conduite en complément des heures de conduite dispensées dans les auto-écoles, afin de mieux les préparer et de les mettre en confiance tout en limitant le nombre d'heures de conduite.
Nous suivrons cette mesure selon un filtre genré. Nous aurons ainsi accès à des données femmes-hommes sur les bénéficiaires de ces dispositifs. Nous estimons qu'environ soixante-dix missions locales de milieu rural mettront en place ces simulateurs de conduite.
Certaines mesures concernent la santé et beaucoup proposent le développement d'actions en faveur des jeunes. Les Cordées de la réussite mises en place par l'Éducation nationale permettent de jumeler des collèges ruraux avec de grandes écoles pour encourager les élèves à construire des projets de formation longue et de grande qualité. Nous suivons également cette mesure et en obtiendrons des résultats genrés.
Nous travaillons enfin avec l'Agence du service civique pour développer ce dernier dans les zones rurales. De nouveau, les résultats seront genrés.
Le nouveau dispositif de « volontariat territorial en administration » annoncé par le secrétaire d'État à la ruralité et reproduisant le « volontariat territorial en entreprise » vise à proposer un premier emploi aux jeunes diplômés de master en ingénierie. Ces derniers proposeront leur ingénierie aux communes rurales dans le cadre d'un contrat allant d'un an à dix-huit mois et soutenu financièrement par l'ANCT à hauteur de 15 000 euros. De nombreuses collectivités se sont d'ores et déjà montrées intéressées. Nous espérons que des jeunes femmes et des jeunes hommes seront ainsi motivés à venir travailler en milieu rural.
La « mesure 47 » de l'agenda rural vise à développer la communication traitant des métiers en tension dans le monde rural, afin de permettre aux femmes, notamment, d'y accéder.
Nous envisageons une convention interministérielle avec le ministère de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. Elle pourrait être signée lors du prochain comité interministériel aux ruralités qui se tiendra au mois de mai 2021. Elle vise à valoriser les actions déjà conduites en milieu rural et à proposer une concrétisation des mesures de l'agenda rural dans le cadre de l'égalité hommes-femmes.
L'agenda rural se déploie également par le biais du programme Petites villes de demain qui est piloté par France Services. Notre travail consiste par ailleurs à développer la transversalité de tous les dispositifs présentés par l'ANCT et offerts aux collectivités, car nos collègues proposant un appui en ingénierie sur mesure aux territoires travaillent aussi sur les questions de la ruralité.
Enfin, à la demande du secrétaire d'État chargé de la ruralité, chaque ministère a désigné un référent ruralité qui a pour mission de soutenir et de valoriser la politique particulière mise en place en zone rurale et d'animer un réseau de référents ruralité dans les préfectures.
Je vous remercie pour cette présentation. Je retiens de vos propos que la mobilité constitue un frein qui a été souvent pointé lors de nos précédentes auditions. Les deux premières difficultés que rencontrent les femmes dans ces territoires sont la mobilité et la garde d'enfants.
J'invite nos rapporteurs à intervenir.
Merci Madame la présidente. Je partage vos propos. La mobilité est le fil conducteur de nos auditions pour ce rapport.
Je suis un peu déçue de constater que peu de données genrées sont pour l'instant disponibles sur la ruralité. Je recommande pour notre rapport de progresser sur ce point.
Je suis également très surprise de la délimitation des métiers des femmes que vous avez présentée. J'ai l'impression qu'un plafond de verre s'exerce. Peu de postes à responsabilités proposés aux femmes ont été mentionnés.
Dès lors, comment faire évoluer cette situation ? L'accès aux services est limité et l'accès à la formation aussi. Les femmes sont encore pénalisées.
Considérez-vous que le télétravail, qui connaît une ampleur nouvelle dans le contexte de crise sanitaire que nous traversons, constitue une piste à approfondir pour diversifier la topologie des emplois que les femmes vivant en territoires ruraux peuvent exercer ?
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a relevé que les orientations vers la filière professionnelle sont plus différenciées entre les filles et les garçons, les stéréotypes de genre liés aux professions étant assez prégnants dans les territoires ruraux. Quels leviers préconisez-vous d'activer pour lutter contre ces stéréotypes ?
L'offre de formation reste minime. Comment la faire évoluer ?
Enfin, vous n'avez pas évoqué l'entreprenariat. Quelle est la place de l'entreprenariat féminin dans les territoires ruraux ?
Nous essayons de produire un maximum de données genrées. Nous nous efforcerons de vous proposer un certain nombre de tableaux, car l'étude que nous venons de publier se rapporte à la dimension territoriale.
La question de l'emploi des femmes se pose dans la ruralité. Cependant, elle ne se pose pas dans les mêmes termes selon les territoires observés. Nous mettrons à votre disposition davantage de données issues de nos bases.
Plusieurs études ont été menées sur le télétravail. Dans le cadre de la crise actuelle, les disparités se creusent clairement car le télétravail est accessible à certaines catégories d'emplois. La crise actuelle impacte indirectement les emplois à plus faible niveau de qualification, lesquels recourent moins au télétravail. Structurellement, les emplois occupés par les femmes sont donc plus touchés. Nous vous proposerons des liens vers d'autres études plus ciblées sur le sujet. Nous envisageons d'étudier les effets structurels de la crise à partir du deuxième trimestre 2021.
L'ANCT constitue avant tout un coordonnateur d'actions publiques. L'agenda rural se décline en plusieurs mesures mises en place par tous les ministères et sa dynamique intéressante permet d'aborder la situation des femmes. Cependant, il n'existe pas de programme femmes-hommes à l'Agence, car ce sujet transversal doit être approfondi par toutes les équipes.
L'entreprenariat féminin est abordé dans l'étude que je ne vous ai pas présentée intégralement. De belles initiatives ont été valorisées.
Pour répondre indirectement à la question portant sur la territorialité, je rappelle que nous travaillons en coordination interministérielle. L'accompagnement sur mesure existe lorsque les collectivités demandent un appui sur des projets. Des programmes thématiques comme Petites villes de demain, Action Coeur de Ville, Territoires d'industrie et France Services sont également mis en oeuvre.
La contractualisation constitue un troisième niveau d'intervention. Les nouveaux contrats de relance et de transition écologique, ou CRTE, seront proposés au niveau de l'intercommunalité sur tout le territoire national, y compris en outre-mer. Ils s'adosseront aux contractualisations habituelles que sont les contrats de plan État-Région ou les programmes européens. Ils permettront ainsi de travailler plus finement au niveau local. Dans ce cadre, les élus locaux auront l'opportunité de mieux prendre en compte la problématique des femmes. Ces périmètres de contrat ont été proposés par les acteurs locaux et sont coordonnés par les préfets de département.
Il semble donc qu'un levier d'action existe à l'échelle de l'intercommunalité. Un travail plus précis mettra en évidence les fragilités d'un territoire donné et les actions spécifiques à mener. La mobilité nécessite notamment une analyse fine des distances, à la dizaine de kilomètres près. Nous savons qu'il est vain de proposer à des femmes de travailler à cinquante kilomètres de leur domicile, car cette distance créera des difficultés pour elles.
Pour identifier les besoins des territoires sur ces questions, toutes les politiques de droit commun de tous les ministères méritent d'être déclinées à l'échelle territoriale fine proposée au travers des CRTE.
Merci Madame la présidente, merci aux intervenantes de ce matin pour la qualité de leur exposé.
Les auditions qui se sont tenues dans mon département ont mis en lumière le déficit d'offres de formation de niveau Bac+2 pour les jeunes filles, lesquelles rencontrent des difficultés en zone rurale pour effectuer de longs trajets dans le cadre de leur formation initiale.
Le réseau des lycées professionnels a mis en évidence la nécessité de travailler avec l'Éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur sur la diversification des offres de formation de type Bac+2 dans les territoires ruraux, afin d'accompagner les jeunes filles vers les métiers du numérique et du digital, car les réseaux se développent dans les territoires équipés de la fibre. Il reste néanmoins à imaginer et à structurer les usages et les métiers, car les filières sont émergentes.
D'autre part, les établissements de soins - EHPAD et réseaux de gérontologie de proximité - rencontrent des difficultés à recruter des personnels, en raison du déficit de formation observée dans ces territoires ruraux.
Le rapport que le CGET a publié l'année dernière sur la manière de favoriser l'accès à l'emploi des femmes dans les territoires ruraux montre une certaine faiblesse sur ce sujet. Avez-vous avancé sur ces préoccupations dans le cadre de l'agenda rural avec Joël Giraud ? Quelles stratégies l'ANCT et votre ministère développent-ils ?
Dans l'agenda rural, les campus connectés constituent une mesure d'avenir. Le ministère de l'enseignement supérieur finance l'installation de campus à distance pour permettre aux jeunes ruraux d'accéder à toutes les formations à distance disponibles sur l'ensemble de la France.
Un directeur de campus m'a assuré que les résultats en matière d'obtention des diplômes et de maintien dans la formation sont très bons. De plus, les jeunes ruraux diffèrent leur projet de départ vers un grand pôle universitaire. Souvent, ils n'imaginaient pas pouvoir effectuer leurs études supérieures dans un grand pôle universitaire. Le campus connecté leur permet de poursuivre leurs études à proximité de leur domicile pendant un ou deux ans, à l'issue desquels ils se sentent suffisamment armés pour rejoindre un grand pôle universitaire.
Le campus connecté encourage les projets professionnels des jeunes et élargit leur éventail de possibilités au plus près de leur territoire. Encore faut-il que les jeunes connaissent ce dispositif et s'imaginent capables d'y accéder.
Nous soutenons donc l'action de différentes associations. L'une des plus connues, Chemins d'avenirs, a été fondée par Salomé Berlioux. Elle propose un accompagnement par des personnalités ou des experts de divers métiers et territoires pour permettre aux jeunes, notamment aux jeunes filles, d'imaginer leur avenir professionnel au-delà de leurs ancrages habituels.
Nous soutenons également le projet Madame Artisanat qui a été initié par l'Assemblée permanente des chambres des métiers et de l'artisanat pour développer l'entreprenariat féminin dans le monde rural.
Nous apportons enfin notre soutien à une étude que nous avons récemment engagée sur l'exode urbain. Liée à la crise de la Covid-19, elle vise à confirmer le phénomène d'exode urbain, à inventorier, dans les territoires attractifs, les possibilités de reprise d'entreprise et à identifier les repreneurs potentiels.
L'ANCT propose en effet des approches par programmes et par territoires, mais ses champs d'intervention sont aussi sectoriels. L'Agence a été rejointe par l'Agence du numérique, dont une équipe déploie désormais ses actions sur l'ensemble des territoires, y compris les territoires ruraux. Les approches sur l'inclusion numérique constituent ainsi un levier en faveur de l'égalité des chances pour les personnes les plus éloignées.
Le projet numérique, transversal, a bénéficié du plan de relance et a vocation à prendre de l'ampleur.
Merci Mesdames pour vos interventions. Je souhaite vous interroger au sujet des familles monoparentales en milieu rural. Sylviane Le Guyader a évoqué la triple peine des femmes cheffes de familles monoparentales dans la ruralité, confrontées plus que d'autres aux difficultés ou à l'absence de modes de garde. Disposez-vous d'éléments plus précis à nous communiquer sur ce sujet ?
Vous avez également évoqué des actions publiques qui pourraient être menées pour favoriser la mobilité des femmes et des jeunes filles en milieu rural. Pourriez-vous nous les présenter ?
Je réponds au sujet des familles monoparentales et je vous communiquerai des données très précises pour vous permettre d'objectiver cette situation. D'une manière générale, les territoires ruraux, peu denses, voire très peu denses, offrent moins de services, l'offre de gardes d'enfants y est notamment peu étoffée. Je vous renouvelle ma proposition de compiler rapidement quelques données chiffrées.
Je laisse à Géraldine Derozier le soin de présenter les actions publiques.
Les actions ne sont pas toujours publiques, mais elles sont soutenues par le public. Je ne pourrai pas être exhaustive. En premier lieu, je citerai le projet Tressons qui vise à analyser et à renforcer l'impact de l'économie sociale et solidaire (ESS) sur les territoires ruraux et à permettre aux femmes de prendre toute leur place dans de nombreux domaines. Il propose notamment des solutions pour développer leur mobilité.
Certaines associations sont soutenues par des collectivités. Des initiatives de « pays » ou d'intercommunalités émergent pour proposer des solutions de covoiturage et de prêt de véhicules. Je pense également à certains réseaux de covoiturage gratuits, comme Rezo Pouce, ou à des réseaux sécurisés pour les mineurs. En effet, les parents des jeunes filles ne sont pas toujours en mesure de les accompagner en voiture à leurs activités. Leurs trajets en covoiturage ou en autostop doivent donc être sécurisés. De nombreuses offres existent sur les territoires. Je vous proposerai quelques liens d'accès.
Certaines solutions de garde d'enfants encouragent la mobilité des femmes en leur permettant d'accepter des horaires décalés. Il existe des micro-crèches et des crèches parentales à horaires décalés. Dans les Hautes-Alpes, une crèche a mené une expérimentation visant à permettre aux femmes de participer à la vie sociale et culturelle. Une fois par mois, l'établissement ouvre la nuit pour permettre aux femmes de participer à des réunions d'associations ou à des réunions de conseils municipaux. Le nombre de places est limité mais les résultats semblent concluants.
Je souhaite revenir sur les difficultés de mobilité des jeunes filles, notamment pour faire du sport. J'y ai été particulièrement sensibilisée lorsque je travaillais dans le Massif central. De nombreuses études montrent que les équipements sportifs de plein air - terrains de football et de rugby - sont souvent réservés aux hommes, tandis que les équipements sportifs intérieurs sont plutôt réservés aux femmes. Or tous les territoires ne disposent pas d'équipements intérieurs. C'est pourquoi de nombreuses communautés ou communautés de communes ont mis en place un système de ramassage ou de covoiturage pour les jeunes.
Merci Mesdames pour vos réponses. Nous sommes véritablement intéressés par toutes les bonnes pratiques qui peuvent être expérimentées à l'échelle de la commune, de l'intercommunalité, du département ou encore de la région.
La mobilité et la garde des enfants demeurent des freins majeurs. Nous attendons les différents éléments, statistiques et bonnes pratiques, auxquels vous avez fait référence.
Nous vous remercions d'avoir participé à l'audition de ce matin.
Je remercie également tous les collègues présents au Sénat et connectés ce matin ainsi que Victoire Jasmin, qui a représenté les territoires ultramarins.